Docteure en Géopolitique de l’Université de Reims Champagne-Ardenne. Membre du Conseil scientifique du Diploweb.com. Agrégée d’histoire, Professeure de chaire supérieure au lycée Faidherbe (Lille) où elle enseigne la géopolitique en classes préparatoires économiques et commerciales. Auteure de nombreux ouvrages.
Découvrez la synthèse de l’actualité internationale de janvier 2024. Résultats électoraux ; Le grand retour de la géopolitique ; Les attaques de drones et missiles ; Des BRIC’s aux BRICS+ ; La Turquie joue sur tous les tableaux ; Le retour à l’espace...
Voici la précieuse synthèse d’Axelle Degans qui sera fort utile à tous ceux qui veulent disposer d’un point de l’actualité géopolitique mondiale, voire préparent un concours ou passent un entretien de recrutement. Pour ne rien manquer, et recevoir nos alertes sur des documents importants, le plus simple est de s’abonner gratuitement à notre Lettre d’information hebdomadaire ou au compte X anciennement twitter de veille géopolitique @diploweb. Ce compte de veille géopolitique compte de nombreux followers dont de nombreuses pointures du domaine dans de nombreux pays. Vous serez en bonne compagnie. Et c’est plus important que jamais d’être bien entouré.
En République démocratique du Congo, le président sortant Félix Tshisekedi est réélu en janvier 2024 avec près de trois quarts des suffrages exprimés. L’opposition conteste cette élection, estimant que l’ampleur de la fraude l’invalide.
Au Libéria, le président Joseph Boakai a été investi.
A Taiwan, l’élection présidentielle est remportée en janvier 2024 par Lai Ching-He, vice-président de l’administration sortante avec plus de 40 % des suffrages exprimés. Il s’est imposé face au candidat du Kuomintang (KMT), Hou Yu-ih, favorable à un rapprochement avec la République populaire de Chine. La montée des tensions n’est pas sans expliquer la victoire du candidat du parti de la présidente sortante Tasi Ing-wen. Pékin multiplie les actions d’intimidation depuis l’été 2021 et le départ des troupes américaines d’Afghanistan. L’espace aérien taiwanais est régulièrement violé, la Chine populaire use de « sharp power » en utilisant les réseaux sociaux – comme Tik Tok – pour convaincre la jeunesse de voter pour le Kuomintang qui veut faciliter le rapprochement avec la Chine continentale. Si une minorité des Taiwanais affirme vouloir une indépendance pleine et entière de l’ile, une grande partie de la population préfère conserver l’actuelle autonomie. Ce vote s’explique surtout par la crainte suscitée par la Chine depuis la répression menée par Pékin à Hong Kong où les libertés ont été étouffées. Cette élection est une affirmation d’une volonté de souveraineté à l’égard de Pékin. Les Etats-Unis déclarent ne pas soutenir une indépendance de Taiwan alors que Pékin s’est déjà montré menaçant. Washington envoie une délégation à Taipei. Le nouveau président affirme vouloir « protéger Taïwan des menaces et intimidations continuelles de la Chine ». La France et de nombreux pays appellent à maintenir le statu quo.
La Belgique prend début janvier 2024 la présidence tournante du Conseil (des ministres) de l’Union européenne.
Le Ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire, déclare en janvier 2024 que le « premier risque économique » à l’échelle de la planète est « géopolitique ». En effet, les conflits armés se multiplient, aux portes de l’Union européenne (guerre en Ukraine, guerre dans le Caucase que perdent les Arméniens, guerre au Proche-Orient). L’arrêt des achats de gaz russe par la plupart des pays de l’UE a provoqué un choc énergétique auquel doivent s’adapter les entreprises comme les ménages. La guerre en Ukraine remet aussi en cause les relations d’interdépendances commerciales de manière plus large (y compris au niveau agricole). Au Proche-Orient, le risque d’extension du conflit localisé dans la bande de Gaza est déjà une réalité puisque le transport maritime via la mer Rouge est menacé, ce qui remet en cause l’une des principales artères maritimes de l’économie mondialisée. Ainsi, l’usine allemande Tesla doit interrompre sa production pendant deux semaines.
L’année 2024 s’annonce surtout sous le signe de la géopolitique du fait des élections à Taiwan surveillée de très près par Pékin, comme par Washington, alors que les tensions entre ces deux principales puissances mondiales ne s’apaisent pas. De nombreuses élections doivent être organisées en Amérique latine (Venezuela), Afrique (Mozambique, Algérie), ou en Asie (Inde, Philippines, Indonésie) qui peuvent influer sur le climat des affaires. Les élections européennes augurent un affaiblissement des partis européistes, ce qui pourrait modifier la politique communautaire. Les élections aux Etats-Unis pourraient aussi amender la politique menée actuellement par Washington, en particulier pour ce qui concerne les guerres en cours. En Russie, le président Vladimir Poutine pourra briguer un nouveau mandat… Tout sera fait pour sa victoire. La guerre russe en Ukraine est dans une impasse stratégique à l’heure où les pays européens ne parviennent pas assez à satisfaire les besoins en armes et munitions des Ukrainiens qui attendent le déblocage de fonds par le Congrès américains.
Les zones de tensions secondaires sont nombreuses en ce début d’année 2024. En Afrique de l’Ouest, le Burkina Faso, le Mali et le Niger, trois pays dirigés actuellement par des putschistes appuyés par les mercenaires de Wagner, quittent la CEDAO qui appelle à une transition démocratique et civile dans ces pays. L’Afrique reste donc une zone de réelles tensions. En Birmanie, les militaires au pouvoir qui ont mis fin à la démocratie il y a désormais trois années, font face à une rébellion qui prend de l’ampleur et aligne les succès comme la prise de contrôle du port de Pauktaw. La grande pauvreté du pays qui vit de multiples trafics, dont celui du pavot, est la toile de fond de cette révolte. En Asie du Sud, la culture du pavot s’est développée, notamment en Afghanistan, et les tensions se sont multipliées comme au Cachemire.
Israël élimine en janvier 2024 le numéro deux du Hamas, Saleh al-Arouri, lors d’une frappe au Liban.
Deux explosions tuent plus de 100 personnes réunies autour de la tombe de Soleimani, chef des Al-Qods éliminé par un drone américain en 2020. Cet attentat est revendiqué par l’État islamique toujours implanté au Proche-Orient.
Les Houthis multiplient en janvier 2024 les tirs sur les navires voguant sur le mer Rouge. Moins de 40% des navires franchissant habituellement le canal de Suez conservent cette voie, les autres prennent un autre itinéraire, plus long et plus onéreux. Ces attaques déstabilisent les voies commerciales de l’économie mondialisée et provoquent une réaction internationale.
En Jordanie, un drone tue trois soldats américains et fait une trentaine de blessés, le président Joe Biden promet une réponse forte. Depuis le 7 octobre 2023, l’Iran et ses différents alliés auraient procédé au tir de quelques 150 missiles et drones contre les bases américaines de la région.
La Corée du Nord procède en janvier 2024 à de nouveaux tirs de missiles qui maintiennent une niveau élevé de tension en Asie de l’Est.
Les drones et missiles, qui ont changé le cours de la guerre dans le Caucase, au détriment de l’Arménie, sont abondamment utilisés dans la guerre qui se déroule en Ukraine.
Les BRIC’s, cette « aristocratie émergente » (Z. Laidi), composée du Brésil de la Russie, de l’Inde et de la Chine s’est enrichie de l’Afrique du Sud au début de la deuxième décennie de notre siècle. Les BRIC’s deviennent en janvier 2024 les BRICS+ avec l’élargissement à l’Arabie saoudite, à l’Égypte, à l’Éthiopie, aux Émirats arabes unis, et à l’Iran. Désormais dix, et non onze comme prévu à l’été 2023 car l’Argentine du président Javier Milei décide de ne pas rejoindre ce club des émergents. S’il est traversé par d’évidentes lignes de fractures, peut-on pour autant réduire ces BRICS+ à une liste à la Prévert ? Ils regroupent presque la moitié de l’humanité, produisent presque la moitié du pétrole mondial et représentent un tiers de la création de richesse mondiale. Au-delà de ce qui les séparent, une puissante ambition de secouer l’ordre mondial américain – voire occidental – les anime et les réunit.La Russie de Vladimir Poutine doit en assumer la présidence tournante pour l’année 2024.
Ankara achète des drones à Israël pour les livrer aux Azerbaidjanais en guerre contre les Arméniens, mais soutient le Hamas… lui-même à l’origine de l’attaque du 7 octobre 2023 contre Israël. La Turquie livre des drones à l’Ukraine mais interdit le passage à deux dragueurs de mines livrés par le Royaume-Uni à Kiev, en se réfugiant derrière la convention de Montreux de 1936 qui en fait la gardienne des détroits du Bosphore et des Dardanelles. La Turquie est candidate à l’UE depuis 2005 mais ne fait rien pour conclure depuis 2010, mais touche toujours des fonds européens… L’ambivalence de la politique turque est de plus en plus visible.
Après avoir fait un chantage au veto à l’entrée de la Suède dans l’OTAN, Ankara a obtenu en janvier 2024 de pouvoir acheter 40 avions américains F-16. En miroir, l’administration Biden autorise la vente de 40 F-35 à la Grèce qui craint l’agressivité turque en Méditerranée orientale.
L’économie turque profite pleinement des sanctions occidentales pesant sur la Russie, remplaçant, par exemple, les entreprises européennes contraintes de quitter le territoire russe.
Le Secrétaire d’État Anthony Blinken fait en janvier 2024 une tournée au Proche et au Moyen-Orient pour éviter que ce conflit ne fasse tache d’huile. Il fait pression pour une « modération » de l’opération militaire menée par Tsahal dans la bande de Gaza. La crainte que le conflit ne s’étende au Liban, en Cisjordanie n’est pas dénuée de fondement. L’Iran finance le Hamas, le Hezbollah ainsi que les Houthis yéménites qui multiplient les attaques sur les navires empruntant la mer Rouge. Les Etats-Unis redoutent un embrasement régional, l’ONU demande aux Houthis d’arrêter leurs attaques et réclame de pouvoir acheminer une aide humanitaire pour la population gazaouie. Les combats sont particulièrement violents autour de Khan Younes, où le Hamas est en difficulté. Le bilan humain est très élevé, notamment pour les plus jeunes, compte tenu de leur proportion et de leur nombre dans la population palestinienne.
Rony Brauman, Pascal Boniface, Vidéo. Israël : une offensive sans limite. Entretien avec Rony Brauman
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Paris a accueilli en janvier 2024 une réunion des protagonistes régionaux pour parvenir a minima à une pause dans les combats et la libération au moins partielle de la centaine d’otages aux mains du Hamas et autres groupes terroristes. La question du « jour d’après » se pose avec acuité dans une bande de Gaza quasiment inhabitable.
Suite à plusieurs attaques des Houthis sur des bâtiments empruntant la mer Rouge, une coalition menée par les Etats-Unis et le Royaume-Uni a frappé soixante cibles sur 16 sites à partir de navires et de sous-marins. Le risque d’escalade est réel, d’autant que les Houthis promettent des représailles.
La Lune est de nouveau un objectif de la conquête spatiale, pour les ressources minérales qu’elle recèle. Elle l’est surtout comme possible point-relai pour se projeter plus loin… vers Mars par exemple. Les Etats-Unis viennent de procéder au lancement d’une fusée qui doit déposer un engin lunaire. Le décollage depuis cap Kennedy a été supervisé par la NASA, pourtant ce lancement appartient pleinement à l’ère du « New Space ». Le lanceur – Vulcan Centaur – appartient à une société privée, United Launch Alliance (une co-entreprise entre Boeing et Lockheed Martin) et doit concurrencer un autre lanceur lourd, celui de Space X, le Falcon 9 . Il doit déposer Peregrine, lui aussi élaboré par une société privée. Le privé prend donc une place grandissante dans l’aventure spatiale. Ce lanceur lourd coexiste aux côtés d’Ariane 6 qui doit faire face à une concurrence devenue très dure.
Le Japon a réussi en janvier 2024 à faire alunir Slim, mais... à l’envers du fait de la panne d’un moteur.
Le Venezuela veut annexer 60% du territoire de son voisin , le Guyana. Nicolas Maduro procède à une purge de son entourage. Trente-trois militaires ont été dégradés, des défenseurs des droits de l’homme sont arrêtés. Sept millions de Vénézuéliens ont déjà choisi le chemin de l’exil.
En Équateur, le président Daniel Noboa décide de décréter l’état « de conflit armé interne » pour faire face à une situation proche du chaos. La violence a beaucoup augmenté, elle est le fait de gangs liés au trafic de drogue, car l’Équateur est devenu un hub d’exportation de la cocaïne produite par les narco-états que sont la Colombie ou le Pérou vers l’Amérique du Nord et l’Europe. Le gang des Choneros – fort de plus de 8 000 personnes – a libéré son chef Adolfo Macias alors qu’il était emprisonné pour meurtre et trafic de drogue. L’état d’urgence déclaré pour deux mois doit permettre à l’armée d’intervenir dans la rue comme dans les prisons, qui sont surpeuplées et sont de vraies cocottes-minute. Ce pays est phagocyté par la violence générée par le trafic de drogue .
Le Panama est affecté par une sécheresse, du fait du phénomène météorologique El Nino, né au cœur du Pacifique. Il assèche les lacs qui alimentent les gigantesques écluses du canal de Panama. Le canal manque d’eau. Le délai d’attente pour passer le canal est passé à 16 jours. La compagnie Maersk propose de décharger les bateaux et d’utiliser les voies ferroviaires pour éviter d’interrompre les chaines d’approvisionnement. La nouvelle est très mauvaise au moment où les attaques des Houthis aboutissent à un détournement d’une partie du commerce mondial par le cap de Bonne espérance.
La France connait fin janvier 2024 une colère historique de ses agriculteurs. Ils convergent vers Paris et Rungis, après avoir bloqué certaines régions, comme l’Ariège, la Gironde ou le Nord-Pas-de-Calais. Personne ne sait combien de temps cette contestation peut durer.
Cette fronde a commencé au Pays-Bas à l’été 2022, les agriculteurs néerlandais n’acceptant pas la taxe sur l’azote, issu de l’agriculture intensive, pour lutter contre le réchauffement climatique. Ce mouvement est symptomatique d’une révolte profonde, des coups de feu avaient été tirés…
Aujourd’hui, les paysans en Allemagne, en Pologne, en Roumanie ou encore en Espagne font entendre leur colère. Tous dénoncent le volet agricole « De la ferme à l’assiette » (To Farm to fork ), volet agricole du « pacte vert » (green deal) voté en 2019 par l’actuelle Commission européenne avec pour finalité la transition énergétique et pour horizon 2050. Il s’agit de décarboner les pratiques agricoles et de réduire la production. Une vision malthusienne qui organise une baisse de la production agricole dans une humanité qui n’a jamais été aussi nombreuse ? Gel de 4% des terres agricoles, jachère, taxes sur les carburants utilisés par le matériel agricole… en plus d’une série de normes administratives qui pèsent sur ces professions. Des paysans des différents pays de l’UE contestent cette politique qui commence à être appliquée, ils dénoncent aussi les importations croissantes depuis l’Ukraine qui ne respecte pas du tout les normes sociales, phytosanitaires, donc de qualité, appliquées en Europe communautaire. Pas plus que celles en provenance des régions avec lesquelles l’Union a négocié de multiples accords de libre-échange : Chili, Mexique, Nouvelle-Zélande…, et ceux en cours comme avec le Mercosur que Ursula van der Leyen souhaite faire adopter avant le mois de juin 2024. Ces accords ont un spectre large, dont l’agriculture n’est qu’un volet, comportant des accords sur les importations mais aussi les exportations. Les intérêts des uns ne sont pas forcément ceux des autres.
Ces revendications commencent à inquiéter les autorités nationales, mais aussi communautaires puisque des agriculteurs convergent vers Bruxelles, mais ne débouchent pas sur les réponses espérées : dérogations concernant la jachère, ou les importations agricoles depuis l’Ukraine, ou le report des négociations avec le Mercosur. Or, ce que demandent ces paysans, que le géographe Christophe Guilluy qualifie de « dépossédés » (dépossédés de leur travail, donc une dépossession sociale), c’est un changement complet de paradigme et non des aides financières et des accommodements qui ne sont qu’une réponse technocratique à une crise existentielle à l’échelle communautaire. Une révolte de la dignité de personnes qui demandent de pouvoir travailler, qui , en France, est soutenue par une majorité de la population. Cette crise est une remise en cause fondamentale des choix libéraux de l’actuelle Commission européenne, basés sur le libre-échange et le combat prioritaire pour la transition énergétique.
Airbus a réalisé une très bonne année 2023, vendant davantage d’avions que son concurrent Boeing en décrochant près de 60% des commandes. Le transport aérien est confiant pour l’avenir après avoir connu une période très difficile avec le « grand enferment » lié à l’épidémie du coronavirus.
L’équipe française de Handball a remporté le championnat d’Europe. Une très belle victoire ! Bravo aux nouveaux champions d’Europe.
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. Pierre Verluise, Quels sont les fondamentaux de la puissance ?
. Jean-Robert Raviot, C’était quoi l’URSS ?
. Kevin Limonier, Pourquoi les données numériques sont-elles géopolitiques ?
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