Docteure en Géopolitique de l’Université de Reims Champagne-Ardenne. Membre du Conseil scientifique du Diploweb.com. Agrégée d’histoire, Professeure de chaire supérieure au lycée Faidherbe (Lille) où elle enseigne la géopolitique en classes préparatoires économiques et commerciales. Auteure de nombreux ouvrages.
Découvrez la synthèse de l’actualité internationale de mars 2024 : Elections dans le monde ; La démocratie malmenée ; Tragédies à Gaza ; Le chaos à Haïti ; Attentat à Moscou ; En Ukraine, la guerre s’enlise ; L’UE sous-traite la surveillance de ses frontières à ses voisins ; Affaires stratégiques ; etc.
Voici la précieuse synthèse d’Axelle Degans qui sera fort utile à tous ceux qui veulent disposer d’un point de l’actualité géopolitique mondiale, voire préparent un concours ou passent un entretien de recrutement. Pour ne rien manquer, et recevoir nos alertes sur des documents importants, le plus simple est de s’abonner gratuitement à notre Lettre d’information hebdomadaire ou au compte X anciennement twitter de veille géopolitique @diploweb. Ce compte de veille géopolitique compte de nombreux followers dont de nombreuses pointures du domaine dans de nombreux pays. Vous serez en bonne compagnie. Et c’est plus important que jamais d’être bien entouré.
AU PORTUGAL, les élections législatives de mars 2024 ont été perdues par les socialistes, sans être vraiment gagnées par la coalition de droite Alliance démocratique (AD) (avec en son sein, le parti social-démocrate PSD), qui avec un peu plus de 29% des suffrages exprimés ne peut gouverner seule. Les socialistes, derrière l’ancien ministre Pedro Numo Santos, avec un peu plus de 28% des votes arrivent en deuxième position. La formation populiste Chega (c’est-à-dire Assez !) recueille 18 % des voix. La constitution d’un gouvernement de coalition s’annonce laborieuse. Cette élection s’est tenue dans un contexte de scandale politico-financier (démission du Premier ministre Antonio Costa et de plusieurs ministres en novembre 2023 pour corruption) qui n’est pas sans expliquer la percée de Chega. La progression sensible de l’immigration au Portugal, et la dégradation des conditions de vie des classes moyennes expliquent ce phénomène assez commun en Europe. Il faut y ajouter pour le Portugal, le départ de jeunes diplômés qui font désormais défaut dans ce pays, par exemple dans le domaine de la santé.
En Russie, les élections présidentielles de mars 2024 ont été remportées, sans surprise, par le président sortant Vladimir Poutine. La Constitution a été modifiée pour que le président puisse se présenter à un cinquième mandat. Sans opposition politique, le président russe est supposé réélu avec presque 90% des suffrages exprimés et une participation affichée de plus de 73%. Si cette élection s’est tenue sans heurts majeurs, l’ONG OVD-Info évalue à plus de 80 le nombre des arrestations.
Le Sénégal a finalement organisé en mars 2024 ses élections présidentielles un temps repoussées à la fin de l’année par le président sortant qui craignait que son dauphin ne soit pas élu. C’est exactement ce qui s’est passé. Les élections ont été remportées par l’opposant Bassirou Diomaye Faye, et ce dès le premier tour alors que sa campagne électorale a été rapide… du fait de son interpellation et de son emprisonnement par le pouvoir. Cette élection est donc un véritable désaveu pour le président Macky Sall qui a réussi à empêcher la candidature de Ousmane Sonko, mais pas la victoire sans appel (du candidat antisystème du parti Pastef, parti volontiers populiste. Le dauphin du président, Amadou Ba, a reconnu sa défaite. Cette élection est un désaveu de la classe politique installée, la population sénégalaise, dont 70% a moins de trente ans, a manifesté bruyamment sa joie à la victoire du plus jeune président – 44 ans – dont le pays s’est doté. Celui qui reste encore largement un inconnu, car il a été élu en lieu et place de son mentor politique, doit faire face à des attentes gigantesques comme en témoigne son score aux élections. Ne pas décevoir les Sénégalais sera un immense défi pour le nouveau président.
Aux Etats-Unis, les primaires ont été un temps fort en mars 2024 lors du « super Tuesday ». Joe Biden a remporté 14 des 15 États possibles, à l’instar de Donald Trump pour les Républicains. Nikki Haley, challenger de Donald Trump, annonce mettre en pause sa candidature à l’investiture. L’affiche des prochaines présidentielles américaines sera probablement Joe Biden-Donald Trump, à l’incident de santé ou judiciaire près.
Les anciens présidents démocrates Bill Clinton et Barack Obama serrent les rangs autour de Joe Biden. Ils ont ensemble participé à une soirée de levée de fonds qui, à elle seule, a permis de collecter quelques 25 millions de dollars pour la nouvelle campagne présidentielle. Pour l’instant, le camp Trump lève bien moins d’argent.
En Afrique du Sud, l’ancien président Jacob Zuma (81 ans) entend représenter l’ANC (le Congrès national africain dont Nelson Mandela a été le leader, et parti au pouvoir depuis la fin de l’apartheid). La commission électorale annonce, sans fournir d’explications, l’invalidation de la candidature de Jacob Zuma pour les élections de mai 2024.
En Inde, un opposant au BJP de Narendra Modi, Premier ministre en exercice a été arrêté en mars 2024. A quelques semaines du scrutin législatif de la plus grande démocratie du monde, Arvind Kejriwal, ministre en chef de l’État de New Delhi est accusé de corruption. Washington s’inquiète du virage autoritaire du gouvernement indien et réclame « une procédure judiciaire impartiale ».
La Bulgarie va connaitre ses sixièmes élections législatives en trois années, après que les dissensions entre les partis politiques formant la coalition au pouvoir aient raison d’elle. L’abstention est forte lors des élections d’un pays phagocyté par la corruption, où les oligarques sont puissants. La Bulgarie est en fait très partagée entre russophilie et soutien à Kiev.
Pékin veut renforcer la loi de sécurité nationale pesant sur Hong Kong. L’article 23 prévoit la prison à perpétuité pour des faits de « trahison », « insurrection », « sabotages »…. La détention et la divulgation de « secrets d’état » seront désormais considérées comme des crimes. Une porte ouverte à de nombreux abus.
Lors d’une distribution alimentaire, un mouvement de foule, fait plusieurs morts ce qui témoigne de l’extrême précarité des conditions de vie des gazaouis. Tsahal a fait feu sur ces civils, provoquant une centaine de morts. Une vraie tragédie alors que près de 300 000 personnes vivent misérablement dans les ruines de Gaza. La population connait la disette ce qui explique ce mouvement de foule. La situation sanitaire continue de se dégrader. Les parachutages d’aide humanitaire ne changent pas réellement la donne. Les otages ne sont pas libérés, le Hamas ne veut pas négocier avant le retrait de Tsahal de la bande de Gaza et le gouvernement israélien de Benjamin Netanyahou refuse de négocier sans connaitre qui sont les otages toujours vivants. Les tensions s’aggravent à la frontière nord d’Israël, le Hezbollah multipliant l’envoi de roquettes. Les inquiétudes grandissent aussi en Cisjordanie et en particulier à Jérusalem alors que débute le ramadan.
Le président Joe Biden ne parvient visiblement pas à infléchir la politique du Premier ministre israélien, la communauté internationale pas davantage. Les Etats-Unis se sont abstenus lors d’un vote à l’ONU d’une résolution pour obtenir un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza. La France entend déposer une résolution « pour un consensus autour d’une solution politique et d’une réponse à l’urgence humanitaire à Gaza » selon le Ministère des Affaires étrangères.
La Cour internationale de justice (CIJ) intime à Israël de permettre aux Gazaouis de bénéficier d’une aide humanitaire d’urgence.
Un couvre-feu dans la région occidentale et un état d’urgence sont décrétés en mars 2024 suite à une évasion massive de prisonniers. Ce pays, sans État et sans président depuis l’assassinat de Jovenel Moïse en juillet 2021, est désormais livré à une terrible guerre des gangs qui font régner la loi du plus brutal sur la population. Sa capitale Port- au-Prince est le terrain de jeu de groupes mafieux qui veulent établir leur pouvoir comme celui de Jimmy Cherrier (surnommé « barbecue ») et menacent de déclencher une guerre civile si le Premier ministre Ariel Henry ne démissionne pas. Celui-ci a accepté l’arrivée sur le sol haïtien d’une mission internationale, sous le patronage de l’ONU, pour aider la police haïtienne. Jimmy Cherrier ne veut pas de cette mission, coordonnée par le Kenya, qui entraverait ses activités criminelles.
Les répercussions de cette crise haïtienne sans fin sont locales et internationales. Les pays voisins, membres de CARICOM, ont organisé une réunion de crise car ils sont très inquiets des dérives. Le personnel diplomatique de plusieurs pays (Etats-Unis, Allemagne …) a été évacué. Le port et l’aéroport de Port-au-Prince ne fonctionnent quasiment plus, ce qui aggrave la situation sanitaire de la population. Un drame sans fin…
La capitale russe a été victime en mars 2024 d’un attentat qui a fait plus de 140 victimes et plusieurs centaines de blessés. Quatre djihadistes ont mené une attaque au Crocus City Hall, une salle de concert de la région moscovite, semant la mort. Cet attentat est revendiqué par la branche afghane de Daech. Les djihadistes seraient d’origine tadjike, ce qui confirme que la menace terroriste est composite.
Cette attaque, quelques jours après la réélection de Vladimir Poutine sur une thématique sécuritaire et guerrière est-elle un élément de fragilisation du pouvoir moscovite ? La faille de renseignement est évidente, puisque les services américains avaient prévenu les autorités russes d’une menace d’attentat, information tournée en dérision par Vladimir Poutine. Les djihadistes ont été arrêtés et le pouvoir russe décide, pour la première fois de diffuser des images des prisonniers visiblement diminués physiquement par leur interrogatoire, manière de rassurer la population russe sur la volonté des autorités de lutter contre le djihadisme. L’essentiel de la population n’entendra que la version officielle via des médias sous le contrôle du Kremlin.
Ce terrible attentat montre que Daech n’a pas disparu, comme l’écrivait Myriam Benraad sur Diploweb dès le 28 juin 2023. Une de ses cellules a été démantelée en Allemagne alors qu’elle préparait un attentat contre la Suède. En janvier 2024, Daech revendiquait un attentat très meurtrier en Iran. En fait, l’attentat à Moscou modifie la perception des risques et amène à une réévaluation du risque du terrorisme islamiste, y compris en France.
Au niveau géopolitique, la Chine a condamné « vigoureusement » cette attaque, tout comme l’Inde. Les Etats-Unis et les pays européens ont exprimé la condamnation de cet acte terroriste et leur compassion. Russie et pays occidentaux, dans des camps opposés concernant la guerre en Ukraine, se rejoignent dans la lutte contre le terrorisme islamiste, non sans ambiguïtés.
Bonus cartographique Diploweb
Après l’échec de la contre-offensive ukrainienne de juin 2023, le conflit semble être dans une impasse militaire, pourtant la situation évolue chaque jour, à bas bruit. Le soutien américain faiblit depuis la fin 2023, il est probable que les troupes russes se préparent à une offensive mais la guerre dévore les hommes, ce qui est risqué pour le Kremlin. L’Ukraine se prépare à l’éventualité d’une offensive russe et s’enterre. L’armée fortifie une ligne d’environ 1 000 km pour se protéger d’une avancée russe. Kiev doit lancer une nouvelle campagne de mobilisation, quitte à diminuer l’âge des soldats appelés de 27 à 25 ans et à passer à un service de 36 mois. Le consentement à la mobilisation baisse alors que l’Ukraine manque de munitions. Les élections pour le Parlement européen seront-elles l’occasion d’une clarification quant aux enjeux du soutien ou des partis populistes pour le moins complaisants avec V. Poutine feront-ils une entrée en masse au Parlement européen ?
Bruxelles a déjà signé des accords de partenariat avec ses voisins (Maroc, Turquie… ) pour retenir les flux migratoires. L’Union a passé un accord migratoire avec la Tunisie qui a reçu 675 millions d’euros pour l’année 2023. Les Européens viennent de signer un accord avec l’Égypte qui recevra 7,4 milliards d’euros d’ici 2027 au titre de la transition énergétique et surtout d’une aide pour contrôler les flux migratoires dans un pays qui accueille 9 millions de réfugiés.
La France affiche en mars 2024 de nouveaux déficits records. Une nouvelle qui tombe au plus mal peu avant que les agences de notation évaluent la dette française. Avec une dette à plus de 110% de son PIB, à plus de 3101 milliards d’euros, le déficit public, au lieu de se replier sous la barre des 5%, atteint 5,5% du PIB français. Des chiffres bien éloignés des critères de Maastricht définis pour adopter la monnaie unique européenne. La situation des comptes publics dégrade l’image de la France auprès de ses partenaires. Elle réduit d’autant ses marges de manœuvre. Il semble difficile que la dette atteigne les 3% du PIB pour 2027, alors que Berlin fait pression pour revenir à un respect strict du pacte de stabilité.
La zone euro est touchée par les mauvais résultats de l’économie allemande qui s’attend à une croissance nulle pour 2024. L’Allemagne pâtit du ralentissement de ses exportations, moteur essentiel de son économie.
Le président E. Macron s’est rendu en Guyane, puis a été reçu par le Brésil de Lula. Alors que les positionnements géopolitiques des deux pays divergent sur de nombreux points, le Brésil se fait fort d’être un des piliers de ce « Sud global ». Les deux pays nouent des partenariats concernant la production d’armement. Le président français a réitéré son opposition au traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur, arguant qu’il prend trop peu en compte les aspects écologiques. Les discussions portent aussi sur les trafics qui gangrènent l’espace amazonien, déstabilisant davantage la Guyane française, ou le Guyana qui est devenu un hub d’exportation de la drogue.
L’OTAN organise des manœuvres grandeur nature. Stedfast defender 24 qui se déroule entre février et mai 2024, doit mobiliser 90 000 militaires. Nordic Respons en est une déclinaison particulière dans le monde arctique avec la participation de 20 000 soldats issus de 13 pays. L’alliance de l’Atlantique réalise ainsi la plus vaste de ses mobilisations depuis la chute du mur de Berlin (1989). La toile de fond est bien sûr la guerre que mène la Russie en Ukraine.
La junte militaire au pouvoir au Niger depuis le putsch avait déjà demandé en mars 2024 le départ des troupes françaises du dispositif Barkhane qui luttait contre le djihadisme au Sahel. Niamey exige désormais celui des troupes américaines dénonçant l’accord de coopération militaire datant de 2012, permettant notamment à Washington d’installer au Niger une importante station d’écoute, précieuse dans la lutte contre le terrorisme. Le Niger ne mène pas seulement une politique anti-française, mais bien antioccidentale.
Le physicien français, Gérard Mourou, prix Nobel 2018, veille à la concrétisation de ses recherches avec l’entrée en fonction de troisième volet du projet européen ELI – Extreme Light Infrastructure Nuclear Service- en Roumanie. Il s’agir d’un laser qui concentre beaucoup d’énergie pour obtenir une très forte intensité. Ce projet, de recherche fondamentale, devrait déboucher sur de nombreuses applications au niveau médical (concernant le cancer) comme au niveau énergétique en permettant la fusion de atomes d’hydrogène, une immense source potentielle d’énergie.
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Voir les synthèses d’octobre 2023, novembre 2023, décembre 2023, janvier 2024, février 2024, mars 2024, avril 2024, mai 2024
Plus encore avec le Diploweb
Le Diploweb.com vous propose des Masterclass géopolitiques pour faire la différence, au sujet de la puissance (P. Verluise), de l’URSS (J-R Raviot) et des données numériques (K. Limonier) :
. Pierre Verluise, Quels sont les fondamentaux de la puissance ?
. Jean-Robert Raviot, C’était quoi l’URSS ?
. Kevin Limonier, Pourquoi les données numériques sont-elles géopolitiques ?
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