Chantal Lavallée, Professeure agrégée en études internationales et directrice du Centre sur la gouvernance sécuritaire et de crise au Collège militaire royal de Saint-Jean, au Canada. Spécialiste de l’UE, Chantal Lavallée détient un doctorat en science politique de l’Université du Québec à Montréal. Professeure au Collège militaire royal de Saint-Jean, au Canada.
Interview organisée et conduite par Pierre Verluise, docteur en Géopolitique, fondateur du Diploweb, il produit Planisphère sur Radio Notre Dame et RCF depuis septembre 2024. Cette émission a été diffusée en direct le 15 avril 2025.
Synthèse par Émilie Bourgoin, étudiante en quatrième année au BBA de l’EDHEC et alternante au sein de la cellule sûreté d’un grand groupe. Elle est en charge du suivi hebdomadaire de l’actualité des livres, revues et conférences géopolitiques comme de la rédaction des synthèses des épisodes de l’émission Planisphère pour Diploweb.
Nous vivons une bascule du monde. Le début du deuxième mandat de D. Trump bouscule d’abord les alliés historiques des Etats-Unis et fait des concessions à la Russie de V. Poutine dans sa guerre contre l’Ukraine. Comment l’UE fait-elle face à une géopolitique en redéfinition ? Pour répondre, nous avons la chance de recevoir la Professeure Chantal Lavallée. Audio, vidéo et synthèse rédigée, revue et validée par C. Lavallée.
Cette émission [1], Planisphère, Comment l’UE fait-elle face à une géopolitique en redéfinition ? Avec C. Lavallée, sur RND
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Synthèse de cette émission, Planisphère Comment l’UE fait-elle face à une géopolitique en redéfinition ? Avec C. Lavallée. Rédigée par Emilie Bourgoin pour Diploweb.com . Revue et validée par C. Lavallée
LE DEBUT du second mandat de Donald Trump (20 janvier 2025) entraîne des changements radicaux dans l’équilibre géopolitique mondial. Son administration amorce une normalisation des relations avec la Russie de Vladimir Poutine, marquant un désengagement des États-Unis dans le soutien à l’Ukraine. Ce revirement politique perturbe les alliances traditionnelles et oblige l’Union européenne à renforcer son rôle dans la sécurité régionale.
Depuis le début de la guerre en Ukraine en 2022, l’Union européenne s’est engagée dans une transformation profonde, dépassant son rôle historique d’organisation économique pour s’affirmer davantage comme un acteur politique et stratégique incontournable. Ce changement, d’abord initié à la suite du Brexit (2016-2020) et sous la pression de la première administration Trump (2017-2021), s’impose désormais comme une nécessité pour garantir la stabilité du continent face à l’incertitude croissante de l’engagement américain.
Historiquement, l’Union européenne a été conçue comme un projet de paix, fondé sur la coopération économique et la stabilité institutionnelle. La défense y a longtemps été un sujet tabou, réservée aux États membres et à l’OTAN. Toutefois, la guerre en Ukraine a joué un rôle de catalyseur, accélérant l’évolution de l’UE vers une prise de position stratégique plus affirmée.
Dès les années 1990, la Commission européenne a cherché à s’impliquer dans la défense à travers la régulation du marché des équipements militaires. Ce processus s’est intensifié avec :
. Le Brexit, qui a libéré l’UE de la position britannique souvent réticente à une défense européenne intégrée.
. La première administration Trump, qui presse les Européennes d’assumer leurs responsabilités en matière de défense. Le Fonds européen de défense (FED), dont l’idée est lancée par la Commission européenne en 2016, est ainsi adoptée en 2021 afin de favoriser la recherche et le développement de programmes industriels en matière militaire.
. L’invasion de l’Ukraine, qui a légitimé un soutien financier et militaire européen, y compris pour l’envoi d’équipements militaires à un pays en guerre, l’Ukraine.
L’UE a progressivement consolidé ses outils pour agir en tant qu’acteur géopolitique, malgré des compétences encore limitées par les traités en matière de défense.
L’actuelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, joue un rôle central dans cette mutation. Ancienne ministre de la Défense allemande, elle a dès 2019 impulsé une "Commission géopolitique" capable de répondre aux défis sécuritaires de l’UE.
Elle a plus récemment proposé le projet Rearm Europe , un plan stratégique visant à renforcer les capacités militaires des États membres, notamment en permettant un assouplissement des règles budgétaires pour les dépenses de défense. Cette initiative marque ainsi une rupture avec la tradition d’une discipline budgétaire stricte prévue dans le Pacte de Stabilité et de croissance et illustre l’acceptation croissante de la nécessité d’accroître les capacités militaires de l’Europe.
Par ailleurs, la nomination de Kaja Kallas, ancienne Première ministre estonienne, comme Haute Représentante pour la politique étrangère et de sécurité commune, renforce la posture offensive de l’UE face à la Russie. Originaire d’un pays balte directement menacé par Moscou, elle incarne une ligne dure et proactive dans le soutien à l’Ukraine et la dissuasion face aux ambitions russes.
La relation entre l’Union européenne et l’OTAN est mise à rude épreuve après des années de renforcement du partenariat stratégique qui a permis d’élargir les domaines de collaboration et de favoriser leur complémentarité. 23 États membres de l’UE-27 étant également membres de l’OTAN (sur 32), l’UE qui a historiquement compté sur l’Alliance atlantique pour sa sécurité est-elle maintenant en mesure de l’influencer ? La nouvelle politique américaine de Donald Trump, marquée par une remise en question du rôle des États-Unis dans l’OTAN peut offrir cette opportunité.
L’adhésion récente de la Finlande et de la Suède à l’OTAN a en effet renforcé la contribution européenne au sein de l’Alliance, mais la question demeure : l’UE peut-elle encore compter sur une OTAN dirigée par une administration américaine imprévisible ? Avec le désengagement des États-Unis, l’UE est-elle alors capable d’en assumer plus de responsabilités ?
Trois options se présentent pour les Européens :
1. Renforcer leur pilier au sein de l’OTAN, en assumant un rôle plus central en cas de retrait ou de désengagement des États-Unis.
2. Accélérer l’autonomie stratégique européenne, via des initiatives de défense communes et une augmentation des budgets militaires.
3. Miser sur des alliances complémentaires, en renforçant les liens avec des pays comme le Canada et le Royaume-Uni [2].
La guerre en Ukraine a mis en lumière l’importance des technologies émergentes dans les conflits modernes, en particulier les drones, qui ont radicalement changé les dynamiques militaires.
L’Union européenne, qui voyait autrefois les drones sous un prisme principalement économique et civil, a dû adapter son approche pour mieux intégrer leur utilisation duale (civile et militaire). Cela soulève deux enjeux majeurs :
. La régulation et la sécurité intérieure de l’UE : comment empêcher des drones commerciaux d’être détournés à des fins militaires ou terroristes ?
. Favoriser des programmes de financement pour la recherche et l’innovation duale, mettant ainsi un terme à la dichotomie des programmes civil et militaire. Cette prise de conscience transforme la perception européenne des nouvelles technologies et pousse à une intégration plus forte des innovations civiles et militaires dans la stratégie de défense.
Bonus. Vidéo. Planisphère, Comment l’UE fait-elle face à une géopolitique en redéfinition ? Avec C. Lavallée
Le concept d’autonomie stratégique européenne revient régulièrement dans les débats, mais sa mise en œuvre reste ambitieuse. L’UE doit répondre à plusieurs défis :
. Une dépendance militaire historique aux États-Unis, tant en termes d’équipement que de coordination.
. Des divergences entre États membres, certains privilégiant une alliance forte avec Washington tandis que d’autres plaident pour une pour une plus grande autonomie en matière de défense.
. Une contrainte budgétaire qui freine les investissements militaires malgré des avancées comme le Fonds européen de défense.
Toutefois, face aux États-Unis plus imprévisibles et une Russie toujours menaçante, les Européens n’ont d’autre choix que de renforcer leur capacité d’action autonome.
Le « couple franco-allemand » [3] reste le moteur historique de l’intégration européenne, mais son rôle en matière de défense doit encore s’affirmer. L’Allemagne, traditionnellement réticente à l’usage de la force militaire, a amorcé un virage spectaculaire sous le chancelier Olaf Scholz à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine, avec un investissement massif dans la Bundeswehr.
D’autres pays jouent également un rôle clé :
. Les pays baltes et la Pologne, en première ligne face à la Russie, qui militent pour un renforcement de la défense européenne.
. Le Danemark, qui a mis fin à son option de retrait de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC).
. Le Royaume-Uni, malgré le Brexit, qui reste un acteur incontournable dans la sécurité du continent.
. Le Canada, membre de l’OTAN et allié transatlantique, qui partage les préoccupations européennes face aux tensions croissantes avec les États-Unis.
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[1] Cette émission a été enregistrée le 11 mars 2025.
[2] NDLR : Reste ouverte la question de l’appartenance du Royaume-Uni et du Canada au réseau de renseignement « Five Eyes ». Il s’agit d’une alliance de renseignement formée par cinq pays : les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, qui partagent des informations sur la surveillance électronique et l’espionnage, issue d’un accord signé en 1946.
[3] NDLR : Cette expression, "couple franco-allemand" n’est pas utilisée en Allemagne
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