Podcast, vidéo et synthèse rédigée

Planisphère. Que nous apprend la guerre en Ukraine ? Avec JS Mongrenier

Par Emilie BOURGOIN, Jean-Sylvestre MONGRENIER, Pierre VERLUISE, le 20 février 2025  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Jean-Sylvestre Mongrenier, Docteur en géographie, spécialité géopolitique. Jean-Sylvestre Mongrenier est directeur de recherche à l’Institut Thomas More, collaborateur de Desk-Russie.eu.
Interview organisée et conduite par Pierre Verluise, Docteur en Géopolitique, fondateur du Diploweb, il produit Planisphère sur Radio Notre Dame et RCF depuis septembre 2024. Cette émission a été diffusée le 18 février 2025.
Synthèse par Émilie Bourgoin, étudiante en quatrième année au BBA de l’EDHEC et alternante au sein de la cellule sûreté d’un grand groupe. Elle est en charge du suivi hebdomadaire de l’actualité des livres, revues et conférences géopolitiques comme de la rédaction des synthèses des épisodes de l’émission Planisphère pour Diploweb.

Beaucoup de signaux témoignent d’une lassitude de nombreux acteurs au sujet de la guerre en Ukraine. Lors de sa campagne électorale, D. Trump promettrait d’imposer la paix en 24 h. Cela ne s’est pas fait dans un délai aussi court mais cela ne présage pas de la suite. Raison de plus pour faire un point de situation trois ans après la relance de la guerre russe en Ukraine, le 24 février 2022. Pour faire ce vaste tour d’horizon, nous avons la chance de recevoir Jean-Sylvestre Mongrenier. Podcast, vidéo et synthèse rédigée.

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Synthèse de cette émission, Planisphère, Que nous apprend la guerre en Ukraine ? Avec J-S. Mongrenier. Rédigée par Émilie Bourgoin pour Diploweb.com. Revue et validée par J-S Mongrenier

LA GUERRE en Ukraine, souvent perçue comme un conflit récent, plonge en réalité ses racines dans des événements antérieurs à 2022. Depuis l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 et le soutien aux séparatistes du Donbass, cette guerre a évolué en un « conflit gelé » ou prétendu tel (« une guerre suspendue est une guerre reportée », selon Paul Valéry [1]), avant de se transformer en une guerre de haute intensité en février 2022. Ce conflit révèle des idées reçues, des dynamiques géopolitiques complexes et des enseignements cruciaux sur les relations internationales, la capacité des nations à résister et les évidentes limites d’une diplomatie dite « coopérative ».

Les idées reçues sur la guerre en Ukraine

Une idée reçue répandue est que la guerre aurait débuté en 2022, alors qu’elle a en réalité commencé en 2014 avec l’annexion de la Crimée et le conflit dans le Donbass. Autre idée contrefactuelle : l’Ukraine aurait déjà perdu la guerre et une paix rapide serait donc nécessaire. En réalité, la Russie n’a pas atteint ses objectifs initiaux, et l’Ukraine contrôle toujours plus de 80 % de son territoire. En mer, dans l’espace aérien ou encore dans le cyberespace, la Russie n’a pas pu s’imposer. Ces perceptions erronées masquent le caractère inexpugnable de cette guerre.

La situation territoriale après trois ans de guerre

Sur le plan territorial, la Russie occupe environ 18 % du territoire ukrainien, incluant la Crimée et une partie du Donbass. Cependant, l’Ukraine a réussi à reprendre certains territoires perdus depuis 2022 (voir la contre-offensive de septembre 2022) et elle a conquis une partie de la région de Koursk, en territoire russe. L’objectif russe d’une prise de contrôle de l’ensemble de l’Ukraine, directement (conquête territoriale) et indirectement (subordination du reste de l’Ukraine) est loin d’être atteint. Le gouvernement ukrainien contrôle l’essentiel du pays, politiquement, militairement et territorialement. Cette situation illustre la forte résistance de l’Ukraine face au prétendu « rouleau-compresseur » militaire russe.

Planisphère. Que nous apprend la guerre en Ukraine ? Avec JS Mongrenier
Jean-Sylvestre Mongrenier
Docteur en géographie, spécialité géopolitique. Jean-Sylvestre Mongrenier est directeur de recherche à l’Institut Thomas More, collaborateur de Desk-Russie.eu. Crédit photographique : Pierre Verluise
Verluise/Diploweb.com

Les relations complexes entre Russes et Ukrainiens

Avant 2014, les relations entre la Russie et l’Ukraine étaient relativement stables, malgré des tensions sous-jacentes. La Russie avait signé divers accords, comme le mémorandum de Budapest (1994) et le traité d’amitié de 1997, garantissant ou reconnaissant la souveraineté ukrainienne et son intégrité territoriale. Cependant, la Russie a mené un travail de noyautage de l’État ukrainien qui, après coup, aura révélé un programme occulte d’annihilation de l’indépendance ukrainienne. Ce refus d’accepter l’indépendance de l’Ukraine explique l’escalade rapide du conflit, en 2014, et le passage à la guerre : une guerre dite « hybride », voulue et planifiée de longue date. En février 2022, une autre étape a été franchie : une guerre ouverte, de haute intensité, visant l’éradication de l’Ukraine.

Certaines capitales occidentales ont « géré » le conflit, voulant laisser à Vladimir Poutine une porte de sortie.

L’évolution des comportements de la France et de l’Union européenne

La réponse européenne à la guerre en Ukraine aura été une heureuse surprise, l’unité de l’Europe étant toutefois conditionnée par le leadership et l’action des Etats-Unis. Cependant, les livraisons d’armes ont été insuffisantes et tardives [2], ceci reflétant une réticence évidente à permettre la victoire militaire de l’Ukraine sur la Russie, une perspective qui était envisageable au moment de la contre-offensive ukrainienne de septembre 2022 et de ses succès (le système militaire russe perdait alors son équilibre). Cette ambivalence montre les limites de la détermination occidentale dans un conflit de haute intensité. En somme, les capitales occidentales ont « géré » le conflit, voulant laisser à Vladimir Poutine une porte de sortie. Les propos d’Emmanuel Macron à l’époque (« Ne pas humilier la Russie ») exprimaient la réalité de ce que pensaient nombre de dirigeants occidentaux, dont le président des Etats-Unis et son Administration (l’Administration Biden). Bien entendu, les gesticulations nucléaires de Vladimir Poutine et sa stratégie de « sanctuarisation agressive » ont pesé dans la balance. Ce « ni-ni » stratégique et géopolitique (Ni victoire, ni défaite de l’Ukraine ou de la Russie) nous remémore la forte affirmation du général MacArthur : « Il n’y a pas d’alternative à la victoire ».

Les perspectives du conflit après trois ans

La guerre pourrait encore se prolonger, ce malgré les appels à la paix en Occident. De fait, les objectifs russes – l’éradication de l’État national ukrainien, plus largement la reconstitution de l’enveloppe spatiale de l’ex-URSS - sont toujours au centre des représentations géopolitiques du maître du Kremlin et de la classe dirigeante russe. La volonté de revanche de la Russie sur l’issue de la Guerre froide (1947-1990-91) et sa perception d’un déclin de l’hégémonie occidentale alimentent les ambitions géopolitiques du Kremlin. Les négociations de paix restent incertaines car aucune des parties n’est prête à céder, d’autant plus que l’objectif russe est la reddition en rase campagne de l’État ukrainien : reconnaissance par Kiev de l’amputation territoriale de l’Ukraine ; désarmement et renoncement à intégrer les instances euro-atlantiques (Union européenne et OTAN) ; installation à Kiev d’un régime à la botte du Kremlin. Bref, Moscou mène en Ukraine une « guerre à but absolu ». Ne l’oublions pas.


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Les relations entre la Russie et la Chine

La Russie et la Chine populaire entretiennent une véritable alliance quand bien même celle-ci ne dit-elle pas son nom. La Russie fournit des ressources énergétiques, minérales et agricoles, tandis que la Chine apporte des capitaux, des composants électroniques et un soutien technologique essentiel à la machine militaire russe, plus largement à son économie de guerre. Il y aurait aussi des unités de coproduction de drones, sino-russes donc, implantées dans le Sin-Kiang (le Xinjiang) en République populaire de Chine. Cette relation est mutuellement bénéfique, ce dans un contexte de « guerre froide » avec l’Occident. A Pékin comme à Moscou, les dirigeants sont persuadés que l’« Occident collectif » est virtuellement mort : les équilibres de puissance et de richesse basculant vers l’Asie, leur heure aurait sonné : voir le thème de l’Eurasie sino-russe, celui de la « Grande Asie » sino-centrée, ou encore ceux des BRICS+ et du « Sud Global », dirigés par le tandem sino-russe.

La paix ne peut être obtenue sans lucidité et conscience du tragique.

Les enseignements de la guerre en Ukraine

La guerre en Ukraine rappelle que l’hostilité est une donnée fondamentale de la politique internationale. Les espoirs de résoudre les conflits par le droit, la morale ou le marché mondial se heurtent à la réalité des rapports de force. Les Européens doivent comprendre que la paix ne peut être obtenue sans lucidité et conscience du tragique, prolongés par un effort multiforme et un fort engagement diplomatique et militaire (la « paix par la force »). Bref, l’ennemi est la mesure de soi-même. Ce conflit armé, sur fond de nouvelle « guerre froide » entre l’« Axe du chaos » (Pékin-Moscou-Téhéran-Pyongyang) et l’Occident, souligne l’importance de la volonté politique, de la détermination et de la résilience des structures socio-politiques, militaires et économiques, face à une agression militaire de grande ampleur.

Suivre l’actualité avec le Desk-Russie.eu

Pour suivre l’évolution de la guerre en Ukraine, le Desk-Russie.eu propose une lettre d’analyse publiée toutes les deux semaines. Cette ressource offre des analyses approfondies sur les dynamiques géopolitiques panrusses et les enjeux de la guerre d’Ukraine, permettant de mieux comprendre les perspectives et les défis à venir. Il compte notamment, sous la plume de Vincent Laloy, une galerie de portraits d’intellectuels français qui se font depuis longtemps les relais des intérêts russes.

Copyright pour la synthèse Février 2025-Bourgoin/Diploweb.com


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[1NDLR : Paul Valéry, 1871-1945.

[2NDLR : Une image rend bien compte de cette situation : les Ukrainiens ont été contraints de se battre une main attachée dans le dos, notamment en matière de ciblage.

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