Jean-Pierre Cabestan, Directeur de recherche au CNRS, professeur à l’Université baptiste de Hong Kong vient de publier « Demain la Chine : démocratie ou dictature ? », Paris, Gallimard, Coll. « Le Débat », 2018. Propos recueillis par Laurent Chamontin pour Diploweb.com, Membre du Conseil scientifique du Diploweb.
Quelles sont les forces et les faiblesses du régime communiste en Chine ? Comment caractériser ce régime et ses relations avec la population ? Le nationalisme est-il une ressource politique ou / et un risque géopolitique ? Jean-Pierre Cabestan répond avec brio, de façon argumentée et nuancée.
Jean-Pierre Cabestan, Directeur de recherche au CNRS, professeur à l’Université baptiste de Hong Kong vient de publier « Demain la Chine : démocratie ou dictature ? », Paris, Gallimard, Coll. « Le Débat », 2018. Propos recueillis par Laurent Chamontin pour Diploweb.com
Laurent Chamontin (L. C.) : Vous mettez en doute le lien entre expansion de la classe moyenne et démocratie, au moins dans le cas chinois. Cela signifie-t-il qu’il n’y a pas de demande de démocratisation ? Quel est le positionnement des élites vis-à-vis de cette question ?
Jean-Pierre Cabestan (J.-P. C.) : En Chine aujourd’hui, les classes moyennes n’expriment pas une forte demande de démocratisation, et ceci pour quatre raisons principales : le déficit de culture démocratique, la modernisation réussie du pays, la répression et le nationalisme.
Les valeurs politiques de la majorité des Chinois, y compris des classes moyennes, restent a-démocratiques, pas forcément anti-démocratiques mais marquées par un besoin de bien-être et une priorité à la sécurité, sécurité des biens et des personnes, par rapport à la liberté ; le besoin de stabilité et la crainte du chaos héritées de la Révolution culturelle y contribuent aussi. Ce déficit de culture démocratique tient beaucoup plus à la soviétisation des institutions et de la vie politique en Chine depuis 1949 qu’à la culture politique traditionnelle chinoise (le confucianisme). La Chine populaire est un régime amnésique qui a constamment œuvré pour faire oublier le combat pour la démocratie engagé par les élites chinoises à compter de la fin de l’Empire mandchou, notamment celui de Sun Yat-sen, et qui a permis la démocratisation de Taiwan autour de 1990. A Pékin, cette démocratisation est considérée comme une anomalie, favorisée par l’impérialisme américain, peu compatible avec la tradition chinoise : c’est évidemment une reconstruction car rien dans le confucianisme n’est incompatible avec la démocratie : le Japon, la Corée du Sud et Taiwan ont depuis longtemps montré qu’il y a compatibilité. Ce qui manque à la Chine populaire, ce sont les valeurs libérales qui constituent le terreau de la démocratie ; or contrairement à Hong Kong, qui se bat sur la brèche et résiste autant que faire se peut, et Taiwan, qui est de fait indépendant, le Parti communiste chinois bride toute promotion des valeurs politiques libérales et démocratiques.
La deuxième raison est connue : la modernisation, longtemps retardée par Mao qui est mort en 1976 dans un pays encore principalement rural (80% des Chinois alors habitaient hors des villes), de l’économie chinoise et l’amélioration sans précédent du niveau de vie de la population. Le PC a su parfaitement instrumentaliser ce résultat pour s’en attribuer l’unique responsabilité alors que la paternité en revient aux Chinois eux-mêmes (cf. ci-dessous).
La troisième raison est la répression et la surveillance constante exercée par le Parti-État et les services de sécurité : ces contrôles dissuadent la plupart des nouvelles classes moyennes urbaines de formuler une quelconque revendication de sortie du régime de parti unique, de multipartisme et d’élections libres. Cela ne signifie pas qu’elles ne se mobilisent pas quand le pouvoir empiète sur leurs droits ou leurs avantages, par exemple si celui-ci s’aventure à construire une usine polluante à proximité de leur logement, durement acheté. Mais la plupart des Chinois par conviction, passivité ou fatalisme, se satisfont du régime actuel, des services que leur fournit leur gouvernement.
La quatrième raison est le nationalisme : la majorité des Chinois et des classes moyennes sont fières de la montée en puissance de leur pays, de la réussite de sa modernisation et de la restauration de son statut de grande puissance. Dans ces conditions, peu d’entre eux songent à remettre en cause la dictature du Parti.
L’augmentation du niveau d’éducation et la montée des attentes des classes moyennes ainsi que la mondialisation de l’économie et de la société chinoises concourent à diffuser les valeurs démocratiques. Mais l’état de nos démocraties, la crise que nombre d’entre elles traversent et la montée des populismes contribuent inversement à les rendre peu attractives pour de nombreux Chinois, la propagande du PC faisant le reste.
Ce qui nous amène au rôle des élites chinoises. Les élites politiques officielles, celles du PC, sont étroitement « formatées » par l’idéologie et l’organisation de ce dernier. Par conséquent, elles en connaissent parfaitement le modus operandi et n’osent guère dévier de la ligne politique du moment. Si un Gorbatchev chinois existe, il a plutôt intérêt à rester masqué tant que le rapport des forces lui reste défavorable…
Les élites entrepreneuriales sont dépendantes du pouvoir et dans l’ensemble légitimistes, même si leur pouvoir économique et financier leur procure une certaine autonomie et surtout un certain pouvoir de négociation et que certains patrons s’aventurent de temps à autres, mais non sans prendre quelques risques, à critiquer le Parti ou même Xi Jinping lui-même.
Quant aux élites intellectuelles, elles sont dans leur majorité favorables au maintien d’un régime fort, organisé autour du PC, certains courants poussant en faveur d’une politique « néo-maoiste » (la nouvelle gauche), plus soucieuse de la réduction des inégalités, les autres militant en faveur d’un retour aux valeurs confucéennes traditionnelles, du moins les plus réactionnaires d’entre elles car le confucianisme comporte de nombreuses facettes. Mais les unes comme les autres sont partisanes du renforcement de l’État, et de sa plus grande centralisation du système de gouvernement. Dans ce contexte favorisé par le PC, les élites libérales, qui souhaitent, à l’instar de Liu Xiaobo, décédé en 2017 ou de Xu Zhiyong, l’introduction d’un régime constitutionnel, voire fédéral, et une transition vers la démocratie sont clairement marginales, réprimées ou réduites au silence par le pouvoir, c’est-à-dire les organes de sécurité et de propagande. Et cette répression s’est accusée depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2012. De telle sorte que la grande majorité des Chinois n’ont jamais entendu parler ni de Liu Xiaobo ni de Xu Zhiyong, ni des 200 avocats des droits de l’homme brutalement arrêté en juillet 2015 (la plupart ont été relâchés depuis mais restent sous étroite surveillance).
L. C. : Xi Jinping est-il populaire ? La prolongation de son mandat sans limite de temps est-elle bien accueillie ?
J.-P. C. : Oui, Xi Jinping est très populaire car il a lancé une campagne sans précédent contre la corruption qui a contribué à rabaisser la superbe et l’arrogance de nombre de cadres dirigeants et a donné l’impression d’un nettoyage efficace de la bureaucratie. Il est aussi perçu comme représentant parfaitement cette nouvelle Chine puissante et sûre d’elle-même sur la scène internationale. Donc la prolongation de son mandat a été soutenue, à mon sens, par la majorité des Chinois. Et contrairement à ce que certains médias étrangers ont indiqué, peu d’entre eux s’y sont opposés.
Certes, il y a eu une bronca, au sein de l’élite du PC et dans certains milieux intellectuels. Les circonstances de l’approbation par le Comité central du Parti de cette réforme sont restées obscures et, on peut le penser, tout sauf démocratiques. Mais la Nomenklatura du Parti a intérêt à coller à la ligne de Xi, tant que celui-ci domine le jeu. Et les critiques exprimées par les intellectuels ou juristes libéraux, souvent censurées, n’ont guère eu d’impact sur la société qui voit dans la prolongation du mandat de Xi un gage supplémentaire de stabilité, sa véritable obsession.
L. C. : Le pouvoir est-il efficace dans sa lutte contre la corruption ? Contre les inégalités ?
J.-P. C. : La campagne de Xi contre la corruption a contribué à réduire la petite corruption, celle qui irrite les Chinois de la rue, et surtout à rendre la corruption moins visible. Mais elle ne pourra pas éradiquer la corruption car celle-ci est systémique. Xi a fait de nombreux exemples, souvent spectaculaires, s’en prenant en priorité à ses opposants ou rivaux politiques, à la fois au sein du Parti et de l’Armée. Cela a certainement eu un effet dissuasif. Mais si vous êtes politiquement loyal, Xi (et ses sbires en charge de cette campagne) se montreront plus cléments à votre égard. Dans un cas contraire, ils seront impitoyables. Cette campagne a donc un fort caractère politique. Et aucun contre-pouvoir n’est en mesure de contrôler les pouvoirs du PC et en l’occurrence de ses organes disciplinaires.
Le problème est que la campagne de Xi contre la corruption a contribué à ralentir l’entrée en vigueur des réformes et à multiplier les sources de grippage, sinon de paralysie au sein de la bureaucratie. D’où le souci de Xi de promouvoir des responsables de confiance, à la tête des provinces, des ministères et au sein du Bureau politique avec lesquels il est contraint de se montrer indulgent. En outre, refusant toute publication des revenus des dirigeants du PC, Xi évite que cette campagne atteigne le cœur du système : la collusion et même l’osmose entre les élites politiques (la Nomenklatura) et leurs familles, d’une part, et le pouvoir économique, non seulement pour ce qui concerne les grands groupes d’État mais aussi de nombreuses grandes sociétés privées.
Quoi qu’il en soit, la société chinoise perçoit cette campagne comme efficace, donc elle a atteint son objectif politique principal qui a été depuis le scandale Bo Xilai en 2012 de renforcer la légitimité politique du Parti.
La lutte contre les inégalités n’est pas une priorité pour le pouvoir, ni d’ailleurs pour la majorité des Chinois. Un peu comme les Américains, ceux-ci acceptent mieux les inégalités sociales que les Européens. Ils sont en revanche sensibles aux injustices, du moins celles qui les touchent directement. Ainsi, les migrants sont irrités de leur statut de résident urbain de seconde classe, sans accès aux bénéfices sociaux (par exemple l’éducation gratuite) dont jouissent les véritables urbains et surtout les classes moyennes. Mais ces derniers sont jaloux de leurs privilèges et ne souhaitent guère les partager, même si la présence des migrants en ville concourt à améliorer la qualité des services et donc leur bien-être.
La priorité du pouvoir est d’éradiquer la pauvreté, objectif qu’il sera en mesure d’atteindre assez rapidement. La généralisation des systèmes de protection sociale mettra beaucoup plus de temps et restera marqué de toute façon par de profondes inégalités, ces systèmes étant gérés à l’échelon municipal (le niveau juste en dessous de la province).
L. C. : La société civile (blogueurs, groupes religieux, écologistes, ONG…) est-elle une menace pour le pouvoir ? Quels sont ses sujets d’inquiétude ? Comment y réagit-il ?
J.-P. C. : La société civile chinoise reste embryonnaire et fragmentée. Les blogueurs sont à 90% non politiques, et la censure veille au grain, même si les plus actifs d’entre eux parviennent à la contourner. Les groupes religieux sont avant tout préoccupés de leur survie et de leur légalisation plus ou moins formelle. Les ONG ne s’aventurent pas sur le terrain politique, trop risqué, et sont de plus en plus souvent récupérées par le pouvoir qui les aide financièrement et par là influence directement leurs activités. Les mouvements ou activistes écologistes parviennent de temps à autres à peser sur le gouvernement et à modifier le comportement des entreprises polluantes. Mais si elle conduit à un certain pluralisme de fait au sein de la société, cette plus grande respiration ou liberté politique ne favorise en rien une sortie du système de parti unique : au contraire, il conduit un plus grand nombre de Chinois à penser que le pouvoir répond aux atteintes de la société. En d’autres termes, le Parti-État a appris à devenir réactif et à tenir compte des récriminations les plus fortes ou constantes de la société ; d’où la caractérisation avancée par certains d’un régime léniniste consultatif.
Evidemment, à ce volet consultatif s’ajoute un autre volet beaucoup plus répressif et même « contrôlocrate ». Les activistes politiques sont constamment surveillés ou pourchassés ; aucune ONG, et a fortiori parti politique, véritablement indépendant ne peut voir le jour. Scruté en permanence par le pouvoir, Internet permet à ce dernier de mieux savoir ce que pense la société et donc de prévenir ses protestations éventuelles. Et le système de crédit social testé dans certaines provinces ajoute un niveau de surveillance quasi-orwellien à l’édifice de sécurité et de préservation de la stabilité (weiwen) déjà en place. En fait, le crédit social a pour objectif d’accompagner l’urbanisation sans précédent de la société chinoise et d’en préempter les conséquences les plus déstabilisatrices. Car la concentration humaine qui résulte de l’urbanisation constitue un facteur supplémentaire de mobilisation, de troubles et donc d’incertitude.
Ce sont les raisons pour lesquelles le pouvoir n’a rien à craindre, du moins à court et moyen termes.
L. C. : Qu’est-ce qui fait la légitimité du Parti Communiste Chinois aux yeux de la population ?
J.-P. C. : Pour moi, le régime politique chinois n’est pas légitime puisque celui-ci ne permet pas l’élection démocratique de ses dirigeants ni ne garantit le respect des libertés publiques les plus fondamentales. Mais pour la majorité des Chinois, il faut bien admettre qu’il est légitime, et ceci pour les trois raisons évoquées plus haut. Tout d’abord le déficit de culture démocratique : figurez-vous que 60% des Chinois pensent que leur régime est démocratique. Beaucoup d’entre eux adhèrent au discours du PC qui estime avoir mis en place un système méritocratique de sélection et de promotion des élites (alors que les relations personnelles et la loyauté politique ou le clientélisme en sont les principaux facteurs). Nombre d’entre eux pensent que leurs dirigeants et leur gouvernement leur fournissent le cadre institutionnel et politique qui leur permet de prospérer et de s’enrichir sans se soucier de la manière dont le Parti-État fonctionne ni de son opacité, de son côté « société secrète » et de sa dimension mafieuse.
En d’autres termes, à tort ou à raison, les Chinois croient que c’est le PC qui leur a permis de sortir de la pauvreté, puis de jouir d’un certain bien-être et pour certains de s’enrichir (alors qu’en réalité, ce sont tous les Chinois qui se sont mis au travail après 1978 ainsi que les technologies et investissements étrangers qui ont été les principales sources de modernisation).
Il est vrai que le Parti-État a fourni le cadre institutionnel et juridique nécessaire à cette modernisation et que ce cadre d’une manière générale se modernise et s’améliore, même s’il l’on ne peut espérer l’instauration d’un véritable « État de droit » en Chine populaire. La sécurité juridique est aujourd’hui bien plus grande qu’il y a quarante ans, du moins pour les acteurs économiques ou les citoyens qui ne s’aventurent pas sur le terrain politique. En d’autres termes, le Parti assure ordre et sécurité et nombre de Chinois craignent qu’une démocratisation « à l’occidentale » comme dit le PC, nuirait non seulement à la stabilité mais atteindrait directement leur niveau de vie et donc leur bien-être. Enfin, fouettant le nationalisme dont il prétend avoir le monopole, le Parti est perçu comme le principal artisan de la montée en puissance du pays, de la modernisation de ses forces armées, de l’augmentation sans précédent de son influence internationale et du respect dont il jouit désormais aux quatre coins de la planète. D’où la croyance répandue en Chine, assez fausse au demeurant, que la Chine, en dépit de la nature autoritaire de son régime, possède désormais une puissance douce (ou un soft power) autrement plus importante que l’Union européenne ou les États-Unis. Si la réussite économique de la Chine attire et même fascine de nombreux pays, ceux-ci vont-ils pour autant changer de régime politique pour favoriser le développement de leur économie ? L’on observe une convergence entre la Chine et les pays qui ont un système politique similaire, comme le Rwanda ou le Soudan. Mais le Sénégal ou la Côte d’Ivoire, par exemple, ne vont pas brader leur démocratie pour accélérer leur modernisation économique.
L. C. : Le pouvoir peut-il être tenté d’instrumentaliser le nationalisme ? Cela crée-t-il un risque important de crise internationale, par exemple autour de Taiwan ou de la mer de Chine du sud ?
J.-P. C. : Oui, la tentation par le pouvoir d’instrumentaliser le nationalisme est constante. Mais le PC sait aussi le maîtriser quand besoin est, si un mouvement hostile à un pays étranger, par exemple le Japon, la Corée du sud, les États-Unis ou l’Inde, devient un obstacle à la diplomatie chinoise. L’on ne peut exclure que la passion nationaliste de certains segments de la société pèse sur le pouvoir et le conduise à se lancer dans une aventure militaire, même périlleuse. Pour autant, tout en satisfaisant, par son discours et certaines de ses actions le nationalisme, le pouvoir évite de prendre trop de risques sur la scène internationale, comme s’il voulait à tout prix éviter toute crise grave, en particulier avec les États-Unis. Ainsi, l’Armée chinoise n’a jamais tenté de prendre le contrôle des Senkaku (Diaoyu), ces îles contrôlées par le Japon depuis 1895, du fait de l’alliance américano-japonaise. La marine ou les garde-côtes chinois se sont contenté de pénétrer de manière régulière mais passagère dans les eaux territoriales situées autour de ces îlots. De même, en dépit de ses intimidations et gesticulations fréquentes autour de Taiwan, tout attaque ou même blocus de l’île provoquerait immanquablement une réaction militaire américaine. Et en mer de Chine du Sud, Pékin a surtout construit des îles artificielles et des bases militaires sur des récifs ou îlots qu’il contrôlait déjà. Il n’a pas cherché à déloger les Vietnamiens, les Malaisiens ou les Philippins de leurs possessions, à l’exception de Scarborough Shoal en 2012, rocher revendiqué par Manille mais négligé par cette capitale depuis longtemps. Et surtout la marine chinoise n’ose défier le passage à proximité de ses îles artificielles des bateaux de la VIIème flotte américaine au nom de la liberté de navigation dans les eaux internationales (ces îles ont été toutes reléguées au rang de « rochers » par la décision d’arbitrage du tribunal international de La Haye en juillet 2016).
Donc, la stratégie du PC consiste à flatter le nationalisme sans pour autant y céder lorsque celui-ci le pousse à prendre des décisions périlleuses. Car la priorité du Parti est sa propre survie tant il estime que le régime qu’il a mis en place en 1949 et réformé et modernisé à compter de 1979 est supérieur à la démocratie libérale, « occidentale ».
Évidemment, une crise internationale, peut être imposée à la Chine par une force extérieure, mais dans un tel cas, la prudence et le calcul l’emporteront sur l’aventure. De toute façon, sauf désastre majeur, l’on voit mal une guerre entamer la légitimité du régime. Au contraire, une guerre courte et locale peut lui apporter un supplément de légitimité tant le nationalisme est omniprésent et le camp des va-t-en guerre, fascinés par la puissance militaire et les armements, s’est renforcé ces dernières années.
Finalement, ce qu’il faut retenir c’est que même si certains Chinois, et je pense un nombre croissant d’entre eux, estiment qu’à terme la Chine devra aller vers plus de démocratie, la majorité d’entre eux sont prêts à attendre. Et surtout, le PC chinois ne se voit pas présider aux destinées de la Chine pour une période passagère, mais pour toujours, ou au moins pour mille ans… Ce qui signifie que toute évolution vers un autre régime se fera presque immanquablement dans la douleur, à travers l’affrontement plus ou moins violent entre les forces conservatrices et les forces réformatrices, y compris au sein du Parti lui-même qui en cas de crise grave, à la fois économique, financière et politique se divisera, chaque partie tentant de persuader les forces armées et de sécurité de les soutenir, avec toutes les incertitudes qu’une telle crise pourrait provoquer. Mais nous sommes encore loin d’une telle évolution, sans doute d’ici vingt à trente ans, sinon plus.
Copyright Juin 2018-Cabestan-Chamontin/Diploweb.com
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4e de couverture
Une thèse communément admise voudrait que le développement économique spectaculaire de la Chine et l’expansion d’une classe moyenne qu’il entraîne favorisent tôt ou tard une libéralisation de son régime politique et une évolution plus ou moins douce vers la démocratie. Est-ce si sûr ? Jean-Pierre Cabestan montre la fragilité de cette thèse en regard du fonctionnement réel du système politique chinois et de ses rapports avec la société. Il expose les raisons qui rendent beaucoup plus probable le maintien d’un régime autoritaire et modernisateur dirigé sans partage par le Parti communiste, la principale étant le large consensus des élites autour de ce projet.
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