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" Quelle France dans le monde au XXI e siècle ?
", par Pierre
Verluise 3. QUELS SONT LES OUTILS DISPONIBLES ? Partie 3.1 Quelles dynamiques démographiques caractérisent la population française ?
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Introduction - 1. Comment les Français voient-ils le monde ? - 2. Quelles sont les images de la France à l'étranger ? - 3. Quels sont les outils disponibles ? - 4. Quelle politique étrangère ? - 5. Quelle mondialisation construire ? - Conclusion - Postface de Gérard Chaliand : Stratégie d'influence |
Mots
clés - key words: pierre verluise, jean-claude
chesnais,institut national des études démographiques,
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générations, croissance, immigration, émigration,
dépopulation, basse fécondité, baby-boom, espérance
de vie, enseignement de l'histoire et de la géographie,
vieillissement, papy-boom, personnes âgées, retraites,
politique de l'enfance, anticipation, tabou, politique
familiale, europe sociale.
Voir une carte de la population des Etats de l'Espace UE25 en 2001 |
<Partie précédente En silence, la démographie modifie les grands équilibres du monde. Ses conséquences font sentir leurs effets au-delà dune période de 25 ans, de façon cumulative, par enchaînement des générations. Si leur renouvellement demeure insuffisant, les maillons deviennent de plus en plus petits. En revanche, des générations nombreuses augmentent la taille des maillons. Un exemple : les Etats-Unis nabritent en 1820 que 9 millions dhabitants. Les Etats-uniens sont actuellement trente fois plus nombreux, soit près de 270 millions. Cette croissance de la population, en partie fondée sur limmigration, a joué un rôle majeur dans laffirmation progressive de lhégémonie américaine. Aujourdhui encore, à un niveau technique comparable, la démographie joue un rôle non négligeable dans la concurrence entre régions du monde. L'Europe : une zone de basse fécondité Pour sa part, la France sinscrit dans un contexte européen marqué par une dépopulation virtuelle. En effet, depuis le début des années 1980, la Communauté européenne devient la zone de plus basse fécondité du globe. Jamais, depuis la Seconde Guerre mondiale, les Européens nont aussi peu enfanté. Lindice synthétique de fécondité (1) avoisine en Europe 1, 4 enfant par femme. Or, dans les conditions de mortalité présentes, le niveau de fécondité nécessaire pour assurer le remplacement des générations est de 2,1 enfants par femme. Si les comportements des deux dernières décennies persistent, la mort lemportera largement sur la vie en Europe. Face à cette perspective, que fait lUnion européenne ? Directeur de recherches à lInstitut National des Etudes Démographiques, Jean-Claude Chesnais répond : " En dépit de multiples efforts pour sensibiliser Bruxelles au vieillissement de la population européenne, la démographie y reste un sujet tabou. Il nexiste même pas de Direction de la population au sein de ladministration communautaire. Pourtant, lUnion européenne pourrait bénéficier de lexpérience du Directeur de la Direction Emploi et Affaires sociales, M. Larson, ancien ministre suédois des Finances. En effet, celui-ci a contribué dans son pays à la mise en place dune politique particulièrement novatrice et efficace en ce qui concerne la situation de la femme et lemploi. Pourtant, ce responsable important ne trouve pas à Bruxelles décho à ses préoccupations ". Les spécificités françaises En attendant une prise de conscience européenne, comment se caractérise la démographie française ? Celle-ci résulte dune histoire dans laquelle, après avoir dominé lEurope au XVII e siècle tant sur le plan démographique que politique, trois périodes se distinguent. Alors que les autres pays européens engrangent encore une augmentation de leur population, la population française engage dès la veille de la Révolution de 1789 une chute de sa fécondité. Il en résulte jusquen 1940 une croissance démographique très lente, voire des diminutions deffectifs. Au cours de la Seconde Guerre mondiale samorce un regain, lié à une large prise de conscience des inconvénients dune anémie démographique. Durant près de trente ans, un baby-boom contribue à une forte croissance de la population. Cependant, la France entre au cours des années 1970 dans une situation de faible fécondité permanente, avec bientôt un déficit de 15 à 20 % par rapport au niveau de remplacement des générations. Plus de 25 ans après lamorce de ce phénomène, le retournement de situation se fait attendre. Laccroissement naturel de la population française est faible (0, 34 %). Il est principalement dû à un allongement de lespérance de vie, alors que lindice de fécondité avoisine 1, 8 enfant par femme. Ce qui place la France au-dessus de la moyenne de lUnion européenne mais encore en dessous du seuil de renouvellement. En dépit de la fécondité souvent plus conséquente des immigrées, il manque 0, 30 enfant par femme pour assurer le remplacement des générations. Dans ce contexte, trois caractéristiques paraissent remarquables. Guide pédagogique ou idéologique ? Premièrement, la situation démographique reste peu expliquée, particulièrement aux jeunes. Jusquen 1999, un document du Centre National de la Documentation Pédagogique destiné aux enseignants dHistoire - Géographie en classe de Troisième donne la consigne suivante : " Plutôt que de gémir sur le vieillissement inéluctable de la population française, il paraît plus opportun et plus cohérent avec la problématique du chapitre dinsister sur le dynamisme démographique de la France depuis 1945, qui lui a permis de presque doubler sa population, délargir son marché intérieur et de conserver un taux daccroissement naturel élevé pour lEurope, même sil diminue depuis vingt ans " (2). Il sagit, en fait, dune présentation aussi fausse quidéologique de la situation, ne serait-ce que parce que la population nest pas passée de 40 à presque 80 millions mais de 40 à 55 millions au moment de la publication. On se demande à la lecture de ce guide pédagogique pourquoi le sommet du G7 à Denver a mis à l'ordre du jour la question du vieillissement. Les chefs des Etats les plus riches du Monde doivent avoir du temps à perdre avec des balivernes... Quant au rapport du FMI sur les effets du vieillissement, il doit être rédigé par des hurluberlus... En fait, peut être la situation démographique nest-elle pas expliquée aux jeunes parce quils risquent à la fois de subir une insertion professionnelle aléatoire à cause du chômage produit par les politiques déflationnistes imposées par la conception monétariste de lEuro et de travailler finalement plus longtemps que leurs aînés (3) pour recevoir des retraites moins avantageuses... Il est facile dimaginer le brouhaha que susciterait dans les classes un tel exposé. Alors, mieux vaut éviter daborder ce sujet comme le suivant. L'Etat favorise les plus âgés Deuxième caractéristique, lEtat providence contribue à renforcer de profondes inégalités entre les générations, au détriment des jeunes ménages avec enfants. Jean-Claude Chesnais lexplique : " Le total de laide sociale versée au 12 millions de personnes âgées de plus de 60 ans approche 1 500 milliards de francs. Alors que la politique familiale aux 16 millions de jeunes de moins de 20 ans stagne à 150 milliards de francs. LEtat dépense donc dix fois plus pour les personnes âgées - alors quelles sont moins nombreuses - que pour les jeunes. Même en ajoutant à la politique familiale le budget de lEducation nationale, on arrive loin du tiers de ce qui est dépensé pour les plus de 60 ans. Quelle curieuse manière de penser le devenir collectif que de préférer le passé à lavenir incarné par les jeunes ! Alors que les jeunes ménages avec enfants sont déjà les plus désavantagés par lEtat providence, les attaques des gouvernements dAlain Juppé et de Lionel Jospin contre la politique familiale témoignent dune inculture sidérante. En effet, les plus grands spécialistes et lexpérience de plusieurs pays indiquent quil faut se garder de transformer la politique familiale en une politique fiscale, sous peine de faire chuter le niveau de fécondité très en dessous du niveau de remplacement des générations ". Dans ce contexte, les difficultés des Français à envisager sereinement la question de limmigration paraissent dautant plus contradictoires. Un tabou En effet, troisième caractéristique, une part des élites et de lopinion fait dune immigration, rendue nécessaire par la chute de la fécondité, un sujet tabou. De la fin des années 1960 à 1999, les partis républicains abandonnent le thème de l'immigration au Front national, ce qui tétanise toute réflexion. Dautant que la gauche utilise savamment le sujet quand elle est dans lopposition, comme en témoigne son jeu lors de laffaire des sans papiers de léglise Saint-Bernard, en 1996, à Paris. Reste que Jean-Pierre Chevènement, devenu en 1997 ministre de lIntérieur, ose une évolution républicaine de cette question. En 1999, Alain Juppé admet publiquement que le recours à l'immigration sera nécessaire à l'avenir et que l'Union européenne doit s'atteler à définir une politique commune en la matière.(4) Trois défis pour demain Compte tenu la situation démographique française et des sensibilités, il existe trois défis majeurs pour inscrire au mieux la France dans le XXI e siècle. Dune part, dans le cadre dune politique de croissance économique seule capable de réduire le chômage, comment dynamiser la politique de lenfance ? Quelles mesures pratiques, juridiques et financières simposent pour rendre aux jeunes couples la liberté davoir - sans subir une dégradation sociale - une descendance correspondant à leurs désirs ? Voilà le sujet dun véritable débat de société. Dautre part, en fonction des conjonctures démographiques, économiques et géopolitiques, comment mieux accueillir les immigrés ? Jean-Claude Chesnais invite à la réflexion : " Jusquici, la politique française de limmigration reste à courte vue, minimaliste et passive. Les chiffres montrent, cependant, que nous serons probablement de plus en plus dépendants de limmigration pour notre renouvellement. Alors, autant ouvrir les yeux. Ne pas engager le débat reviendrait à continuer de faire le lit des mouvements racistes. Tous les pays qui vivent depuis longtemps avec limmigration se donnent les moyens de maîtriser les flux. Il en va ainsi aux Etats-Unis, au Canada, en Australie... LUnion européenne nayant pas la moindre politique dimmigration, le Parlement français pourrait fixer par létude et le débat des règles et des contingents. Avec tous les acteurs concernés par limmigration, il faut inventer une politique danticipation ". Il importe, par ailleurs, de se donner les moyens doptimiser loutil des bourses accordées aux étudiants étrangers. Pour lheure, la France ne tire guère parti des 500 millions de francs investis chaque année dans la formation des élites étrangères. Faute de véritable communication entre les Affaires étrangères, lEducation nationale, les Affaires sociales et les entreprises, la coordination demeure insuffisante en matière de conception et de gestion de cet outil dexpansion économique. En effet, les filières de formation des étudiants étrangers financées par le Budget public correspondent peu aux besoins des entreprises françaises. Faute dannuaire des anciens boursiers, celles-ci ne peuvent même pas les joindre pour leur offrir un emploi pour prospecter un marché ou mettre en uvre un contrat à lexportation. Au lieu de payer la formation délites étrangères allant ensuite se mettre au service dun pays concurrent - ce qui savère contre-productif - il serait adroit denvisager une réorientation des formations et un meilleur suivi des boursiers, mieux en rapport avec les besoins de la société française dans le monde émergent. Dernier défi concernant la population, pourquoi la France ne contribuerait-elle pas à une prise de conscience des pays membres de lUnion européenne de lurgence dune politique démographique ambitieuse ? Souvent critiquée pour la modestie de ses préoccupations sociales, lUnion européenne prendrait une dimension plus humaine en faisant ainsi le pari de la vie. Dans le cadre dune politique de croissance économique, une politique démographique européenne pourrait articuler au mieux la prise en compte des différents paramètres : fécondité, immigration, bourses et retraites. Ainsi, une politique démographique appropriée, à léchelle européenne et nationale, pourrait contribuer à favoriser linscription du " vieux continent " dans le XXI e siècle. Encore faut-il disposer d'un cadre adapté. Partie suivante> Notes: 1.Lindice synthétique de fécondité est la somme des taux de fécondité par âge durant une année donnée. Il indique ce que serait le nombre denfants pour une femme qui, tout au long de sa vie, aurait, aux divers âges, la fécondité observée cette année là. 2. "Histoire, géographie, éducation civique. Aide à la mise en uvre des programmes de Troisième", CNDP/CRDP de Versailles, 1990. 3.Voir les propositions du rapport Charpin, éd. La documentation Française, 1999. 4. "Le Monde", 1 er octobre 1999. 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