Docteure en Géopolitique de l’Université de Reims Champagne-Ardenne. Membre du Conseil scientifique du Diploweb.com. Agrégée d’histoire, Professeure de chaire supérieure au lycée Faidherbe (Lille) où elle enseigne la géopolitique en classes préparatoires économiques et commerciales. Auteure de nombreux ouvrages.
Découvrez la synthèse de l’actualité internationale de novembre 2024 : Les résultats des élections dans le monde ; L’Allemagne dans la tourmente ; Une aggravation de l’instabilité du Pakistan ; Les grand-messes du développement durable ; Une escalade prévisible dans la guerre en Ukraine ; Une nouvelle fois, le monde ne sera plus celui d’avant ; Résistances, etc.
Voici la précieuse synthèse d’Axelle Degans qui sera fort utile à tous ceux qui veulent disposer d’un point de l’actualité géopolitique mondiale, voire préparent un concours ou un entretien de recrutement. Pour ne rien manquer, et recevoir nos alertes sur des documents importants, le plus simple est de s’abonner gratuitement à notre Lettre d’information hebdomadaire ou au compte X de veille géopolitique @diploweb. Ce compte de veille géopolitique compte de nombreux followers dont de nombreuses pointures du domaine dans de nombreux pays. Vous serez en bonne compagnie. Et c’est plus important que jamais d’être bien entouré.
Aux Etats-Unis, le candidat républicain à la magistrature suprême, Donald Trump a remporté le 5 novembre 2024 les élections face à la candidate démocrate, vice-présidente en poste, Kamala Harris. Après avoir été le 44ème président des Etats-Unis, Donald Trump en sera le 46ème à compter du 20 janvier 2025.
En Roumanie, au premier tour des élections présidentielles de novembre 2024 le candidat conservateur C. Georgescu est arrivé en tête avec 23% des suffrages exprimés. Il est connu pour ses prises de positions en faveur de l’écologie…et ses propos dénonçant l’OTAN dont des troupes stationnent en Roumanie.
L’élection du président américain est une élection fédérale à laquelle participent les différents Etats de cette fédération par l’intermédiaire de grands électeurs – 538 au total – qui votent ensuite pour le président. Il s’agit donc d’un suffrage indirect. Chaque Etat dispose d’un nombre de grands électeurs pondéré par son poids démographique à l’échelle fédérale, même si les Etats les plus peuplés sont un peu sous-représentés pour que les moins peuplés aient des grands électeurs. Ainsi, la Californie (54 grands électeurs), le Texas (40) et la Floride (30) sont des Etats cruciaux à remporter, à l’inverse Vermont Dakota du Nord et du Sud et le Wyoming n’ont chacun que trois grands électeurs. Le New Hampshire, le Maine, le Montana ou l’Idaho n’ont que quatre représentants.
L’élection avait été annoncée « serrée » entre les deux candidats par les instituts de sondage comme la presse américaine, la victoire de Kamala Harris même très sérieusement envisagée… jusque dans les médias européens dont on constate une nouvelle fois la capacité à s’auto-intoxiquer.
Comparons les trois dernières élections présidentielles aux Etats-Unis. En 2016, le candidat Donald Trump remporte les élections face à Hillary Clinton avec 306 grands électeurs contre 232 à la démocrate, avec un taux de participation de 59%, mais le « vote populaire » va à Hillary Clinton qui recueille plus de deux millions de voix supplémentaires. En 2020, la participation est exceptionnellement élevée, puisque 66% du corps électoral s’est déplacé, ce qui permet à Joe Biden de remporter les élections avec 306 grands électeurs contre 232 pour Donald Trump, grâce à un « vote populaire » et sept millions de voix supplémentaires. En 2024, Donald Trump remporte 312 grands électeurs et Kamal Harris 226, près de trois millions de voix séparent les deux candidats, Donald Trump remportant cette fois-ci le « vote populaire », une victoire claire. La diminution de la participation a porté préjudice à Kamala Harris. Les démocrates se sont moins mobilisés pour leur candidate qui, selon J-E Branaa « n’a pas su répondre à l’attente économique et a développé une perception wokiste de la société, qui a été rejetée jusque dans son propre camp », donc une contestation. Christophe Guilluy, lui, analyse le vote pour Trump comme celui des « dépossédés » par le libre-échange et la désindustrialisation, délaissés par les démocrates, des minorités qui refusent l’« enferment » identitaire proposé par la démocrate. Les thématiques de sécurité économique et sociale (immigration clandestine) ont mobilisé l’électorat en faveur du républicain, donc un vote d’adhésion ? Alors que le Congrès est républicain, on ne peut considérer le vote pour Donald Trump comme un accident, pas plus que le défaut d’analyse des médias. Or les médias sont essentiels à la vie démocratique…
En Allemagne fédérale, la coalition SPD-Verts-libéraux est sous très forte tension. Le ministre des Finances Christian Lindner, chef de file du parti libéral (FDP) appelle à un « tournant économique » à contre-courant de ce que prônent les sociaux-démocrates et les Verts. Il réclame une révision des objectifs climatiques très ambitieux en Allemagne et demande de diminuer les dépenses dans une Allemagne désormais en récession. A l’heure d’un « automne des décisions » (Lindner), le chancelier Olaf Scholz renvoie son ministre des Finances, ce qui entraine la démission de tous les ministres libéraux du gouvernement. Voilà une première dans l’Allemagne réunifiée (1990 - ). Cette crise politique de novembre 2024 se déroule sur fond de déroute électorale des partis de gouvernement lors des élections tenues dans les différents länder. Un scenario possible est celui d’élections anticipées en mars 2025, deux mois après la prise de fonction du nouveau locataire de la Maison Blanche qui avait fait trembler l’Allemagne d’Angela Merkel en lui reprochant de ne pas suffisamment dépenser pour sa défense.
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Cette crise politique n’est pas sans rappeler la crise politique que la France connait depuis le mois de juin 2024, car cette crise n’est pas seulement allemande. L’Allemagne est la première économie de l’Union européenne, toute crise ne manque pas d’affecter l’Union. La question de la pérennité de la filière automobile européenne (près de 14 millions d’emplois) et singulièrement allemande est dans tous les esprits. Le tandem franco-allemand n’en fonctionnera pas mieux, quand les Européens craignent l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche. L’UE est dans les cordes. Saura-t-elle trouver l’énergie nécessaire pour se ressaisir de son devenir ?
Le Pakistan est né en 1947 de la partition des Indes britanniques, mais il n’a jamais surmonté cette naissance difficile, les tensions se cristallisent encore autour du Cachemire. Ce contentieux donne une place importante à l’armée et aux services de sécurité. Les guerres en Afghanistan contribuent à radicaliser l’islam pratiqué au Pakistan. Alors que l’Inde est un pays appartenant aux cinq premiers PIB de la planète, le Pakistan s’enfonce dans les difficultés. Le Premier ministre Shehbaz Sharif est violemment contesté par la société civile qui réclame la libération de l’ancien Premier ministre Imran Khan, emprisonné pour corruption, dont le parti – le mouvement du Pakistan pour la justice – est arrivé en tête des élections législatives sans pouvoir accéder au pouvoir. Les affrontements ont déjà provoqué plusieurs victimes. Cette république oligarchique de plus de 240 millions d’habitants est aussi une puissance nucléaire …
La Colombie reçoit en novembre 2024 à Cali la COP 16 concernant la biodiversité. Les discussions portent sur le Fonds pour la biodiversité – Global Biodiversity Framework Fund, GBFF – que rejoignent plusieurs pays européens, dont la France ou le Royaume-Uni, et la Nouvelle-Zélande. Ce fonds bénéficiera d’une somme de 400 millions de dollars mais les pays du Sud espéraient plus d’un milliard de dollars. La République sud-africaine et la République démocratique du Congo demandent la création d’un nouveau fonds indépendant du précédent dont ils critiquent le fonctionnement.
La COP 29 se tient en Azerbaïdjan courant novembre 2024, à Bakou, un moyen de s’offrir une vitrine d’honorabilité pour ce régime autocratique qui vient de prendre le plateau du Haut-Karabakh aux Arméniens, les menacent de prendre une nouvelle part de territoire pour accéder au Nakhitchevan et déstabilise la France en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie dans les Antilles. L’Azerbaïdjan doit sa fortune aux hydrocarbures de la mer Caspienne, donc des énergies fossiles. L’année 2024 devrait être celle où le réchauffement climatique atteindrait 1,5°. Cette réunion s’articule autour du financement par les pays industrialisés – la « dette écologique » - de la transition énergétique des pays du Sud. Cette contribution fixée à 100 milliards par an entre 2020 et 2025 n’a été atteinte qu’en 2022 (la pandémie l’explique), et aujourd’hui les besoins sont évalués à 1000 milliards de dollars par an soit près de 1% du PIB mondial. La COP 29 se termine sur un accord relevant la contribution annuelle de 100 milliards de dollars à 300. Ce résultat provoque la colère des pays du Sud. En 2023, la France a contribué à la hauteur de 7,2 milliards d’euros, au-delà du seuil fixé à 6 milliards. Les Européens estiment assumer leur part dans le financement de la transition énergétique des pays plus pauvres, mais demandent que l’effort soit mieux partagé avec les pays émergents – comme la Chine premier producteur mondial de GES – et les pays pétroliers.
L’élection de Donald Trump laisse présager que Washington va œuvrer à la fin de la guerre en Ukraine. Reste à savoir comment. En attendant chaque camp essaie de parvenir en position de force pour les négociations. Les belligérants mènent une guerre de haute intensité depuis plus de mille jours, ils s’épuisent, comme leurs soutiens respectifs. L’offensive ukrainienne d’août 2024 dans la région de Koursk n’a pas changé la donne militaire et les forces russes continuent à avancer à l’Est de l’Ukraine.
L’hiver 2024-2025 s’annonce très difficile, les températures deviennent négatives et les conditions de combat se dégradent rapidement. Les bombardements russes visent des infrastructures électriques privant de chauffage une partie de la population ukrainienne.
Joe Biden autorise en novembre 2024 l’utilisation, par les troupes ukrainiennes des missiles ATACMS pouvant viser l’intérieur du territoire russe à plusieurs centaines de kilomètres. L’accélération de l’aide américaine passe aussi par la livraison de mines antipersonnel dont pourtant près de 190 pays en condamnent l’usage car elles mutilent les civils. Cette accélération des livraisons d’armes américaines répond aux bombardements russes des infrastructures électriques ukrainiennes et l’annonce de l’arrivée de troupes nord-coréennes aux côtés des Russes. Elle s’opère aussi avant la nomination de Donald Trump qui devrait limiter l’aide américaine à Kiev.
Certes, l’histoire nous enseigne que des continuités peuvent subsister en dépit de discours de rupture. Cependant, l’élection de Trump amorce peut-être un nouvel équilibre géostratégique. Il va probablement abaisser ou conditionner l’aide militaire à l’Ukraine et l’investissement des Etats-Unis dans l’OTAN au moment où l’Union européenne est considérablement affaiblie. L’utilisation des missiles ATACMS engagent-elles l’OTAN dans une cobelligérance ? Dans un discours le président russe confirme l’évolution de sa doctrine nucléaire, comme annoncé en septembre 2024. Moscou utilise un missile de nouvelle génération, un missile hypersonique Orechnik dénucléarisé contre Dnipro. Il s’agit d’un avertissement aux Occidentaux. C’est un message politique qui vise à affaiblir le soutien des opinions à la résistance ukrainienne.
Le Proche-Orient, est dans la tourmente. Le Liban est profondément déstabilisé par les frappes menées par le Hezbollah sur Israël qui amènent en retour l’intervention de Tsahal. Le Hezbollah et le Hamas sont consédérablement affaiblis par la guerre de haute intensité que mène Tsahal qui n’a pas libéré de nouveaux otages. Tous les belligérants s’épuisent. La Syrie est toujours le théâtre d’une guerre menée à bas bruit, mais qui a déjà causé la mort de plus de 400 000 personnes et provoqué le déplacement de millions de Syriens. Le régime de Bachar el-Assad – soutenu par l’Iran et la Russie – fait face en novembre 2024 à une vaste offensive de « rebelles » dans la région d’Alep et d’Idlib. Il s’agit d’une coalition autour de djihadistes comme Hayat Tahrir al-Cham, soutenus par la Turquie, affrontant les troupes fidèles à Bachar el-Assad. Les combats ont fait plus de 250 morts.
Bonus, Planisphère, Quelles sont les caractéristiques géopolitiques et stratégiques de la Méditerranée ? Avec P. Ausseur, sur RND
Super bonus : la synthèse rédigée et validée
Le reflux français du Sahel continue. Les troupes françaises, présentes dans la cadre de l’opération Barkhane qui luttait contre la progression des djihadistes, ont quitté le Mali, le Burkina Faso et le Niger à la demande de nouveaux gouvernements issus de putsch. En novembre 2024 le Sénégal de Bassirou Diomaye Faye demande le départ des militaires français au nom de la souveraineté de son pays. Et surtout, le Tchad de Mahamat Déby (fils d’Idriss Déby) remet en cause les accords historiques de défense qui liaient son pays à la France et faisait du Tchad un élément essentiel de la présence française en Afrique. Cette évolution se réalise clairement au profit de la Russie qui se fait forte de réduire le plus possible l’influence de la puissance française. Quand on connait sur la longue durée les hésitations voire les complaisances françaises à l’égard de Moscou, cette éviction de la France d’Afrique par des forces liées de près ou de loin à la Russie résonne de manière étrange.
Cela n’empêche pas les troupes de Wagner d’essuyer au Mali un sérieux revers face aux Touaregs, peut-être 80 morts. Si Sénégal et Tchad annoncent vouloir conserver de bonnes relations avec Paris – à la différence des autres pays de Sahel - la France n’en vit pas moins une marginalisation croissante en Afrique.
En Iran la jeune Ahou Daryael s’est promenée en sous-vêtements dans les rues de Téhéran, défiant le pouvoir des mollahs qui oblige les femmes à se voiler, allant jusqu’à l’assassinat. La police des mœurs a, avant ce jour, tué des jeunes femmes comme Mahsa Amni, jeune iranienne d’origine kurde morte en 2022 pour avoir « mal positionné » son voile. Ahou Daryael a été agressée sur le campus universitaire par les milices du régime iranien pour « tenue non-conforme », elle choisit de se dévêtir en signe de protestation. Un acte de résistance qui lui vaut une arrestation violente et un internement en hôpital psychiatrique, en Iran une femme qui refuse le voile est folle… Ahou Daryael a eu un geste sacrificiel contre l’obscurantisme qui, lui, ne désarme pas.
Les tragiques anniversaires des meurtres de Samuel Paty – le procès de son assassinat est en cours – et de Dominique Bernard rappellent que la lutte contre l’obscurantisme est un acte courageux de résistance.
Les proches de Boualem Sansal, sans nouvelles de lui pendant plusieurs jours, sont inquiets. Cet écrivain de langue française est né et vie en Algérie. Ses ouvrages sont récompensés à de multiples reprises et c’est probablement ce qui fâche sa patrie de naissance car il s’y montre très critique vis-à-vis de la corruption, des faiblesses d’Alger, notamment face à l’islamisme qu’il dénonce ouvertement et fermement. Comme Kamel Daoud, dont le dernier ouvrage, « Houris » (éd. Gallimard), vient de recevoir le prix Goncourt 2024, ce qui vaut à son éditeur d’être interdit en Algérie, les esprits libres sont maltraités en Algérie. Boualem Sansal vient d’obtenir la nationalité française et s’apprêtait à venir s’installer en France, ce qui explique aussi probablement son incarcération. Il est aussi l’otage du nouveau contentieux entre Alger et Paris. Le pouvoir algérien ne sait plus comment masquer son impéritie et utilise la France comme bouc émissaire commode pour essayer de faire oublier l’injustifiable situation des Algériens vivant dans un pays riche en hydrocarbures où l’agriculture a été sabotée et dont les jeunes rêvent de partir… un naufrage qui amène Alger à essayer de faire taire Boualem Sansal alors que « la vérité se tient mieux dans le silence » (Boualem Sansal, Dis-moi le paradis, Gallimard, 2003). La « république des lettres » se mobilise en France pour demander la libération de cet écrivain déjà âgé de 75 ans.
Un cessez-le-feu serait en vue au Liban annonce le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. Le Liban est une victime collatérale de la guerre entamée le 7 octobre 2023 à l’initiative du Hamas qui reçoit l’aide du Hezbollah, un Etat dans l’Etat au Liban. Cet accord devrait durer une soixantaine de jours – jusqu’à l’investiture de Donald Trump – et se traduire par un retrait progressif de Tsahal du sud-Liban et celui du Hezbollah au nord du Litani. Ce cessez- le-feu pourrait, s’il est respecté, affaiblir le Hamas dans la bande de Gaza.
Les frères Alexis et Felix Lebrun ont remporté, à Fukuoka au Japon, la finale de tennis de table du circuit mondial WTT, après avoir remporté celle du double du championnat d’Europe. Les deux frères occupent désormais la première place mondiale. Bravo à eux.
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