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Les ambitions de la Chine en matière de transport aérien civil : entre instrument de développement régional et outil de projection d’influence à l’international

Par Julien LEBEL, le 17 mars 2019  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Docteur de l’Institut Français de Géopolitique (IFG), Université Paris 8. Géographe, cartographe, expert en géopolitique et transport aérien civil

Le transport aérien est un secteur clé de la mondialisation. Chacun connaît la concurrence entre Boeing et Airbus. En revanche, nous manquons souvent d’informations précises sur la montée en puissance des pays émergents dans ce secteur. Julien Lebel démontre brillamment que la Chine mène une stratégie ambitieuse afin de soutenir le développement de son secteur aérien national. L’implication directe des autorités dans la croissance des compagnies locales illustre une volonté d’étendre l’influence du pays à l’international. En ce sens, la connectivité aérienne, tout particulièrement à travers les services opérés par les transporteurs nationaux, constitue un outil privilégié pour renforcer les échanges entre la Chine et des pays tiers. Illustré de trois cartes inédites.

ALORS QUE la Chine constitue un marché incontournable pour les différents acteurs de l’aérien (transporteurs opérant un réseau mondial, ou encore constructeurs aéronautiques), les compagnies aériennes chinoises poursuivent l’extension de leur réseau international, tant depuis les grandes métropoles (Pékin, Shanghai, Canton), que des villes de moindre envergure, à l’image de Xi’an, Fuzhou, ou encore Chongqing. Le pays abrite, en effet, de nombreux opérateurs qui s’avèrent liés les uns aux autres et entretiennent des liens étroits avec les autorités.

Ces dernières organisent le secteur aérien national et pilotent son développement afin d’assurer la projection de l’influence chinoise à l’échelle internationale, tant sur les plans culturels, économiques, que politiques. Quelle est la stratégie mise en œuvre par le gouvernement chinois en matière de transport aérien et comment s’articule l’expansion des compagnies nationales avec les ambitions portées par un puissant acteur politique sur la scène diplomatique et économique mondiale ?

I. Un essor continu du trafic aérien

La région Asie Pacifique constitue depuis 2011 la zone qui enregistre le plus grand nombre de passagers aériens, après avoir devancé l’Europe puis l’Amérique du Nord [1]. Cela s’explique notamment par la croissance du trafic aérien en Chine qui s’avère être de loin le marché le plus important de la région. Les autorités chinoises ont engagé depuis plusieurs années une stratégie ambitieuse en matière de transport aérien afin de développer les canaux de communication et stimuler les échanges avec différents pays tiers. L’Agence internationale du transport aérien (IATA) [2] indiquait d’ailleurs dans une étude publiée en 2017 que le nombre de passagers aériens voyageant depuis/vers/à l’intérieur de la Chine devrait dépasser le trafic enregistré aux Etats-Unis autour de 2022 [3], avec plus de 750 millions de voyageurs annuels.

Au-delà de la forte croissance démographique du pays qui peut aisément expliquer une telle dynamique, cette dernière illustre également la volonté des autorités chinoises de renforcer leur position sur la scène internationale. Alors que le pays mène dans les années 1990 une stratégie visant à promouvoir les exportations nationales, le développement des liaisons aériennes reliant la Chine aux autres Etats est de fait apparu comme une nécessité [4]. Le gouvernement chinois entreprend en 2002 une réorganisation du secteur aérien – notamment à travers le développement de trois grands groupes publics qui subsistent encore en 2019 : Air China, China Eastern et China Southern – visant à renforcer les compagnies locales face aux concurrents internationaux, tout en s’adaptant à l’essor du trafic domestique.

C’est également au cours des années 2000 que le gouvernement se concentre sur le développement des hubs de Pékin, Shanghai et Canton, apparaissant aujourd’hui comme de véritables plateformes internationales illustrant la forte croissance des trois grands groupes aériens basés respectivement dans chacune de ces villes [5]. Par ailleurs, la compagnie privée Hainan Airlines – créée en 1993 sur l’île éponyme – développe également ses vols long-courriers, tout particulièrement en lançant des liaisons internationales au départ de Pékin, mais aussi depuis les villes « secondaires » chinoises.

Il est intéressant de souligner que les autorités chinoises s’intéressent au concept de soft power [6] peu de temps après son apparition dans l’ouvrage de J. Nye en 1991 [7] et découvrent un outil idéal pour étendre l’influence de la Chine à l’échelle régionale tout en cherchant à convaincre les Etats voisins des intentions pacifiques du pays. Le concept de soft power correspond pleinement aux ambitions portées par la Chine à travers différentes initiatives, à savoir le développement des échanges économiques, un certain soutien au rayonnement culturel du pays – notamment à travers l’expansion des instituts Confucius dans le monde (tout en restant rattachés au ministère de l’Education) pour assurer la promotion de la langue chinoise, ou encore la croissance des échanges universitaires –, ainsi que la mise en œuvre d’une diplomatie moins regardante sur la situation interne des partenaires que les Etats occidentaux (ces derniers peuvent en effet poser des conditions en matière d’évolutions démocratiques notamment dans le cadre de leurs coopérations internationales) [8]. La Chine cherche ainsi à devenir un acteur incontournable sur la scène internationale afin de favoriser ses intérêts, ce qui passe par la mise en œuvre d’une large stratégie visant à générer du soft power dans les champs économique, culturel et diplomatique, tel que décrit ci-dessus.

Les ambitions de la Chine en matière de transport aérien civil : entre instrument de développement régional et outil de projection d'influence à l'international
Carte de l’essor des liaisons aériennes long-courriers au départ des aéroports chinois
Cliquer sur la vignette pour agrandir cette carte de l’essor des liaisons aériennes long-courriers au départ des aéroports chinois réalisée par Julien Lebel pour Diploweb.com
Lebel/Diploweb.com

Les compagnies aériennes chinoises ont surtout développé leurs activités au départ des régions côtières où se concentre une large part de la population ainsi que d’importants centres industriels. Parallèlement, le pouvoir politique reste centralisé à Pékin qui se trouve également dans cette région, contrastant ainsi avec les zones occidentales moins développées. Un tel déséquilibre n’est cependant pas sans conséquences : alors que le trafic aérien se concentre autour des grandes plateformes orientales (Carte 1), des problèmes importants de congestion émergent, tandis que les inégalités entre la côte et les régions intérieures s’accroissent et constituent une menace pour la stabilité du régime. Il convient d’ailleurs de rappeler que des tensions subsistent dans certains territoires qui ont été annexés et se situent aux marges du pays (Tibet, ou encore Xinjiang notamment).

Dans un tel contexte, les villes chinoises de « deuxième rang » sont de plus en plus mises en avant grâce aux ambitions d’intégration au sein des réseaux de la mondialisation portées par certains gouvernements régionaux, avec le soutien du pouvoir central qui entend dans le même temps renforcer son contrôle sur l’ensemble du pays. Le transport aérien joue un rôle à part entière dans le cadre d’une telle dynamique, notamment à travers le développement de liaisons long-courriers au départ des aéroports chinois « régionaux », aussi bien opérées par des compagnies nationales que, dans une moindre mesure, des compagnies étrangères dont les Etats d’ancrage se voient octroyés des droits de trafic [9] vers ces mêmes aéroports. La compagnie finlandaise Finnair a notamment su en tirer parti en desservant Chongqing dès 2012, puis Xi’an l’année suivante, ce qui s’inscrivait dans le cadre de sa stratégie d’expansion sur les flux reliant l’Europe à l’Asie orientale, via son hub d’Helsinki.

Plus récemment, le gouvernement chinois canalise vers ces mêmes aéroports la croissance des compagnies du Golfe qui souhaitent développer leurs routes vers le pays, à l’image de la liaison opérée par Emirates Airline depuis 2016 et desservant les aéroports de Yinchuan et Zhengzhou. Il est d’ailleurs courant que les gouvernements régionaux apportent un appui financier aux compagnies aériennes qui opèrent de telles routes [10], permettant le maintien de liaisons qui ne pourraient pas être rentables sans un tel soutien. Ainsi, entre 2012 et 2017, le nombre d’aéroports de deuxième rang accueillant des services long-courriers a quasiment doublé à travers le pays.

Alors que les contraintes relatives à la délivrance d’un visa pour les ressortissants de nombreux pays constituaient un frein au développement des flux de passagers internationaux, et plus globalement à l’attractivité des aéroports du pays en tant que plateformes de transit pour les compagnies chinoises, le gouvernement a lancé depuis 2013 de nouvelles mesures permettant à de nombreux voyageurs internationaux d’effectuer un transit sans visa sur certains aéroports du pays et sous des conditions précises [11]. Le dispositif a été initialement développé à Shanghai puis à Pékin, avant d’être progressivement étendu à d’autres plateformes nationales.

Une telle stratégie ne manque d’ailleurs pas de fragiliser l’aéroport de Hong Kong qui constituait jusqu’à présent un hub historique dans la région, celui-ci s’étant en effet développé comme un pont entre la Chine continentale et l’international. Dans un tel contexte, la compagnie Cathay Pacific – basée sur un territoire où le gouvernement chinois entend accroître son influence – traverse d’importantes difficultés et se voit contrainte de revoir son modèle, notamment à travers un réajustement de son large réseau international, tant face à l’essor de puissants transporteurs chinois que celui des compagnies du Golfe (Emirates Airline, Qatar Airways) et de Turkish Airlines.

En dévoilant les ambitions en matière d’aérien portées par le 13ème Plan quinquennal couvrant la période 2016-2020, les autorités de l’aviation civile chinoises (CAAC) ont souligné dans leur communiqué la volonté du gouvernement de « renforcer le rôle stratégique du transport aérien afin d’accroître de façon continue sa contribution à l’économie nationale » [12]. Ainsi, les compagnies chinoises enregistrent un développement soutenu, s’inscrivant dans un contexte de croissance de la demande locale. D’importantes commandes d’aéronefs sont régulièrement conclues [13], tandis que de nombreuses compagnies « régionales » ont émergé et que le réseau aérien connectant la Chine au reste du monde se diversifie de façon notable [14].

Par ailleurs, la réalisation du premier vol opéré par un aéronef civil chinois construit par la société Comac (C919) en mai 2017 vient illustrer l’ambition portée par le pays qui entend devenir un acteur influent au sein du secteur aérien international. Les transporteurs chinois tendent d’ailleurs à s’inscrire de façon croissante en concurrence avec les compagnies du Golfe et Turkish Airlines, tout en constituant un vecteur stratégique pour le développement du soft power de leur pays d’ancrage.

II. La connectivité aérienne comme pilier des projets internationaux des autorités chinoises

La mise en œuvre de larges projets visant à renforcer la place de la Chine sur la scène internationale constitue un axe majeur de la stratégie portée par les autorités du pays. En révélant à l’automne 2013 le lancement d’une « nouvelle route de la soie »,Xi Jinping entend faire de l’initiative « One Belt One Road » (OBOR) un élément majeur du rayonnement du pays vers l’Asie du Sud, l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Europe, tout en renforçant l’influence du pays à l’échelle régionale. Le projet OBOR apparaît donc comme un pilier de la stratégie de Xi Jinping, tant en matière de politique étrangère (améliorer les relations diplomatiques, notamment avec les Etats voisins, et plus largement stimuler les coopérations internationales) que de soutien à l’économie nationale (favoriser le développement des régions chinoises, tout particulièrement le centre du pays et la province du Xinjiang, mais aussi soutenir les exportations).

Alors que le projet a dans un premier temps débouché sur la définition d’une route maritime et d’une route terrestre visant à stimuler les échanges commerciaux ainsi que des coopérations diverses avec les Etats se trouvant sur leur tracé, l’initiative OBOR tend aussi à renforcer la connectivité de la Chine, notamment en facilitant les contacts « people-to-people » [15]. La diaspora chinoise constitue ici un soutien important pour le développement des canaux de communication, celle-ci entretenant souvent des liens familiaux, économiques et culturels avec la Chine continentale. En s’appuyant sur l’expansion de différents réseaux (rail, routes, aérien, oléoducs, ports, télécommunications, etc.), le projet OBOR – qui représente des investissements de plusieurs dizaines de milliards de dollars [16] – apparaît comme un moyen de soft power évident pour les autorités chinoises.

Carte du développement des compagnies aériennes chinoises
Cliquer sur la vignette pour agrandir cette carte du développement des compagnies aériennes chinoises réalisée par Julien Lebel pour Diploweb.com
Lebel/Diploweb.com

Le transport aérien n’a que progressivement été intégré au projet OBOR, sur lequel les compagnies aériennes nationales s’appuient désormais pour ouvrir de nouvelles escales (Carte 2). Ainsi, on pourra souligner l’arrivée de China Southern à Nairobi en août 2015, venant compléter la route maritime chinoise atteignant le Kenya par le port de Mombasa [17]. Le lancement de vols opérés par Hainan Airlines vers Prague en septembre 2015 [18], mais aussi Air China vers Athènes en septembre 2017, s’inscrit également dans un contexte similaire. De façon globale, la dynamique d’expansion des compagnies chinoises, à travers l’évolution de leur réseau, illustre les ambitions du gouvernement qui souhaite renforcer l’influence de la Chine sur la scène internationale en s’appuyant sur différents canaux de communication.

On peut d’ailleurs observer que les transporteurs du pays ont tout particulièrement concentré leur développement vers l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Océanie, offrant en 2017 davantage de fréquences depuis et vers la Chine que leurs homologues basés dans ces différentes régions. A l’inverse, le faible développement des compagnies chinoises en Afrique peut surprendre, compte tenu des nombreux investissements réalisés par le pays sur ce continent. Il faut dire que les flux touristiques restent très limités sur ces routes davantage à vocation affaires, tandis que les compagnies du Golfe sont très présentes sur l’axe Asie orientale-Afrique, avec un transit dans les émirats. Cela est d’ailleurs visible sur la carte 2 puisqu’entre la Chine et le Moyen-Orient, les compagnies tierces opèrent près de quatre fois plus de fréquences hebdomadaires que les transporteurs chinois, une exception au regard des flux connectant la Chine aux autres régions – sauf l’Afrique où le développement d’Ethiopian Airlines permet ici aussi de surpasser aisément la faible présence des compagnies chinoises, tel que décrit précédemment.

Ainsi, au-delà de l’espace régional où les transporteurs du pays opèrent de multiples liaisons depuis un nombre varié de villes chinoises, l’offre long-courrier au départ de la Chine a nettement progressé, tout particulièrement à travers le développement des compagnies nationales. L’Amérique du Sud reste à ce jour l’unique région non accessible par vol direct au départ de la Chine du fait de la distance géographique qui sépare ces deux espaces [19].

III. De puissantes compagnies nationales qui ont pleinement intégré les dynamiques du secteur aérien mondial, tout en restant contrôlées par les autorités

La Chine entend donc renforcer son influence à l’échelle mondiale et de nombreux Etats sont prêts à coopérer dans le cadre des projets portés par les autorités chinoises afin de tirer profit des opportunités économiques offertes par le pays. Pourtant, certains acteurs – tels que le Japon ou d’autres voisins asiatiques – restent méfiants quant aux ambitions des autorités chinoises. Les tensions concernant la présence et les revendications chinoises en Mer de Chine méridionale illustrent des désaccords importants avec certains Etats de la région, notamment en ce qui concerne la délimitation géographique des eaux territoriales pour chacun des pays concernés. Par ailleurs, les relations diplomatiques avec les Etats-Unis restent difficiles, tandis que les autorités chinoises sont régulièrement accusées par certains gouvernements tiers de sous-évaluer leur monnaie, ce qui affecterait les balances commerciales d’autres Etats.

A l’échelle du pays, le pouvoir s’avère être concentré entre les mains d’une élite régulièrement critiquée par les Etats occidentaux pour son faible engagement en matière de respect des libertés individuelles et des droits de l’homme de façon générale. Enfin, l’émergence des ambitions chinoises s’inscrit également dans un contexte où la question du changement climatique est davantage mise en avant, tandis que le pays est considéré comme le premier émetteur mondial de gaz à effet de serre. Le soft power de la Chine s’avère donc limité auprès des opinions publiques internationales – à commencer par les Occidentaux –, même si de nombreux Etats souhaitent renforcer leurs coopérations avec un pays dont la croissance économique et le poids démographique suscitent un intérêt certain (échanges commerciaux, investissements, flux touristiques).

Carte du secteur aérien chinois : entre implication directe des autorités politiques et intégration forte au sein de partenariat majeurs avec des acteurs internationaux
Cliquer sur la vignette pour agrandir cet carte du secteur aérien chinois : entre implication directe des autorités politiques et intégration forte au sein de partenariat majeurs avec des acteurs internationaux, réalisée par Julien Lebel pour Diploweb.com
Lebel/Diploweb.com

Le secteur aérien chinois s’organise actuellement autour de cinq compagnies (Carte 3) : les trois groupes détenus par l’Etat (Air China, China Eastern et China Southern), mais aussi Cathay Pacific (Swire Group, une société d’investissements privée et dont le siège se trouve au Royaume-Uni, en est le principal actionnaire, tandis qu’Air China détient également 30% des parts), ainsi que Hainan Airlines (détenue par HNA Group, une holding « privée » chinoise ayant investi dans différents secteurs à l’international). Les compagnies « régionales » chinoises les plus importantes s’avèrent, quant à elles, contrôlées par les cinq transporteurs cités plus haut, faisant ainsi de l’Etat chinois un acteur central du secteur aérien.

Ces différentes compagnies contribuent pleinement au développement du soft power du pays et entretiennent en parallèle de puissants partenariats avec des compagnies d’envergure mondiale qui constituent des piliers des trois grandes alliances du secteur. De telles coopérations apportent dans les faits des bénéfices réels pour les deux parties, à s’avoir un ancrage pour les compagnies chinoises aux côtés d’acteurs internationaux reconnus et basés dans des régions stratégiques au regard des ambitions portées par les autorités chinoises. En retour, les compagnies tierces peuvent accéder au marché continental chinois via leur partenariat avec les transporteurs du pays qui opèrent un large réseau domestique et régional.

C’est dans un tel contexte que des coopérations renforcées et des accords de joint-venture ont émergé, s’accompagnant parfois de liens capitalistiques, à l’image de l’entrée de China Eastern dans le capital du groupe Air France-KLM à hauteur de 10%, ainsi que de Delta Airlines au sein de China Eastern (3,55%) durant l’été 2017. Parallèlement, Qatar Airways est, quant à lui, entré à hauteur de 10% dans le capital de Cathay Pacific en novembre 2017, pouvant annoncer une refonte de la stratégie du transporteur basé à Hong Kong. L’initiative de Qatar Airways doit vraisemblablement être suivie de près par Air China qui détient également près de 30% du capital de Cathay Pacific depuis 2009. On notera aussi l’arrivée du transporteur qatari à hauteur de 5% dans le capital de China Southern en janvier 2019.

En annonçant sa sortie de l’alliance Skyteam début 2019, la compagnie China Southern est toutefois venue illustrer une certaine indépendance du secteur aérien chinois vis-à-vis des partenaires étrangers, à commencer par les compagnies européennes et américaines. Le transporteur n’a d’ailleurs pas hésité à signer en février 2019 un accord de coopération avec Emirates Airline. Ces dynamiques viennent donc illustrer une diversification des partenariats entretenus par les compagnies chinoises, ce qui pourrait potentiellement affaiblir la position des transporteurs européens et américains ayant précédemment développé des liens solides avec leurs homologues chinois.

Conclusion

La Chine mène une stratégie ambitieuse afin de soutenir le développement de son secteur aérien national. L’implication directe des autorités dans la croissance des compagnies locales illustre en effet une volonté d’étendre l’influence du pays à l’international. En ce sens, la connectivité aérienne, tout particulièrement à travers les services opérés par les transporteurs nationaux, constitue un outil privilégié pour renforcer les échanges entre la Chine et des pays tiers.

Les autorités favorisent par ailleurs un développement des droits de trafic visant à rééquilibrer la distribution des flux aériens à travers le pays – en soutenant le développement des plateformes de deuxième rang – et permettre aux compagnies nationales d’étendre leur réseau mondial. En parallèle, l’implication des gouvernements régionaux dans le lancement de nouvelles liaisons aériennes, via l’octroi de subventions permettant l’exploitation de routes long-courriers, vient renforcer la visibilité du pays et constitue un appui efficace à l’expansion des compagnies chinoises. De fait, le contrôle de la connectivité aérienne s’apparente pour le gouvernement chinois à un outil stratégique qu’il utilise afin d’orienter et soutenir le développement de ses multiples partenariats et coopérations internationales, tout en renforçant sa position sur la scène diplomatique et économique mondiale.

La concurrence reste cependant indéniable face aux stratégies mises en œuvre par des pays tiers qui s’appuient également sur de larges compagnies aériennes, à l’image des émirats du Golfe ou encore de la Turquie. Par ailleurs, la Chine fait face à d’importants défis en matière de gestion du trafic au regard des perspectives de croissance du secteur aérien local et des problèmes de congestion de l’espace aérien qui existent déjà à travers le pays. Dans un tel contexte, les enjeux environnementaux méritent également d’être soulignés, tout particulièrement en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre liées à l’essor notable du trafic aérien dans certains pays, au premier rang desquels figure la Chine. Ainsi, le secteur aérien chinois a connu d’importantes transformations depuis les années 1990 et celles-ci vont être amenées à se poursuivre face à des défis qui se posent déjà.

Copyright Mars 2019-Lebel/Diploweb.com


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[1Voir par exemple les statistiques de la Banque mondiale concernant le nombre de voyageurs transportés : https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/IS.AIR.PSGR

[2Il s’agit d’une organisation basée à Montréal qui regroupe la plupart des compagnies aériennes dans le monde.

[3Voir IATA, “2036 Forecast Reveals Air Passengers Will Nearly Double to 7.8 Billion”, publié le 24 octobre 2017, https://www.iata.org/pressroom/pr/Pages/2017-10-24-01.aspx

[4LEI Z., O’CONNELL J., 2011, “Aviation Policy in China”, IATA, octobre 2011.

[5LEI Z., O’CONNELL J., 2011, op. cit.

[6D’après J. NYE, le soft power peut être défini comme la capacité d’un acteur (il peut s’agir d’un Etat, ou encore d’une entreprise) à susciter l’admiration et obtenir le soutien d’autres parties, sans faire usage de la coercition ou recourir à des paiements. Voir NYE J., 2004, Soft Power : The Means to Success in World Politics, Public Affairs, New York, 208 p.

[7NYE J., 1991, Bound to Lead : The Changing Nature of American Power, Basic Books, New York, 336 p.

[8CHO Y. N., JEONG J. H., 2008, “China’s Soft Power”, Asian Survey, University of California Press, vol. 48, n°3, pp. 453-472.

[9Les services aériens internationaux sont encadrés par des accords qui, s’ils ne donnent pas lieu à une libéralisation, précisent les conditions dans lesquelles les compagnies aériennes peuvent être désignées et opérer des vols entre deux Etats/régions signataires. Le plus souvent, des restrictions existent en matière de fréquences des vols et de liaisons qu’il est possible d’opérer. Les autorités nationales accordent donc des droits de trafic pour permettre l’exploitation de services aériens internationaux.

[10Voir par exemple “China’s Airlines Fly the World Riding on $1.3 Billion Subsidies”, Bloomberg, publié le 21 décembre 2017, www.bloomberg.com/news/articles/2017-12-21/china-s-airlines-fly-the-world-riding-on-1-3-billion-subsidies ; l’article indique que les subventions octroyées par les gouvernements régionaux chinois sont aussi bien destinées aux transporteurs nationaux qu’aux compagnies étrangères.

[11Depuis 2013, la politique du gouvernement chinois s’est étoffée en matière de visas pour les voyageurs en transit sur les aéroports du pays. En janvier 2019, il est possible d’effectuer un transit sans visa pour une durée maximale de 24h dans la quasi-totalité des aéroports du pays (presque toutes les nationalités sont éligibles, mais il n’est pas possible de quitter la zone de transit). Deux autres options de transit sont également proposées pour les ressortissants de 53 pays (dont la plupart des Etats européens) : une autorisation de transit pour 72h, ou bien 144h maximum. Le nombre d’aéroports chinois où ces options sont disponibles est en revanche plus limité.

[12Communiqué de la Civil Aviation Administration of China (CAAC) intitulé “CAAC Specifies Five Main Tasks in the 13th Five-year Plan for Civil Aviation Development” et publié le 3 février 2017 sur www.caac.gov.cn

[13A noter que les commandes sont réalisées par le gouvernement central qui répartit ensuite les appareils entre les compagnies nationales.

[14MESZAROS J., “China Continues with Ambitious Air Transport Growth Plans”, AINonline, publié le 12 février 2016, www.ainonline.com/aviation-news/air-transport/2016-02-12/china-continues-ambitious-air-transport-growth-plans

[15KENNEDY S., 2015, “Building China’s ‘One Belt, One Road’”, Center for Strategic & International Studies, accessible à l’adresse suivante www.csis.org/analysis/building-china%E2%80%99s-%E2%80%9Cone-belt-one-road%E2%80%9D

[16ALBERT E., 2017, “China’s Big Bet on Soft Power”, Council on Foreign Relations, accessible à l’adresse suivante www.cfr.org/backgrounder/chinas-big-bet-soft-power

[17A noter que la Chine a financé et réalisé la construction d’une liaison ferroviaire entre le port de Mombasa et la capitale Nairobi. Voir MIRIRI D., “Kenya inaugurates Chinese-built railway linking port to capital”, Reuters, publié le 31 mai 2017, https://www.reuters.com/article/us-kenya-railways/kenya-inaugurates-chinese-built-railway-linking-port-to-capital-idUSKBN18R2TR

[18HAN B., “China’s Silk Road Takes to the Air”, The Diplomat, publié le 13 octobre 2015, ww.thediplomat.com/2015/10/chinas-silk-road-takes-to-the-air/

[19A noter cependant que la compagnie Air China propose deux vols hebdomadaires depuis Pékin vers Sao Paulo, avec une escale à Madrid.

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