Emmanuel Lincot est Professeur à l’Institut Catholique de Paris, sinologue et Chercheur-associé à l’IRIS. Il fera paraître « Géopolitique du patrimoine. D’Abou Dhabi au Japon » aux éditions MkF en avril 2021. Emmanuel Véron est spécialiste de la Chine et de relations internationales. Il enseigne dans diverses institutions et est associé à l’Inalco (UMR IFRAE) et à l’École navale. Il est délégué général du FDBDA, ayant pour objet le soutien et la promotion des activités contribuant à une meilleure connaissance des espaces maritimes et de l’Asie. Propos recueillis par Pierre Verluise, Docteur en Géopolitique, fondateur du Diploweb.com. Auteur de la Masterclass « Quels sont les fondamentaux de la puissance ? », sur Udemy.
Quels sont les réalités présentes et les perspectives de la Chine au vu des paramètres fondamentaux de la puissance ? Comment la Chine tente-t-elle de réécrire le récit de ses responsabilités dans la pandémie de COVID-19 ? Quelles sont ses relations avec les États-Unis, l’UE, le Japon, mais aussi avec les pays émergents et l’Afrique ? Quelle est l’originalité de la Chine en matière de cyber ? Avec beaucoup de générosité, E. Lincot et E. Véron apportent des réponses précises, sans langue de bois. Un document de référence pour qui veut comprendre un acteur clé du XXIe s.
Pierre Verluise (P. V) : La puissance repose sur la combinaison d’une multitude de paramètres évolutifs, dont la maîtrise du territoire, les dynamiques démographiques et le désir de puissance. Sur ces trois paramètres, quelles sont les caractéristiques et perspectives chinoises ?
Emmanuel Lincot :
L’objectif depuis un quart de siècle pour le Parti-État est d’établir en Chine un certain équilibre entre les régions du littoral, celles du centre et de l’ouest. Avec une double contrainte : les ressources minières (charbon, pétrole), pour ce qui concerne la production nationale, sont éloignées des foyers de consommation. C’est à cette tyrannie de la géographie que les autorités de Pékin se sont adaptées en décentralisant leurs pouvoirs de décision. Avec le risque de voir des dirigeants régionaux s’émanciper du centre. De cette tension permanente entre le centre et la périphérie découle toute l’évolution politique de la Chine. Elle a pris une acuité toute particulière depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping à la tête de l’Etat, en 2012. Une seconde acception au mot même de territoire est corrélée à son rétrécissement d’un point de vue de la Surface Agricole Utile (SAU) : 8 % du territoire seulement et celle-ci sera condamnée à s’amenuiser davantage avec l’urbanisation du pays et des contraintes liées à la géographie qui, elles, sont immuables : la Chine est couverte en large partie de montagnes et de déserts. Même si, dans les faits, les déserts (comme celui du Gobi) avancent et posent un problème crucial : celui de l’accès à l’eau. 400 millions de Chinois sont d’ailleurs concernés par le problème de la sécheresse et la raréfaction de l’eau est une donnée stratégique majeure qui explique nombre de contentieux entre la Chine et certains de ses voisins. En d’autres mots, et on l’aura compris, les terres arables ne sont pas en nombre suffisant pour assurer la sécurité alimentaire de la population. La dépendance de la Chine vis-à-vis de l’extérieur dans le domaine alimentaire est un problème majeur. Cette dépendance a un coût : elle tire les prix des denrées alimentaires à la hausse sur les marchés internationaux. C’est l’une des causes – mais pas la seule – des Printemps arabes, en 2011. Cette dépendance chinoise s’est accentuée avec ce phénomène que les géographes appellent la rurbanisation c’est à dire un grignotage systématique du monde rural par les villes et corollaire de celui-ci, un choc des cultures qui a entraîné la pandémie que l’on sait, laquelle n’est ni la première ni hélas la dernière de ce genre. Il faut consulter DISCOVER [1], livre de photographies rares sur la Chine de l’intérieur, prises par François Daireaux pour se rendre compte à quel point la société chinoise a été brutalisée. Nous sommes aux antipodes, selon la formule consacrée, d’une société « harmonieuse » non plus qu’une société qui, d’après l’idéal communiste, serait « égalitaire ». L’écart entre les riches et les pauvres est abyssal. Près de 60 % de la population vit avec 140 dollars de revenus en moyenne par mois. Et cette population des petites gens, des « lao bai xing », comme on le dit en chinois, a été très fortement marquée par la Covid-19. Tout le tissu des PME a été gravement touché par la pandémie. Rappelons que c’est un pays où il n’y a pas d’allocation chômage. Et qu’il n’existe pas non plus de sécurité sociale digne d’un Etat qui pourtant brigue le statut de première puissance économique du globe. Les disparités sociales mais aussi régionales sont très fortes et le sentiment d’abandon des plus précaires n’a jamais été aussi fort. Quoiqu’en dise la propagande, la Chine est moins unie autour de son chef Xi Jinping qu’elle nous le dit. La Chine sort de l’épreuve de la Covid-19 dans un climat de très haute défiance vis-à-vis du régime, de ses carences dans sa gestion de la crise. La pandémie a exposé comme partout ailleurs les plus faibles, donc les plus âgés à la solitude voire à l’abandon. Le modèle de la solidarité confucéenne tant vanté a vécu. Bien sûr il existe des exceptions qui confirment la règle mais la Covid-19 est aussi révélatrice d’un divorce intergénérationnel et d’une vulnérabilité d’autant plus inquiétante pour les personnes les plus âgées qu’elles sont de plus en plus nombreuses. Comme l’a démontrée Isabelle Attané, la Chine risque d’être « vieille avant de devenir riche » [2]. L’équation est donc simple : qui va payer les retraites alors que cette société n’assure plus le renouvellement de ses générations ? Par conséquent, et pour répondre à l’une de vos interrogations, son désir de puissance est d’autant plus grand qu’elle est loin d’en avoir encore les moyens. C’est à l’ensemble de ces paradoxes auquel Xi Jinping est confronté. Ces déséquilibres sont dangereux et l’exutoire pour tout pays dictatorial est de vouloir à terme se lancer dans l’aventure militaire. La frustration chinoise est en effet très grande et la radicalité des rapports entre la Chine et l’Occident peut déboucher sur le pire.
Emmanuel Véron :
Le développement de la Chine, en particulier depuis Mao s’est basé sur le sacrifice humain et environnemental (non sans références au passé des dynasties, à l’histoire longue), possible par la masse critique des paramètres de la puissance chinoise : sa géographie et sa démographie. Immense, ne serait-ce que par l’énumération de ces deux derniers critères, auquel s’ajoute le poids de son histoire, la RPC aujourd’hui, la République de Chine et l’Empire hier ont toujours entretenu une autoreprésentation de la Chine comme un tout, comme un monde qui s’est unifié, une matrice territoriale et civilisationnelle (« tout sous le ciel » – tianxia) [3] en expansion vers ses périphéries par absorption et unification (« les Han unifient ce qui est sous le Ciel » – han bing tianxia). Le peuple Han (dont le nom est issu de la dynastie Han et de l’empereur Qin Shihuang unificateur de la géographie chinoise en – 221) est et sera le vecteur anthropologique de l’identité post-impériale, population la plus nombreuse, plus de 93 % du volume total démographique), quand les minorités nationales (shaoshu minzu – réparties en 55 minorités) rassemblent à peine 7 % dont la distribution géographique est très périphérique. La géographie de la Chine très hétérogène et importante (9,6 millions de km² – couverts par un seul fuseau horaire réglé sur l’heure à Pékin – centre du centre du monde) a favorisé l’idée d’un monde tourné sur lui-même trouvant ses limites dans les confins des extrêmes bioclimatiques (très hautes altitudes de l’Himalaya et les déserts à l’ouest ; les mondes froids au nord ; le subtropical au sud et la mer à l’est). Le mur ou la muraille aide à matérialiser et à distinguer le dedans – l’espace sinisé (de facto civilisé) et de l’espace demi-civilisé, sinon barbare, en dehors de la Chine.
La RPC est fondée sur quatre piliers fondamentaux. Premièrement, l’héritage impérial structuré par un système hiérarchique où la civilisation Han (supposée supérieure) domine les peuples tributaires périphériques matérialisant avec les montagnes, les déserts et la mer les Limes. Deuxièmement, le « siècle des Humiliations » entre la première Guerre de l’Opium (1839) et la fondation de la Chine Nouvelle (xinhua) (1949) est le terreau historique du ressentiment national et anti-occidental (Japon compris eu égard aux massacres, aux exactions et à la rivalité impériale en Asie). Troisièmement, l’idée de la Chine comme LA puissance sera l’obsession de Mao Zedong puisant dans la longue histoire impériale et la notion particulière de prééminence. Enfin, la doctrine marxiste-léniniste forgera les institutions, les organes et la politique, lesquelles reposent essentiellement sur le charisme de l’homme alors au pouvoir.
Ces fondamentaux post-impériaux rendent caduque l’établissement d’un Etat-nation stricto–sensu et écartent l’idée d’une démocratie, à la différence de Taïwan, malgré l’enrichissement du pays et la formation d’une classe moyenne qui ne forge pas pour autant une capacité suffisante de consommation intérieure. La libéralisation du régime n’a pas eu lieu. Au contraire, le resserrement du Parti sur l’Etat et plus largement sur la société a marqué la dernière décennie à mesure que la Chine prenait une place de plus en plus importante dans le système international. A mesure que cette emprise s’exerçait, les marges taïwanaises et hongkongaises revendiquaient leur particularisme et leur double adhésion à une logique de séparation des pouvoirs d’une part, et une volonté de s’intégrer aux normes définies par l’Occident, de l’autre [4].
Pour combler les difficultés d’emploi, de déséquilibre démographique et de renforcement du contrôle des masses, le régime mise sur la technologie, en particulier l’IA, la 5G et demain la 6G, autant que sur le deep learning et le quantique. L’obsession du contrôle conjuguée aux velléités de puissance affichées justifieraient le développement rapide, massif et sans limite (éthique, morale, logistique) de ses technologies qui font et feront basculer la Chine et le monde dans une réalité toute autre de celle que nous connaissons aujourd’hui [5].
P. V. : Outre le territoire, la population et le désir de puissance, quels sont les atouts et les faiblesses de la RPC dans la quête de puissance ?
E. Lincot : S’il y a bien une manière de qualifier la Chine c’est bien qu’il s’agit d’une puissance hors normes.
Emmanuel Lincot :
De Deng Xiaoping à Hu Jintao, soit une période de trente ans, le profil bas des dirigeants, celui des diplomates était assumé. La Chine avait besoin des investisseurs occidentaux et ne pouvait se permettre de se les aliéner. Même si la Chine commence, dès le XXI° siècle, par créer ses propres institutions bancaires (Banque Asiatique d’Investissement pour les Infrastructures (BAII)…) et internationales (Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), Brazil Russia India China South of Africa (BRICs)…), les manifestations de sa puissance se radicalisent avec l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, en 2012. Potentiellement élu à vie, il n’hésite pas à porter le fer contre les Indiens, à multiplier les provocations contre Taïwan ou dans le sud de la mer de Chine. Cette radicalisation s’appuie sur une opinion chauffée à blanc contre le Japon, au sujet du passif mémoriel opposant les deux pays, contre l’Europe également dans l’hypermnésie dont font preuve le régime ainsi que l’opinion au sujet des guerres de l’Opium, d’un « passé qui ne passe pas » [6], et qui permet surtout de faire oublier que le Parti Communiste ne s’est jamais excusé pour les 80 millions de morts de la période maoïste (Mouvement des Cent Fleurs [7], Grand Bond en Avant [8], Révolution culturelle [9]). Uniformité de la pensée et nationalisme à la fois obtus et le plus souvent xénophobe expliquent par ailleurs qu’aucune voix parmi les intellectuels Han ne s’élève concernant les répressions contre les minorités mongole, tibétaine, ouïgoure ou encore contre les dissidents de Hong Kong. Le régime sait pouvoir compter sur cette corde nationaliste car il mise sur son pouvoir fédérateur. Cette radicalisation du régime s’est observée au plus fort de la pandémie. Mensonges sur le nombre réel de victimes de la Covid-19 à Wuhan, pressions exercées sur l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) [10], réécriture de l’histoire de la pandémie et de ses origines en voulant faire accroire que le virus était d’origine américaine, exportations payantes de matériel médical le plus souvent avarié et échec de la diplomatie des masques…En quelques semaines, l’Occident notamment mais aussi nombre de pays du Sud ont enfin ouvert les yeux sur la dangerosité de la puissance chinoise, sur son irresponsabilité et Xi Jinping a détruit en très peu de temps un capital de confiance et des décennies d’efforts déployés par la diplomatie chinoise pour soigner son image. Notons que la réaction occidentale a été lente à se faire entendre. Longtemps anesthésiée, l’élite - française notamment - semble avoir compris la naïveté qui avait été la sienne à considérer la Chine comme une puissance « normale ». Au contraire, s’il y a bien une manière de qualifier la Chine c’est bien qu’il s’agit d’une puissance hors normes. D’une part, parce qu’elle est une force de propositions mais qu’elle ne respecte quasiment aucun de ses engagements (nous le voyons notamment sur le climat…) et d’autre part parce que les transferts de technologie occidentale (voyez le laboratoire P 4 livré clé en mains par la France à Wuhan…) ne donnent lieu à aucune collaboration équitable. La Chine est prédatrice dans son attitude, revancharde dans ses motivations et a réussi à se mettre à dos la majorité de la communauté internationale. Même si les dirigeants de l’Eurasie, à commencer par Poutine, ou du Moyen-Orient (et nous pensons à ceux de l’Iran ou de la Turquie en particulier) font montre d’un rapprochement avec les objectifs que s’assignent Moscou et Pékin dans une logique de bloc, leurs opinions ne sont pas dupes. Les Instituts Confucius ont beau s’y implanter, le « Rêve chinois » ne séduit pas. Et pour cause, la culture que le Parti-Etat promeut (celle des dynasties impériales et du confucianisme qu’elle s’est ingéniée à détruire durant la Révolution culturelle) sent, pardonnez-moi l’expression, un peu la naphtaline. Cette culture orthodoxe, n’émane que du Parti-Etat, lequel ne s’en sert qu’à des fins de propagande. Il vaut donc mieux parler de Sharp power plutôt que de Soft power [11]. On est en tout cas très loin de la performativité et de la séduction que réalisent les initiatives sud-coréennes et japonaises dans la promotion de leur culture respective à l’étranger, et tout particulièrement en Occident. Les opinions se rendent bien compte aussi que la Chine c’est un modèle de société que pas même Orwell n’aurait pu un seul instant imaginer : l’instauration d’une cybercratie nationaliste et autoritaire. Elle laisse de moins en moins la possibilité de créer, d’agir et encore moins de critiquer ne serait-ce que la gouvernance économique décidée par Xi Jinping. La disparition de l’homme d’affaires Jack Ma - fondateur d’Alibaba - depuis la fin du mois d’octobre 2020 est en ce sens symptomatique. Système de crédit social et rééducation idéologique se voient par ailleurs imposés à tous. Et toute personne rétive à ce système intrusif et de surveillance généralisée se voit immédiatement accusée d’activités ou d’attitude suspectes. Ce modèle chinois, vous en conviendrez, n’a rien de séduisant. Qu’une majorité de Chinois s’en satisfasse relève de la servitude volontaire. A mes yeux enfin, il n’existe pas de politique étrangère chinoise stricto sensu. Il n’existe qu’une politique sécuritaire et celle-ci ne fait aucune distinction entre l’intérieur et l’extérieur du pays. L’interaction est permanente entre les actions menées à l’étranger et celles menées sur le territoire national. Elles sont intégralement contrôlées par le Parti Communiste ou son officine de propagande, le Front Uni, lesquels conservent la main sur l’ensemble des administrations. Toute entreprise jugée subversive doit être annihilée et il n’est pas un seul service, une seule personne (étudiants, hommes d’affaires…) qui ne soit pas sollicité pour la collecte de données au service de la puissance. Le Parti-Etat contrôle donc l’ensemble du système. Dans un tel contexte, aucune initiative individuelle non plus a fortiori qu’une libre pensée ne sont tolérées. Le risque pour la société étant la sclérose et une inertie généralisée d’autant plus intenable que malgré les difficultés de l’heure, les États-Unis et l’Union européenne vont probablement finir par se rapprocher contre ce que l’on perçoit à Bruxelles et à Washington comme une menace chinoise désormais bien réelle. Que ce soit pour ses cyberattaques, son espionnage industriel, son non-respect du droit maritime international comme de la propriété intellectuelle ainsi que de la montée en puissance de ses moyens militaires, la Chine est désormais un problème. Je dirais même le problème majeur du XXI° siècle.
E. Véron : L’aménagement du territoire n’a jamais été aussi autoritaire de toute l’histoire de la Chine.
Emmanuel Véron :
A l’intérieur du monde sinisé, le régime veille à maintenir la stabilité et l’obsession de l’unité est garantie par le Parti-Etat. Ce dernier, dans la continuité impériale, aménage le territoire à l’échelle de sa propre immensité et procède méticuleusement à uniformiser les territoires (Cf. Hong Kong, Macao, les régions de l’ouest et demain Taiwan ?). En ce sens, le régime fort ordonne, sinise et organise la matrice territoriale depuis le centre. Les grands travaux d’aménagement du territoire depuis Mao (voire antérieurement avec Sun Yat-Sen) procèdent de la sorte : barrages, détournement du cours des fleuves, destruction des écosystèmes steppiques, des dernières forêts primaires et des agricultures traditionnelles à l’instar des systèmes d’irrigations par qanat ou karetz au Xinjiang…). Tel le maître des eaux, le Grand Yu (« le Grand Yu dirige les eaux » Dayu zhi shui), légende fondatrice de la Chine classique, Deng Xiaoping (puis ses successeurs) avec le lancement des réformes accélère la transformation du territoire chinois : barrage des Trois Gorges (sous la direction de Li Peng), l’urbanisation de la côte puis de l’intérieur, le TGV, l’industrialisation dans des régions stratégiques (favorisant les transferts de technologies des entreprises étrangères établies près des grandes villes), le développement de l’Ouest et enfin du projet des « Nouvelles routes de la soie » (ou Belt and Road initiative ci-après BRI), continuité de ce dernier. Chacune de ces phases de l’aménagement du territoire correspond à l’exercice du pouvoir des dirigeants, ayant pour objectif d’assoir par la force (déplacements de populations, destruction de l’environnement, coût humain par la destruction des styles de vie, etc.) l’unité Han émanant du centre des « pays du milieu » (zhongguo). Le mouvement est vers la sinisation des grandes régions quasi-vides d’hommes pour étendre les fortes densités de peuplement de l’est et du centre vers l’ouest (non-Han et subversif pour le pouvoir central – pour l’idée post-impériale de supériorité Han). L’aménagement du territoire n’a jamais été aussi autoritaire de toute l’histoire de la Chine [12]. Il n’a jamais été aussi subordonné à un pouvoir dont les outils de contrôle des masses forment aujourd’hui une logique de cybercrature. En ce sens, le pouvoir central travaille à une consolidation de la matrice territoriale par des dispositifs sécuritaires rendant étanche l’ensemble. La Chine peu à peu, se désagrège du reste du monde : frontières, accès au territoire, déploiements des forces sécuritaires (policières et militaires, en passant par les catégories intermédiaires composée de milices), information circulant en interne, perception du monde, etc. Progressivement, le régime installe une vidange des éléments considérés comme subversifs sur son territoire : journalistes, étudiants et chercheurs, entreprises, diplomates. Une véritable diplomatie des otages, sur le modèle iranien, s’est d’ailleurs mise en place et il n’est pas rare que des spécialistes de la Chine, universitaires occidentaux, reçoivent intimidations et menaces. Dans le même temps, l’accès à la Chine, à son territoire et à son marché est toujours plus contraint, malgré les déclarations du régime.
A l’extérieur, Pékin fait aujourd’hui la jonction avec sa politique intérieure par le biais de son appareil diplomatique, sa très nombreuse diaspora et le projet BRI (Belt and Road Initiative). Jamais la politique intérieure chinoise n’avait été aussi articulée à sa politique étrangère. C’est même le premier facteur déterminant sa politique internationale : le maintien au pouvoir du régime en place et la poursuite de la sinisation et la sécurisation de sa matrice territorialo-civilisationnelle Han. Le tout est articulé à des dispositifs technologiques de surveillance de masse, dont le système du crédit social n’est qu’à ses prémices. L’objectif est de se prémunir des crises protéiformes à l’extérieur du territoire chinois (migrations, guerres, terrorismes, etc.) et d’homogénéiser l’immense territoire et contrôler les masses, tout en palliant les problématiques démographiques grâce aux innovations technologiques (IA, quantique, etc.).
Sur le temps moyen et long (entre une et deux générations), malgré les efforts considérables dans le développement des technologies, le régime va cumuler des difficultés majeures : environnementales, santé mentale des individus, rejet du modèle par son environnement régional et international, accumulation des dettes (en interne et à l’étranger) et démographiques.
P. V. : La pandémie de COVID-19 a été l’occasion d’une bataille entre plusieurs récits. Pourriez-vous en retracer la chronologie, les modalités, les paradoxes et les résultats ? Après avoir été à la fois audacieuse et maladroite dans le premier temps avec la partie des masques, la RPC ne joue-t-elle pas plus adroitement la partie du vaccin ?
Emmanuel Lincot :
Emmanuel Macron le disait au Financial Times : nous ne savons pas tout sur ce qui s’est réellement passé à Wuhan [13]. Et le refus de la Chine, des mois durant, d’accorder à une délégation de l’OMS la possibilité de se rendre en Chine pour enquêter sur les origines du virus ne peut que renforcer les soupçons. La pandémie est-elle d’origine exclusivement animale ? Est-ce lié à une erreur de manipulation dans le laboratoire P 4 livré par la France ? Autre fait troublant : aucune équipe scientifique française, au mépris des protocoles décidés par les gouvernements français et chinois, n’a pu se rendre dans ce laboratoire. Qu’y fabrique-t-on ? Dans quelles conditions ? Nous n’avons aucune réponse à ces questions. Le virus a été détecté fin novembre 2019. En décembre 2019, des médecins de Wuhan s’interrogent sur plusieurs cas d’insuffisances respiratoires, souhaitent alerter les autorités, lesquelles leurs ordonnent de garder le silence sous peine de sanctions graves. Nous connaissons la suite et le quotidien des habitants de cette conurbation de 11 millions d’habitants est quotidiennement et courageusement décrit par la blogueuse et écrivaine Fang Fang [14] : réticences des autorités à suspendre les festivités du Nouvel An chinois puis débordements des services hospitaliers et explosion fulgurante du virus. Le pouvoir du centre - Pékin - réagit en donnant l’ordre de confiner la ville mais cherche à se rendre rassurant en masquant la gravité du mal auprès des autorités de l’OMS. Ces dernières réagissent mollement. Son directeur, un Ethiopien, a été - et de longue date - stipendié par la Chine. Les gouvernements européens se fient naïvement aux analyses de l’OMS et décident d’en suivre les recommandations : les frontières et les aéroports restent ouverts. C’est d’autant plus surprenant que l’exécutif français est très précisément renseigné sur la gravité de la situation. La France est, en effet, le seul pays à avoir maintenu ouvert son consulat de Wuhan. Bref, rien n’est fait pour stopper la déferlante qui s’annonce. On retarde l’inéluctable puis on apprend que la France a généreusement offert les derniers stocks de ses masques… à la Chine. A l’heure où nous parlons (début janvier 2021), la Chine a réalisé plus de 4 millions de vaccinations. Proportionnellement (sur 1 milliard 400 millions d’habitants), c’est peu. Ce qui est intéressant et en dit long sur le manque de confiance des Chinois pour le vaccin national, c’est que les commandes du vaccin Pfizer à destination de la Chine n’ont cessé d’augmenter. Enfin, la ville de Shijiazhuang a été à son tour et récemment confinée. Le virus court donc encore et le régime a sans doute crié victoire un peu trop tôt.
Emmanuel Véron :
La crise du coronavirus partie de la province centrale du Hubei, depuis la métropole de Wuhan courant en 2019 a rapidement gagné toute la Chine, l’Asie et le monde. Rapidement, les autorités centrales chinoises par l’intermédiaire de leur diplomatie ont engagé une révision de l’histoire du virus, un toilettage strict des éléments de langage et une ingérence politique, en particulier en Europe, en pleine gestion d’une crise sanitaire globalisée. La gestion politique de la crise rassemble tous les vieux réflexes classiques d’un régime autoritaire, sinon totalitaire : silence, censure, opacité, hypermnésie et amnésie choisies [15].
Si le silence des autorités sur la réalité sanitaire, sociale et économique a structuré les premières semaines de la gestion de crise, le mutisme perdure, allié d’un régime qui veille à taire mordicus le contexte d’émergence et de propagation de la pandémie d’une part, et son incapacité de se montrer à la hauteur de la crise dans les premiers temps d’autre part. Rappelons que le Comité Permanent du Bureau Politique évoquait alors secrètement dès le début du mois de janvier 2020, bien avant le Nouvel an Chinois, la situation à Wuhan. Le silence et la censure sont alors des armes de premiers choix et durables pour un système politique qui a peur de l’effondrement et de la fragmentation. La dissimulation et le retard pris dans les mesures drastiques pour contenir la pandémie ont directement conduit une expansion rapide et globale du virus, de facto hors de Chine. Le silence, la censure et l’influence chinoise se sont également fait sentir dès le début de la crise à l’OMS à Genève. Il faut attendre le 12 mars 2020 pour l’Organisation internationale déclare la pandémie du Covid-19. Le poids de Pékin dans la subjectivité des déclarations de l’OMS est majeur. Articulée au silence et à la censure, la propagande bat son plein sur la solidité du régime face à la crise, cristallisé par un Xi Jinping, quasi thaumaturge, hors confinement, à Pékin d’abord, puis à Wuhan.
Depuis la fin du mois de janvier 2020, les diplomates appliquant strictement les consignes du Ministère à Pékin, travaillent à légitimer les mesures prises par le régime et se targuent d’avoir la clef ultime de la gestion de crise. Surtout quand la gestion de crise à Taïwan, en Corée du Sud ou à Singapour montre son efficacité. Rapidement, le rôle des diplomates va prendre une nouvelle ampleur à mesure de la propagation de la pandémie. D’un côté, nombreuses sont les chancelleries se livrant à des joutes verbales aux éléments de langage parfois outranciers pour crédibiliser le régime et aller à l’encontre des faits ; de l’autre, les diplomates tentent de rassurer le monde en publiant des éléments de relance de son économie et de sa machine industrielle alors que la demande mondiale va stagner en raison des confinements.
E. Véron : Plusieurs ambassadeurs en poste ont ainsi relayé ce qui s’apparente à un complotisme assumé.
Interdit en Chine, Twitter est de plus en plus utilisé par les diplomates et les chancelleries chinoises à l’étranger. Plusieurs ambassadeurs en poste ont ainsi relayé ce qui s’apparente à un complotisme assumé. Que ce soit à propos des opinions publiques occidentales ou au sujet de l’origine chinoise ou non du virus, plusieurs diplomates, porte-parole du Ministère compris (Italie, Etats-Unis, Somalie, etc.) ont alimenté la théorie du complot quant à la possibilité d’un virus implanté par des militaires des Etats-Unis pendant les Jeux Olympiques militaires à Wuhan en octobre 2019.
Il s’agissait en parallèle de ces offensives tonitruantes à l’international de verrouiller en interne l’information et donner une image de contrôle puis de « victoire » sur la pandémie. Chaque réunion ou discours politique (« deux assemblées » du printemps, la rentrée de septembre 2020, le Plénum de fin octobre ou la rentrée de janvier 2021) était l’occasion de vanter les mérites du régime, la légitimité de Xi Jinping et de mettre en avant les « héros » Chinois de la « guerre » contre la pandémie [16].
P. V. : Comment caractériser les relations de la Chine avec les grands pôles que sont les Etats-Unis, l’Union européenne et le Japon ?
Emmanuel Lincot :
La fascination pour les Etats-Unis est réelle en Chine même si l’on fait gorges chaudes des dysfonctionnements de la démocratie américaine. Il y a à travers le modèle américain un effet miroir de devenir ce que l’on n’est pas. En revanche, côté américain, la Chine a perdu tout crédit. La popularité de la Chine était réelle dans les années quatre-vingt. Elle était la petite sœur que l’oncle Sam allait conduire sur le chemin de la démocratie en la protégeant des méchants soviétiques. La Chine est aujourd’hui associée pour chaque famille américaine à la Covid-19. C’est de la même portée que Pearl Harbour en 1941. Pour les Européens, avant même la pandémie, la Chine était décrite comme un « rival systémique ». Et elle le restera. Même si la chancelière Merkel a essayé avant la fin de sa présidence d’arracher il y a quelques jours un accord sur les investissements des Européens en Chine et réciproquement des investissements Chinois en Europe, en réalité, cet accord ne reste en l’état qu’un accord de « principe ». La France d’Emmanuel Macron, les Pays-Bas ou la Pologne se sont montrés très réticents. Quoi qu’il en soit, il restera encore deux ans au parlement européen avant de le ratifier. Autant dire une éternité, et cet accord est bien loin d’être avalisé d’autant que la conjoncture internationale va se durcir considérablement. Concernant les relations Chine - Japon, elles achoppent sur des contentieux mémoriels et insulaires et le patronnant japonais a clairement fait savoir, dès 2020 que la vulnérabilité de son économie vis à vis de la Chine l’inciterait à opter pour le découplage industriel. Le rapatriement des secteurs d’activités considérés comme stratégiques seront à terme rapatriés. Trump l’a annoncé, Biden le fera et Macron pour la France en a déjà fait un argument pour sa future campagne électorale. Cette réaction montre bien que nous arrivons à la fin d’un cycle, celui d’une économie totalement interdépendante et globalisée. La pensée néo-libérale a été je crois mortellement atteinte par la Covid-19.
Emmanuel Véron :
La relation que Pékin entretient avec Washington structure incontestablement sa politique étrangère et sécuritaire. La réorientation de la politique commerciale américaine est structurée autour de la concurrence stratégique avec la Chine [17]. Alors que l’administration Obama était marquée par la recherche d’une « bonne distance » avec le régime de Pékin, l’administration Trump a considérablement accéléré la cristallisation du rapport de force sur les domaines du commerce, des technologies, du militaire et du sécuritaire. Les relations entre les deux grandes puissances mondiales sont complexes et marquées une forte interdépendance, déclinée selon quatre domaines essentiels : économique, militaire, technologique et culturel. L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis confirme ces rivalités ; la politique étrangère de ce dernier vient amplifier le rapport de force. C’est moins un affrontement commercial que géopolitique. Les États-Unis, première puissance économique avec un PIB en 2018 de 20 000 milliards de dollars, sont depuis deux décennies rattrapés par la puissance économique de la Chine dont le PIB était de 13 000 milliards de dollars la même année, plaçant Pékin en deuxième position mondiale. Si la croissance chinoise se tasse autour de 5,5 % à 6 % par an, ses réserves restent importantes (2500 à 3000 milliards de dollars) et sa diplomatie économique puissante. Pékin détient en outre près de 30 % de dette américaine. Les économies des deux géants sont très fortement marquées par l’interdépendance. La relation n’a jamais été aussi marquée par la méfiance réciproque et un climat de défiance.
La crise entre Washington et Pékin témoigne d’une lutte pour le leadership entre les deux grandes puissances. La rivalité entre les deux pôles va durablement structurer l’ordre international, lui-même recomposé par la double polarisation Chine d’un côté, Etats-Unis, de l’autre,l’affaiblissement du multilatéralisme et aucune puissance stratégique suffisante comme troisième voie. La décennie 2020 semble montrer combien la technologie est et sera le domaine de rivalité stratégique majeur pour le leadership global, rebattant les cartes des alliances géopolitiques traditionnelles. En ce sens, un élan de supposée « nouvelle guerre froide » est suggérée par l’Administration américaine, alors que Pékin tente d’imposer son modèle et d’étendre son système paranoïaque du contrôle à l’échelle mondiale. En cela, la crise du coronavirus est un prétexte pour que les États-puissances avancent leurs pions.
Le repli sur soi de la puissance Chine, dont les paramètres sont constitués par les masses critiques (le poids du nombre, de l’histoire et du territoire), lui valent une singularité permettant d’absorber les chocs et d’entrevoir une autonomisation sur le temps long. Le développement du Yuan digital pour concurrencer l’hégémonie du dollar est une manifestation de l’obsession du contrôle projeté à l’international, tout comme les infrastructures, le réseau de pays et acteurs « obligés ». La modernisation de son outil militaire et sa maîtrise du cyber, comme de l’arme nucléaire lui assurent une garantie de dissuasion dans la logique réaliste des relations internationales. La Chine, malgré son inexpérience de la guerre moderne et ses capacités en dessous de l’acteur américain, est néanmoins capable d’infliger de très lourdes pertes [18].
De leur côté, les Etats-Unis d’Amérique ont procédé à une accélération de leur politique de containment de la Chine depuis 2017. En atteste la « National Security Strategy of the United States of America » (2017) [19] et la publication de la stratégie chinoise des Etats-Unis au mois de mai 2020.
Le résultat des élections américaines de novembre 2020 constitue un facteur important pour l’évolution à court terme de l’économie chinoise et de l’embargo sur les puces, sujet essentiel du différentiel de puissance technologique, autant que sur la continuité du durcissement des relations transpacifiques.
Ancienne puissance coloniale, le Japon a toujours considéré la région comme un pré-carré et continue de disputer à la Chine le leadership en Asie. Moteur économique en Asie du Nord-Est, la Chine, le Japon et la Corée du Sud sont tous trois polarisés par d’un côté une forte interdépendance économique et de l’autre par un manque latent de coopération régionale tangible, dont la question nord-coréenne est le point d’achoppement. L’arrivée au pouvoir en Chine de Xi Jinping d’un côté et de Shinzo Abe au Japon, la même année en 2012, allait accentuer les tensions et le ressentiment national réciproque, détériorant les relations bilatérales de manière quasi continue depuis lors. Si l’interdépendance permet dans une certaine mesure de contenir l’escalade, l’espace nord-est asiatique enregistre parmi les dépenses militaires les plus importantes au monde, Chine en tête avec plus 250 milliards de dollars en 2019 (selon le dernier rapport du « Stockholm International Peace Research Institute » (SIPRI) en avril 2020 [20]). Le successeur de Shinzo Abe continue d’incarner une politique méfiante à l’égard de Pékin, dont les transformations militaires et les coopérations sécuritaires forment des paramètres très important [21].
Aussi, la diplomatie de Tokyo d’une part et le succès du modèle de gouvernance de la crise sanitaire par Séoul d’autre part recomposent peu à peu les relations de l’Asie du Nord-Est avec le reste de l’Asie et du monde. Le Japon continue de tisser des liens solides avec l’Inde [22], l’Asie du Sud-Est et l’Australie dans le cadre « Indopacifique » mais aussi à l’ONU (troisième contributeur au budget de l’ONU) ou encore dans le commerce avec l’Europe dans le cadre du « Japan-EU free trade agreement » (JEFTA).
Si la crise sanitaire mondiale du coronavirus est un facteur d’accélération des tendances du système international aujourd’hui (crise du multilatéralisme, tensions ravivées – particulièrement en Asie, mais aussi au Moyen-Orient et en Méditerranée – crise aigüe de l’interdépendance), il n’en demeure pas moins que l’UE reste encore à ce jour dans un rapport asymétrique de puissance politique et stratégique face à la Chine. De plus, Pékin se nourrit des divergences au sein de l’Union européenne. La Chine est le deuxième partenaire commercial de l’UE, derrière les États-Unis, tandis que l’UE est le premier partenaire commercial de la Chine. Vaste marché et très grande puissance économique et commerciale l’UE est un partenaire essentiel pour la Chine, y compris en matière technologique et de débouché commercial. Le montant des échanges entre la Chine et l’UE s’élève à près de 700 milliards de dollars en 2018. Pour exemple, la Chine exportait sur la même période, 410 milliards de dollars et importait un volume de 275 milliards de dollars. Partout ou presque, la balance commerciale entre les pays de l’Union européenne et la Chine est déficitaire. C’est avec Pékin que Bruxelles est le plus en déficit. Les pays membres importent deux fois plus de biens qu’ils n’en exportent en Chine.
Pékin a toujours perçu l’UE comme un atout géopolitique et diplomatique pour faire contre-poids à la puissance étasunienne. Ceci est encore vrai aujourd’hui. Très récemment, la promesse d’un accord de principe sur les échanges commerciaux entre Pékin et Bruxelles contraste avec les nouveaux éléments de langage des institutions de l’UE depuis 2018 qualifiant la Chine de « rival systémique » [23].
Enfin, le régime continuera de s’appuyer sur l’Europe (UE et pays par pays) pour assoir son influence diplomatique, commerciale, de normes et technologies. Le format 17+1 (initié par Pékin, regroupant 17 pays européens membres de l’UE ou non) [24], le déséquilibre commercial, les réseaux d’agents d’influence et les difficultés économiques et politiques de l’UE forment parmi les objets les plus importants à suivre de près pour la prochaine décennie.
P. V. : Quid des relations de la Chine avec les BRICs et plus largement les pays émergents, en admettant que ces termes soient encore d’actualité ? Comment la Chine joue-t-elle en Afrique ?
Emmanuel Lincot :
La Chine elle-même va se recentrer sur son environnement proche. La signature du « Regional Comprehensive Economic Partnership » (RCEP) le laisse entrevoir. Signe des temps : Pékin communique beaucoup moins sur son projet des Nouvelles Routes de la soie. Les BRICs ne seront pas une priorité. Quant à l’Afrique, elle restera une zone géographique convoitée pour ses ressources minières et pétrolières mais contrairement au mythe, les investissements chinois n’y sont pas aussi importants qu’on le croit. Sa présence militaire à Djibouti, son soutien à la plupart des potentats africains vérifie l’adage : « Il faut que tout change pour que rien ne change ». Sa coopération dans la lutte contre le terrorisme s’accompagne de ventes d’armes ou de surveillance satellitaire (avec le Nigéria notamment) qui lui permet de déployer une diplomatie économique à large spectre pour la sécurisation de ses seuls intérêts naturellement.
Emmanuel Véron :
Très orientée sur les ressources naturelles (en particulier hydrocarbures et minerais), les relations sont presque exclusivement concentrées sur quelques produits. La RPC travaille à une "diplomatie du pétrole" (shiyou waijiao) qui recoupe le projet des "routes de la soie" ou « Belt and Road initiative » (BRI). Depuis environ deux décennies, la progression rapide et tous azimuts de la politique étrangère chinoise dans les économies émergentes et en développement s’est construite sur les énormes besoins en ressources naturelles, la corruption et la promotion d’un modèle de gouvernance alternatif au consensus de Washington [25].
D’abord discrète dans les années 1980 et 1990, la présence chinoise s’y est considérablement renforcée. Les sociétés des pays émergents et en développement connaissent depuis une décennie une transformation en profondeur de la géopolitique et de la géoéconomie induit par l’acteur Etatique chinois.
Les relations entre la Chine et ces pays se déclinent principalement selon trois paramètres essentiels à la puissance chinoise : approvisionnements et matières premières, resserrer l’étau diplomatique autour de Taiwan et légitimer l’image de la Chine comme grand pays « en développement », dont le modèle, alternatif à l’Occident, devrait être une source d’inspiration.
En ce sens, la Chine a réussi une percée dans la plupart de ces pays, d’abord par une articulation des relations asymétriques, ses imposantes capacités commerciales, la corruption et un certain « dialogue sud-sud ». Plusieurs pays sont devenus des partenaires privilégiés et inversement, Pékin est devenu le principal partenaire, souvent, commercial. Un réseau de pays très endettés s’est ainsi formé. Auxquels s’ajoutent des coopérations dans le domaine militaire et sécuritaire, culturel, technologique etc. Pensons aux relations entre Pékin et le Venezuela, ou entre Pékin et le Pakistan ou le Cambodge, l’Asie centrale, l’Iran, etc. Que ce soit dans le cadre des BRICS [26] ou d’autres instances multilatérales, la Chine s’est assez rapidement imposée comme un Etat de premier plan, pas nécessairement apprécié mais admis [27].
La « diplomatie des masques » et plus récemment celle du vaccin (chinois) montrent bien les relations de dépendances accrues des Etats émergents et en développement avec la Chine. Si dans son ambition d’hégémonie, la Chine mise sur l’effondrement plus ou moins rapide de l’Occident, les États africains, asiatiques, latino-américains représentent pour elle un support important de son accession à la première puissance mondiale. Au cœur cela, Pékin anticipe plusieurs points sécuritaires et d’acception de son modèle confuciano-léniniste : technologies et forces de sécurité, marchés et sanctuarisation des matières premières. Enfin, la question des diasporas chinoises (souvent récentes) dans ces sociétés reste fondamentale. Sont-elles à terme vouées à rester sur place ? Sont-elles vouées à revenir ? Quid de leur sécurité et de leur influence durable loin du territoire ?
P. V. : Le cyber est au cœur des concurrences entre puissance d’aujourd’hui et de demain, quelle est l’originalité de la Chine en la matière ?
Emmanuel Lincot :
La Chine est en avance sur la 5 G et dans un domaine crucial qui est celui de la digitalisation industrielle. Elle dépend toutefois de certains composants dans le domaine de la fabrication des microprocesseurs encore sous licence étrangère. Xi Jinping avait pour ambition de s’affranchir de cette dépendance en 2025 mais la conjoncture l’a récemment forcé de renoncer à cet objectif. La fulgurance de cette avancée chinoise est liée au fait que les secteurs privés ont bénéficié d’une aide massive de l’Etat et que cette collusion à l’international a constitué pour la Chine une force de frappe considérable qui a trouvé ses limites dans l’opposition de Trump à son expansion. Le défi chinois réside aussi dans l’expérimentation à des échelles impossibles à reproduire en Occident. Longtemps, par exemple, les Occidentaux étaient convaincus que cette cybercratie ne s’exerçait que dans des régions à risque comme le Xinjiang pour y surveiller les agissements de la communauté musulmane ouïgoure. Il s’avère en réalité que non. Tout le territoire est couvert et le risque avec l’installation de la 5 G par Huawei en dehors de la Chine est que la Chine capte des milliards de données et qu’elle finisse par imposer ses propres normes.
Emmanuel Véron :
Indéniablement, la Chine est un acteur Etatique majeur du cyberespace, de la cyberguerre, de la cybercriminalité et d’autres formes de cyber-offensives.
Il est important de bien comprendre le développement d’Internet en Chine pour prendre la mesure de l’usage du cyber dans la stratégie de puissance de Pékin. Balbutiant dans les années 1990, Internet en Chine va rapidement être un Intranet. Pour les autorités chinoises, Internet est un outil privilégié à la fois de surveillance et d’espionnage. Internet est vu comme une formidable plate-forme de contrôle de la population chinoise (en cela la collaboration du régime avec les BATX – Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi - est décisive) d’une part et à l’étranger d’autre part, un vecteur de puissance et d’offensive cyber, plus précisément de cyber-espionnage et d’actions clandestines. Tout au long des années 2000, Internet en Chine a permis de cibler des cibles molles, des serveurs du monde entier pour littéralement piller des contenus, des savoirs, des brevets etc… Puis les cibles (souvent les sociétés occidentales) ce sont renforcées et ont augmenté les niveaux de protection.
Que ce soit les unités cyber comme la plus célèbre, militaire, l’unité 61398, basée à Pudong (Shanghai) ou les « cyber-nationalistes » appelés wumao dang, du nom des 5 centimes gagnés par dénonciation ou signalement de contenus contraires à la doxa du régime, Pékin compte sur la masse démographique d’une part et les savoir-faire technique d’autre part. Le domaine cyber fait écho aux stratégies militaires passées (Sun Zi et L’art de la guerre ou le 36 Stratagèmes par exemple) en raison de la nature des attaques, de l’espionnage et autres modalités. En effet, le cyber privilégie l’indirect, les voies détournées et les attaques à distance sans exposer une armée, un État, etc.
L’article 7 de la loi chinoise sur le renseignement national de juin 2017 stipule que toutes les sociétés et les individus chinois doivent coopérer avec les services de renseignement chinois afin de protéger la « sécurité nationale ». Les termes sont à la fois clairs dans les structures (ou organes) désignées mais restent évolutifs et non définitifs, au contraire ceci est très mouvant, inclusif et large. Ceci apparaît au grand public en 2017, période du début des tensions accélérées entre la Chine et les Etats-Unis, notamment sur le débat des technologies Huawei, des réseaux 5G et de la compétition technologique et des marchés entre Chinois et Américains. Ce fameux article 7 ne fait qu’être le prolongement, la montée en puissance et la mobilisation des forces démographiques chinoises de Chine ou des diasporas dans une logique de puissance et d’intimidation [28]. Un tel article permet de galvaniser les troupes tout en désignant l’étranger comme potentiel agent de subversion et d’ordonner un glissement stratégique sur le sentiment d’une Chine menacée pour justifier l’expansion de la puissance et de ses moyens. C’est enfin, un message des autorités envoyé aux populations chinoises de mobilisation générale pour opérer à la poursuite du rattrapage technologique dans tous les domaines et dans toutes les directions. De telles ambitions existaient à travers le programme 863 ou de développement de haute technologie dans les années 1980 ou le programme 973 à la fin des années 1990. Ces programmes avaient comme objectif comme celui du plan « Made in China 2025 » un rattrapage technologique et sont basés sur le recueil d’informations via des universités (coopérations, échanges etc.), l’espionnage, la compromission et "l’achat" de savoir-faire. Il fallait recueillir des informations sensibles, protégées comme des informations ouvertes, non protégées. En cela la Chine a une longue histoire du renseignement, de l’espionnage. Ce dernier est bien ancré dans la culture chinoise. Le PCC a institutionnalisé cela d’abord pour chasser les ennemis du Parti, puis pour le développement militaire, technologique et aujourd’hui massivement sur des questions économiques et technologiques à la fois dans le monde civil comme militaire, où le passage d’une technologie de l’un à l’autre sert la puissance chinoise [29].
P. V. : Enfin, pourriez-vous faire un point d’étape des nouvelles routes de la soie terrestres et maritimes, et identifier les perspectives à 5 ans, notamment leur impact sur les relations sino-russes ?
E. Lincot : Face aux Nouvelles Routes de la soie, s’est construit un contre-projet exclusivement stratégique, le projet Indo-pacifique.
Emmanuel Lincot :
Le déroulé de ce projet s’est fait en trois temps. L’annonce est formulée successivement dès 2013 à Astana (Kazakhstan pour le tronçon terrestre) puis Djakarta (Indonésie pour le tronçon maritime) d’un projet renouant avec les anciens itinéraires des Routes de la soie. Remarquez qu’en vue de réaliser ce projet, le désenclavement de la Chine passe par des aires musulmanes. Elles sont de facto incontournables et nécessitent pour la diplomatie chinoise un rapprochement tous azimuts avec les pays musulmans de l’Asie centrale, de l’Asie du Sud-Est puis, dans ces prolongements respectifs, avec le Moyen-Orient et l’Afrique. Deuxième étape donc : d’asiatique, ce projet s’est étendu à l’Afrique mais aussi à l’Union européenne, qui reste le premier partenaire économique de la Chine. Le projet intègre désormais les pôles et l’Amérique du Sud. C’est donc concrètement un projet à vocation mondiale. Il contourne les Etats-Unis. Désormais pour Pékin, ce pays est une île. Les dirigeants chinois ont de ce point de vue conforté Trump dans ses choix isolationnistes. Il est intéressant de constater par ailleurs que la « redécouverte » des Routes de la soie est au départ un projet initié par Moscou qui dans les années quatre-vingt cherchait à promouvoir le patrimoine des Républiques Soviétiques de l’Asie centrale auprès de l’UNESCO. Désir d’attractivité pour faire oublier le conflit afghan où Moscou était engagé mais aussi volonté de rappeler la possible compatibilité entre un marxisme éclairé et l’islam étaient à l’origine de cette promotion. Mais la Chine a vu beaucoup plus grand puisque c’est un projet économique dont le nom même, « Yi dai Yi lu », en chinois (très fidèlement traduit en américain par « One Belt One Road ») désigne très clairement la volonté d’accéder à des gisements (miniers, pétroliers, intellectuels – les universités et laboratoires de recherche…) que l’on convoite en aménageant des axes de communication qui permettront de les aborder, de les exploiter voire de les sanctuariser. L’état de dépendance des pays approchés est tel que la Chine est accusée de leur asservissement par la dette. A ce projet économique s’ajoute une visée stratégique. Cet état de dépendance des pays convoités crée des obligations. Beaucoup de ces pays adhèrent par exemple à l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) qui axe ses missions principales sur la lutte de ses Etats membres contre le séparatisme et le terrorisme. Un glacis dont la Chine est le centre est en voie de formation et des pays tels que la Turquie et l’Iran sont de plus en plus sollicités par la Chine. Moscou en prendra sans doute un jour ombrage mais pour l’heure l’ensemble de ces pays est animé d’une profonde animosité contre l’Occident. Il est clair en tout cas que la Chine dispose d’une puissance financière que n’a pas Moscou. A l’inverse, la Russie dispose pour l’Eurasie de l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC) dotée d’une force d’intervention rapide. Elle donne à Moscou la possibilité d’intervenir militairement dans des régions confrontées à des crises, ce que l’OCS, en revanche, n’est pas encore en mesure de faire. Face aux Nouvelles Routes de la soie, s’est construit un contre-projet exclusivement stratégique, le projet Indo-pacifique. Mis en œuvre en premier lieu par l’Inde et le Japon, il s’appuie sur une architecture de coopération militaire, le « Quadrilateral Security Dialogue » (QSD) dont la logique est claire : endiguer ce qui est considéré comme une menace d’expansion chinoise. La France d’Emmanuel Macron semble vouloir y souscrire. Ventes du Rafale à l’Inde et de sous-marins à l’Australie vont en ce sens. Ce choix répond à des impératifs à la fois politiques (des affinités avec des démocraties) et géographiques (la défense de l’Outre-Mer et de la Polynésie française que la Chine convoite). Toutefois, la relation historique qu’entretient New Dehli avec Moscou – dans le domaine de la vente d’armes notamment - n’est pas sans poser des problèmes pour l’avenir. Ne risque-t-elle pas de complexifier en retour les relations entre Pékin et Moscou ? D’autant que fondamentalement, la Russie est la grande perdante de son rapprochement avec la Chine. Cette dernière n’investit pas en Russie et Moscou n’hésite pas à vendre des armes tant au Vietnam qu’à l’Inde dont les relations avec la Chine sont conflictuelles. Cela signifie que l’axe Pékin-Moscou est fragile mais qu’il est par ailleurs tout à fait illusoire de prétendre à un rapprochement entre les Russes et les Occidentaux.
Emmanuel Véron :
Le projet des « Nouvelles routes de la soie » est une forme de prophétie autoréalisatrice infaisable sur le papier. Réunir les conditions financières, matérielles, politiques, diplomatiques et sécuritaires de l’ensemble relève d’une forme utopique macro-géographique. Il s’agirait de relier et irriguer l’Eurasie de la Chine à l’Europe de l’Ouest et par la mer le long de l’une des trois grandes routes commerciales depuis la Chine à la Méditerranée, par l’Océan Indien, l’Afrique, etc.
Ce projet est d’abord et avant tout à l’initiative des industriels chinois qui au lendemain de crise des « Subprimes » et le plan de relance des autorités pékinoises ont saturé le pays en surcapacités industrielles. Ainsi les grands patrons des groupes paraétatiques chinois ont toqué à la porte du nouveau président Xi Jinping et demandé un soutien du régime pour investir et ouvrir des marchés en Asie centrale, en Asie du Sud-Est jusqu’en Afrique, en Europe et pourquoi pas en Amérique latine ou aux Etats-Unis. Dans les faits, partout là où la Chine a renforcé sa présence économique, commerciale et diplomatique. Dès lors, beaucoup d’analyses à travers le monde ont tenté de comprendre cette initiative chinoise… sans la relier à la nature de la puissance chinoise, à ses modalités d’action et d’ingérence. Rapidement le projet est plus que tonitruant. Tout le monde en parle… A terme, la politique étrangère chinoise se superposera au projet BRI.
Aussi, la Chambre de commerce européenne en Chine publiait en 2019 un rapport de synthèse sur les très éloquentes « Nouvelles routes de la soie » et le manque criant de transparence dans les appels d’offre internationaux (laissant la priorité quasi systématique aux groupes chinois), les problèmes d’endettement, etc. [30]
Ainsi, le projet BRI qui a nettement progressé partout dans le monde depuis son lancement en 2013 connait à la fois une série de difficultés (nombreux défauts de paiements, endettement des pays, manque de transparence et rejets, corruption et arrestations en Chine etc…), mais aussi des avancées dans des domaines techniques, technologiques et diplomatiques. Pour atténuer les critiques et l’exposition (paradoxalement à un régime qui gère mal l’exposition) accrue de ses faiblesses, Pékin détourne l’attention et évoque de nouveaux programmes : « Vision 2035 » par exemple.
La relation sino-russe est encore aujourd’hui très largement structurée par trois sujets : l’approvisionnement en matières premières de la Russie vers la Chine (surtout hydrocarbures, bois et minerais), l’armement et les questions de politiques internationales en écho au CSNU, plus largement à l’ONU [31]. Pour autant, les thèses, sur un supposé couple Moscou-Pékin dans le système international sont probablement exagérées. Il y a une réelle continuité diplomatique et tactique. Cependant, Moscou ne souhaite pas que la Chine soit exagérément trop présente et puissante. Et Pékin joue de sa puissance asymétrique avec une Russie qui reste un pôle diplomatique, militaire et stratégique majeur, sans pour autant avoir les moyens de sa politique internationale (ni même ceux de sa politique intérieure). Dans ce cadre, le projet BRI entre Pékin et Moscou est beaucoup affaire d’opportunisme réciproque à des échelles différentes. Pour Pékin, il s’agit d’assoir son influence en Asie centrale jusqu’en Europe par la Russie. Mais plusieurs voies alternatives existent pour la Chine (Iran, Turquie, Caucase, Méditerranée). Pour Moscou, il faut bien comprendre que le pouvoir politique et des affaires est entouré de beaucoup de questions sur la continuité au pouvoir de V. Poutine, du rôle et de la pérennité des oligarques, des mafias, des services spéciaux et toutes les rivalités intestines ou réciproques.
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[1] DISCOVER – Photographies de François Daireaux, textes d’Emmanuel Lincot (en français, anglais, chinois), Paris, Loco éditions, 2021 (parution en mai).
[2] Isabelle Attané, La Chine à bout de souffle, Paris, Fayard, 2016
[3] https://legrandcontinent.eu/fr/2020/05/14/la-resistible-ascension-de-la-chine-pt-1-un-regime-mutant/
[4] https://legrandcontinent.eu/fr/2020/05/23/la-resistible-ascension-de-la-chine-pt-2-drole-de-guerre-et-colosse-aux-pieds-dargille/
[5] https://www.brookings.edu/podcast-episode/the-us-china-tech-rivalry-shapes-the-economic-relationship/
[6] NDLR : Emmanuel Lincot fait ici allusion à l’ouvrage d’Eric Conan et Henry Rousso, Vichy, un passé qui ne passe pas, Paris, Fayard (1994).
[7] Jean-Luc Domenach, Chine : l’archipel oublié, Paris, Fayard (1992). Voir également le film de Wang Bing, Le Fossé (2012)
[8] Yang Jisheng, Stèles. La grande famine en Chine, 1958-1961, Paris, Fayard (2008). Voir également le film de Wang Bing, Les âmes mortes (2018).
[9] Yang Jisheng, Renverser ciel et terre - La tragédie de la Révolution culturelle, 1966–1976, Paris, Seuil (2020).
[10] Emmanuel Lincot, Emmanuel Véron, Organisations internationales : le spectre d’une hégémonie chinoise se concrétise, The Conversation, avril-mai 2020 : https://theconversation.com/organisations-internationales-le-spectre-dune-hegemonie-chinoise-se-concretise-136706
[11] Emmanuel Lincot, Chine, une nouvelle puissance culturelle ? Soft power et Sharp power , coll. « Les Essais médiatiques », Paris, MKF, 2019
[12] https://legrandcontinent.eu/fr/2021/01/09/5e-plenum-14e-plan-quinquennal-et-vision-2035-la-progressive-dislocation-de-la-matrice-chine-du-reste-du-monde/
[13] Victor Mallet, Roula Khalaf, FT interview : Emmanuel Macron say it is time to think the unthinkable, Financial Times, 17 avril 2020 : https://www.ft.com/content/3ea8d790-7fd1-11ea-8fdb-7ec06edeef84
[14] Fang Fang, Wuhan, ville close, Paris, Stock, 2020
[16] https://www.fdbda.org/2021/01/5e-plenum-14e-plan-quinquennal-et-autre-vision-2035-la-progressive-et-certaine-dislocation-de-la-matrice-chine-du-reste-du-monde/
[17] https://legrandcontinent.eu/fr/2020/10/23/chine-etats-unis-une-histoire-sous-la-contrainte-ou-les-rivalites-du-temps-present/
[20] Global military expenditure sees largest annual increase in a decade—says SIPRI—reaching $1917 billion in 2019, 27 April 2020, Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) : https://www.sipri.org/media/press-release/2020/global-military-expenditure-sees-largest-annual-increase-decade-says-sipri-reaching-1917-billion
[22] https://legrandcontinent.eu/fr/2019/10/25/la-diplomatie-de-xi-jinping-en-asie-du-sud-linde-le-gros-caillou-dans-la-chaussure/
[23] https://legrandcontinent.eu/fr/2020/06/22/leurope-et-la-chine-deux-singularites-anciennes-dans-un-monde-neuf/
[24] https://legrandcontinent.eu/fr/2020/01/07/171-un-outil-au-service-de-politique-exterieure-europeenne-de-pekin-defie-lue/
[26] https://legrandcontinent.eu/fr/2019/11/18/sommet-des-brics-au-bresil-xi-jinping-polarise-lattention/
[27] https://legrandcontinent.eu/fr/2020/07/07/chine-et-terres-dislam-enjeux-pour-de-nouvelles-grammaires-internationales/
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