"L'Empire stalinien. L'URSS et les pays de l'Est depuis 1945",

par le Professeur Jean-François Soulet

Mots clés - Key words: soulet, Institut d'Etudes Politiques, université Toulouse-Le Mirail, URSS, empire, tsar, staline, stalinien, Russie, pays de l'Est, europe de l'Est, europe centrale et orientale, communisme, pays communistes, rideau de fer, dissidence, démocratie populaire, pays satellites, allemagne orientale, rda, bulgarie, hongrie, pologne, roumanie, tchécoslovaquie, yougoslavie, albanie, partis communistes, komintern, churchill, roosevelt, khrouchtchev, brejnev, gorbatchev, mur de Berlin, 9 novembre 1989.

Livre de poche, LGF, coll. Références, 2000, 254 pages

Professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Toulouse-Le Mirail et chargé de cours à l'Institut d'Etudes Politiques de Toulouse, Jean-François Soulet possède une longue expérience de l'étude des pays communistes. Il a notamment co-rédigé en 1982 une "Histoire de la dissidence", (éd. Seuil) et publié en 1996 une "Histoire comparée des Etats communistes de 1945 à nos jours" (éd. Armand Colin).

Ce nouvel ouvrage comble un vide : l'absence d'un livre français à la fois consacré à l'URSS et aux "démocraties populaires" d'Europe centrale. Le livre de J-F Soulet vient particulièrement à point, tant les générations nées après les années 1970 peinent à appréhender l'histoire de cet "autre monde". Il vient en aide aux enseignants d'histoire chargés de leur faire comprendre ce que fut l'URSS, notamment dans sa dimension impériale. L'auteur justifie ainsi l'usage du concept d'Empire : "dès l'époque de Staline, l'URSS, à elle seule, et à plus forte raison l'URSS et les Etats est européens liés à elles au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, présentent tous les traits d'un empire : un vaste territoire, une dynamique expansionniste, une diversité culturelle et ethnique, une administration uniforme et centralisée, un chef sacralisé …" (p. 15)

Le poids de l'héritage

Le Professeur Jean-François Soulet marque la continuité des pratiques impériales, de l'Empire tsariste à l'Empire soviétique, en passant par la période bolchevique. Après la récupération des territoires abandonnés lors de la signature du traité de Brest-Litovsk, il détaille les conquêtes réalisées par Staline à la faveur de la Seconde Guerre mondiale. Au printemps 1948, "Staline pouvait être satisfait. En moins de dix ans, il avait récupéré toutes les anciennes possessions de l'empire tsariste, et constitué, aux portes occidentales de la Russie, un nouvel empire constitué de huit Etats" (p. 36).

L'auteur met en évidence les liens de dépendance créés par Moscou à son principal profit avec les six pays satellites - l'Allemagne orientale, la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, la Tchécoslovaquie - ainsi que la Yougoslavie et l'Albanie. Grâce à sa connaissance élargie du phénomène, Jean-François Soulet souligne les modalités modélisées des conquêtes staliniennes. Il développe les dimensions politiques, économiques, sociales et culturelles. Ce qui se concrétise par l'anéantissement des résistances, le laminage des nationalités et la mise au pas des partis communistes.

Quand les occidentaux décident de ne pas voir

Le Professeur Jean-François Soulet met le doigt avec précision sur l'attitude des occidentaux durant la mise en place de ce système : "En dépit de fortes présomptions et de multiples témoignages, les gouvernements occidentaux ne cherchèrent pas à dénoncer les fraudes électorales à grande échelle. Pareil comportement reflète l'état d'esprit très passif des puissances anglo-saxonnes face aux manœuvres expansionnistes de l'URSS en Europe orientale. Malgré de multiples avertissements de Churchill, particulièrement lucide quant aux intentions de Staline, Roosevelt se refusa à voir le danger, ne chercha pas à limiter l'avancée des armées soviétiques en Europe orientale, et repoussa tout partage en zones d'influence - qui aurait pu brider quelque peu les appétits staliniens. Le rapatriement des troupes américaines devint l'impératif absolu de l'après-guerre. Ce désengagement rooseveltien, même s'il ne fut pas suivi par son successeur a, sans aucun doute, grandement favorisé la réalisation des projets staliniens, et a pu les radicaliser." (p. 35)

Le livre s'organise en trois parties

Première partie : la construction.

• 1. Conquêtes et reconquêtes.

• 2. La modélisation.

• 3. L'anéantissement des résistances.

Deuxième partie : les premiers ébranlements.

• 4. Le virage manqué de Khrouchtchev

• 5. Du "révisionnisme" au nationalisme.

• 6. L'URSS brejnévienne ou "le pays du grand mensonge".

Troisième partie : L'écroulement.

• 7. La bataille perdue de Gorbatchev

• 8. Le naufrage

Il est à noter que l'ouvrage dispose d'un et présente une carte de l'Empire stalinien, ce qui est judicieux, mais il faut espérer qu'une prochaine réédition utilise un graphisme plus adapté pour permettre de distinguer plus aisément les trois zones mises en valeur : les acquisitions soviétiques depuis 1939 ; les Etats communistes dans la mouvance directe de l'URSS ; les Etats communistes sortis de la mouvance directe de l'URSS. Enfin, chaque chapitre se termine par une bibliographique succincte.

On ne peut donc que recommander cet ouvrage, particulièrement pertinent pour les années 1945 - 1985 (1).

Enfin, nous vous invitons à découvrir une autre publication dirigée par le Professeur Jean-François Soulet : "Les Cahiers d'Histoire immédiate".

Pierre Verluise

(1) Pour les années les années Gorbatchev (1985 - 1991), il pourra être utile de recourir également aux travaux de Michel Heller, Françoise Thom et Alexandre Zinoviev.

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