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Et pourquoi pas la Turquie ? 

par Pierre Verluise, spécialiste de géopolitique 

 

A partir de données statistiques officielles, cette étude répond à la question suivante: comment les paramètres démographiques et économiques caractérisent-ils la Turquie par rapport à l'Union européenne ? Ce document s'appuie sur 13 graphiques et deux cartes géopolitiques des pays membres et candidats à l'Union européenne, dont la Turquie.

Biographie de l'auteur en ligne

Mots clés - key words: pierre verluise, élargissement de l’union européenne, géopolitique de l'union européenne, candidature de la turquie, démographie, économie, comparaison de la turquie avec la pologne et la roumanie, territoire, superficie de l'ue et des plus grands pays du monde, population estimée mi-2003 et projection en 2025, ined, ue15,ue25,ue27,ue plus turquie, ue30, chine, inde, etats-unis, indonésie, pakistan, brésil, bangladesh, nigéria, russie, mexique, japon, accroissement naturel 2003, indice synthétique de fécondité 2003, enfants par femme, taux de mortalité infantile, décès pour 1000 naissances, indice de volume du pib total par habitant en spa, standards de pouvoirs d'achat,  eurostat,statistiques en bref, emploi par secteur dans l'emploi total, agriculture, industrie, construction, services, diplômés de l'enseignement supérieur en sciences, taux de chômage, acquisition de la nationalité d'un pays membre de l'union européenne, indices de perceptions de la corruption, transparency international, géopolitique, géostratégie, analyse, étude.

 

Notes de la partie ci-contre:

[1] Au sujet des sources : une approche comparative n’a de sens qu’à condition de s’appuyer autant que faire se peut sur des séries statistiques validées et cohérentes. C’est à dire portant sur les mêmes années et des indicateurs identiques. Voici pourquoi il a semblé  préférable d’utiliser pour l’essentiel les données publiées par l’Institut national des études démographiques (INED) ou la Commission européenne, via EUROSTAT.  Dans les publications d’EUROSTAT en langue française, la Turquie apparaît dans les données portées sous la rubrique  « pays candidats », sous le sigle PC13. Appellation qui inclut donc les 10 pays intégrés en 2004, la Roumanie et la Bulgarie annoncées pour 2007 et la Turquie. Cependant, il faut  savoir que certaines séries portant sur les 13 pays candidats sont incomplètes, notamment pour la Turquie. Ce qui renvoie à un appareil statistique jugé perfectible. L’annuaire statistique de référence est EUROPEAN COMMISSION, "Statistical yearbook on candidates countries. Data 1997-2001", Luxembourg, Office for Official Publications on the European Communities,  2003, 219 p. Néanmoins, cet outil a plusieurs limites. D’une part, les données les plus récentes rassemblées là datent de 2001. Quand des données postérieures étaient disponibles sur le site d’EUROSTAT, celles-ci ont bien sûr été privilégiées. D’autre part, cet annuaire ne présente généralement pas, pour les indicateurs présentés, la moyenne UE15 ou mieux encore UE25. Ce qui oblige à croiser avec d’autres publications d’EUROSTAT pour mettre en place une approche véritablement comparative. Enfin, ni cet annuaire ni  le site d’EUROSTAT ne présentent au moment de la rédaction des données suffisantes pour la Croatie, dont la candidature a été envisagée par le sommet européen du 18 juin 2004. Sa population étant assez peu nombreuse - 4,4 millions d’habitants mi-2003 – ne modifierait probablement pas les conclusions essentielles de cette étude.

[2] PISON (Gilles), « Tous les pays du monde (2003) », in Population et Sociétés, n°392, juillet-août 2003, 8 pages. INED : 133 boulevard Davout, 75980, Paris, cedex 20, France.

[3] VERLUISE (Pierre), « L’élargissement, ça change quoi ? », in Outre-terre, n°7, Eres, mars 2004, pp. 43-61.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comment les paramètres démographiques et économiques fondamentaux caractérisent-ils la Turquie par rapport à l’Union européenne ?

L’étude de ce pays candidat doit intégrer une approche comparative, afin de pouvoir le situer de manière relative. D’abord par rapport à l’UE15, pôle qui produit environ 95% du Produit Intérieur Brut de l’UE25, élargie à dix nouveaux pays depuis le 1er mai 2004. Quand les données sont accessibles, il est bien sûr aussi intéressant  de situer la Turquie par rapport à l’UE25.  Parce qu’il s’agit du plus peuplé des pays récemment entrés, il paraît ensuite significatif de comparer les résultats de la Turquie avec ceux de la Pologne. Le PIB par habitant en Standards de pouvoir d’achat polonais étant inférieur à la moyenne des nouveaux membres, il importe d’avoir à l’esprit ce marqueur des défis démographiques, économiques et sociaux de l’élargissement effectif. Enfin, l’étude situe également la Turquie par rapport à la Roumanie, parce que c’est le plus peuplé des deux pays dont l’adhésion à l’UE a été annoncée pour 2007.

Ainsi, la méthode [1] retenue conduit à présenter quelques difficultés auxquelles sera confrontée l’Europe communautaire dans les prochaines années.

Quels territoires ?

Commençons par fixer les cadres territoriaux. Les territoires considérés ne sont pas tous aussi étendus. L’UE25 représente 3 991 milliers de km2, la Pologne 324, la Roumanie 239 et la Turquie 776.  Autrement dit, la Turquie est 2,39 fois plus étendue que la Pologne, le plus grand des 10 pays entrés en 2004. Par ailleurs, la superficie de la Turquie est plus de 2,2 fois supérieure à celles de la Roumanie et de la Bulgarie additionnées, annoncées pour 2007. Ajoutée à l’espace de l’UE27, la Turquie représenterait 15,1% du territoire communautaire. Même si la surface n’est pas à elle seule un facteur de puissance, il peut être intéressant de comparer l’UE aux plus grands pays de la planète. L’UE27 + la Turquie resterait bien moins étendue que les géants de la planète, comme le démontre le graphique 1 visualisant la superficie de l’UE et des plus grands pays du monde. L’intégration de tout ou partie des Balkans occidentaux ne modifierait pas considérablement la donne.

 

 

1. Les paramètres démographiques

 

Il importe d’inscrire les populations dans leur dynamique. Ce qui conduit à considérer ici la population estimée mi-2003 et la projection en 2025 faite par l’Institut national d’études démographiques (INED) [2] à partir des données de la World Population Data Sheet publiée aux Etats-Unis par le Population Reference Bureau (PRB). Bien sur, il convient de garder à l’esprit le caractère en partie aléatoire de toute prévision.

Sur le graphique 2, observons la population estimée mi-2003 et la projection en 2025 pour la Pologne, la Roumanie et la Turquie.

Sur le graphique 2, il appert clairement que la population de la Turquie est beaucoup plus nombreuse que celle des deux autres pays considérés. Avec 71,2 millions d’habitants mi-2003, la Turquie représente presque autant d’hommes et de femmes que le passage de l’UE15 (380,7) à l’UE25 (454,5) qui se solde par une croissance de 73,8 millions d’habitants.

Si la Turquie venait à adhérer à l’Union européenne aux alentours de 2010, son apport en habitants serait supérieur à l’élargissement de 2004. Si l’on étudie la projection en 2025, on note une stagnation en Pologne, une dépopulation manifeste en Roumanie et une forte augmentation des effectifs en Turquie : 17,7 millions d’habitants.

Incidences politiques

Il convient de garder à l’esprit les possibles incidences politiques, puisque le traité de Nice (2001) a innové en ajoutant une clause démographique. Celui fait foi tant que le projet de traité constitutionnel issu des travaux de la Convention n’est pas effectif. Un paragraphe a déjà été ajouté à l’article 205 du traité CE. Il spécifie que, sur demande d’un membre du Conseil, il sera vérifié lors d’une prise de décision à la majorité qualifiée si cette majorité qualifiée représente au moins 62 % de la population de l’Union. Si ce n’est pas le cas, l’acte en cause ne sera pas adopté. En 2025, la Turquie représenterait 15,4% de la population de l’espace UE27+Turquie. L’Allemagne, pays aujourd’hui le plus peuplé de l’UE25, perdrait ce premier rang pour passer au deuxième, avec 13,5% de la population de l’UE27+Turquie. Ankara et Berlin seraient alors les poids lourds politiques de l’UE, avec un total de 28,9% de la population UE27+Turquie.

Quant au projet de traité constitutionnel mis au point par les dirigeants de l’UE25 le 18 juin 2004, il définit la majorité qualifiée au Conseil comme réunissant 55% des Etats représentant 65% de la population. Ici encore, le poids démographique de la Turquie aurait des incidences politiques non négligeables.  

Comment caractériser la croissance démographique turque ? Contrairement à celle de l’espace UE27, celle-ci résulte d’un accroissement naturel significatif, comme le démontre le graphique 3 visualisant l’accroissement naturel estimé pour 2003.

L’étude de ce graphique permet tout d’abord d’observer un effet peu mis en avant lors de l’élargissement de l’Union européenne de 15 à 25 : le tassement significatif de son accroissement naturel, puisqu’il tombe de 0,8 à 0,5 habitant pour 1000. A l’exception de Chypre et de Malte, les 8 autres pays entrés le 1er mai 2004 perdent tous de la population. L’accroissement naturel moyen estimé des 10 nouveaux membres en 2003 est de –1,1 pour 1000 hab. Avec –0,2, la Pologne n’est donc pas la lanterne rouge, place peu enviable qui revient à la Lettonie (-5,3). L’adhésion de la Roumanie n’arrangerait rien (-2,6), la Bulgarie étant dans une situation encore pire : -5,9.  

Comparativement, la situation de la Turquie semble bien différente avec un accroissement naturel estimé en 2003 à 15 hab. pour 1000. Intégrée à l’Union européenne, la Turquie serait probablement pour plusieurs décennies son seul espace de fort accroissement naturel.  

Une fécondité bien supérieure à celle de l'UE

Pour l’heure, la croissance naturelle de la Turquie résulte notamment d’une fécondité bien supérieure à celle des pays de l’UE, comme en témoigne le graphique 4 présentant l’indice synthétique de fécondité en 2003.

Si l’on considère qu’il faut au moins 2,1 enfants par femme pour assurer le renouvellement d’une population, seule la Turquie apparaît ici en position favorable. Alors que l’intégration de 10 voire 12 nouveaux pays creuse le déficit antérieur de l’Union européenne, la Turquie semble à nouveau dans une situation singulière. Au vu de ces chiffres, on comprend mieux pourquoi la proportion des moins de 15 ans par rapport à la population totale y atteint 30%, alors qu’elle se limite à 18% en Roumanie comme en Pologne et 17% dans l’UE15. La différence semble encore plus parlante si l’on considère les moins de 25 ans en 2001 : 49,8% en Turquie, 35,8% en Pologne, 34% en Roumanie et 29% dans l’UE15. Autrement dit : un Turc sur deux a moins de 25 ans.  

Configurations

Il importe, maintenant, de raisonner à l’échelle de l’Union européenne dans plusieurs configurations, à 15, à 25, à 27 c’est à dire avec la Roumanie et la Bulgarie, enfin à 27 plus la Turquie.  

C’est le sens du graphique 5 présentant la population estimée mi-2003 et la projection en 2025 de l’UE.  

Ce graphique met en évidence le tassement relatif de la croissance démographique communautaire induit par le passage de l’UE15 à l’UE25 [3]. Alors que l’UE15 connaîtrait de 2003 à 2025 une croissance de 2,44%, l’UE25 engrangerait seulement une croissance de 1,76%. Et le passage à l’UE27 n’arrangerait rien (1,15%). En revanche, l’intégration de la Turquie se solderait par un accroissement global de 4,19% de l’ensemble UE27+Turquie. La croissance des effectifs induite par l’intégration de la Turquie – soit 88,9 millions d’habitants en 2025 – résulte d’une population beaucoup plus féconde et jeune que celle de l’UE27, comme nous le verrons par la suite.  

La cartographie permet de spatialiser ces données, comme le montre la carte 1 : Projection de la population de l’espace UE de 2003 à 2025.

  Date de la mise en ligne: 24 septembre 2004.
         

         

Notes de la partie ci-contre:

[1] L’avantage de l’UE sur les Etats-Unis en matière d’effectifs semble à considérer avec précaution parce que la dynamique des populations n’est pas identique. Cette information semble importante à prendre en compte tant une partie de la littérature de l’élargissement est  hantée par le désir de tout justifier par le projet de « rattraper – voire dépasser -  les Etats-Unis ».

 

[2] Intervention dans le cadre du Séminaire de valorisation de la recherche de l’Institut national des études démographiques (INED, Paris), séance du 6 avril 2004 : « Démographie et Démocratie dans l’Europe des 25 ». Synthèse des exposés et des débats rédigée par Benoît RIANDEY.

[3] EUROSTAT, « Statistiques en bref. Commerce extérieur. Thème 6 – 5/2000. La Turquie et l’UE », 4 pages.

[4] Le débat citoyen autour de l’élargissement eut été utilement éclairé par la mise à disposition plus précoce de ces données à l’échelle de l’UE25. Attendre son effectivité pour donner les éléments de la réflexion semble une procédure discutable dans un espace démocratique.

[5] EUROSTAT, «Statistiques en bref. Economie et finances. 27/2004. Prix et parités de pouvoir d’achat. PIB par habitant en standards de pouvoir d’achat pour l’UE, les pays candidats et l’AELE. Estimations rapides 2003 », 4 p. Les données consolidées – dites finales – seront pour cette même année 2003 publiée en 2005, aussi utiliserons-nous cette source.

[6] Si l’on considère le volume par tête UE15=100 pour 2002, l’UE25 chute à 91 pendant que les Etats-Unis restent à 137. Le différentiel entre l’UE et les Etats-Unis passe donc de 37 à 46%.  EUROSTAT, « L’élargissement de l’UE. La nouvelle UE à 25 comparée à l’UE15 », communiqué de presse 36/2004, 11 mars 2004, 6 pages.

 

 

Commentaire de la carte 1, ci-dessus: A part l’Allemagne, la Grèce et le Portugal, tous les pays de l’UE15 gagneraient des habitants. Au sein des nouveaux Etats membres depuis le 1er mai 2004, seule Chypre serait dans cette situation. La Lituanie, la Pologne, la Slovénie et Malte verraient leurs effectifs rester stables, mais très probablement vieillir. La Lettonie,  l’Estonie, la République tchèque, la Slovaquie et la Hongrie perdraient des habitants. Les deux pays candidats pour 2007, la Roumanie et la Bulgarie, s’inscrivent également dans une dynamique de dépopulation. De tous les pays membres ou candidats représentés, la Turquie serait le pays dont la population gagnerait le plus d’effectifs. Estimée mi-2003 à 71,2 millions d’habitants, sa population pourrait atteindre 88,9 millions en 2025. Soit un gain de 17,7 millions, ce qui équivaudrait à la population totale des Pays-Bas en 2025. On imagine mal Ankara s’interdisant de négocier son poids démographique en termes politiques.

A l'échelle mondiale

Poursuivons notre approche démographique en passant à l’échelle de la planète, en visualisant la population estimée mi-2003 et sa projection en 2025 pour l’UE et les onze pays alors les plus peuplés, sur le graphique 6.

Le graphique 6 montre combien, à l’échelle de la planète, l’élargissement à 25, voire à 27 et même à 27 + la Turquie n’empêchent pas l’Union européenne d’être largement distancée par des pays bénéficiant d’une croissance démographique bien plus significative : l’Inde et la Chine. Ce graphique met aussi en évidence la croissance démographique des Etats-Unis. Grâce à son dynamisme et à son attractivité, la première puissance mondiale gagnerait de 2003 à 2025 l’équivalent d’une France au tournant du millénaire : 59,6 millions d’habitants.

Les Etats-Unis  consolident leur avantage relatif

Sur la même période, l’espace UE27 + la Turquie gagnerait « seulement » 23,2 millions d’habitants, soit moins de la moitié de la croissance des Etats-Unis. [1] Certains partisans de la candidature turque feront observer que sans l’apport de la Turquie, l’UE27 n’augmenterait que de 5,5 millions d’habitants. L’UE27 ferait toujours mieux que la Russie – qui chuterait de 145,5 à 136,9 – et le Japon dont les effectifs passeraient de 127 à 121,1 millions. 

Quoi qu’il en soit, ces chiffres montrent combien l’Europe communautaire serait bien inspirée de mettre – enfin – en place une politique démographique. Celle-ci comprendrait au moins deux volets : d’abord une politique de la famille, ensuite une politique migratoire concertée. Le « chacun pour soi » a trouvé depuis longtemps ses limites.

Turquie. Crédits: Commission européenne

La jeunesse de la population turque permettrait-elle à l’UE de peser plus lourd par rapport aux autres zones de libre-échange ? Chercheur à l’Institut national des études démographiques, Jean-Claude Chesnais s’est penché sur la question[2] . Il répond par la négative après avoir étudié dans leur dimension actuelle (Canada, Etats-Unis, Mexique) ou future l’ALENA et la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA). Ces deux aires présentent des dynamiques démographiques internes fortes. Alors qu’en 2050 la population de l’espace UE30 (UE25 + Roumanie, Bulgarie, Croatie, Serbie et Turquie) devrait avoisiner 563,3 millions d’habitants, l’ALENA atteindrait alors 588 millions et la ZLEA 1, 160 milliard. L’intégration de la Turquie ne permettrait pas davantage à l’UE de passer devant l’ASEAN. D’autant que le Japon demande à la rejoindre et – qui sait – peut-être un jour la Chine et / ou l’Inde. Son étude ruine donc pour une part l’argumentaire de ceux qui veulent voir dans l’intégration de la Turquie un moyen de capter sa jeunesse pour pallier le vieillissement de la majorité de l’espace communautaire.

Quelle mortalité infantile ?

Etudions maintenant un indicateur significatif pour évaluer le niveau de développement économique et social : la mortalité infantile. C’est à dire le nombre de décès dans la première année pour 1000 naissances vivantes. Lors de la création par six pays de la Communauté économique européenne, ce taux atteint 33,8. Il est tombé à 4,6 en 2001 pour l’UE15. On mesure le chemin parcouru par les pays de la Communauté et celui qui reste à surmonter pour la Turquie à l’étude du graphique 7 visualisant le taux de mortalité infantile en 2003.

Au vu du graphique 7, la différence entre la Pologne et la Roumanie saute d’abord aux yeux. Pour autant, la situation paraît bien plus grave en Turquie, où 39 enfants sur 1000 disparaissent dans leur première année. Ce qui place la Turquie dans une situation inférieure à la Chine (32), mais aussi au Brésil (33), au Honduras (34), à l’Equateur (35), à l’Arménie (36) et au Maroc (37).  

Cet indicateur - qui résulte pour une large part du niveau de développement économique d’une société - amène à aborder maintenant la seconde dimension de cette étude comparative. 

 

2. Les paramètres économiques

Comment les paramètres économiques fondamentaux caractérisent-ils la Turquie par rapport à l’Union européenne ? 

« L’économie de la Turquie – seconde des pays candidats derrière la Pologne – s’est caractérisée au cours des années 1990 par une inflation élevée et une croissance irrégulière», écrit Tim Allen dans une publication d’Eurostat. [3] L’expert poursuit : « C’était encore le cas lorsque l’activité économique s’est ralentie vers le milieu de 1998 après plusieurs années de forte croissance, tandis que l’inflation s’établissait à 84,6%. Comme de nombreux pays candidats, la Turquie a souffert des effets des crises financières russe et asiatique. […] Le commerce Turquie-UE a été stable au cours des dix dernières années (décennie 1990), représentant approximativement la moitié des importations et des exportations de la Turquie. » Sur cette même période, la Turquie importe plus qu’elle n’exporte. L’Allemagne et les Etats-Unis sont ses principaux partenaires commerciaux. En 1998, la Turquie représente pour l’UE le sixième marché à l’exportation. Au vu des statistiques du commerce extérieur, le poids de la Turquie par rapport aux Etats membres de l’UE semble alors comparable à celui de la Pologne ou du Portugal.

EUROSTAT dixit

Considérons maintenant des données plus récentes à l’échelle de l’UE25. En effet, l’élargissement de l’Union européenne à dix nouveaux pays devenu effectif, Eurostat à commencé à publier des données rapportant les comparaisons non plus à l’échelle de l’UE15 mais à celle de l’UE25 [4]. Il en va ainsi d’une étude achevée le 26 mai 2004 présentant le PIB par habitant en standards de pouvoir d’achat, [5] présentée sur le graphique 8.

Tout d’abord, chacun peut constater sur le graphique 8 la dégradation apparente du PIB par habitant en Standards de pouvoir d’achat engendré par l’élargissement du 1er mai 2004, puisqu’il chute de 9 points. C’est le résultat de l’intégration de pays nettement moins productifs que les membres de l’UE15. On relève, au passage, que le différentiel avec les Etats-Unis se détériore dans cette approche statistique [6].

Un PIB par habitant en SPA à peine supérieur au quart de celui de l'UE25

Par ailleurs, le décalage entre la Pologne (46) et la Roumanie (30) permet de comprendre pourquoi Bucarest a été renvoyée à plus tard. Enfin, la candidature de la Turquie s’avère marquée par un sérieux handicap. Son PIB par habitant en SPA (27) est à peine supérieur à un quart de celui de l’UE25 en base 100.  

Encore faut-il ne pas oublier que la population de la Turquie – estimée à 71,2 millions en 2003 et prévue en 2025 à 88,9 – pèserait d’un poids autrement plus lourd que celui de la Roumanie (21,6 millions en 2003 et 20,6 en 2025) et de la Bulgarie (7,5 millions en 2003 et 6,0 en 2025). Autrement dit, à l’horizon 2025, le poids humain de la Turquie pèserait 3,3 fois celui de l’élargissement annoncé pour 2007.  

Il importe de spatialiser ces observations avec la carte 2 : UE15, 10 pays en passe d’adhérer et 3 pays candidats : indices de volume du PIB total par habitant en SPA, estimation rapide 2003, UE25=100 

   

 

       

         

Notes de la partie ci-contre:

[1] EUROSTAT , « Statistiques en bref. Population et conditions sociales. Thème 3 – 21/2003. Pauvreté monétaire dans les pays en passe d’adhérer et les pays candidats », 8 pages. En dépit d’efforts d’harmonisation, les auteurs admettent volontiers que « les indicateurs des pays candidats et en passe d’adhérer ne peuvent être considérés comme entièrement comparables avec ceux de l’UE, ni même entre eux, en raison des différences entre les sources de données ».

[2] On notera, au passage, que Chypre et les trois pays baltes intégrés en 2004 affichent des résultats peu flatteurs à ce propos.

[3] EUROSTAT, « Statistiques en bref. Population et conditions sociales. Thème 3 – 3/2004. Acquisition de nationalité », 8 pages.

[4] CHESNAIS (Jean-Claude), « Géopolitique de l’Eurasie : le point de vue du démographe », entretien avec P. VERLUISE, mis en ligne en avril 2003 sur le site www.diploweb.com .

[5] MONNIER (Alain), « L’Union européenne élargie : quinze + dix = 455 », in Population et sociétés, n°398, février 2004, 8 pages.

[6] Cf. VERLUISE (Pierre), « Carte de la corruption dans l’espace UE27 en 2003 », mis en ligne en septembre 2004 sur le site www.diploweb.com. Cette page présente également un graphique présentant la situation de chaque pays et un commentaire.

[7] DORIN (Bernard), « La Turquie dans l’Union européenne ? », mis en ligne en décembre 2003 sur le site www.diploweb.com  

[8] Voici l’évolution du taux de participation aux élections pour le Parlement européen : 1979 : 63%. 1984 : 61%. 1989 : 58,5%. 1994 : 56,8%. 1999 : 49,8%. 2004 : 45,5%. Chacun constate que la chute est continue. Pour la deuxième fois consécutive, moins de la moitié des électeurs européens participent à la désignation de leurs représentants. Si la tendance se poursuivait, à peine 40% se déplaceraient pour les prochaines élections, prévues en 2009.

[9] Pour une mise en perspective depuis les origines du processus communautaire : VERLUISE (Pierre), « L’Union européenne, une démocratie paradoxale », mis en ligne en janvier 2004 sur le site www.diploweb.com . .

 

 

 

Commentaire de la carte 2, ci-dessus : Les pays les plus productifs sont clairement situés dans l’UE15. Chacun reconnaît sur cette carte la forme de la mégalopole européenne, de Londres – voire Dublin – à Milan, en passant par l’Allemagne. A l’arc de la mégalopole répond – en creux -  l’arc des 10 Etats en passe d’adhérer ou candidats, de l’Estonie à la Turquie, en passant par la République tchèque. La Pologne pourrait faire illusion, du fait de sa population assez nombreuse, mais l’œil distingue bien que la hauteur de son « bâtiment » s’approche de celle des pays baltes. Ces 4 Etats forment un espace assez peu productif. La Turquie est encore en moins bonne posture.

L'UE est-elle capable de mettre à niveau un tel territoire ?  

Le poids que représenterait la Turquie pour le budget communautaire serait considérable si l’on prend en considération non seulement sa population prévisible mais aussi l’étendue de son territoire à aménager aux normes communautaires (776 milliers de km2). Faute de quoi des régions entières deviendraient de plus en plus périphériques, avec les effets induits par ce processus.  

L’étude de l’emploi par secteur d’activité permet une approche plus fine des différenciations entre les trois pays considérés, comme le montre le graphique 9 : Emploi par secteur dans l’emploi total en 2001 (en % du total).  

Comparativement à la Roumanie, la Turquie présente une répartition de l’emploi par secteur plus « moderne ». En effet, la part de l’agriculture est moindre en Turquie (35,4%) qu’en Roumanie (44,4%). Surtout, la part des services est supérieure en Turquie (40,9%) à ce qu’elle est en Roumanie (29,7%). La Pologne est des trois pays celui qui présente le meilleur résultat (50,1%) dans le secteur réputé le plus porteur. Il n’empêche qu’on reste loin des 67,2% d’emplois dans les services de l’UE15 à cette même date.  

Combien de diplômés de l'enseignement supérieur en sciences ?

L’étude de la part des diplômés de l’enseignement supérieur en sciences – élément déterminant pour le développement d’une société – apporte également un éclairage intéressant, sur le graphique 10.

Ainsi, la Turquie compte proportionnellement deux fois plus de diplômés de l’enseignement supérieur en sciences que la Pologne. Peut-être faut-il y voir un fruit de la civilisation islamique, longtemps férue en la matière. La Turquie devance également la Roumanie, mais elle n’arrive cependant pas au  résultat de l’UE15.

15% d’illettrés

Pour autant, ces chiffres flatteurs pour Ankara ne doivent pas devenir l’arbre qui cache la forêt. J.C. Chesnais fait observer que la Turquie compte 15% d’illettrés quand l’UE25 n’en compte que 2%. La mise en relation de ces données esquisse donc un pays marqué par une forte hétérogénéité.  

Il faut probablement recourir également aux facteurs culturels pour expliquer les différences quant aux nombres de femmes diplômées dans l’enseignement supérieur. En 2001, elles ne dépassent pas 42,9% du total en Turquie. Alors qu’elles en représentent 54,8% en Roumanie, 55,9% dans l’UE15 et 65,9% en Pologne. La Turquie apparaît donc dans une situation différenciée en ce qui concerne le statut des femmes. 

Les exclus

Ce qui amène à s’intéresser plus largement aux exclus des sociétés concernées. Commençons par le taux de chômage en 2001, sur le graphique 11.  

Pour commencer, l’Union européenne se caractérise par des résultats médiocres, les politiques gouvernementales et communautaires s’avérant depuis trop longtemps incapables de faire baisser significativement le taux de chômage, contrairement aux Etats-Unis. Le graphique 11  permet, ensuite, d’observer que la Turquie semble en bien meilleure posture que la Pologne, le plus peuplé des pays entrés en 2004. A cette date, la situation est encore plus grave dans ce pays : 19,1%. Enfin, chacun a observé que la Roumanie présente en 2001 des chiffres assez flatteurs, mais la situation s’y est également dégradée depuis.  

Plus de pauvres en Turquie que dans l'UE

Au-delà du chômage, l’étude de l’exclusion doit aussi intégrer celle de la pauvreté. Comment faire ? Lors du Conseil européen de Laeken (2001), les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE ont approuvé un premier ensemble d’indicateurs statistiques communs sur l’exclusion sociale et la pauvreté. Afin de mettre en évidence le caractère multidimensionnel du phénomène, les indicateurs couvrent quatre domaines déterminants : pauvreté financière, emploi, santé et éducation. La rédaction du premier rapport partiel rendu public à ce sujet a été terminée le 7 juillet 2003 [1].

Il apporte plusieurs informations comparatives précieuses pour caractériser la Turquie par rapport au profil communautaire. Le document présente tout d’abord la part de la population menacée de pauvreté par pays en 1999, c’est à dire vivant dans des ménages dont le « revenu disponible équivalent » est inférieur à 60% du revenu équivalent médian national. La moyenne de l’UE15 est alors de 15%. La Pologne avoisine 14% et la Roumanie dépasse 16%. En d’autres termes, ces deux pays d’Europe centrale et orientale semblent afficher des résultats assez proches de ceux de l’UE15 en ce qui concerne l’exposition au risque de pauvreté. Observation que l’on peut presque généraliser aux pays intégrés en 2004 ou prévus pour 2007.

La Turquie - avec 23% - se démarque franchement de l’UE15 comme de l’UE27. Ce qui signifie que des 28 considérés cet Etat est celui où l’exposition au risque de pauvreté s’avère – de loin – le plus élevé.

Turquie. Crédits: Commission européenne

En observant les effets induits par les seuils retenus, l’étude montre ensuite que la Turquie est le pays où l’on retrouve la part la plus importante de pauvres (69%) au-dessous du seuil des 50% (du revenu national médian). 40% des personnes menacées de pauvreté ont en fait un revenu équivalent inférieur au seuil de 40% . Ce qui témoigne d’une forte intensité du risque de pauvreté. De tous les pays candidats et en passe d’adhérer, la Turquie affiche le plus important écart  entre le revenu médian des pauvres et le seuil de 60% retenu par convention [2]. Enfin, la Turquie est le pays qui présente la répartition la moins équitable des revenus.

Une intégration indirecte et non dite ?

Comment s’étonner que cela se traduise par des flux migratoires importants ? On lit peu, cependant, que l’intégration de la Turquie à l’espace communautaire se fait déjà - d’une certaine manière - par ses émigrés obtenant la nationalité d’un pays membre de l’UE.

Il faut avoir à l’esprit que l’obtention de la nationalité d’un Etat de l’UE garantit un séjour continu et non limité dans l’ensemble de l’UE. Ainsi, la politique mise en œuvre par chaque Etat membre concerne – en fait – tous les Etats membres bien que la coordination soit minimaliste en la matière.

Une étude d’Eurostat portant sur 27 pays de l’UE et de l’Espace économique européen éclaire le propos. « Trois groupes représentent à eux seuls 40% des acquisitions de nationalité : il s’agit des Turcs, des Marocains et des ex-Yougoslaves. Dans la plupart des 27 pays, les nationaux originaires de ces trois zones figurent parmi les principaux groupes ayant obtenu une nouvelle nationalité au cours des dernières années. Au Danemark et en Allemagne, les Turcs constituent le groupe le plus important ; en Autriche, en Belgique et aux Pays-Bas, ils forment le deuxième groupe en importance.» [3] Considérons pour les trois pays étudiés l’acquisition de la nationalité de l’un des trois pays les plus productifs de l’UE au vu de leur PIB, sur le graphique 12.

Le graphique 12 appelle deux observations.

Premièrement, en Allemagne, en France comme au Royaume-Uni, les Turcs représentent de loin le groupe le plus important pour l’acquisition de la nationalité du pays considéré.

Stratégie allemande

Deuxièmement, la singularité allemande s’impose. Elle résulte à la fois de l’histoire des relations entre ces deux sociétés et d’une politique mise en œuvre par Berlin pour tenter d’éviter une dépopulation marquée par le recours à des naturalisations massives. Jean-Claude Chesnais l’explique ainsi : « L'Allemagne fédérale est devenue le premier pays de l’UE pour l'immigration. La clé d'une non décroissance de la population en RFA aujourd'hui se trouve dans l'immigration d'Allemands de la diaspora et d'étrangers. Officiellement, la RFA compte plus de 7 millions d'étrangers. Cependant, il y a des clandestins, ce qui porte peut-être le nombre d'étrangers en Allemagne à plus de 8 millions, sur une population totale de 82 millions . Depuis 1998, l'Allemagne du chancelier G. Schröder naturalise beaucoup. Résultat, beaucoup d'étrangers sont incorporés à la population allemande. Ces dernières années, l'Allemagne a naturalisé jusqu'à 300 000 personnes par an ! La France naturalise environ 100 000 personnes par an. En fait, les responsables allemands sont très pragmatiques: ils refusent de voir la population de nationalité allemande s'effilocher. Ils ne veulent pas laisser croître la population étrangère de 2 à 3 % par an et la population allemande décroître de 1 % dans le même temps. Ce serait une poudrière. Alors, ils naturalisent à tour de bras. »[4]

Au-delà de l’Allemagne, il faut savoir que depuis la fin des années 1980, les migrations constituent le moteur essentiel de la croissance démographique de l’Union européenne, pesant le double de l’accroissement naturel [5].

Quelles pratiques du pouvoir ?

Enfin, la perspective de fonds communautaires au bénéfice de la Turquie conduit à s’intéresser à la qualité de ses moyens administratifs et judiciaires. La corruption pourrait-elle réduire pour le plus grand nombre le bénéfice escompté des aides, au profit de quelques-uns uns ?  L’organisation non gouvernementale Transparency International apporte une réponse à travers l’indice de perceptions de la corruption en 2003, sur le graphique 13.

Sur le graphique 13, plus la note d’un pays est proche de zéro, plus grave est la corruption.  Que la Roumanie soit dans une situation plus déplorable encore que la Turquie plaide-t-il pour Ankara ? Bien que la corruption offre des marges de manœuvres pour les acteurs extérieurs, le bon sens tend cependant à y voir un facteur d’instabilité, tant sur le plan économique que politique. 

L'UE au plus offrant ?

Le détournement par des criminels d’une partie des fonds communautaires pourrait devenir un des effets collatéraux des élargissements du XXI e siècle. Avec pour conséquence envisageable « l’achat » de dirigeants par les maffias, grâce à ces fonds détournés. Résultat, un projet démocratique renforcerait à ses dépens les structures criminelles, par définition peu portées sur une pratique vivante de la démocratie. Le projet communautaire serait alors structurellement amoindri [6]. Outre les milieux criminels, des puissances étrangères pourraient aisément « s’offrir » des dirigeants.

Voir une carte de la corruption dans l'espace UE27+Turquie

Risques externes

Aux risques internes s’ajouteraient des risques externes, liés aux frontières orientales et méridionales du pays. L’Ambassadeur de France Bernard Dorin remarque qu’il « suffit de jeter un regard sur la carte de la Turquie pour constater qu’elle a des frontières communes avec cinq États dans lesquels sa partie orientale est en quelque sorte encastrée : la Géorgie (250 kms); l’Arménie (300 kms); l’Iran (400 kms); l’Irak (250 kms) et surtout la Syrie (750 kms). Or cette intimité, pour ainsi dire « physique », avec trois grands États du Proche Orient particulièrement instables que sont l’Iran, l’Irak et la Syrie, sans parler des États transcaucasiens, montre à l’évidence ce fait capital : si la Turquie faisait un jour partie de notre Europe, elle l’impliquerait fatalement dans les conflits armés qui affectent cette partie du monde » [7]. La modestie des résultats de la Politique étrangère et de sécurité commune durant la décennie 1990 dans les Balkans ne permet pas d’affirmer que l’UE soit a priori capable de relever le défi. La dimension des opérations extérieure menées en 2003 - Concordia (450 personnes) et Artémis (2 200 personnes) - impose un certain réalisme. Certes, l’OTAN – dont la Turquie est membre depuis longtemps – pourrait offrir des moyens, mais à quelles conditions ? Cela ouvre alors la question des contradictions et/ou des synergies entre l’OTAN et l’Europe de la défense. Un domaine pour lequel Ankara dispose déjà d’un levier qui peut se transformer en accélérateur comme en frein, via l’usage possible de son veto sur l’usage des moyens de l’OTAN. 

L’échec en avril 2004 du plan conçu avec l’appui de l’Organisation des Nations Unies pour mettre fin à la division de Chypre peut également nourrir  la réflexion. L’élargissement du 1er mai 2004, se solde effectivement par l’intégration dans l’espace communautaire d’un territoire en partie occupé par un pays extérieur… mais candidat à l’UE : la Turquie.

La langue de bois communautaire

Voilà un exemple des limites d’une méthode communautaire parfois caractérisée par un mélange de volontarisme, de fuite en avant et de naïveté. Preuve - au jour de cet événement historique - des insuffisances de la langue de bois téléologique.  

La médiocre participation aux élections pour le Parlement européen du 10 au 13 juin 2004 (45,5%) pointe une nouvelle fois[8] du doigt les effets de cette manière de mettre en œuvre la construction communautaire [9]. Ce résultat ne permet pas de tabler avec certitude sur un enthousiasme virulent à l’idée d’un «impôt communautaire» pour financer un énième   élargissement. Alors que les 10 pays entrés en 2004 ne cessent déjà de se bagarrer pour augmenter les dotations communautaires à leur bénéfice, on les voit mal abandonner ce qu’ils pensent à tort ou à raison être leur dû. Sauf à considérer de fortes pressions du pays – non-européen – le plus favorable à l’entrée de la Turquie dans l’UE : les Etats-Unis.

Compte tenu des faiblesses de la citoyenneté européenne, une intégration de la Turquie sans l’adhésion d’une majorité des citoyens de l’Union européenne et de la Turquie pourrait produire des effets désastreux. En plus des difficultés démographiques, économiques, institutionnelles, diplomatiques et militaires, ceux qui s’en veulent les partisans ont à relever un défi de méthode.

Pierre Verluise Manuscrit clos le 19/09/2004

Consulter une étude complémentaire: "Quelles sont les dynamiques socio-économiques à l'oeuvre en Europe ? par Pierre Verluise. Avec deux cartes inédites.

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