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www.diploweb.com présente " Quelle France dans le monde au XXI e siècle ? ", par Pierre Verluise

2. QUELLES SONT LES IMAGES DE LA FRANCE A L'ETRANGER ?

Partie 2.3. Quel caractère dominant les étrangers s'accordent-ils à attribuer aux Français,

voire à la France ?

 

Introduction - 1. Comment les Français voient-ils le monde ? - 2. Quelles sont les images de la France à l'étranger ? - 3. Quels sont les outils disponibles ? - 4. Quelle politique étrangère ? - 5. Quelle mondialisation construire ? - Conclusion - Postface de Gérard Chaliand : Stratégie d'influence
Mots clés - key words : pierre verluise, geneviève delaunoy, philippe husson, andré maman, john laughland, jean-daniel tordjman, images, représentations, caractère, france, comportements individuels et collectifs, mentalités, exception française, nation, touristes, élites, rôle, principes, discours, stratégie, ouverture d'esprit, connaissance d'autrui, langues étrangères, mépris, arrogance, brillant, brio, prétention, universalité, universalisme, excès de confiance, contraintes, humanitaire, bienfaiteur, négociations communautaires, télévision française, coupe du monde de football 1998, belgique, états-unis. <Partie précédente

Qu’on le veuille ou non, les images de la France dans le monde sont liées à la perception des comportements individuels ou collectifs des Français. Par une extension peut être excessive mais bien réelle, une nation se voit aisément accoler les qualités et les défauts supposés des personnes la composant... et la représentant aux yeux des étrangers sans même, parfois, s’en rendre compte.

Il suffit d'aller à Bruxelles

Journaliste belge, Geneviève Delaunoy porte sur nous un regard sympathique mais sans concession. " A juste titre, les Français sont fiers d’une histoire très porteuse. Cependant, ils abusent parfois de cet atout. Ils ont, en effet, tendance à considérer ce qu’ils ne connaissent pas comme sans intérêt, nul et non avenu. Un groupe de Français arrivant en Belgique tend à se singulariser de façon ostentatoire, par exemple en butant sur le " septante " ou le " nonante ". Ce comportement témoigne d’un manque d’ouverture d’esprit et de connaissance d’autrui. Alors que les élites parisiennes méprisent souverainement la province et se prétendent gardiennes du "parler correct", nombre de responsables affichent une préciosité maladroite, s'aventurant à faire des liaisons dangereuses entre la consonne de la fin d'un mot et la voyelle du suivant.

Trop souvent, les Français affichent également un mépris insupportable à l’égard des étrangers, même francophones. J’encouragerais, donc, les Français à s’ouvrir davantage. Pour commencer, ils devraient perfectionner leurs langues étrangères. Notamment pour ne pas avoir ce lourd accent français quand ils prononcent " tank you " ou le nom de ministres d’un pays aussi proche que la Belgique. C’est irritant d’entendre le nom du Premier ministre belge systématiquement estropié à la télévision française, pourtant diffusée en Belgique. Ce comportement fait penser à un coq au sommet de son petit tas de fumier, content de lui et méprisant le reste de la basse-cour ".

L’ambassadeur Philippe Husson en convient : " Les Français sont réputés arrogants, contents d’eux et se contemplant volontiers le nombril en pensant qu’ils sont les meilleurs parce qu’ils se supposent les plus astucieux ".

Eh, oui

L’arrogance, voilà donc le caractère dominant attribué aux Français. Cela peut surprendre, mais il faut bien l’entendre. Mieux, il faut se demander si un peu de vrai se glisse dans cette représentation, semble-t-il consolidée par le Sommet de Nice.

Un diplomate français ayant récemment passé plusieurs années en poste auprès de l’Union européenne fait ainsi part de ses observations. " A ma grande consternation, je dois bien admettre que l’arrogance des Français se manifeste à chaque instant de la vie et des négociations communautaires.

Le Français joue son rôle, a quelque chose à dire sur n’importe quel sujet touchant les affaires du monde, de l’ail au zinc en passant par les importations de carbone de la République Populaire de Chine. Un Français se doit de prendre la parole pour déclamer de grands principes, que ce soit au comptoir d’un bar parisien ou autour d’une table de négociation internationale. Ce comportement " brillant " s’enracine dans une prétention à l’universalisme. Non seulement le Français prétend à l’universalité, mais il est de surcroît celui qui dit volontiers Non, constestant autant que possible le politiquement correct anglo-saxon. Il ne prend pas pour autant le temps d’écouter les arguments d’autrui. Enfin, le Français se voit accusé de vouloir utiliser les moyens dont il dispose - par exemple dans les instances communautaires - pour faire la leçon au monde entier. Où que ce soit, un Français persiste à se croire le centre du monde... et cela se ressent dans le regard que les autres posent sur nous. "

Quand Son Excellence est moquée

L’arrogance paraît également partagée entre catégories sociales, puisque les étrangers l’observent aussi bien dans le comportement des garçons de café, des journalistes de la télévision que des hauts fonctionnaires français. Lorsqu’il était ambassadeur à Djakarta, les Indonésiens n’ont-ils pas surnommé "Napoléon" une éminence du Parti Socialiste ? Probablement parce qu’il aimait se donner l’allure d’un "Monsieur" ayant de l’autorité, menant sans difficulté plusieurs dossiers à la fois. Quant aux millions de touristes français qui chaque année voyagent à travers le monde, représentant leur pays sans toujours s’en rendre compte, ne passent-ils pas beaucoup de temps à critiquer la nourriture et même les autochtones ? Le sénateur André Maman l’a observé. " La mentalité française demeure trop souvent la suivante : " Si je pars de France, c’est pour y revenir très rapidement boire un Ricard en mettant les pieds dans mes pantoufles ". Ce n’est pas une façon de conquérir le monde ".

Pour compléter le tableau

Les diplomates étrangers reprochent volontiers aux Français deux traits complémentaires : l’excès de confiance et l’hypocrisie. Il est vrai qu’il leur arrive de se lancer dans des situations dont ils ne mesurent pas toujours les données en terme de contraintes et de rapports de force. Quand les Français se drapent dans de grands principes prétendument universels, les étrangers sourient et voient en eux des hypocrites masquant des ambitions de pouvoir derrière des principes faussement généreux. Même quand ils réalisent une action " humanitaire ", les Français ont la réputation de cacher derrière cette image du bienfaiteur un complexe de supériorité.

John Laughland achève ainsi le portrait : " Pour qu’un Français saisisse parfaitement la nature de l’image d’arrogance de la France à l’étranger, il lui suffit de faire une simple transposition de l’image qu’ont les Français des Etats-Unis. Il existe, en effet, une quasi-symétrie des représentations. Très sensibles à l’hégémonie américaine, les Français y voient une arrogance. Les étrangers ont la même représentation de la France. La seule différence est que les Américains - eux - ont une stratégie... "

Une attitude contre-productive

Compte tenu de la dégradation du rang de la France dans le monde, cette arrogance est non seulement déplacée mais de surcroît contre-productive. Jean-Daniel Tordjman, ambassadeur aux investissements internationaux trace une voie : " Soyons à l'écoute du monde, moins arrogants et plus modestes. Dans un monde global, nous ne pouvons plus passer notre temps à prétendre que l'exception française est la seule voie convenable. Regardons les réalités en face : nous avons été incapables durant près de vingt ans, tous partis politiques confondus, de régler le problème numéro un du pays : plus de 10 % de chômeurs. Examinons pourquoi les autres : Anglais, Danois, Néerlandais et Américains ont mieux réussi que nous. Et tirons en des conclusions opérationnelles. Expliquer que les autres - Américains, Japonais, Britanniques, Hollandais - ont tout ne suffit pas à régler nos problèmes. La France a un grand avenir, mais il lui faut se garder de l’arrogance ".

Les Français peuvent-ils se débarrasser de ce penchant ? Les compte rendus des ambassades de France dans près de 150 pays adressés en 1998 au Quai d’Orsay à la suite de la Coupe du monde de football répondent par l’affirmative. Cet événement exceptionnel dans l’histoire médiatique mondiale - 37 milliards de spectateurs en audience cumulée - a fait la preuve que les Français peuvent organiser une fête planétaire sans la moindre arrogance, même une fois la victoire remportée. Reste à rééditer l’exploit, sinon de gagner une prochaine Coupe du monde, du moins de nous défaire de cet archaïsme. Partie suivante>

Pierre Verluise

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Mise en ligne 2001
     
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