www.diploweb.com Géopolitique
de l'Union européenne "France-Allemagne : un tandem en panne ?" dirigé par Roland Hureaux |
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Editions
Corlet, revue "Panoramiques", 3 e trimestre
2001, n° 54, 232 p. Voici une lecture nécessaire dans la perspective du 40 e anniversaire du Traité de l'Elysée, en 2003. Ancien élève de l'Ecole Normale Supérieure et de l'Ecole Nationale d'Administration, auteur de "Les hauteurs béantes de l'Europe" (éd. F.-X. Guibert 1999), Roland Hureaux a dirigé la réalisation de ce recueil d'articles. Près de 35 auteurs se trouvent ici rassemblés. Les uns sont Français, les autres Allemands. Ils appartiennent à des milieux différents : politique, économique, diplomatique, journalistique, éducatif. Leurs analyses peuvent diverger, mais toutes cherchent à mettre en perspective les relations franco-allemandes. Le sommaire compte six parties : les acteurs, regards universitaires, les enjeux démographiques et économiques, la recomposition géopolitique, culture et société, ombres et interrogations. Il serait ridicule de prétendre donner ici écho à la pensée de chacun. En revanche, il est possible de présenter quelques passages particulièrement éclairants. "Tailler des ailes à des mouches", dixit Monsieur le Préfet Pour brosser rapidement un tableau de la situation des relations franco-allemandes, citons Ingo Kolboom, Professeur à l'Université technique de Dresde. Déplorant la méconnaissance réciproque de la langue de "l'autre", il constate : "Il manque de manière criante un large espace public commun, au niveau politique et culturel, et englobant toutes les générations, malgré les décisions prises au niveau européen". (p. 172) Ce ne sont pourtant pas les structures qui manquent. Cependant, Alain Howiller, Directeur des "Dernières Nouvelles d'Alsace" rapporte ce propos d'un préfet de Région : "Nous sommes les meilleurs amis du monde, animés des meilleures intentions, mais nous obtenons, en y passant beaucoup de temps, des réalisations assez minces. On a l'impression de tailler des ailes à des mouches." (p.143) Une dérive malsaine Pis, selon l'historien Edouard Husson: "Contrairement à l'opinion répandue, nous défendons le point de vue que les institutions existantes de la coopération franco-allemande sont un frein au renouveau de l'action commune des deux pays." (p. 78) Et de donner, notamment l'exemple suivant : "Il est malsain que les instruments de la concertation deviennent une fin en soi. L'important n'est pas qu'existent les structures d'une politique étrangère et de sécurité commune mais de savoir le contenu qu'on leur donne. Tant que l'union n'est pas faite sur des objectifs conformes aux intérêts de l'Europe, soit cela veut dire que les problèmes fondamentaux sont évités et les institutions n'ont qu'un effet tranquillisant illusoire, soit cela signifie qu'elles se mettent au service d'intérêts qui ne sont pas strictement européens : n'est-il pas symptomatique que la politique européenne commune de sécurité soit à présent aux mains de celui qui était secrétaire général de l'OTAN pendant le conflit du Kosovo ?" (p.79) Observation judicieuse, mais rarement faite dans le discours public. L'Allemagne est, avant tout, fidèle aux Etats-Unis Cet ouvrage donne plusieurs clés pour mettre en perspective le malaise franco-allemand. Professeur d'histoire à l'Université Paris-Sorbonne, Jean-Paul Bled présente la "Continuité de la politique étrangère de l'Allemagne". Cet article montre combien l'espérance française d'utiliser la construction européenne pour contrer la puissance américaine est fondée sur une méconnaissance tragique de l'Allemagne. "L'Allemagne fédérale montre aux Etats-Unis une fidélité sans faille. L'exemple le plus célèbre en est le vote par le Bundestag du préambule qui dénatura le traité de l'Elysée de janvier 1963. Alors que ce traité devait être le fondement d'une Europe européenne, donc émancipée de la tutelle américaine, le préambule, qui rappelle le primat de l'atlantisme, en signe l'échec. Lorsque survient la réunification (1989-1990), l'Allemagne a déjà engrangé les dividendes de sa politique. Elle a retourné le couple franco-allemand à son avantage et imprimé sa marque à la construction européenne. La réunification est le fruit indirect de l'Ostpolitik, même s'il est exact que beaucoup de sociaux-démocrates furent surpris par le processus de la réunification. En ce moment crucial, l'Allemagne fut récompensée de sa fidélité aux Etats-Unis. Alors que certains alliés comme la France ou le Royaume-Uni se montraient réticents, le soutien de Washington à la politique d'Helmut Kohl ne fut pas étranger au succès de l'entreprise."(p. 83) La réunification "a dopé la puissance du pays à l'extérieur. Partnership in leadership Les Etats-Unis ont aussitôt intégré cette nouvelle donne. Dès les lendemains de la réunification, Georges Bush a proposé un partnership in leadership à l'Allemagne, lui assignant le rôle de relais de la puissance américaine en Europe. En 1994, ce fut au tour du président Clinton de célébrer ce rôle dans un discours prononcé devant la Porte de Brandebourg qui reconnaissant à l'Allemagne la mission d'exercer le leadership en Europe. Qui pourrait contester, dix ans après la réunification, que cet objectif est largement atteint ?" (pages 83 et 84) 40e anniversaire du traité de l'Elysée. Crédits: Ministère des Affaires étrangères, F. de la Mure Contradiction Directeur adjoint de l'Institut franco-allemand de Ludwigsburg, Henrik Uterwedde fait une remarque impertinente au sujet d'une autre motivation française non-dite au sujet de la construction européenne : ligoter l'Allemagne. "La politique européenne de la France se trouve d'ailleurs prise dans une contradiction interne. En effet, on ne peut lier l'Allemagne qu'en progressant dans l'intégration politique, économique et monétaire. Or, la France voulait conserver sa souveraineté nationale et reculait devant des transferts de compétence. Ses ambitions d'une Europe forte, capable d'agir en politique extérieure et économique, sont elles aussi contradictoires, parce que la France a toujours reculé devant les conséquences institutionnelles qui y correspondent". (p. 65) Ce même auteur note une divergence apparue après la chute du Rideau de fer, en 1989. "La France essaie de ralentir l'élargissement à l'Est. Elle cherche à conserver la base concrète des relations bilatérales qui valaient pour la "petite" Union européenne, à maintenir le rôle dirigeant de la France dans le cadre de l'Union européenne, et à empêcher que l'équilibre se déplace encore plus en faveur de l'Allemagne. Ce n'est pas là une réponse adéquate aux nouvelles questions qui se posent en Europe".(pages 68 et 69) Comparaisons Les historiens et géographes liront avec intérêt trois articles comparatifs fort bien documentés. Professeur d'Economie à l'Université Paris-Sorbonne, Gérard-François Dumont étudie "Deux profils démographiques dissemblables" (pp. 102 - 107). Il termine par un avertissement : "La démographie conduit à s'interroger sur la complémentarité et l'efficacité du couple franco-allemand pour l'avenir de l'Europe. Au regard de leurs populations, les divergences en matière de comportements de fécondité ou de nuptialité doivent être soulignées. Ainsi que leurs soldes naturels sont en sens inverse et les rythmes de vieillissement des populations sont différents. L'histoire ne donne pas d'exemple de pays en perte de vitalité démographique capable d'avancée significative. Une Allemagne et une France s'appauvrissant démographiquement sont-elles capables d'impulser, pour le XXI e siècle, une évolution progressiste de l'Europe et de la place de l'Europe dans le monde ?" (p. 107) Le deuxième article comparatif concerne "L'organisation du territoire dans les deux pays", encore signé de Gérard-François Dumont. Il présente notamment le "système urbain primatial ou polynucléaire" et "l'organisation hiérarchique du territoire allemand". Enfin, les enseignants d'Education civique juridique et sociale trouveront un article comparatif sur "Le droit de la nationalité" en France et en Allemagne (pp. 152 - 156), par Florence Azoulay, sociologue. Celui-ci pourra nourrir un débat en classe. L'élargissement de l'UE aux PECO Enfin, ce recueil pointe du doigt quelques sujets qui fâchent. Par exemple, le Député au Bundestag, Peter Altmayer écrit : "Concernant l'élargissement à l'Est de l'Union, nos intérêts divergent apparemment de manière très nette. L'Allemagne, à la faveur d'une situation géographique privilégiée, investit massivement aussi bien sur le plan économique que culturel, dans les pays d'Europe centrale et danubienne. Notre partenaire français se trouve, certes, un peu coupé de ces nouveaux marchés en pleine expansion et de la demande politique et culturelle qui en émane. Mais pourquoi la France se borne-t-elle à vouloir concurrencer ce processus par un élargissement vers le Sud, voire vers le Maghreb ? Cette option méditerranéenne est défendue haut et fort par la diplomatie française qui veut se faire l'avocat de ces pays auprès de l'Union. Certes, cette sensibilité pour les intérêts des pays méditerranéens est tout à son honneur. Mais soyons réalistes : une telle perspective d'élargissement n'est prévisible qu'à long terme. Elle ne peut faire contrepoids à un processus, l'élargissement à l'Est, dont l'aboutissement est attendu et espéré depuis près d'un demi-siècle : la réunification de l'Europe. Face à ce défi historique, toutes les forces sont requises et il ne faut pas que la France nous fasse faux bond." (pages 33 et 34) Sous influence ? En conclusion, pourquoi ne pas laisser chacun réfléchir à ce propos de Jean-Paul Bled: "La France vit, depuis la présidence de Valéry Giscard d'Estaing (1974-1981), dans l'obsession du couple franco-allemand. Elle s'est enfermée dans cette logique qui place sa politique sous influence. Pour leur part, les Allemands n'ignorent rien du complexe d'infériorité qui sous-tend cette obsession et, qui plus est, ils savent en jouer. ( ) Une des voies pour recouvrer l'indépendance de la politique française serait précisément de se dégager de ce tête-à-tête exclusif avec l'Allemagne pour mener une politique décomplexée." (p. 86) Affaire à suivre. Copyright 20 septembre 2002-Verluise/www.diploweb.com L'adresse url de cette page est http://www.diploweb.com/ue/hureaux.htm |
Date de la mise en ligne: octobre 2002 | ||
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