www.diploweb.com Géopolitique - Histoire de la résistance au communisme en Tchécoslovaquie Le Cardinal Joseph Beran, archevêque de Prague par Mgr Jaroslav Škarvada, évêque de Litomyšl
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Parce que l'élargissement de l'Union européenne ne peut se construire sur la méconnaissance de l'histoire des nouveaux pays membres, il importe de prendre la mesure des quatre décennies du communisme. Le Cardinal Joseph Beran est de ceux qui ont résisté à cette idéologie criminogène. Alors que nombre de nomenklaturistes "reconvertis" tirent déjà les bénéfices de la nouvelle configuration géopolitique de l'Europe, il est important de conserver des repères pour comprendre notre histoire contemporaine. Voici le témoignage de Monseigneur Jaroslav Skarvada, ancien secrétaire particulier du Cardinal Joseph Beran. Le texte a été traduit par Jaroslav Vrzala. Le propos a été tenu à Paris, au Centre Tchèque, sur l’initiative de l’Association Amitié franco-tchéco-slovaque[i] |
Biographies du Cardinal Joseph Beran et de Monseigneur Jaroslav Skarvada en bas de page. Mots clés - key words: cardinal beran par mgr jaroslav skarvada, évêque de litomyšl, histoire de la seconde guerre mondiale, nazisme, gestapo, dachau, histoire du bloc communiste et de la guerre froide, résistance catholique au communisme, vatican, pape paul VI, archevêché de prague, cathédrale de prague, tchécoslovaquie, coup d’état de février 1948, klement gottwald, manœuvres du régime communiste tchécoslovaque à l’égard de l’église catholique, lettre pastorale, presse religieuse, patriarcat de moscou, arrestations des prêtres résistants, radio vatican, strahov, provocations, isolement, internement, prisonnier, violation des droits de l’homme, dégel des années 1960, ostpolitik du vatican, rome, exil, concile vatican II, liberté religieuse, liberté de conscience, jan palach, basilique saint-pierre de rome, 1989. Voir des photographies de Prague en 2005 *
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L'église
de Saint Ignace à Prague a été le lieu de ma première rencontre avec le Dr
Josef Beran. Je terminais mes études de lycéen et voulais devenir prêtre. Je
suis allé voir comment se présentait le recteur du séminaire où j’étais appelé
à faire mes études. Il prononçait son sermon à la chaire où il me semblait de
bien petite taille et, de fait, il n'était pas très grand. Peu de temps après,
le 6 juin 1942, il a été arrêté par la Gestapo, transporté à la fameuse prison
de Terezín et ensuite déporté au camp de concentration de Dachau. La faculté
de théologie de l'Université Charles de Prague, où il occupait la chaire de
théologie pastorale, a été fermée par les nazis, comme d'ailleurs toutes les
universités tchèques.
Retour
de Dachau
Une
fois la Seconde Guerre mondiale terminée, j'ai voulu pour de bon entrer au
séminaire. Celui de Prague n'étant pas disponible, les cours avaient lieu à
Dolní Březany, dans un petit château servant habituellement de résidence
d'été de l'archevêque de Prague. C'est là que j'ai vu le Dr Beran pour la
deuxième fois. Ce fut par une belle journée de juin dans le parc du château en
question. Il venait de Dachau et était habillé d'un uniforme allemand usagé
sorti des réserves du camp de concentration. Afin qu'il ne soit pas pris pour
un SS, on lui avait cousu dessus des tricolores tchécoslovaques. Il était
évidemment toujours aussi petit, mais en plus amaigri et affaibli, comme tous
ceux qui sortaient d'un camp nazi, où, en plus des souffrances endurées, il
avait attrapé la fièvre typhoïde. Or, se retrouvant parmi ses étudiants, on
voyait qu'il était heureux, mais avant d'entreprendre quoi que ce soit, il
s'est rendu à la chapelle pour remercier Dieu d'avoir survécu et d’être revenu
dans sa patrie.
Le
pape Pie XII nomme Mgr Josef Beran archevêque de Prague
Peu
de temps après cet événement, j'ai été envoyé à Rome pour y poursuivre mes
études de théologie et c'est là-bas que j'ai entendu pour la première fois
parler de l’éventualité de l’accession du
Dr Josef Beran à l'archevêché de Prague. Il est bien connu que de
nombreux responsables communistes - et pas seulement des Tchèques - avaient
été internés eux aussi à Dachau et que de ce fait ils pourraient avoir une
attitude plus avenante envers le futur archevêque, ce qui faciliterait les
relations entre l'Etat et l'Eglise catholique. Et effectivement, le 4 novembre
1946, le pape Pie XII a nommé Mgr Josef Beran archevêque de Prague. Très
rapidement, à savoir le 8 novembre, jour de l'Immaculée Conception, il fut
consacré évêque à la cathédrale de Prague.
Le
pouvoir communiste tente une manoeuvre
La
situation politique en Tchécoslovaquie ne tarda pas à se détériorer.
Les
communistes se rendirent de plus en plus maîtres des événements qui aboutirent
au Coup d'Etat de Février 1948. Avec leur prise du pouvoir l'Eglise catholique
devait s'attendre à des jours difficiles. Klement Gottwald, devenu rapidement
président de la République, entreprit une grande manœuvre pour mettre
l'archevêque en porte-à-faux en lui demandant de célébrer, à la cathédrale de
Prague un office d'action de grâces solennel à l'occasion de l'accession de
Gottwald à sa nouvelle fonction de chef d'Etat. L'archevêque ne pouvait pas
refuser.
Mais
dès le lendemain il publia une lettre pastorale dans laquelle il expliquait
que l'Eglise ne pouvait pas refuser une telle demande, ce qui ne signifiait
pas, en aucun cas, qu'elle approuvait 1'idéologie prônée par le nouveau
président et son parti.
Objectif
du régime communiste : amener l'Eglise catholique de Tchécoslovaquie dans
la dépendance du patriarcat de Moscou Ce fut la première confrontation directe entre l'Etat et l'Eglise catholique. L'archevêque publia plusieurs lettres dont le contenu ne laissait persister aucun doute sur son attitude à l'égard des communistes et de leurs objectifs. Cela rendait la situation de plus en plus critique. L'Etat commença à fermer les écoles catholiques, à liquider la presse religieuse et créa de toutes pièces une Action catholique dissidente laquelle avait pour but de s'opposer, au nom de la lutte de classe, à la hiérarchie et amener l'Eglise catholique de Tchécoslovaquie dans la dépendance du patriarcat de Moscou. Peu de temps après on a découvert des installations d'écoute dans la salle de réunions des évêques et la persécution prenait des formes de plus en plus cruelles. Les prêtres qui ont eu le courage de lire à l'église les lettres pastorales de l'archevêque ont été arrêtés les uns après les autres. La presse catholique a été transférée sous l'autorité de la nouvelle Action catholique dissidente qui n'hésitait pas à inciter les croyants à s'opposer à leurs évêques 'vendus au Vatican'.
République tchèque, Prague, église. Crédits: P. Verluise
Au
mois de juin de 1949, l'archevêque Beran a réussi à se rendre à la fameuse
église du monastère des Prémontrés de Strahov ou il a solennellement juré qu'il
ne trahirait jamais son Eglise et sa fidélité au Pape et il a demandé aux
croyants de ne pas accorder un crédit quelconque à des informations qui
seraient contraires à sa promesse faite à Strahov.
Dernier
sermon
Le
lendemain, journée de la Fête-Dieu, l'archevêque prononçait ce qui allait
devenir son dernier sermon à la cathédrale. Cependant il n'a pas pu le
terminer. Lorsqu'il déclara, que le journal Katolík distribué à l'entrée
de la cathédrale n'avait rien à voir avec l'Eglise, les provocateurs
communistes envoyés à la cathédrale s'y sont déchaînés en protestations de
sorte que l'archevêque dut quitter la cathédrale à 1'abri du cordon des
séminaristes et demoiselles d'honneur venus pour participer à la procession
traditionnelle de la Fête-Dieu. C’était la dernière fois que 1'archevêque Beran se rendait dans sa cathédrale.
Il n'a pas été autorisé à s'y rendre même
avant son départ forcé pour Rome survenu bien des années plus tard.
Isolement
et internement
A
la suite de ces événements commencent les seize années d'isolement et
d'internement dans des lieux que personne ne devait connaître. Déplacé de nuit
caché sur la banquette arrière de la voiture comme un malfaiteur. Pendant ce
temps on mettait en scène des procès contre les prêtres et les croyants restés
fidèles à leur pasteur. Sur la place de la prison de Pankrac tombaient des
têtes d'innocents et l'on préparait aussi un procès contre l'archevêque Beran.
Lorsque Gottwald eut à décider de la date de sa tenue, il s'y est apparemment
opposé en faisant valoir qu'après la condamnation et l'exécution de Madame
Horaková, dont l'écho avait beaucoup terni la réputation de la
Tchécoslovaquie
communiste à l'étranger, le régime ne pouvait pas se permettre un tel procès
contre l'archevêque catholique.
Cet
internement a duré quatorze années pendant lesquelles le seul contact avec
l'extérieur s'est produit lorsque le cardinal a dû être opéré d'urgence de
1'appendicite. Il avait été transféré dans un hôpital pénitencier où il a été
opéré par le professeur Niederle. Ce dernier se doutait de l'identité de
l'opéré, mais, comme il me l'a confié ultérieurement, n'en était pas certain.
Un
dégel relatif
Au
début des années 1960 un certain dégel commençait à se manifester dans le pays
et du coup les conditions d'internement de l'archevêque Beran s’humanisèrent
quelque peu. Il fut transféré à Mukařov près de Řičany où il
pouvait recevoir quelques visiteurs à la fois
soigneusement choisis et avertis par le personnel surveillant. Vu que
le nombre de visiteurs progressait, le prisonnier fut transféré une fois de
plus. Cette fois-ci à Radvanov, bien plus éloigné de Prague, ce qui rendait les
visites moins faciles.
L’ostpolitik
du Vatican
Au
cours de cette période, Mgr Beran
apprit que le pape voulait 1'élever à la dignité de cardinal. L''ostpolitik' du Vatican se mettait en route et le pape voulait qu'au moins le
siège épiscopal de Prague soit occupé par une personnalité nommée officiellement,
ne serait-ce que comme administrateur temporaire. Mgr Casaroli se rendit à Radvanov
pour en discuter avec l'intéressé. Mgr Beran était persuadé que les choses
allaient se passer très simplement: il se rendrait à Rome d'où il reviendrait
à Prague avec la pourpre cardinalice.
Or Mgr Casaroli expliqua que le régime de Prague ne voulait pas admettre
une telle solution et qu'il proposait au contraire de nommer l'évêque František
Tomášek, curé de la paroisse de Moravská Huzová, comme administrateur de
l'archevêché de Prague et ceci à la seule condition que le futur cardinal reste
à Rome. J'ai appris les conditions de cette solution directement de la bouche
de Mgr Casaroli à Rome. Quoique très affecté par ces conditions, Mgr Beran les
a finalement acceptées pour donner à l'archevêché de Prague un évêque ayant le
consentement du Vatican.
L’exil
romain
La
dernière étape de la vie du cardinal commençait: l'exil romain. Il décida
d'habiter dans notre Collège-séminaire Nepomucenum de Rome qui lui convenait le
mieux déjà par la présence de nos séminaristes. Le pape Paul VI l'a pris en
grande affection et respect et lui a même offert son calice personnel. Son
bréviaire était un cadeau personnel de Jean XXIII qui le lui a fait parvenir
par des voies détournées encore pendant son internement. Relié en cuir rouge ce
bréviaire était le symbole de la dignité cardinalice qu'à l'époque le pape ne
pouvait pas lui conférer.
Difficile
d'imaginer ce qui se passait dans la tête de cet ancien prisonnier qui seize
années durant ne put écouter la radio, pas même communiste, ni lire des
journaux. Il était, pour ainsi dire, un enterré vivant. Et d'un seul coup il
s'est retrouvé dans la ville éternelle - Rome - où se déroulait le Concile de
Vatican II. En cette période-là un bouillonnement d'idées de toutes sortes se
manifestait partout et plus spécialement au sein de l'Eglise, laquelle se
penchait sur des problèmes qui, du fait de son isolement, étaient restés
étrangers à notre nouveau cardinal.
Il
ne réalisait pas le monde qui l'entourait. Un jour où je l'accompagnais à Radio
Vatican d'où il s'adressait aux croyants en Tchécoslovaquie, il m'a demandé
si un pourboire de cinq lires était suffisant pour le taxi. A l'époque où il
avait été étudiant à Rome, cinq lires étaient une petite somme; dans les années
soixante, cinq lires ne comptaient pas. Cet exemple donne une idée de ses
difficultés pour se familiariser avec le monde moderne qui l'entourait.
Attendu
par deux évêques
Le
cardinal y parvenait cependant et cela l'encourageait. Plus spécialement lors
de la dernière session du Concile où les participants lui ont réservé un
accueil plus que cordial et où tous les évêques désiraient lui manifester leur
respect et leur amour. Tous ils attendaient aussi sa contribution aux débats.
Cela n'allait pas non plus sans difficultés. Un jour en revenant au collège où
il résidait, il y était attendu par deux évêques. Immédiatement j'ai compris
que l'un d'entre eux était le fameux Mgr Lefèbvre. Ils ignoraient ma présence
et sous prétexte qu'il s'agissait d'une
affaire éminemment importante - rien de moins que de la sauvegarde de l'Eglise
catholique - ils voulaient rester seuls avec lui, et moi, je suis resté seul
avec mon inquiétude. Il ne me restait qu’à prier, ce que j'entrepris
immédiatement avec toute mon ardeur, craignant que notre cardinal ne s'engageât
dans une affaire qui pourrait lui causer des ennuis. Leur entretien dura assez
longtemps. Dès qu'il en est sorti, je me suis précipité vers le cardinal pour
lui demander s'il avait signé un engagement quelconque à leur égard. Il m'a
rassuré et il m'a fait comprendre qu'il
n'appréciait pas mes craintes. Effectivement, ses visiteurs lui avaient demandé de signer un document, mais il leur
avait répondu qu'il allait en discuter avec les cardinaux Wyszynski et Slipy et
qu'ils adopteraient une attitude
commune. J'étais rassuré et j'ai remercié Dieu que les choses aient tourné de
cette façon.
Préparation
d’une contribution au Concile
Toutefois,
notre cardinal devait s'adresser au Concile et justement l'occasion se
présentait, car il était question de la liberté religieuse. Or, du fait de son
long isolement et parce qu'il n'avait pas participé aux précédentes sessions
du Concile, il lui était impossible d'apporter une contribution correspondant à
l'évolution de ce débat au sein de l'Eglise. C'est pourquoi nous avons convenu
de consulter l'un de nos spécialistes de la question, le père Dr Alexandre Heidler, lequel, avant son exil, avait en effet été le successeur du recteur
Josef Beran comme professeur de théologie pastorale à la faculté de théologie
de l'Université Charles de Prague. Nous avons consulté aussi d'autres
spécialistes et les discussions et tractations ont pris un temps assez
considérable. Je craignais même que nous n'arrivions pas à finir dans les
délais qui nous avaient été accordés. Notre cher cardinal s'y intéressait à
fond et nos discussions étaient très animées.
« La
liberté religieuse et la liberté de conscience »
Il
en est sorti un texte devenu célèbre où l'on peut lire entre autres: 'Il semble
que, même dans mon pays, l'Eglise catholique souffre à cause de ce qui avait
été accompli en son nom contre la liberté de conscience, comme par exemple
l'exécution sur le bûcher, au début du XVème siècle du prêtre catholique Jan
Hus ou encore au cours du XVIIe lorsqu'on avait forcé une grande partie du peuple
tchèque à revenir à la foi catholique selon le fameux principe "Cuius
regio, eius religio" (...) C'est pourquoi l'Histoire elle-même incite ce
Concile à s’affranchir de toutes les réserves que pourraient inspirer un
opportunisme de circonstance et à proclamer le principe de la liberté religieuse
et de la liberté de conscience." Ce texte présenté par le cardinal Beran a
fait une grande impression sur les
participants du Concile qui s'y sont souvent référés par la suite.
A
la découverte du Nouveau Monde
Il
va de soi qu'à Rome notre cardinal souffrait du manque de contacts avec les
compatriotes et c'est pourquoi il acceptait très volontiers les invitations de
nos communautés d'exilés en
France, en Allemagne - où il s'est rendu au camp de
concentration de Dachau, où il avait été interné par les nazis - mais aussi en
Norvège, en Grande Bretagne, en Irlande
[1],
et avec le concours de 1'évêque tchéco-américain Mgr Morkovsky du Texas il a pu
visiter les USA et le Canada. Ce voyage a été relaté dans un petit livre
intitulé 'Z Nového světa' (Souvenirs du Nouveau Monde). Aujourd'hui
nous ne nous rendons pas compte à quel point ses voyages avaient été suivis
par les média. Il faut savoir que les cardinaux Beran, Wyszinsky et
Mindzsenty étaient les figures de proue
de l'Eglise catholique persécutée par les régimes communistes. Lorsque nous
sommes arrivés à New York, il a été assailli par d'innombrables journalistes
et photographes qui lui posaient des questions auxquelles il n'était pas
habitué. Je ne peux pas dire que les paroles et écrits des journalistes reflétaient
toujours bien l'esprit de ses déclarations.
Aux
USA, notre cardinal a reçu de la part de nos compatriotes et des évêques
américains des cadeaux et des dons qu'il a, par la suite, consacrés à
l'édification à Rome d'une Maison du pèlerin. Du Vatican il percevait un
traitement correct dont il consacrait la plus grande part à aider notre collège-séminaire Nepomucenum, aux salaires de ses deux secrétaires et à aider
des réfugiés. Pour ses déplacements en avion il se contentait de la classe
touriste ce qui nous a réservé une surprise à notre arrivée à Vienne où il
avait été invité par le cardinal Koenig. Le cardinal Koenig, le comité
d'accueil et le tapis rouge nous attendaient au pied de la passerelle de la
classe « affaires ». Heureusement la stewardesse ne manquait
pas de présence d'esprit; elle garda la sortie de la classe affaires fermée de
sorte que le cardinal tout en ayant voyagé en classe touriste, est sorti de
l'avion en premier et l'accueil s'est déroulé parfaitement.
Témoin
de l’Eglise du silence
Le
cardinal Beran a souvent été invité aussi par des institutions occidentales,
comme par exemple l'Université
catholique de Milan, par des diocèses ou encore par des personnalités dont il
avait fait connaissance pendant son internement à Dachau. Il participait aussi
aux travaux de différentes congrégations dont il était membre et à de nombreux
offices religieux dans les diocèses. Cela allait de soi car il était à cette
époque-là la personnalité la plus connue de l'Eglise persécutée - l'Eglise du
silence. Sa préoccupation première restait toutefois sa patrie et c'est pour
cela qu'il parlait souvent aux émissions tchèques de Radio Vatican.
"On" lui refuse le droit de mourir chez lui
Le
cardinal Beran jouissait d'une bonne santé relative jusqu'au milieu des années
1960. Un jour, alors que nous étions en
visite en Allemagne du Sud chez le père Kubovec, il a été pris de vives
douleurs au ventre. Après le premier examen à l'hôpital d'Ulm nous l'avons fait
transporter d'urgence au
Marienhospital de Stuttgart où il a été immédiatement
opéré. C'était le 5 août 1968, donc au cours de l'année des événements connus
sous le nom de Printemps de Prague. Le cardinal espérait pouvoir revenir un
jour dans sa patrie, au moins pour y mourir, mais l'intervention des troupes du
Pacte de Varsovie mit fin à cet espoir. Même le Vatican était en faveur de
cette idée et certaines négociations à ce sujet ont effectivement eu lieu. Les
gens du Vatican proposaient que le cardinal puisse se retirer à Karlovy Vary,
dans une maison qui servait de résidence d'été au nonce apostolique de Prague.
Un veto on ne sait de quelle origine,
écarta cette solution.
Vu
son état de santé le cardinal ne pouvait même pas revenir à Rome. Il était
soigné par des religieuses dans un couvent. Des complications ont aggravé son
état. Malgré sa faiblesse il a encore parlé à Radio Vatican après la
mort tragique de Jan Palach. Il offrait sa souffrance à Dieu et jusqu'au
dernier jour de sa vie il se rendait, avec notre assistance, à la chapelle afin
de dire la messe. Un jour où il fut pris de malaise, le médecin appelé pour le
secourir a immédiatement ordonné de le transférer dans son lit et moi, voyant
que sa dernière heure était venue, j'en ai informé le Saint Père, Paul VI, qui
s'est mis immédiatement en route pour lui rendre l'ultime visite. Tandis que je
l'accueillais à l'entrée du collège, notre cardinal rendait son âme à Dieu.
C’était le 16 Juin 1969.
Le
cardinal J. Beran est enterré dans le sous-sol de la basilique Saint Pierre
Nous
nous trouvions devant un dilemme: où l'enterrer ? Notre Collège Nepomucenum
dispose au cimetière de Rome d'un assez beau caveau, mais il n’était pas digne
du cardinal. Notre problème a été résolu par le Saint Père lui-même. Il nous a
proposé que le cardinal Beran soit enterré dans le sous-sol de la basilique
Saint Pierre de Rome, où se trouvent les tombeaux des papes: nous n'en
espérions pas tant et évidemment, nous avons accepté cette noble proposition.
Après
le changement de 1989 nombreux étaient ceux qui souhaitaient que les cendres
du cardinal fussent transférées à Prague, dans sa cathédrale. Or le fait qu'il
soit enterré au milieu des papes, à Rome où se rendent beaucoup de pèlerins
tchèques tout au long de l'année a prévalu.
Inébranlable Quel jugement porter aujourd'hui sur cet homme exceptionnel ? Sans aucun doute un caractère honnête, pur et dur comme d'ailleurs il disait de lui-même, qu'il était un BERAN-BELIER à tête dure qui ne cède pas et surtout qui ne trahit pas. Tandis que dans la Tchécoslovaquie de l’époque, l'opportunisme et la collaboration fleurissaient, il s'est montré inébranlable. Il avait compris dès le début où les communistes voulaient en venir et c'est pourquoi il a adopté à leur égard une attitude ferme dont il n'a pas dévié. Grâce à quoi il a sauvé notre Eglise d'un schisme et d'une soumission au patriarcat de Moscou comme voulaient le faire les communistes. De ce fait il est devenu le véritable patron de nos croyants qui se ressourçaient dans son attitude inébranlable. Par la suite, les événements ont démontré qu'il n'y avait pas d'autre voie acceptable et que toute alternative conduirait à la trahison. En même temps ce courageux 'Bélier' a démontré devant le Concile qu'il était un homme de tolérance et, dans sa vie personnelle, discret et bienveillant. [...] Mgr Jaroslav Škarvada, évêque de Litomyšl NDLR: [1] Et en France, à Darney, où il visita, un 30 juin, un camp d’été de jeunes exilés tchèques. [i] Copyright chez l’auteur, le traducteur et le directeur de la société éditrice du Bulletin de l’Amitié franco-tchéco-slovaque, 91f avenue de Strasbourg, 54000 Nancy, dans le n° 2003/3 (février), où ce texte est paru initialement. Copyright 2003-skarvada-vrzala / www.diploweb.com L'adresse URL de cette page est www.diploweb.com/forum/beran.htm L'éditeur du site géopolitique diploweb.com remercie le Directeur du Bulletin de l'Amitié franco-tchéco-slovaque pour l'autorisation de reproduction de ce texte.
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Date de la mise en ligne: janvier 2004 |
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Biographie du Cardinal Joseph Beran, archevêque de Prague |
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29. 12.
1888 : Né à Plzen comme aîné de sept enfants. Son père, Joseph Beran,
était maître d’école.
1907 :
Après le baccalauréat, entre au séminaire à Rome.
1911 :
Ordonné prêtre à Rome.
1912 :
Obtient le titre de Docteur en Théologie à Rome. Retour au pays, nommé vicaire
dans le village de Chyse près de Zlutice.
1914 :
Vicaire à Prague (Prosek, Michle, Institut St-Joseph pour les sourds-muets à
Krc).
1917 :
Enseigne le catéchisme et ensuite également
la pédagogique à l’Institut pédagogique Ste-Anne rue Jecna à Prague.
Devient Directeur de l’Institut plus tard.
1929 :
Maître assistant de théologie pastorale à la Faculté de Théologie de
l’Université Charles à Prague.
1932 :
Recteur du Séminaire Archiépiscopal de Prague.
1934 :
Professeur non titulaire de théologie pastorale à la Faculté Théologique de
l’Université Charles.
6. 6.
1942 : Arrêté par la Gestapo, interné à la prison de Pankrac, ensuite dans
les camps de concentration de Terezin et de Dachau.
26.5.
1945 : Retour à Prague, reprend sa charge de Recteur du Séminaire de
Prague.
1946 :
Nommé professeur titulaire à la Faculté de Théologie de l’Université Charles.
4. 11.
1946 : Nommé Archevêque de Prague.
8. 12.
1946 : Ordonné évêque.
1947 :
Organise les fêtes du 950e anniversaire de la mort de St Vojtech (Adalbert).
18. 6.
1949 : Défend les droits de l’Eglise contre l’oppression du pouvoir
communiste dans un sermon prononcé dans la grande église de Strahov à Prague.
19.6.
1949 : Le jour de la Fête-Dieu, la célébration dans la Cathédrale a été
sabotée par la police secrète (StB), l’Archevêque placé en résidence surveillée
chez lui dans le Palais épiscopal.
1950 –
1963 : Tenu en résidence surveillée dans différents lieux gardés secrets
(Rozelov près de Rozmital, Ruzodol près de Liberec, Mysteves près de Bydzov,
Pabenice près de Caslav), où il est maintenu dans l’isolement le plus total.
4. 10.
1963 : Gracié,“libre”, mais toujours en résidence surveillée, transféré à
Mukarov près de Ricany. Autorisé à recevoir des visites.
2. 5.
1965 : Transféré au village de Radvanov près de Mlada Vozice, loin de
Prague.
25. 1.
1965 : Sa nomination au rang de Cardinal est rendue publique.
17. 2.
1965 : Autorisé par le gouvernement à se rendre à Rome, son retour est
indésirable.
25. 2.
1965 : Reçoit son chapeau de Cardinal des mains du Saint-Père Paul VI à la
Basilique Saint Pierre de Vatican.
1965 :
Participe à la 4e et dernière session du Concile Vatican II. Discours sur la
liberté de la conscience. Fonde le Centre chrétien à Rome. Visite des camps de
vacances pour enfants en France, en Suisse et en Norvège.
1966 :
Voyage aux Etats-Unis et au Canada, pèlerinage à Lourdes, pèlerinage des
enfants à Arenzano.
1967 :
Visite Fatima à l’occasion de l’exposition du Jubilé. Achète la maison Velehrad
à Rome.
1969 : Le
jeudi Saint, parle pour la dernière fois au peuple Tchèque à la Radio
Vatican.
17. 5.
1969 : Meurt à l’âge de 81 ans. 22. 5. 1969: La messe de requiem est célébrée à la Basilique St-Pierre par Mgr Tomasek, administrateur apostolique de Prague. Le Cardinal Beran est enterré avec des hommages particuliers dans la crypte du Vatican, près de la tombe de Saint Pierre. |
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Biographie du témoin,
Jaroslav Škarvada,
évêque de Litomyšl |
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Jaroslav Škarvada est né le 14 septembre 1924 à Prague. Après le baccalauréat à Prague, il a continué ses études à l’Université du Latran (titre de Docteur en Théologie en 1950), ensuite à la Grégorienne. Ses études achevées, il a été pendant quatre ans vicaire en Vénétie puis a été nommé professeur de théologie dogmatique au séminaire de Chieti en Italie centrale. Secrétaire du Cardinal Beran à partir de 1965 et chargé de la coordination de la pastorale des Tchèques en exil par la suite, il a été à ce titre nommé évêque titulaire de Litomysl et ordonné par le Saint-Père le 6 janvier 1983. Il a été nommé vicaire général de l’archidiocèse de Prague et chanoine prévôt de la Cathédrale St Guy à Prague à partir de 1991. Il est devenu par la suite chanoine prévôt émérite. |
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