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www.diploweb.com présente " Quelle France dans le monde au XXI e siècle ? ", par Pierre Verluise

2. QUELLES SONT LES IMAGES DE LA FRANCE A L'ETRANGER ?

Partie 2.2. Les Français voient - dit-on - la France comme une puissance universellement aimée, qu'en est-il ?

 

Introduction - 1. Comment les Français voient-ils le monde ? - 2. Quelles sont les images de la France à l'étranger ? - 3. Quels sont les outils disponibles ? - 4. Quelle politique étrangère ? - 5. Quelle mondialisation construire ? - Conclusion - Postface de Gérard Chaliand : Stratégie d'influence
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Cette seule phrase - "Les Français voient - dit-on - la France comme une puissance universellement aimée" - comporte trois affirmations implicites sujettes à discussion. D’une part, les Français restent-ils véritablement convaincus de la validité de cette représentation ? D’autre part, les étrangers reconnaissent-ils toujours à la France le rang de puissance ? Enfin, sur un terrain plus affectif que rationnel, la France peut-elle s’appuyer sur une " cote d’amour " ?

. Les Français y croient-ils encore ?

Directeur de la Revue Française de Géoéconomie, Pascal Lorot en doute. " Les discours grandiloquents de certains hommes politiques français à propos du rang de la France sont peut-être moins à destination du monde que de l’ego des électeurs. Pour autant, les Français ne sont pas stupides au point d’accorder du crédit au cliché faisant de la France une puissance porteuse d’un message universel. Ils savent que la population française pèse à peine 1 % de la population mondiale et que de nouvelles puissances régionales émergent, porteuses de leurs propres messages.

Au-delà des discours stéréotypés, les Français ont conscience que la France d’aujourd’hui pèse moins qu’hier. Ne serait-ce que parce que ses moyens deviennent de plus en plus limités et de surcroît contestés par la puissance américaine ".

. Les étrangers reconnaissent-ils toujours à la France le rang de puissance ?

Pour commencer, qu’en est-il en Asie, zone émergente rassemblant déjà plus de 50 % de la population mondiale, puis aux Etats-Unis, première puissance mondiale ?

Les Missions Etrangères de Paris comptent plus de 200 missionnaires en Asie. Après avoir vécu 26 ans en Inde, le père Raymond Rossignol en a été vicaire général, puis élu supérieur général. Depuis 1980, il parcourt chaque année les pays asiatiques dans lesquels œuvrent des missions. " En dehors de quelques microcosmes - par exemple des sociétés littéraires au Japon - les Asiatiques ne connaissent pas la France ou ne s’y intéressent guère. La plupart ne savent pas situer l’Hexagone sur un planisphère, chiffrer sa population ou estimer son rang économique. Pour l’immense majorité de la population comme pour la presse, la France n’est pas même une puissance moyenne, contrairement à l’Allemagne.

En revanche, les Asiatiques s’intéressent aux Etats-Unis parce qu’ils envient les Américains. Les Français, ils les ignorent. D’une façon générale, les valeurs occidentales passent par l’anglais. Voici pourquoi les générations montantes apprennent généralement l’anglais et non le français. Il en va ainsi même dans les pays précédemment marqués par la francophonie. Ainsi, au Cambodge, les panneaux de signalisation sont écrits en cambodgien et en anglais mais plus en français. Il convient donc de se garder de nourrir trop d’illusions quant à l’importance reconnue à la France dans le monde asiatique ".

Aux Etats-Unis

Après des décennies d’efforts français pour exister en dehors de la zone d’influence américaine, les Etats-Unis reconnaissent-ils à la France le rang de puissance ?

Un diplomate étranger ayant été en poste à Paris et à Washington répond : " Pour les Etats-Unis, la France est un pays européen, le plus beau peut-être, mais un pays européen parmi d’autres. Pourtant, quand une crise internationale survient, la France est généralement le premier pays à se porter au devant de la scène. D’autres pays agissent autant et même davantage, mais en faisant moins de discours ".

Si le mode de relations avec les Etats-Unis a pu soulever les passions françaises, quelle est la visibilité de la France outre-Atlantique ? Professeur de Sciences Politiques à l’université Paris-II, Francis Balle enseigne également chaque année aux Etats-Unis, depuis 1981, à l’université de Standford, en Californie. Espace en forte croissance, celle-ci constitue un observatoire significatif. Voici son constat : " En 1981, la France existait encore un peu en Californie. Depuis, la France a pratiquement disparu des journaux de la côte Ouest, même lorsque se déroule à Paris, autour du Pape Jean-Paul II, un événement comme les Journées Mondiales de la Jeunesse (1997). Il devient exceptionnel de voir un événement français faire la Une des journaux américains. En fait, nos voitures sont aussi peu présentes dans les villes américaines que notre actualité et nos idées dans les colonnes des journaux américains. La France donne l’impression de ne plus exister qu’à travers ses musées... Outre le déplacement du centre de gravité du monde vers le Pacifique, il faut bien y voir un certain échec de notre politique de présence à l’étranger ".

Le décalage entre une diplomatie volontiers déclaratoire au cours des dernières décennies et les images de la France dans le monde a une conséquence : la France irrite. François Heisbourg l’exprime en une formule lapidaire : " Les étrangers reprochent bien souvent à la France - pour parler d’une manière triviale - non seulement de " péter plus haut que son cul ", mais de le faire, de surcroît, d’une manière que les autres devraient considérer comme naturelle, voire légitime ".

Quel projet ?

Outre l’évolution de la situation stratégique, comment mettre en perspective cette évolution défavorable des représentations de la France dans le monde ? Ecrivain britannique et éditorialiste au "Wall Street Journal Europe", John Laughland apporte une réponse. " La dégradation des images de la France dans le monde devient visible au milieu des années 1970 et s’accélère avec les élections de François Mitterrand à la présidence de la République, en 1981 et 1988. Depuis, la France a perdu son chemin. Cela se voit aussi bien dans le domaine intérieur qu’en matière de politique étrangère, parce que ce sont les deux côtés de la même médaille. Sous Mitterrand, il n’y avait plus de véritable recherche d’un leadership de la France. A la fin de ses deux mandats, il était impossible de dire quel projet il incarnait. Le politique a disparu, parce qu’il ne représentait rien d’autre que son ambition de pouvoir personnel. F. Mitterrand - et Jacques Chirac n’en est qu’une mauvaise copie - n’a eu aucune grande idée politique pour la France, mis à part l’idée européenne. Or cette dernière est justement le contraire du politique, puisqu’elle vise à substituer aux gouvernements politiques des pays une administration anonyme ".

Un gaulliste témoigne

Il peut être éclairant de connaître l’avis d'un proche du général de Gaulle: " Comment pourrait-on considérer la France dans le monde avec autant de respect que dans les années 1960 et 1970, alors que ce pays a renoncé à être lui-même ? Un pays qui sacrifie sa monnaie et accepte de soumettre son budget à des contrôles étrangers et même à des sanctions, ne peut que voir son image se dégrader dans le monde.

Alors, on dira que l’Europe va prendre la place de la France dans le monde, mais nous ne pouvons avoir à la fois le beurre et l’argent du beurre. Si nous construisons une Europe qui se substitue aux Etats, la conséquence sera que ces Etats perdront de leur substance, particulièrement la France qui a toujours eu une politique fondée sur une certaine dimension mondiale. Outre ce qu’il reste de nos positions, nous gardons un grand rayonnement culturel, une force militaire importante, de vastes moyens économiques et une position géographique exceptionnelle. Nous pourrions donc avoir encore l’image d’un pays qui veut rester une puissance. Or, il semble que la France renonce à être une puissance ".

Il devient, dès lors, difficile de demander aux étrangers d’accorder du crédit à une histoire à laquelle nous semblons ne plus croire.

. La France peut-elle - au moins - s’appuyer sur une " cote d’amour " ?

Vu de l’étranger, les Français se caractérisent à la fois par une peur maladive du ridicule et un souci éperdu de plaire.

L’ambassadeur de France Bernard Dorin nous administre une douche froide : " Les Français se croient universellement aimés et admirés. Mis à part quelques petits cercles d’idolâtres, y compris en Grande-Bretagne, la masse des populations et des dirigeants n’aime pas la France.

Pour une large part, cette gallophobie résulte de la suffisance de nos compatriotes dans leurs rapports avec les étrangers. Cela vaut à tous les niveaux, du simple touriste au ministre. En effet, nos dirigeants ont souvent tendance à penser que la France doit avoir la prééminence et que chaque propos de ses gouvernants doit bénéficier du statut de parole d’Evangile. Il faut s’habituer à vivre dans un univers où ce n’est pas vrai ".

Une créature de rêve ...

Pour autant, il existe probablement une marge de manœuvre, selon une des rares études consacrées aux images de la France dans le monde, " Marque France, l’appel aux actes ", réalisée par le cabinet D.D.B. Brand and Business. En dépit des observations précédentes, la France semble, en effet, bénéficier du capital d’image le plus riche et le plus désirable qui soit. Cette " créature de rêve " séduit par ses dons de l’esprit, son art de vivre, sa gastronomie, ses produits de luxe, son climat clément, ses paysages variés, sa capitale éblouissante, son patrimoine historique et culturel enviable...

Cependant, la France déchaîne les critiques parce qu’elle déçoit. Sa prétention à l’universalisme vire à l’ethnocentrisme, son goût de la liberté se transforme en centralisme, son intelligence devient du " je m’en foutisme "... Finalement, à cause de ses contradictions, la France apparaît comme une " créature de rêve " fatigante.

En fait, les Français gâchent eux-mêmes leurs chances. Notamment par le caractère qui leur est universellement attaché. Partie suivante>

Pierre Verluise

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Mise en ligne 2001
     
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