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de l'Europe La Grande
Europe ou le grand basculement ?
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Par l'étude de plusieurs textes européens méconnus, l'auteur analyse la construction d'une Europe fédérale ethno-régionaliste via la construction communautaire.Pierre Hillard publie : "La décomposition des nations européennes. De l'Union euro-atlantique à l'Etat mondial", éd. François-Xavier de Guibert, 2005 |
Biographie de l'auteur en bas de page Mots clés - key words: pierre hillard, union européenne, allemagne, charte des langues régionales ou minoritaires, convention-cadre pour la protection des minorités, chartes de lautonomie locale et régionale, charte de madrid, association des régions frontalières européennes, code civil européen, union fédéraliste des communautés ethniques européennes, ministère de lintérieur allemand, groupes ethniques, régions, décentralisation, jean-pierre raffarin, turquie. |
En
ce début de XXIème siècle, la construction
européenne saccélère. Dun côté, la réunion des chefs dEtat à Copenhague les 12 et 13 décembre 2002 ouvre désormais la porte à dix nouveaux candidats : Pologne, République tchèque, Slovaquie, Lituanie, Lettonie, Estonie, Chypre et Malte. Ces pays intégreront probablement lUE le 1er mai 2004. Dautres pays comme la Roumanie et la Bulgarie attendent leur tour, peut-être pour 2007. La Turquie, soutenue par les Etats-Unis, met la pression pour rejoindre cette Europe quelle a si souvent combattue dans les siècles derniers. Le principe fédéralDe lautre côté, nous observons que lélaboration dune Constitution européenne sous légide de Valéry Giscard dEstaing prend forme. Le principe fédéral y est largement affirmé. Enfin, la politique de décentralisation du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin (mai 2002 - ) dessine une nouvelle France. Désormais, les régions sont en mesure dacquérir un poids qui les rendent incontournables. De ce fait, les revendications identitaires se font jour. De plus en plus de représentants bretons, corses, basques ..., réclament des droits accrus et des libertés nouvelles pour permettre lépanouissement de leurs traits spécifiques. Tous ces éléments, apparemment divers reposent en fait sur un même socle. Il sagit de construire une Europe fédérale ethno-régionaliste dans le cadre de lUnion européenne (UE), en liaison avec les Etats-Unis par lintermédiaire de lOrganisation du Traité de lAtlantique Nord (OTAN). Plusieurs textes permettent davoir une vue densemble du projet européen et du rôle déterminant joué par lAllemagne et par là même, de mieux comprendre les évolutions envisagées de notre continent. 1. Les documents ethno-linguistiquesNous pouvons relever deux documents européens en mesure de promouvoir les phénomènes identitaires : la Convention-cadre pour la protection des minorités (1) et la Charte des langues régionales ou minoritaires (2). Ces deux documents rentrés en vigueur respectivement le 1er février 1998 et le 1er mars 1998 donnent la possibilité aux groupes ethniques de saffirmer. La mise à lhonneur de ces textes est due à lorigine à un institut : lUnion Fédéraliste des Communautés Ethniques Européennes (UFCE), siégeant à Flensburg, au nord de lAllemagne. Cet organisme est financé par le ministère de lIntérieur de la République fédérale dAllemagne, le Land du Schleswig Holstein, le Land de Carinthie et la Fondation Hermann Niermann à Düsseldorf. Lobjectif de lUFCE consiste à promouvoir lémergence de groupes ethniques à qui sont attribués des droits en tout genre : politique, éducatif, administratif ... . Son programme a été définitivement achevé en 1992 et lensemble a été réuni en un ouvrage : "Ethnos 46" (3). Les participants sont tous des juristes allemands et autrichiens, sans compter lappui du ministère des Affaires étrangères dAutriche et du ministère de lIntérieur dAllemagne. Cest à cette source juridique que ces deux textes européens ou, plus exactement, germano-européens ont puisé. - La mise en uvreLa Charte des langues régionales ou minoritaires a été lancée à lorigine par la résolution 192 (1988) du Conseil de lEurope. Son rapporteur est un avocat allemand, Herbert Kohn, membre du comité juridique de lUFCE. Grâce à son travail, la Charte permet lutilisation des langues régionales dans les domaines aussi divers que lenseignement (art. 8), la justice (art. 9), les média (art. 11), et facilite les échanges transfrontaliers (art. 7 et 14). Il faut bien retenir ces articles 7 et 14 qui font fi des frontières. De plus, ces mesures se répercutent aussi sur les autres documents, en particulier sur la convention-cadre pour la protection des minorités ... Sappuyant toujours sur les travaux réunis dans louvrage "Ethnos 46", cest un haut fonctionnaire du ministère de lIntérieur allemand, Rolf Gossmann, qui a réussi durant lannée 1994 à insuffler lessentiel de ce programme dans cette convention-cadre. Il faut savoir aussi que cest ce même personnage qui est lagent de liaison entre lUFCE et le gouvernement allemand. En tout cas, lapplication de ce document depuis son entrée en vigueur est un véritable bouleversement puisquil permet la reconnaissance officielle de tous les groupes ethniques dans lUnion européenne. Dune certaine manière, ce document germano-européen reprend lidéal des pangermanistes du XIXè siècle : " Dégager le substrat ethnique de sa gangue étatique avant de procéder à de nouvelles combinaisons ". Tout en reconnaissant la promotion de toutes les caractéristiques propres aux minorités ethniques (art. 5), la convention-cadre pour la protection des minorités sassocie à la Charte des langues régionales ou minoritaires et affirme dans son article 17 des éléments qui sont en mesure de fragiliser en profondeur le tracé des frontières en Europe. Il est dit en effet ceci : " Les Parties sengagent à ne pas entraver le droit des personnes appartenant à des minorités nationales, détablir et de maintenir, librement et pacifiquement, des contacts au-delà des frontières avec des personnes se trouvant régulièrement dans dautres Etats, notamment celles avec lesquelles elles ont en commun une identité ethnique, culturelle, linguistique ou religieuse, ou un patrimoine culturel ". Cette ethnicisation de toute lEurope trouve sa touche finale avec la Charte des Droits Fondamentaux (4). Cette dernière a été signée par les chefs de gouvernement lors du Sommet de Nice, en décembre 2000. Elle est entrée en vigueur depuis le vote positif des Irlandais en octobre 2002. La Charte des Droits Fondamentaux confirme sans ambiguïté ce principe, en particulier, dans ses articles 21 et 22 où il est expressément affirmé que les discriminations ethniques, linguistiques, sexuelles et religieuses sont interdites. Cette officialisation de lethnicité ne prendra véritablement son envol quà partir du moment où lon accordera un cadre politique adéquat. Le fédéralisme en est le support. 2. La régionalisation de lEuropeLa reconnaissance du principe fédéral dans les instances européennes sappuie sur trois documents qui sont, là aussi, germano-européens. Ce sont les Chartes de lautonomie locale et régionale et la convention-cadre sur la coopération transfrontalière appelée aussi Charte de Madrid. La Charte de lautonomie locale a été promue grâce à un texte de 89 pages intitulé " Les institutions régionales en Europe " par un rapporteur allemand au nom typiquement français : A. Galette. Ce document permet lautonomie locale dans tous les domaines : politique, administratif, droit de disposer de ressources financières propres suffisantes ... Mais dans cette affaire, les groupes ethniques résidant sur une surface de territoire réduite sont en mesure de réclamer une autonomie territoriale correspondant à leur emplacement. Ces revendications prendront un tour plus vif avec le projet de charte de lautonomie régionale. Ce texte fondamental sappuie à lorigine sur la recommandation 34 (1997) du rapporteur allemand, député socialiste au Land de Basse-Saxe, Peter Rabe. Cest en mars 1996 que le premier projet fut présenté par le gouvernement de ce Land. A lépoque, son ministre-président sappelait Gerhard Schröder, chancelier depuis 1998. - La parcellisationLobjectif suprême de ce document est le même que dans le cas précédent, mais à une échelle plus vaste. Il permet lépanouissement complet des " régions-Etat " qui sont en mesure de passer au-dessus de lautorité de lEtat, en lien direct avec les instances européennes. Cette promotion de lautorité politique des régions ira de paire avec les principes ethno-linguistiques cités plus haut. En effet, le préambule du " Projet de Charte de lautonomie régionale " stipule sans ambages ceci : " Conformément à larticle 1er de la convention-cadre pour la protection des minorités nationales, le respect des droits de lhomme inclut celui des minorités. Les régions sont donc tenues de respecter les droits des minorités se trouvant sur leur territoire ". Comme on peut le constater, cest tout simplement la reconnaissance de lethno-régionalisme. Enfin, ce processus de désintégration des Etats prendra sa forme la plus complète avec la Charte de Madrid. Cette dernière a été propulsée par un institut européen de façade mais entièrement allemand par ses fondateurs et ses dirigeants : lAssemblée des Régions Frontalières Européennes (ARFE), dont le siège se trouve à Gronau. Cet institut a pour objectif suprême de transformer les frontières dEtat en frontières administratives grâce aux eurorégions. Ces dernières, entités territoriales de part et dautre de la frontière, agissent comme des dissolvants en rendant caduques les frontières étatiques. Cela permet toutes les modifications territoriales et les déplacements de frontières. Evidemment, ceci ne peut que plaire aux Basques ou aux Catalans qui peuvent espérer une unification des parties françaises et espagnoles. Comme le dit si bien le député européen, Alain Lamassoure : " LEurope unifiera le Pays basque ". La dernière ligne droite, en effet, est désormais amorcée avec les mesures de décentralisation du gouvernement de J-P Raffarin et les préparatifs en faveur de la Constitution européenne. 3. Le bouquet finalLa France sest engagée dans la mise en valeur de ses régions. Le principe doit être prochainement reconnu par une révision de la Constitution de la Vè République (1958) au cours d'une réunion du Congrès à Versailles. Ce nest dailleurs que lexacte application de larticle 2 du projet de Charte de lautonomie régionale qui affirme clairement que " Le principe de lautonomie régionale doit autant que possible être reconnu dans la constitution ". Il faut bien comprendre que la politique du gouvernement français consiste désormais à mettre lorganisation territoriale française en harmonie avec la construction européenne dont les principes doivent sancrer en 2004 dans la fameuse Constitution, véritable couvre-chef, de cet Etat européen des régions à base ethnique. Les choses vont très vite puisquil faut compléter tout ceci par lélaboration dun Code civil européen (voir recueil Dalloz du 25 juillet 2002). Cest sous la direction dun juriste allemand, Christian von Bar, que le Parlement européen a décidé en juillet 1999 de mettre sur pied un Code civil européen qui doit éradiquer tous les autres. Cette uniformisation juridique accompagne la révolution politique et géopolitique qui se déroule actuellement sous nos yeux. En effet, le Code civil de chaque pays est en quelque sorte la substance propre à lhistoire dune nation. Le remplacer par un Code civil commun, cest effacer la mémoire juridique de chaque pays et accélérer par là la perte de la conscience nationale. Or, la promotion des régions politiquement autonomes et de leurs caractères ethniques accompagnent cet effacement de la mémoire. Dailleurs, cest avec une franchise désarmante que Christian von Bar a affirmé, lors de sa conférence le 12 avril 2002 à la GrandChambre (Paris) de la Cour de cassation, que " Charlemagne nous rappelle que lEurope est plus ancienne que les Etats qui la composent. Avec notre communauté, nous redécouvrons lEurope dans sa totalité ". Ces propos évacuent tout simplement mille deux cents ans dhistoire de la lente sédimentation des Etats-nation. Lidéal proposé est tout compte fait le retour à lEmpire carolingien. LEuro, lancé au début de lannée 2002, ne serait-il finalement quune monnaie dEmpire dont le but final serait de servir de moyens déchange entre les régions constituant lEtat fédéral européen en devenir ? - Lidéal ethnique au parlement européenLe phénomène est bien enraciné puisque un parti politique européen, le Parti Démocratique des Peuples dEurope - Alliance Libre Européenne (PDPE - ALE) en liaison directe avec le groupe des Verts a élaboré une carte de lEurope ethnique en 1997 (concernant, pour le moment, uniquement lUnion européenne) sous légide du Parlement européen. Comme le montre cette carte, la France éclate en différentes entités, comme la Grande-Bretagne. On note dailleurs une étrange parenté avec la carte de lEurope des régions de la Waffen SS, reproduite à lannexe de mon livre (P. Hillard, "Minorités et régionalisme", éd. F.-X. de Guibert). Le grand vainqueur de ces découpages ethniques est le corps germanique qui, outre lAllemagne, associe lAutriche, la Suisse alémanique, lAlsace, le pays messin, le Luxembourg et les cantons germanophones belges. Bénéficiant dune cohésion culturelle, le monde germanophone sera le grand bénéficiaire de ces bouleversements " tribaux ". Il faut toujours raisonner en termes de rapports de puissance. Lentité germanophone, forte de 90 millions dindividus et économiquement la plus puissante dEurope, exercera un pouvoir dattraction tel que tout le pourtour de son territoire entrera dans sa dépendance. Cest dune certaine façon la renaissance dun nouveau Saint-Empire romain germanique. Cette dislocation du corps européen ira croissant car le ministère de lIntérieur allemand soutient une centaine de mouvements autonomistes en Europe dont les Bretons, les Alsaciens, les Flamands et les Savoyards, rien que pour la France (voir annexe 34 de mon livre). Ces derniers, comme tous les groupes ethniques des Etats de lUnion et comme ceux des futurs adhérents en 2004 (Pologne, Hongrie, Etats baltes ...), pourront alors agiter le spectre de la sécession. Nous pouvons même aller plus loin. Les populations extra-européennes, dans le cadre des droits de lhomme et du droit à la différence seront en mesure de réclamer une extension de ces droits en leur faveur. Les textes germano-européens les y autorisent. Qui plus est, lentrée programmée de la Turquie dans l'Union européenne accéléra cette implantation ethnique musulmane sur tout le continent. De nombreux Kosovo sont à prévoir. LEurope se fragmentera encore plus. Inévitablement des rivalités inter-ethniques liées aux intérêts économiques et à légoïsme inhérent de lhomme favoriseront des guerres multiples. Cela sera " la guerre du feu " et " Mad Max " réunis. LEurope est malheureusement engagée dans une spirale infernale. En effet, un sage du siècle dernier disait : " Dordinaire, en politique, les effets sont aperçus quand ils commencent à se produire, cest-à-dire quand il est trop tard " (5). Pierre Hillard Notes :
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Date de la mise en ligne: mars 2003 | ||
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Mise à jour : avril 2004 |
Biographie de Pierre Hillard, spécialiste de l'Allemagne |
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Professeur dhistoire-géographie. . Secrétaire de rédaction de Jeune France (www.jeune-france.org). . Auteur de "Minorités et régionalismes, Enquête sur le plan allemand qui va bouleverser lEurope", aux éditions François-Xavier de Guibert.(4e édition au printemps 2004) . Pierre Hillard a publié sur ce site en novembre 2003 : "La régionalisation et l'aménagement du territoire en Europe: une révolution politique en faveur du partenariat transatlantique ?" http://www.diploweb.com/forum/hillard2.htm Pierre Hillard a publié sur ce site en avril 2004: "Le partenariat transatlantique germano-américain: une nouvelle naissance ?" , http://www.diploweb.com/forum/hillard3.htm Pierre Hillard a publié en 2005 : "La décomposition des nations européennes. De l'Union euro-atlantique à l'Etat mondial", éd. François-Xavier de Guibert. |
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