Carte commentée. Quelles tensions en mer Noire et au Caucase du Sud ?

Par Institut FMES, Pascal ORCIER, le 21 mars 2025.

L’institut FMES propose à travers son « Atlas stratégique de la Méditerranée et du Moyen-Orient » édition 2024 une lecture claire et synthétique des grands enjeux du bassin méditerranéen et du Moyen-Orient et passe en revue l’ensemble des forces en présence. 50 cartes totalement originales qui synthétisent des informations stratégiques. 33 fiches pays qui décryptent les objectifs des pouvoirs en place, les atouts et les faiblesses des forces militaires et leurs capacités réelles d’action ? Des évaluations qualitatives sur une échelle de 1 à 5 étoiles introuvables ailleurs, déterminées avec nos experts de terrain, spécialisés dans les affaires militaires. Un immense travail d’analyse et de prospective grâce à une équipe d’experts de premier ordre connaissant parfaitement cette région et les enjeux stratégiques. Cartographie par Pascal Orcier, professeur agrégé de géographie, docteur, cartographe, auteur et co-auteur de plusieurs ouvrages.

Comment la relance de la guerre russe en Ukraine modifie-t-elle la situation stratégique en mer Noire et dans le Caucase du Sud ? Cette carte commentée aide à le comprendre de façon pédagogique.
Dans le cadre de ses synergies géopolitiques, Diploweb.com est heureux de vous faire connaitre cette carte commentée extraite de l’« Atlas stratégique de la Méditerranée et du Moyen-Orient » publié en 2024 par l’institut FMES.
Carte grand format en pied de page.

LA MER NOIRE et le Caucase du Sud constituent la porte d’entrée nord du Moyen-Orient. Toute déstabilisation dans cette zone affecte l’équilibre précaire et les rapports de force entre les acteurs à la manœuvre dans cette région, à commencer par la Turquie, l’Iran et la Russie, les trois empires qui se sont disputés ce continuum au cours des derniers siècles. La guerre en Ukraine déstabilise cette zone et entraîne des répercussions sur l’ensemble du Moyen-Orient et du bassin méditerranéen : hausse spectaculaire des prix de l’énergie qui a rempli les caisses des États producteurs d’hydrocarbures tout en appauvrissant les États importateurs d’énergie ; hausse importante du prix des céréales augmentant les risques d’instabilité socio-économique pour les États les plus pauvres et les plus peuplés ; inversion du rapport de force en faveur de la Turquie et de l’Iran, au détriment de la Russie ; perte d’influence de l’Europe qui semble, avec son soutien à l’Ukraine, avoir atteint le maximum de son engagement géopolitique ; sidération des dirigeants dont certains se disent qu’ils peuvent recourir à la force sans craindre d’être durablement isolés sur la scène internationale.

Carte commentée. Quelles tensions en mer Noire et au Caucase du Sud ?
Carte. Les tensions en mer Noire et au Caucase du Sud
Réalisée par Pascal Orcier, cette carte est extraite de FMES, "Atlas stratégique de la Méditerranée et du Moyen-Orient" 2024
Orcier/FMES

Depuis la relance de l’invasion russe de l’Ukraine (février 2022), la Turquie a fermé les détroits du Bosphore et des Dardanelles à la circulation militaire en s’appuyant sur une interprétation large de la convention de Montreux (1936). Les navires de guerre russes, ukrainiens mais aussi bulgares, roumains et géorgiens sont piégés dans cette mer fermée. Les navires de l’OTAN n’y entrent plus, pas plus que d’éventuels renforts russes. Contre toute attente, l’Ukraine est parvenue à dénier cet espace maritime à l’imposante Flotte russe de la mer Noire en coulant ou neutralisant à coups de missiles et de drones navals et sous-marins 15 navires russes (dont le croiseur amiral Moskva). En détruisant l’essentiel des navires russes de débarquement, en frappant régulièrement la base de Sébastopol et en contraignant la Flotte russe à se réfugier en mer d’Azov, l’Ukraine a éloigné le spectre d’un assaut amphibie sur Odessa qui la priverait de tout accès maritime et l’étoufferait économiquement. Militairement, elle a démontré que l’on pouvait dénier l’accès à une mer littorale sans disposer de moyens navals conséquents. D’autres acteurs régionaux, à l’instar des Houthis au Yémen, vont sans doute s’en inspirer pour tenter de dénier l’accès aux mers fermées, que ce soit en Méditerranée orientale, en mer Rouge ou dans le golfe Persique.

Tant que la mer Noire reste fermée, la Turquie qui en contrôle l’accès dispose d’un atout géopolitique de premier ordre. Mais jusqu’à quand pourra-t-elle maintenir fermés les détroits ? Qu’arriverait-il si la Russie l’emportait en Ukraine, récupérant par là-même la supériorité navale en mer Noire et l’accès à la Méditerranée ?

Les dirigeants turcs et azerbaïdjanais ont profité de la guerre en Ukraine et des tensions au Levant pour pousser leurs pions au Caucase du Sud. Au cours d’une guerre éclair contre l’Arménie (septembre 2023), l’Azerbaïdjan a récupéré le Haut-Karabakh qu’elle avait perdu lors de l’effondrement de l’Union soviétique. La Turquie en a profité pour ressusciter son projet « d’axe turcique » reliant la Turquie à l’Asie centrale en passant par le Caucase du Sud et la mer Caspienne. Ce faisant, Bakou et Ankara ont menacé de couper l’axe terrestre stratégique reliant la Russie à l’Iran qui permet à ces deux pays de contourner les sanctions internationales. Le corridor de Zanguezour, au sud de l’Arménie, est devenu le carrefour de ces ambitions contradictoires. Le président azerbaïdjanais Ilham Aliev, encouragé par la posture accommodante de l’Union européenne qui convoite son gaz, soutenu par Israël et le Pakistan qui souhaitent créer un front de tension sur la frontière nord de l’Iran et conscient que la Russie n’était plus en mesure de jouer le rôle d’arbitre au Caucase du Sud, menace l’Arménie et accentue sa rhétorique de « grand Azerbaïdjan », ce qui a incité les dirigeants iraniens à une démonstration de force fin 2023 pour marquer leur inquiétude et leur solidarité avec l’Arménie. Les tensions semblent s’être apaisées. Un éventuel conflit au Caucase du Sud ou au Moyen-Orient impliquant directement l’Iran aurait probablement un impact sur les conflits ukrainien et israélo-palestinien. Au printemps 2024, le parlement géorgien a adopté une loi controversée sur l’influence étrangère qui semble éloigner durablement la Géorgie de son ancrage européen.

De son côté, la Russie instrumentalise les conflits gelés en Transnistrie pour affaiblir la Moldavie, mais aussi en Abkhazie et en Ossétie du Sud pour affaiblir la Géorgie, afin de faire pression sur ces deux États tentés de rejoindre l’Union européenne et l’OTAN.

Après que Bruxelles ait accordé à la Géorgie le statut de candidat officiel à l’Union européenne (décembre 2023), la Russie a accru la pression sur Tbilissi pour obtenir des gages de « neutralité » dans un contexte bilatéral extrêmement tendu. Cette région qui est le lieu de la compétition entre les trois anciennes puissances impériales, mais aussi un nœud énergétique essentiel pour l’Europe, concentre des enjeux de sécurité qui impactent indirectement et fortement le bassin méditerranéen et le Moyen-Orient.

Manuscrit clos le 1er août 2024.
Copyright 2024-FMES-Orcier
.


Plus

Découvrez l’ "Atlas stratégique de la Méditerranée et du Moyen-Orient" sur le site de la FMES

Titre du document :
Carte. Les tensions en mer Noire et au Caucase du Sud

Réalisée par Pascal Orcier, cette carte est extraite de FMES, "Atlas stratégique de la Méditerranée et du Moyen-Orient" 2024



Document ajouté le 21 mars 2025
Document JPEG ; 559992 ko
Taille : 1200 x 1202 px

Visualiser le document

Comment la relance de la guerre russe en Ukraine modifie-t-elle la situation stratégique en mer Noire et dans le Caucase du Sud ? Cette carte commentée aide à le comprendre de façon pédagogique.


Pour ne rien rater de nos nouvelles publications, abonnez-vous à la Lettre du Diploweb !

Diploweb est sur Tipeee
Vous aussi soyez acteur du Diploweb ! Soutenez-nous via notre page tipeee.com/Diploweb
Les livres de Diploweb sont sur Amazon
des références disponibles via Amazon sous deux formats, Kindle et papier broché

DIPLOWEB.COM - Premier site géopolitique francophone

SAS Expertise géopolitique - Diploweb, au capital de 3000 euros. Mentions légales.

Directeur des publications, P. Verluise - 1 avenue Lamartine, 94300 Vincennes, France - Présenter le site

© Diploweb (sauf mentions contraires) | ISSN 2111-4307 | Déclaration CNIL N°854004 | Droits de reproduction et de diffusion réservés

| Dernière mise à jour le vendredi 21 mars 2025 |