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www.diploweb.com Histoire et géopolitique des pays de l'Union européenne

Faire l'Europe sans défaire la France,

60 ans de politique d'unité européenne des gouvernements et des présidents de la République française (1943-2003),

par le Professeur Gérard Bossuat

Les hésitations des Français au début du XXIe siècle sur l’intégration européenne trahissent des résistances fondamentales et récurrentes. Sont-elles des combats nationalistes d’arrière garde ? Il faut comprendre plutôt qu’elles expriment une résistance à la disparition de la France comme source d’un projet universaliste de société politique. La Révolution française, les idées de République universelle et laïque, la démocratie représentative à la française, l’apport intellectuel des grands penseurs français ne sont plus au cœur des aspirations des élites européennes. Comment, de ce fait, contribuer à ce nouveau monde européen sans y perdre son âme et sans être réduit à n’être qu’une culture régionale d’Europe ?  

Biographie de l'auteur en bas de page.

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L’auteur présente pour le diploweb.com son livre, paru sous ce titre chez PIE, Peter Lang, collection Euroclio, Bruxelles, 2005, 630 pages, avec 100 textes.

Les présidents de la République française, les gouvernements et le peuple français veulent-ils l’unité de l’Europe ? Plus que les Anglais répondra-t-on sans doute. Est-ce si sûr ? Les Français vivent encore sur le mythe d’une France gaulliste hautaine vis-à-vis des Communautés européennes et ils sont fiers aussi de la lumineuse proposition Schuman du 9 mai 1950.

Comment expliquer ces paradoxes ?

 

Le travail de l’historien et la parole des décideurs

La réponse se trouve dans le travail historique qui utilise les archives d’État, privées ou européennes communautaires, dans la fréquentation des écrits des responsables de la politique européenne de la France sur plus d’un demi-siècle. À travers les documents d’archives, témoignages, discours, lettres personnelles, articles de presse, il est possible de savoir ce que les gouvernements et présidents de la République française ont fait pour l’unité européenne. Le lecteur sera donc prémuni contre une approche mythique de la construction européenne.

Il nous est apparu fructueux de nous appuyer sur les fonds d’Archives publiques et privées disponibles pour la période antérieure à 1973 (règle des 30 ans)  Cette approche de la politique à partir de sources brutes a des inconvénients – une perception trop analytique de l’événement – mais des avantages certains – la fraîcheur de l’événement et, peut-on espérer, une meilleure crédibilité historique. L’historien et le lecteur en attendent une meilleure compréhension d’une situation. On appréciera donc de pouvoir entrer dans les bureaux et les cabinets où se prennent les décisions et de suivre l’élaboration d’une doctrine. Ces documents confirment les réticences de l’Administration française mise en face des projets de construction européenne qu’elle n’a pas initiés (CECA, CED, Marché commun et Euratom). On comprend mieux aussi les raisons de ces hésitations qui sont finalement celles de l’opinion publique. Jean Monnet et Robert Schuman, le 9 mai 1950, profitent d’une vague qui ne doit rien au hasard, ce qui ne diminue pas le mérite de Monnet d’avoir compris l’esprit du temps, ni le courage de Robert Schuman, ministre des Affaires étrangères, d’avoir assumé politiquement la Déclaration du 9 mai, mais ce qui en relativise l’originalité sinon ses conséquences historiques.

Les mémoires et interviews, voire les discours publics ou conférences de presse révèlent bien les pratiques politiques des plus hauts responsables français de 1943 à nos jours, leur personnalité, leur caractère, leurs convictions – songeons aux conférences de presse du général de Gaulle – , et mieux parfois que les « notes pour le ministre », rédigées en termes convenus par les bureaux du Quai d’Orsay. La spontanéité d’une personne, donc sa vérité, perce plus aisément dans une lettre personnelle, quoiqu’on sache que Monnet réécrivait ses textes. Les conversations téléphoniques, très nombreuses, nous échappent souvent. On sent la prudence saisir le haut fonctionnaire, rédacteur d’une note de synthèse, ou le ministre, devant un avenir européen incertain. Les chefs d’État et de Gouvernements, au contraire, comme c’est leur « métier » de le faire, parlent pour définir une politique qui deviendra la politique de la France. Il y a donc une variété de documents. Certains ont fait l’histoire, d’autres témoignent de l’histoire.

Certains textes ont du souffle (celui de Gaston Defferre sur l’Eurafrique, celui de Jean Monnet sur l’état des relations internationales en 1950), de l’originalité (celui de Monnet sur le dictateur de la Ruhr en 1945), de l’intelligence et de la finesse (celui de René Mayer en septembre 1943)[i]. D’autres, plus anodins dans leur forme ou leur contenu, sont révélateurs d’une politique européenne française en action ou en gestation. Des témoignages peuvent avoir un réel intérêt littéraire : les textes de Peyrefitte, de Gaulle ou Mitterrand, voire Monnet.

Ces documents permettent de dégager une problématique française de la construction européenne. On sent naître dans les services du ministère français des Finances, du ministère des Affaires étrangères (le Quai d’Orsay), du Commissariat général du Plan (Jean Monnet), chez les hommes politiques, une attention soutenue aux problèmes européens, dès la période de guerre et se développer au début de la Quatrième République, pour ne plus cesser.

 

Les obsessions françaises

En 1945, la France ne peut plus envisager seule son avenir. Il lui faut trouver le moyen de s’intégrer dans une construction européenne qui satisfasse ses légitimes aspirations, sans qu’elle s’y montre hégémonique. L’expérience est nouvelle et difficile ; les choix tactiques sont délicats à faire. Dans quelle mesure, d’ailleurs, la France est libre de ses choix ? Elle a besoin de l’Europe pour son développement économique, mais en retour, les autres pays d’Europe attendent d’elle des gestes d’intégration ou de coopération qui semblent longs à obtenir.

Le début de la période est caractérisé par une dépendance de l’Europe et de la France vis-à-vis des États-Unis qui s’exprime par le plan Marshall et le Pacte atlantique. Les gouvernements français doivent donc se situer par rapport à l’Amérique sans tomber dans la dépendance politique[ii]. Que vaudrait en effet une unité européenne sous mandat américain ? Les Français cherchent donc à compenser l’influence inévitable des États-Unis, en raison de leur puissance financière par l’action de l’Organisation européenne de Coopération économique (OECE).

Mais l’essentiel pour la France est de contenir l’ennemie de toujours, l’Allemagne.  Parler des constructions européennes, c’est poser « la question allemande ». Or, la France de 1945 ne voit dans l’Allemagne que le vaincu. Par sa victoire sur l’Allemagne – mais est-ce une victoire française ? – la France cherche des compensations au terrible désaveu de sa puissance qui lui a été infligé en juin 1940. La surprenante évolution, qui mène les gouvernements français à accepter la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), une Haute Autorité dans un secteur clef de l’économie française, cinq ans seulement après la fin de la guerre, n’est peut-être pas aussi curieuse qu’il y paraît. Le contre-exemple, si douloureux pour les uns, si heureux pour les autres, -« la bête est morte », dit Michel Debré-, du rejet par l’Assemblée nationale d’un second projet d’unité, la Communauté européenne de défense (CED), le 30 août 1954, aux conséquences politiques si durables, semble montrer les limites de la stratégie d’unité européenne des gouvernements de la IVe République. L’Europe, c’est la main tendue à l’ennemi d’hier, c’est aussi la main de fer dans un gant de velours posée sur l’Allemagne. Si les États-nations européens démocratiques se sont compromis dans la faillite historique de la paix et de la sécurité internationale pour avoir accepté l’inacceptable à Munich, en 1938, l’idée d’Europe ne représente pas encore, en 1945, une voie royale sur laquelle s’engager avec enthousiasme. Rien n’est simple quand on est en charge d’un pays et d’un peuple. L’unité européenne est acceptable quand elle représente un surcroît de force pour la nation, un moyen d’améliorer la vie quotidienne ou d’exercer une influence sur les autres nations. Elle est redoutée, quand elle offre le visage d’une diminutio capitis, d’un désaveu des ambitions nationales traditionnelles. L’histoire prestigieuse ou douloureuse du pays compte toujours dans l’élaboration de sa politique étrangère.

Mais que de chemin parcouru depuis 1950 ! Quelle transformation opérée dans les relations franco-allemandes et dans les relations de la France avec ses voisins européens ! Pourtant, il n’est pas sûr que l’objectif français de 1948-1950 de faire une politique de grandeur – terme gaulliste utilisé à partir de 1958 – ou une politique de puissance, terme commun au temps de la IVe République, ait été oublié par les successeurs du général de Gaulle. La France veut s’assurer par l’Europe communautaire les moyens de construire une Europe qui lui convient, c’est-à-dire une Europe qui prolongera les objectifs de sa politique extérieure. La IVe République sait, en partie, utiliser l’Europe communautaire pour son développement économique (CECA). Elle sait adoucir le prix de la décolonisation, en Afrique noire au moins, en tournant ses partenaires européens vers l’Afrique avec le Fonds européen de développement de l’Outre-mer (FEDOM) ; la France gaulliste agit de même en acceptant le marché commun, un utile « traité de commerce » dit de Gaulle ; elle ne réussit pas, cependant, à asservir les Communautés à ses ambitions de politique étrangère.

L’échec du plan Fouchet en 1962, la crise politique de la chaise vide en 1965 incitent, paradoxalement, les responsables français à admettre l’originalité de la construction européenne et ses effets sur la politique française. Les Communautés ne sont plus une excroissance de la politique française pour les gouvernements français : elles représentent un lieu d’action politique particulier et neuf. Elles redeviennent presque le champ clos des rivalités politiques traditionnelles des grands États européens, comme le furent les enceintes diplomatiques européennes après le congrès de Vienne de 1815, sauf que les conséquences du 9 mai 1950 jouent pleinement. Les Communautés européennes ont une consistance juridique ; elles sont dotées de pouvoirs propres dont elles usent et avec lesquels la politique française doit composer. Il faut faire avec elles parce que l’intérêt commande de poursuivre la vie commune. Les intérêts en jeu sont énormes. Les crises financières internationales de 1971 (crise du dollar), puis la crise énergétique de 1973, la crise du terrorisme de 1972 (Munich) prouvent qu’unis les Européens de l’Ouest résistent mieux.

La politique française d’unité européenne, de Pompidou à Chirac, oscille donc entre recherche d’une confédération préservant les souverainetés nationales (Pompidou) et relance originale d’unité européenne avec sauvegarde des droits des États (Giscard d’Estaing, Mitterrand, Chirac). La politique européenne de la France s’éloigne des intuitions fondatrices de Schuman et de Monnet (le fédéralisme) sans revenir à une politique pleinement souverainiste. La France fait donc une politique raisonnée de balance entre approfondissement des Communautés européennes (Sommet de la Haye de 1969, Conseil européen de Paris en 1974, Conseil de Fontainebleau et de Milan, 1984-1985, traité de Nice, 2000) et résistance à la fédération car sans politique étrangère nationale que peut-il subsister de la nation française ?

Depuis 1950 les termes du débat européen n’ont pas changé : la France veut-elle ou non partager des parts essentielles de sa souveraineté avec les pays membres des Communautés ? Les responsables politiques français, sauf Schuman, hésitent à proposer une telle politique pour la France. Les présidents réputés « européens », Giscard et Mitterrand, illustrent cette peur devant  l’inconnu européen. Leur actes politiques de relance sont des approfondissements de l’existant ; ils ne font pas de rupture en faveur de la souveraineté communautaire européenne qui signifierait l’affaiblissement de l’autorité de l’État et, pensent-ils, le délitement de la nation. Le poids de l’histoire joue, nos héros nationaux demandent un culte. Si la nation française est une vieille affaire, assurément, solidement arrimée à l’histoire, si le jacobinisme, galvaudé ou brocardé, a rassemblé en collectivité nationale les citoyens, plane une menace de destruction de l’unité nationale, derrière le projet d’unité fédérale de l’Europe, pensent beaucoup de responsables politiques, d’où le titre de cet essai : « Faire l’Europe sans défaire la France, ni l’Union française »,  disait Bidault en 1953. 

Les menaces extérieures ont un poids sur la décision. En 1948, c’est la menace de la misère. Il faut trouver les crédits de la modernisation. Il faut aussi offrir des perspectives pacifiques pour les relations internationales : le Conseil de l’Europe naît en 1949. En 1950, la guerre froide s’amplifie.  La menace soviétique est à l’origine de la pression américaine pour réarmer l’Allemagne et, indirectement, de la réconciliation franco-allemande. Les Français inventent aussi la CED. La nécessité de la croissance et son corollaire, les risques de stagnation, justifient le marché commun en mars 1957. Les soubresauts dramatiques du système monétaire international en 1969-73 enclenchent la mise en œuvre d’une coopération puis d’une intégration monétaire qui aboutit en janvier 1999, à la monnaie commune, l’euro. Les menaces terroristes des années 1970, celles d’une immigration économique et politique incontrôlée donnent naissance à des instruments communautaires de régulation ou de répression. La crainte d’un délabrement des États nouvellement indépendants en Europe centrale, orientale et balkanique accélère le processus d’adhésion à l’Union. Les facteurs extérieurs exercent donc une influence considérable sur la mécanique communautaire et sur la politique européenne de la France.

L’image que l’action des gouvernements et des présidents français donne de la France entre 1943 et 2004 est celle d’un pays à la recherche de son ancienne puissance historique, négociant péniblement avec le temps présent les conditions du relèvement et de la grandeur. La « construction européenne » est l’une de ces conditions, hélas ! semblent dire certains documents. L’image de l’après-gaullisme est plus difficile à saisir. Pourtant, la politique française est marquée, depuis Pompidou, par la reconnaissance de l’intangibilité des traités de Communauté européenne, ce qui n’était pas le cas avec de Gaulle. A la politique de puissance et de grandeur, thème du XIXe siècle et thème gaulliste, remise en cause par le recul impérial et par les super-puissances succède la politique d’influence. La France a un rôle à jouer dans la construction de l’Europe unie et dans les relations internationales. Ce rôle est de négocier une plus grande solidarité intereuropéenne, d’apporter une part de l’héritage français au bien commun que représente l’unité, sans pour autant oublier ses propres choix nationaux. Le cadre institutionnel communautaire devient  un facteur permanent de la décision française après 1969.

Tous les États européens ne raisonnent-ils pas ainsi, en particulier la Grande-Bretagne, vers qui la France ne cesse d’incliner au temps de la IVe République et avec laquelle Pompidou comme Chirac ou Jospin ont cherché un rééquilibrage. L’alliance avec la Grande-Bretagne forme le thème majeur du projet européen de la France, au début de la période. Il disparaît avec de Gaulle, mais retrouve ensuite une actualité. On comprend aisément l’intérêt d’une entente cordiale, avec le plus puissant et le plus prestigieux des États européens en 1945. Quitte à entamer une souveraineté que les malheurs du temps ont amoindrie, autant le faire avec une autre puissance orgueilleuse de ce continent ! Mais les susceptibilités britanniques engendrent la « mésentente cordiale », ruineuse pour l’unité européenne, significative aussi des prudences qu’il convient de prendre en compte ou de dépasser, du fait des permanences nationales de pensée.

La relation franco-allemande est au centre de la politique européenne de la France comme en témoigne l’histoire de ces soixante années d’unité. Entre 1950 et 1968,  la France dirige le couple franco-allemand, avec l’appui des Etats-Unis. L’image d’une France généreuse et d’une Allemagne reconnaissante génère chez les Français un sentiment flatteur pour le narcissisme national et rassurant sur le leadership français. Puis la relation bascule en raison de la nouvelle puissance allemande sous Willy Brandt. L’image d’une France mauvaise gestionnaire de ses finances publiques s’oppose à la vertueuse Allemagne. Certaines hésitations mitterrandiennes et certaines impatiences chiraquiennes trahissent une réserve vis-à-vis de l’Allemagne. La relation franco-allemande n’est pas toujours sereine.  Le Bundestag «trahit » la confiance du général en votant le fameux préambule pro-américain et pro-communautaire du traité de l’Élysée de 1963. Pompidou n’hésite pas à revendiquer pour lui seul le mérite d’avoir relancé l’unité européenne après le sommet de La Haye de décembre 1969, rabaissant le rôle de Willy Brandt et de Monnet. L’entente butte aussi sur la réponse aux difficultés du système monétaire international au temps de Pompidou comme de Giscard d’Estaing. Quant à Mitterrand, il faut attendre la présidence française du Conseil, au premier semestre de 1984, pour retrouver une démarche commune franco-allemande qui aboutit à l’Acte unique européen et au traité de Maastricht. Les ratés du moteur franco-allemand entre 1995 et 2005 prouvent que des replis nationaux peuvent se produire.  Cette référence à un état de paix et de bonheur en Europe, par opposition à une réalité historique très sombre, mérite le soin qui est apporté par tous les gouvernements et par les deux peuples à l’entente franco-allemande. Tant qu’elle fonctionnera, la paix sera assurée.

 

Les clefs du comportement français sur la longue période

Quelle sont les clefs de ces soixante années de politique française ? On les trouve dans trois facteurs : la sécurité, le rang, l’idéal. Selon l’époque, les gouvernements et les présidents de la République, l’un des trois facteurs est mis en avant.

La fin des années 1940 et le début des années 1950 montrent que les gouvernements Bidault et Schuman ont voulu assurer la modernisation économique du pays. La recherche de sécurité économique et financière est prépondérante dans la construction de l’OECE : ils veulent harmoniser le développement économique en Europe pour donner à l’économie française toutes ses chances sous un protectionnisme transitoire. Ils veulent assurer la sécurité économique de la France en lui facilitant, par le plan Schuman, l’accès au charbon allemand. Mais dans la déclaration Schuman, l’idéal de paix entre les vieilles nations européennes apparaît aussi. Cette part d’idéal est exprimée par le couple franco-allemand (Adenauer-Schuman, Adenauer-Mollet, Adenauer-de Gaulle) qui devient un lieu symbolique de la réconciliation entre Européens.

La France recherche aussi un rang de grande puissance à travers son adhésion aux Communautés. Le terme est gaullien mais convient pour qualifier les motivations des élites politiques françaises dans la construction d’une Europe atomique, organisation qui semblait utile pour le développement du programme nucléaire français civil et militaire. L’idéal d’unité tel qu’il peut motiver des individus militant pour des constructions communautaires ou fédéralistes n’est pas au centre des préoccupations des dirigeants de l’État. Schuman et Mollet partagent des convictions fédéralistes, mais elles ne peuvent expliquer les décisions gouvernementales[iii]. En revanche, Jean Monnet, hors du champ de la responsabilité politique directe, a agi pour unir les hommes d’Europe et des deux rives de l’Atlantique au nom d’une vision de l’histoire[iv]. La période gaulliste est marquée par la recherche du rang et de la grandeur. Le général de Gaulle a voulu et réussi à moderniser l’économie de la France, son industrie, sa monnaie et son agriculture.  Son objectif est de créer une Europe autonome, fière de son histoire et de son éminente culture, consciente de ses anciennes querelles, capable d’assurer sa défense et une politique extérieure propres, mais sans admettre, in fine, qu’il doit faire passer la France après l’Europe, pour pouvoir parler au nom de l’Europe[v].

Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand sentent, parce qu’ils sont de grands politiques, que le rang de la France ne peut être défendu à la manière du général de Gaulle[vi]. Ils n’ont pas renoncé pour autant à cet objectif. D’abord, ils proposent des innovations bénéfiques à tous les pays membres et à l’unité. Pompidou, par réalisme, propose le premier élargissement, le second, pour donner une image plus positive de la France, l’élection au suffrage universel du Parlement européen et le troisième, pour des raisons de prestige, de sécurité et par idéal communautaire, fait la relance de Fontainebleau et l’euro. Ils comprennent que la France ne peut prétendre au leadership en Europe qu’en agissant pour le bien commun et en repoussant les tentatives d’instrumentalisation de l’Union au seul profit de la France. Mitterrand est le seul à construire le mythe européen en faisant entrer Jean Monnet au « Panthéon des hommes illustres de la Patrie », et donc à élever au rang de héros celui qui est le père fondateur de l’Europe[vii]. Le paradoxe du message politique a plu aux Français[viii]. Les présidents français comprennent, les deux derniers cités au moins, que cet objectif peut être atteint en travaillant avec l’Allemagne. Le partage de la souveraineté monétaire est accepté par Mitterrand et n’est pas remis en cause par Chirac, signe que les deux chefs d’État ont compris que ce partage assure la sécurité de la France plus qu’il ne diminue son rang.

La sécurité économique et la paix sociale, plus que le rang ou l’idéal, sont toujours recherchées à travers les discussions interminables sur la PAC ou sur le mandat de l’Union à l’OMC (organisation mondiale du commerce). Les gouvernements français restent sensibles à l’idée que la France a besoin de sécurité, comme le montrent les projets d’Europe sociale de Mitterrand et de Jospin, le programme Eurêka d’Europe de la haute technologie et les positions constamment réaffirmées d’Europe-puissance et d’Europe de l’excellence. Depuis de Gaulle, l’objectif s’est déplacé. Le but n’est plus de rendre à la France son rang de grande puissance dont l’arrière-cour serait l’Europe, mais de transférer cet idéal sur l’Union européenne pour en faire une grande puissance mondiale ou un acteur global des relations internationales. Le néo-gaulliste Jacques Chirac, au terme de son second mandat, n’aura pas tiré toutes les conclusions de cette tendance lourde, seule capable de redonner du sens aux rêves d’influence de la France dans les affaires mondiales. La sanction du référendum du 29 mai 2005 le prouve.

Il est clair que les gouvernements et chefs d’État français n’ont pas agi sous l’empire de l’idéologie kantienne de la Paix perpétuelle ; pourtant, certains chefs de gouvernement de la IVe République ou des présidents de la Ve République, Giscard d’Estaing et Mitterrand, ont tiré les enseignements de l’histoire, admettant que les Communautés européennes sont les produits de la loi internationale, supérieure à l’appétit de puissance nationale et au vieil impérialisme. Il apparaît enfin que le débat sur le fédéralisme, le confédéralisme ou l’intergouvernementalité est un faux débat et qu’il occulte les motivations des gouvernements français. Mais on aura remarqué que les gouvernements et les présidents de la République ont rarement pris la décision de soumettre au peuple leur politique européenne. Les débats parlementaires sont le moyen de favoriser l’émergence d’un consensus en faveur de certaines formes d’unité au moment des ratifications des traités créant l’OECE, en juin 1948, la CECA en avril 1951, Euratom et la CEE en juillet 1957 et, plus récemment, l’Acte unique européen, Amsterdam et Nice. Les débats parlementaires ont abouti aussi à des prises de position contre l’unité, le 30 août 1954. Le peuple français a eu à se prononcer, en 1972, sur l’adhésion de la Grande-Bretagne, du Danemark, de l’Irlande et de la Norvège aux Communautés. Le grand moment fut le référendum du 20 septembre 1992 sur le traité de Maastricht qui se termina par la victoire de la relance européenne par 51,05 % des votes contre 48,95 %. Le second test populaire a été le référendum du 29 mai 2005 sur la Constitution européenne,  aboutissant à un magistral échec du oui, le non l’emportant par 54,68% des voix.

 

La France au double visage

Un premier point est de dire ce que l’unité européenne doit aux gouvernements français depuis 1943. Le GPRF n’a rien inspiré en termes d’institutions en raison du désintérêt des grands alliés. En revanche, les gouvernements d’après-guerre ont soutenu voire inspiré la création du Conseil de l’Europe et de l’OECE. Georges Bidault (MRP) a déclenché le processus intergouvernemental de création du Conseil de l’Europe en juillet 1948. Les gouvernements français, présidés par Robert Schuman (MRP) et Henri Queuille (Radical), ainsi que Monnet, ont tenté, sans y parvenir, de bâtir, une OECE planificatrice[ix]. La haute administration française s’en accommoda parfaitement et participa à la construction d’une économie de marché sous protectionnisme provisoire.

Le gouvernement de Georges Bidault (MRP) est celui de la Déclaration du 9 mai 1950[x]. Mais les hommes de la supranationalité sont Robert Schuman, ministre des Affaires étrangères et, en dehors du gouvernement, Jean Monnet, commissaire général du Plan de modernisation et d’équipement. L’histoire montre qu’il s’agit d’une action de francs-tireurs, appuyés par des euro-atlantistes autour de Monnet. En revanche, le projet d’armée européenne, présenté à l’Assemblée nationale le 24 octobre 1950 par René Pleven, chef du gouvernement (UDSR) et repoussé le 30 août 1954 par l’Assemblée nationale, est le résultat d’une action gouvernementale préméditée, même si Monnet en est encore une fois l’inventeur. La création de l’UEO, en octobre 1954, est une idée d’Eden et de Mendès France pour résoudre l’épineuse question de la participation de la RFA à la défense occidentale. Elle n’a pas le caractère extraordinaire de la déclaration Schuman. Elle possédait pourtant une potentialité d’unité avec l’Agence commune d’armement qui ne fonctionna pas, mais à laquelle Mendès France était attaché et qui a été réinventée en 2003.

La relance de Messine ne doit rien au gouvernement français d’Edgar Faure (février 1955-janvier 1956). En revanche, le succès de la conférence de Venise de mai 1956, qui ouvre la négociation des traités de marché commun et d’Euratom, s’explique par la volonté politique de Guy Mollet (SFIO), chef du gouvernement, de Christian Pineau (SFIO), ministre des Affaires étrangères et de Maurice Faure (Radical), secrétaire d’État chargé des Affaires européennes. Pour la première fois, un gouvernement français adoptait une politique cohérente de relance européenne, en tenant compte des insuffisances de l’OECE et de l’impasse de la CED. La IVe République est donc à l’origine d’un premier partage de souveraineté entre États avec la déclaration du 9 mai 1950 et les Traités de Rome[xi].

La Ve République, qu’elle soit gaulliste jusqu’en 1974, libérale jusqu’en 1981, socialiste jusqu’en 1995 ou néo-gaulliste ensuite, est davantage marquée par les choix politiques des présidents de la République que par ceux des gouvernements. De Gaulle et ses gouvernements freinent  le développement communautaire des institutions des Traités de Rome, mais le président de la République française fait des propositions d’Europe indépendante, repoussées par ses partenaires. Les gouvernements de la Ve République gaulliste travaillent au succès du marché commun et à l’échec d’Euratom. Le gaulliste Georges Pompidou accepte la relance de La Haye, initiée par Brandt et Monnet, et l’élargissement à la Grande-Bretagne. Valéry Giscard d’Estaing (Républicain indépendant) donne un nouveau souffle à l’Europe unie en faisant tenir régulièrement les Conseils européens des chefs d’États et de gouvernements, devenus le point principal d’impulsion des politiques d’intégration ou de coopération des Communautés. Les Communautés s’élargissent à la coopération politique. Jamais avant lui le couple franco-allemand n’a aussi bien fonctionné. Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt font progresser la démocratie communautaire par l’élection du Parlement européen au suffrage universel et renforcent la solidarité monétaire des Communautés avec le SME. Le choc de l’arrivée de la gauche au pouvoir, en mai 1981, ébranle la construction européenne, mais après une période de deux ans, François Mitterrand (PS) devient l’un des meilleurs architectes de l’unité européenne. Assumant le couple franco-allemand avec Helmut Kohl (CDU), Mitterrand relance la mécanique communautaire et de coopération au Conseil de Fontainebleau de juin 1984. Grâce à eux, l’Acte unique européen, l’Union européenne, la monnaie commune, Eurêka, l’Europe de l’audiovisuel et l’Eurocorps voient le jour.

Les élections présidentielles donnent le pouvoir, en 1995, à Jacques Chirac (RPR), dont les convictions européennes sont moins assurées que celles de ses deux prédécesseurs. Mais la construction d’une défense européenne progresse, sous son impulsion et celle de Tony Blair (Labour Party). L’élargissement, préparé par la Présidence française de l’Union, provoque une réforme des institutions européennes que tout le monde trouve insuffisante. Comparées aux deux septennats de Mitterrand, les actions de Jacques Chirac n’ont pas eu les mêmes succès car l’homme ne réussit ni à convaincre les Français du bien fondé du projet de Constitution européenne en 2005, ni à faire parler d’une seule voix l’Europe des Quinze et les dix nouveaux adhérents face à la guerre préventive américaine en Irak.

 

La France et l'avenir de l'Europe unie

Les hésitations des Français au début du XXIe siècle sur l’intégration européenne trahissent des résistances fondamentales et récurrentes. Sont-elles des combats nationalistes d’arrière garde ? Il faut comprendre plutôt qu’elles expriment une résistance à la disparition de la France comme source d’un projet universaliste de société politique. La Révolution française, les idées de République universelle et laïque, la démocratie représentative à la française, l’apport intellectuel des grands penseurs français ne sont plus au cœur des aspirations des élites européennes. Comment, de ce fait, contribuer à ce nouveau monde européen sans y perdre son âme et sans être réduit à n’être qu’une culture régionale d’Europe ? 

La nostalgie gaulliste ou nationaliste ne remplace pas un projet politique pour le XXIe siècle. Les Français oscillent entre la peur du vide suscitée par les pertes de souveraineté monétaire, commerciale, militaire éventuellement ; par la perte d’influence culturelle et linguistique ; par l’impérialisme atlantique et la peur de l’innovation politique engendrée par le vote à la majorité qualifiée et l’avancée vers la fédération européenne.

Les élites françaises doivent donc se donner pour but de traduire au niveau européen ce qui a été le meilleur de la nation française et de faire l’inventaire de ce qui est généralisable. Les Français n’ont pas d’autre choix que de s’européaniser pour être les héritiers d’un grand passé. Il est demandé aux citoyens français et à leurs élites de toujours confronter leurs projets à l’aune européenne et de faire des propositions hardies, sans arrogance mais sans complexe, pour le bien de l’Union européenne. Plus les gouvernements français tiendront compte de leurs partenaires européens, davantage ils compteront pour eux, davantage l’unité sera une construction acceptable par les Français.

Les gouvernements et président de la République les plus conscients des nouveaux intérêts de la France et des nouveaux rapports de force internationaux ont donné un avenir à l’unité européenne dès 1948. Ils ont travaillé à l’émergence institutionnelle de l’Europe unie pour qu’elle compte dans les relations internationales. Ils ont voulu qu’elle y développe un programme de paix pour contribuer à la sécurité économique et sociale des Français et de l’ensemble européen. Cette politique, visant à faire de l’Union un acteur global dans les relations internationales est-elle celle du peuple français, est-elle partagée par les autres États membres de l’Union européenne ? Il est urgent de vérifier que cet objectif est bien celui de tous, sauf à entretenir des illusions et nourrir des tensions qui feront éclater le grand dessein des fondateurs de l’Europe unie : Jean Monnet, Robert Schuman, Konrad Adenauer, Paul-Henri Spaak, Jan Willem Beyen, Joseph Bech, Alcide de Gasperi, Guy Mollet, Maurice Faure, et qui trahiront le serment de la jeunesse européenne de faire la paix entre Européens[xii]. Toutefois, il est heureux de constater que les Européens se sont montrés dignes des espoirs que Victor Hugo plaçait en eux, même s’ils ne sont pas encore réunis dans les États-Unis d’Europe [xiii]

Faire l’Europe sans défaire la France ? En soixante ans de construction lente de l’unité, l’Europe n’a pas défait la France. La nation vit, la République fonctionne, l’économie française profite du grand marché et de la monnaie commune. Un doute subsiste encore: la société française a-t-elle compris que l’identité française du XXIe siècle s’épanouira dans les propositions hardies que la France fera pour construire l’Union européenne en s’appuyant sur son expérience nationale et sans esprit de supériorité ? L’Union a besoin d’une France généreuse et enthousiaste pour devenir un acteur global de notre monde. 

Professeur Gérard Bossuat. Manuscrit clos en juin 2006.


Notes:


[i] Lettre de Gaston Defferre, ministre de la France d’Outre-Mer de Guy Mollet du 17 mai 1956, copie. Source : fonds de Paul Ramadier, 52 J 114. ; Lettre de Monnet à René Pleven, président du Conseil, 3 septembre 1950. Source : Archives de Jean Monnet, fonds AMI/4/3/3. ; Résumé d’une conversation entre M. Monnet et M. Clayton, le 24 sep­tembre 1945, Charbon de la Ruhr, notice datée du 25 septembre 1945. Source : Archives de Jean Monnet, fonds AMF 4/3/6 ; Note de René Mayer, Alger 30 septembre 1943. Source : Archives du ministère des Affaires étrangères, fonds Guerre 1939-45, Alger, CFLN-GPRF, 728, p. 87-91 du carton.

[ii]  Bossuat G., Les aides américaines, économiques et militaires à la France, 1938-1960, une nouvelle image des rapports de puissance, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2001, 406 pages.

[iii] Poidevin R., Robert Schuman, homme d’État, 1886-1963, Paris, Imprimerie nationale, 1986.

[iv] Article de presse, Pierre Viansson-Ponté, Le Monde, 22-23 octobre 1972. « Bonjour M. Monnet ».

[v] De Gaulle en son siècle, Tome 5 L’Europe, ouvrage collectif publié par la Fondation Charles de Gaulle, Paris, Plon, La Documentation française, 1992.

[vi] Association Georges Pompidou, Georges Pompidou et l’Europe, Préface d’Édouard Balladur, Post-face de Jacques Chirac, Bruxelles, Complexe, 1995 ; Weinachter M., Valéry Giscard d’Estaing et l’Allemagne, le double rêve inachevé, Paris, L’Harmattan, 2004 ; Duhamel E., François Mitterrand : l’unité d’un homme, Paris, Flammarion, 1998.

[vii] Bossuat G., Wilkens A. (dir.), Jean Monnet, l’Europe et les chemins de la paix, Paris, Publications de la Sorbonne, 1999, 540 pages. , bibliographie.

[viii] Discours du  9 novembre 1988 – Transfert des cendres de Jean Monnet au Panthéon.

[ix]    Novembre 1947-juillet 1948 et septembre 1948-octobre 1949.

[x]     Octobre 1949-juin 1950.

[xi]  Bossuat G., L’Europe des Français, 1943-1959, une aventure réussie de la IVe République, Paris, Publications de la Sorbonne, 1997, 480 pages.

[xii] Sur Guy Mollet et Christian Pinault, voir Pineau C., Rimbaud C., Le grand pari, l’aventure du traité de Rome, Paris, Fayard, 1991 ; sur l’ensemble de l’histoire de la construction européenne : Gérard Bossuat, Les fondateurs de l’Europe unie, Paris, Belin, 2001.

[xiii] Discours d’ouverture du Congrès de la Paix à Paris, le 21 août 1849.

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Date de la mise en ligne: septembre 2006

 

 

 

L'éditeur PIE-Peter Lang présente ainsi le livre

"Faire l’Europe sans défaire la France, 60 ans de politique d’unité européenne des gouvernements et des présidents de la République française (1943-2003)", par Gérard Bossuat

   

 

 

Cet ouvrage propose la première synthèse historique sur les politiques françaises de construction européenne. Celle-ci s'appuie tant sur des textes et déclarations d'acteurs de la construction européenne - 100 textes reproduits ici - que sur la production scientifique des historiens de l'unité européenne.

Certains gouvernements et présidents des IVe et Ve Républiques ont su marier, avec bonheur, relance de l'unité et influence de la France en Europe. Si dans les années d'après-guerre, la politique française de construction européenne a été fondée sur la recherche de la sécurité pour la France et la marque du rang, mais également un peu sur l'idéal, au temps de Guy Mollet, le général de Gaulle a raté l'occasion d'unir l'Europe occidentale. Deux présidents de la République, Valéry Giscard d'Estaing et François Mitterrand, ont pourtant ouvert des routes nouvelles pour sortir l'Europe de l'enlisement, après le premier élargissement, en s'appuyant sur la coopération franco-allemande. Le premier a inventé le Conseil européen et le second, en collaboration avec Jacques Delors, a mené à bien l'Acte unique puis le traité de Maastricht.

Certes, la référence fédéraliste de la Déclaration Schuman du 9 mai 1950 n'a plus jamais été affichée, mais les dirigeants français ont accepté de nouveaux partages de souveraineté, une fois délimités les domaines de la subsidiarité. Si, pour tous, il ne peut exister encore d'Etat européen centralisé ou fédéral, le développement de la coopération de souveraineté entre les pays de l'Union est souhaité, pourvu que la France y trouve l'occasion de faire partager une philosophie politique fondée sur son histoire et de faire de l'Union un acteur des relations internationales.

Faire l'Europe sans défaire la France: c'est concilier l'objectif d'unité européenne et la possibilité de maintenir les ambitions et la cohésion de la nation.  

Le site de l'éditeur :  www.peterlang.net

   
     

Biographie du Professeur Gérard Bossuat

   
   

Professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Cergy-Pontoise (Val d'Oise, France) et titulaire de la chaire Jean Monnet. G. Bossuat est historien de l'unité européenne et des relations extérieures de la France. Il est membre de l'unité mixte de recherche IRICE (Identités, relations internationales et civilisations de l'Europe) du CNRS et des Universités de Paris I et Paris IV, de l'équipe d'accueil du CICC (Civilisations et identités culturelles comparées des sociétés européennes et occidentales) de l'Université de Cergy-Pontoise et d'un réseau européen de chercheurs en sciences humaines. Il codirige le master "Etudes européennes et affaires internationales" des Universités de Cergy-Pontoise et de Paris I  - Panthéon-Sorbonne.

   
         

 

 

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