Vents mauvais sur la Moldavie et la Roumanie ?

Par Catherine DURANDIN, le 15 février 2025  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Professeur émérite à l’INALCO, Catherine Durandin est ancienne élève de l’École normale supérieure. Auteur de plus de vingt ouvrages d’histoire et géopolitique, axés sur la Guerre froide, l’OTAN, la Russie et la Roumanie. De nombreuses années de consultance pour le ministère de la Défense. Elle publie : « Moldavie : le défi, un pari » éditions Pétra.

Le vice-président des États-Unis J.D. Vance a contesté lors de la conférence de Munich, le 14 février 2025, les inquiétudes de beaucoup d’Européens face à la montée de l’extrême droite en Roumanie soutenue par une campagne de désinformation russe via TikTok. Une campagne qui alerte sur le risque de manipulation des systèmes de recommandation de contenus sur les plateformes. J.D. Vance déclare : « (…) j’ai été frappé qu’un ancien commissaire européen puisse récemment s’exprimer à la télévision pour se réjouir que le gouvernement roumain annule une élection présidentielle », a-t-il déclaré. Avant d’ajouter : « (…) lorsque nous voyons des tribunaux européens annuler des élections et de hauts fonctionnaires menacer d’en annuler d’autres (NDLR : possiblement en Allemagne), nous devons nous demander si nous nous imposons des normes suffisamment élevées. (…) La liberté d’expression, je le crains, est en recul. » Ces déclarations expriment et génèrent une certaine confusion. Catherine Durandin qui bénéficie d’une expertise de longue durée de la Moldavie (candidate à l’UE) et de la Roumanie (membre de l’OTAN et de l’UE) présente ici sa compréhension du terrain. Les interdépendances entre les deux pays sont soulignées.

Alors que la présidente et le gouvernement moldave luttent pour maintenir le cap de l’adhésion à l’UE, la Roumanie plonge dans le chaos idéologique et politique dans une crise où se rejoignent les ingérences de la présidence Trump, celles de Moscou et une vague de nostalgies d’extrême droite et de national communisme.

LE 7 janvier 2025, le quotidien roumain de large diffusion, Adevarul, transmet une information du journaliste d’investigation Christo Grozev de l’ONG Bellingcat  : la Roumanie et ses bases OTAN pourraient être impliquées par Vladimir Poutine dans une négociation future concernant l’Ukraine… Il s’agirait d’un retrait de ces bases de l’OTAN. Début 2025, plus de 4000 militaires américains sont présents sur le sol de la Roumanie qui a rejoint l’OTAN en 2004.

La nouvelle secoue. Elle tombe en plein cœur d’une crise politique qui voit l’ascension de l’extrême droite roumaine favorable à Poutine.

En cas de défection de la Roumanie, quel serait l’avenir d’une vaste partie du flanc Est européen ?

Le 5 décembre 2024, le Département d’Etat américain alerte : le Partenariat Stratégique avec la Roumanie est en danger. Pour le quotidien roumain România Libera, Narcis Rosioru, publie un papier signalant un avenir sombre pour le futur de la Roumanie dans l’OTAN si un candidat souverainiste pro russe accédait à la présidence. Les mises en garde et ré- affirmations de la présence de l’OTAN et de son développement se succèdent. Le 10 décembre 2024, le ministre roumain de la Défense, Angel Tîlvar, en fonction depuis 2022, rencontre une délégation des attachés de défense des membres de l’OTAN. Il déclare : « Nous avons senti le besoin de transmettre à tous nos alliés que la Roumanie reste fermement engagée sur le parcours euro-atlantique assumé, comme option du peuple roumain d’être auprès de l’espace commun qui valorise la paix, la démocratie et la liberté. » En compagnie de l’ambassadrice des Etats-Unis, Kathleen Kavalec, le ministre roumain visite la base aérienne Capitan Aviator Constantin Cantacuzino Mihail Kogalniceanu, sur les bords de la Mer Noire. Le chef de l’État - Major des Forces Aériennes depuis 2023, Leonard Baraboi, s’est joint à cette visite. Des militaires roumains, espagnols, français et américains déploient leur activité sur cette base. Deux grands exercices militaires planifiés par le SHAPE (Supreme Headquarters Allied Power Europe) et l’USEUCOM (United States Command European), avec l’implication de 15 000 hommes dont 4000 militaires français se tiendront, de février à juin 2025. Nom de l’opération, Dacia 25. Le pacifisme anti-OTAN est redoutable. La France est fortement engagée comme nation-cadre de l’OTAN en Roumanie et devient donc une cible privilégiée d’une mobilisation pacifiste pro russe à suivre…

Ce scénario réactif du côté otanien s’inscrit dans une succession d’évènements troublants.

Appelés aux urnes à l’automne et à l’hiver 2024 pour des élections législatives et présidentielles selon un calendrier prévu, Moldaves et Roumains donnent leurs suffrages à des forces politiques fermement opposées à l’OTAN et à l’UE, affichant leur soutien à Poutine, à des candidats tombés de la lune, lancés par les réseaux sociaux, c’est le cas de Calin Georgescu, héros du premier tour des présidentielles à Bucarest.

Suspens moldave

Alors que la Roumanie sombre en une crise qui s’aggrave au fil des jours, la Moldavie, dont la neutralité est établie par la Constitution, s’accroche à un parcours européen. Ex-République soviétique, indépendante en août 1991, peuplée de 2 400 000 habitants selon le recensement de 2024 pour 33 846 km2, la capitale Chisinau est à 480 km de Bucarest et 590 km de Kiev. La Moldavie a opté pour la voie européenne : elle a obtenu le 23 juin 2022, le statut de pays candidat. La route serait tracée après une lente sortie de gestion quasi communiste des années 1990, conduite par des gouvernants issus du moule soviétique puis de crises chaotiques marquées par des affrontements violents et des scandales financiers ahurissants au fil des années 2015-2019. Les élections législatives du 27 mars 2023 ont accordé la victoire au parti présidentiel des libéraux pro- européens, contre les socialistes, les communistes et les pro russes : 62 sièges pour le PAS, (Parti Action et Solidarité) de Maia Sandu, 29 pour le bloc électoral des communistes et socialistes, 5 pour le parti Shor pro russe, 5 pour le parti Renastere pro russe et 1 pour le parti social - démocrate pro européen, (Mouvement Alternatif National, MAN.) Le referendum du 20 octobre 2024, appelant la population à se prononcer pour ou contre l’intégration dans l’UE, s’est soldé en faveur de l’Europe. La présidente sortante pro européenne Maia Sandu l’a emporté aux présidentielles en deux tours des 20 octobre et 3 novembre 2024.

Vents mauvais sur la Moldavie et la Roumanie ?
Maia Sandu
Source : Wikipedia

Ces scores résultent de combats acharnés où se sont confrontés les soutiens des Etats-Unis et de l’UE d’un côté, les réseaux sociaux, les financements, les agents d’influence pro-russes, de l’autre. La Moldavie n’est pas membre de l’OTAN et est attachée à sa neutralité, mais, la guerre proche, elle en ressent la présence, ayant accueilli en 2022 des centaines de milliers de réfugiés ukrainiens dont plus de 100 000 sont restés… Les retombées des drones n’épargnent pas toujours son territoire… La présence américaine est forte. Il y eut visites et déclarations du Département d’État, via Antony Blinken : l’époque de l’appui des démocrates s’achève avec l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche (janvier 2025). Le Département d’Etat s’est impliqué très directement lors des scrutins de 2024 en Moldavie : Antony Blinken fait savoir par un communiqué à l’approche du second tour de l’élection présidentielle « que les Etats-Unis craignent que la Russie ne tente à nouveau d’empêcher les Moldaves d’exercer leur droit souverain à choisir leurs propres dirigeants. » En mai 2024, une aide de 135 millions de dollars avait été versée à la Moldavie pour assurer sa sécurité énergétique et lutter contre la désinformation. L’influence des Etats-Unis demeurera, du fait de la formation universitaire et professionnelle aux Etats-Unis [1] de la présidente et de nombreux de ses principaux ministres. L’acceptation de la candidature de la Moldavie à l’UE s’est accompagnée d’appuis insistants lors des campagnes électorales de 2023 et 2024. Qu’il s’agisse de la France, de l’Allemagne, de la Pologne, de la présidente de la Commission européenne, les visites et les déclarations de soutiens accompagnées par des enveloppes financières importantes sont allées en faveur de Maia Sandu et de ses équipes. La Moldavie est soutenue dans la lutte contre la corruption, contre les responsables d’ingérence russe, sanctionnés par des interdictions de séjour aux Etats-Unis et en Grande Bretagne… Le Conseil de l’Europe établit des listes de sanctions. Ainsi, Ilan Shor dont le parti extrémiste pro russe a été interdit en Moldavie, est interdit de circulation en Europe tout comme l’est Evghenia Gutul, gouverneure de la région autonome de Gagaouzie, aux services de Moscou.

Le gouvernement se mobilise : des mesures d’autorité telles que la suppression de certains partis politiques et de certaines chaînes de TV, de certains réseaux sociaux. Décisions qui parfois, dérangent les observateurs occidentaux s’interrogeant sur les limites de la légalité à ne pas dépasser.

Dans ce contexte très tendu, les pro-européens l’ont emporté sur le fil du rasoir, en dépit de rumeurs de dernière heure savamment entretenues : l’intégration à l’UE conduirait la Moldavie à la guerre aux côtés de l’Ukraine, le vote pro UE au referendum impliquera-t-il de se plier aux injonctions woke et aux mœurs LGTB. Le bloc des communistes et socialistes appelle au boycott du referendum, avec un dernier argument de choc : « Quand nous allons adhérer, l’UE aura cessé d’exister. » Du côté des pro-européens, les nouvelles alarmistes circulent aux lendemains des scrutins. En octobre 2024, l’ambassade des Etats-Unis à Chisinau appelle à une enquête : des Moldaves auraient été formés par des milices russes en Bosnie dans des camps situés en Republika Srpska dans le but de déstabiliser les processus démocratiques en Moldavie.

Le Oui au referendum l’a emporté à une très faible majorité 50,3 % pour laquelle le vote de la diaspora, une diaspora pro-européenne en 2O24, a compté, avec 77% de voix favorables. Le referendum a passionné, sans pourtant mobiliser pour le vote une population qui se méfie de ses élites suspectes, jugées trop occidentalisées et corrompues. Maia Sandu a battu son rival, le socialiste Aleksandr Stoianoglo dont le puissant socialiste Igor Dodon, ex-président, allié des Russes, avait annoncé la candidature durant l’été 2024. Le duel Sandu / Stoianoglo fut médiatisé avec un entretien télévisé d’entre deux tours, duel très crispé. Le dialogue a eu lieu en roumain et en russe, Stoianoglo concluant en russe avec un appel solennel aux électeurs : il accuse le gouvernement de ne pas respecter leur liberté. Maia Sandu est revenue sur le passé de Stoianoglo, ex-procureur, ayant fermé les yeux sur les agissements d’un oligarque pro-russe, Venceslas Platon, aujourd’hui réfugié en Grande-Bretagne. Maia Sandu a accusé Stoianoglo d’être un candidat du Kremlin durant la campagne électorale. Stoianoglo, démis de ses fonctions de procureur par ordonnance du 7 octobre 2021, pour abus de pouvoir, corruption passive, faux et excès de fonction, avait porté plainte auprès de la Cour européenne des Droits de l’Homme et obtenu gain de cause en 2023. Le gouvernement moldave est condamné à l’indemniser. Aleksandr Stoianoglo est un ennemi déclaré de Maia Sandu.

Maia Sandu revient donc à la présidence avec 54,29% des suffrages contre 44,65% à Aleksandr Stoianoglo qui comptait 25,98% des suffrages au premier tour. Au premier tour, venait en troisième position un homme d’affaires, banquier, philanthrope, mécène, dont la fortune a fleuri en Russie, tout comme en Moldavie, Renato Usatiîi, à la tête du parti Notre Parti eurosceptique, populiste, pro russe, qui recueille 13, 79% des voix. Les déboires de Usatîi avec la justice font surgir les noms des barons pro-russes de Igor Dodon, à la tête du parti socialiste, d’un oligarque très actif en 2019, Vladimir Plahotniuc, aujourd’hui mystérieusement réfugié à l’étranger et depuis le mandat d’arrêt du 31 janvier 2025, recherché par Interpol. Poursuivi pour malversations électorale en 2014, Usatîi se réfugie en Russie. De retour en Moldavie, il se présente comme candidat aux élections présidentielles de 2020, Maia Sandu est alors élue avec 58% des voix au second tour face à Igor Dodon. Les rebondissements se poursuivent : le 2 janvier 2025, Usatîi est arrêté à son retour de Roumanie, envoyé à la Procurature pour le Combat Criminalité organisée et des Causes Spéciales. C’est ainsi que les oligarques poursuivis s’effacent tout en restant menaçants dans l’ombre, ou ouvertement actifs dans le cas de Ilan Shor, ouvertement pro-russe. Ilan Shor, né en 1987 à Tel Aviv, est le fils d’une famille émigrée en Israël et revenue en Moldavie. Il se fait connaître en 2015 dans l’entourage de Vladimir Plahotniuc, pour avoir participé aux manipulations et fraudes bancaires ayant coûté un milliard au pays… Argent disparu ? Alimentant des comptes russes ? La même année, Ilan Shor est élu maire d’un gros bourg proche de Chisinau, Orhei. Condamné par contumace en 2023, Shor s’installe en Israël avant de se poser en Russie d’où il opère : il fonde un nouveau parti regroupant plusieurs groupes extrémistes pro-russes dont le parti Sansa, interdit à Chisinau en 2023 .Le parti de Shor, Pobeda, ( La victoire) est interdit de participation aux élections de 2024. Mais, Shor contrôle un grand nombre de médias russes qui diffusent en Moldavie, il est propriétaire de plusieurs chaînes et affilié à la banque russe Promsvyazbank, accusée d’avoir viré, en 2024, 15 millions de dollars sur les comptes de 130 000 citoyens moldaves, achetant des votes anti UE…

Maia Sandu, dans ce climat des affaires de corruption, fraudes électorales, ingérences étrangères, a forgé une image de femme politique incorruptible. Pas de poursuite, depuis son entrée dans la vie politique comme ministre de l’Économie puis de l’Education nationale. La présidente, née en 1972, femme seule, sans compagnon affiché, sans enfant, cultive un style raide mais respectable et respecté. Durant les années de crises, entre 2015 et 2019 en particulier, lorsque les manœuvres des oligarques, avec un Vladimir Plahotniuc, poussent le pays à la ruine, elle s’est montrée déterminée, candidate victorieuse à la présidence en novembre 2020. Sa formation aux Etats-Unis, finances et administration publique, l’inscrit cependant dans la sphère des élites liées aux Etats-Unis et à l’UE. Elle semble bien éloignée du réseau de femmes politiques adoubées par Moscou telle que la gouverneure de Gagaouzie…

La Russie pèse sur la Moldavie. Au-delà des ingérences constatées, réseaux sociaux, influenceurs stipendiés durant les élections, deux espaces figurent comme pions de déstabilisation, la Gagaouzie et la Transnistrie.

Les mécontents, quel avenir ?

Région autonome depuis 1994, la Gagaouzie et ses 140 000 habitants avec pour capitale Comrat de 30 000 habitants, demeure un bastion d’influence russe. Les Gagaouzes, population d’origine turque, chrétienne orthodoxe, ont redouté en 1991 lors de l’accession à l’indépendance de la Moldavie, l’union avec la Roumanie : aujourd’hui, largement russophones, ils rejettent la place du roumain inscrit comme langue nationale dans la Constitution. Aleksandr Stoianoglo qui n’a pas revendiqué cette appartenance durant la campagne électorale, est d’origine gagaouze. Vladimir Poutine et, de manière insistante Ilan Shor , à la tête de son parti pro russe installé à Moscou, appuient fortement les Gagaouzes et leur gouverneure Evghenia Gutu. Evghenia Gutu a proposé, lors de son élection en juillet 2023 de faire de la Gagaouzie un espace de rêve là où cette région désindustrialisée produit peu, en ouvrant un vaste parc d’attractions, Gagaouziland. Seulement 5% des Gagaouzes ont voté oui à l’Union européenne, lors du referendum…

Demeurée figée dans une situation non réglée, la Transnistrie, séparée de la Moldavie depuis la guerre civile, guerre russo-moldave de 1992, état non reconnu, demeure une arme potentielle de Moscou. La Transnistrie, héritière de la République autonome soviétique socialiste moldave, ex-vitrine du stalinisme, a rompu en 1991, prenant les armes contre Chisinau afin d’échapper à un risque d’union avec la Roumanie. Un accord de cessez-le-feu est signé entre les deux parties, Chisinau et Tiraspol, le 21 juillet 1992, les Russes conservent un important dépôt d’armes à Cobasna , un contingent supposé le surveiller et font partie d’une force tripartite (Russes, Moldaves, Transnistriens) de maintien de la paix. Les années passent sans heurt entre Moldaves et citoyens de Transnistrie, alors que les négociations quant au sort futur de la Transnistrie se poursuivent sans succès jusqu’en 2022, au format 5 plus 2, impliquant les deux parties, Moldavie et Transnistrie, les trois médiateurs, Ukraine, Russie et OSCE, et deux observateurs, l’UE et les Etats-Unis. Avec en 2003 puis en 2024, des signaux d’alerte : en 2003, Vladimir Poutine propose un plan de fédéralisation de l’espace Moldavie, Transnistrie, Gagaouzie, immédiatement rejeté par Chisinau. En 2024, l’initiative vient de la présidence de Tiraspol qui lance le projet d’organisation d’un referendum d’adhésion de la Transnistrie à la Fédération de Russie [2]…Cette initiative est restée sans réponse de Moscou. La guerre russo-ukrainienne touche l’économie de la région coupée de ses échanges avec l’Ukraine et des trafics via Odessa.

C’est la guerre, la gestion de l’alimentation en gaz naturel de l’Ukraine, de la Moldavie et de la Transnistrie par Gazprom qui déclenche en l’hiver 2024/2025 une crise majeure : Gazprom cesse d’alimenter en gaz naturel la Transnistrie dépendante de ces livraisons.

A l’origine de la crise, un geste fort de Kiev qui rompt le contrat d’approvisionnement passé en 2019 avec Gazprom. Cette rupture de contrat sème le trouble en Europe chez les Slovaques et Hongrois alimentés par Gazprom. Globalement, l’UE demeure sereine : 5% seulement des importations de gaz transitent par l’Ukraine… En 2023, les contrats de transferts russo-ukrainiens entre Naftogaz et Gazprom auraient généré 800 millions pour l’Ukraine et 5 milliards pour Gazprom dont la situation est loin d’être brillante au début de 2025. En raison de l’arrêt de ses livraisons à l’Ukraine, Gazprom serait amputé de 6% de son chiffre d’affaires, envisageant de supprimer 40% des postes à son siège de Saint-Pétersbourg. Pendant que l’Ukraine se bat. Moldavie et Transnistrie essentiellement subissent des effets collatéraux. Le 3 janvier 2025, la présidence polonaise de l’UE demande de consolider l’aide à la Moldavie dans ce contexte de crise énergétique. Chisinau est préparée, Tiraspol ne l’est pas. En Moldavie, 50 % de la consommation d’énergie électrique est couverte par des importations de Roumanie. La Transnistrie, refuse l’aide offerte par Chisinau et plonge dans une situation intenable de coupure de chauffage et d’électricité. Tiraspol accuse Kiev indirectement et Chisinau directement : Gazprom alimentait la Transnistrie via le fournisseur local Tiraspolgaz, les factures de cet État non reconnu étaient adressées à Chisinau dont la dette à l’égard de Gazprom s’est creusée. Pour les autorités de Transnistrie, la responsabilité de la crise incombe à Chisinau… Tiraspol ne serait pas abandonnée par Moscou mais par le gouvernement moldave qui ne paie pas ses dettes à Gazprom. La situation est grave : souffrance des près de 500 000 habitants de Transnistrie, inquiétude de Chisinau quant au futur proche de leur alimentation limitée en gaz. Maia Sandu dénonce les manipulations russes en cette guerre hybride portée par l’arme énergétique. En Transnistrie, persiste chez les populations âgées la mémoire du conflit sanglant de 1992 : certains citoyens de Transnistrie franchissent le Dniestr par le pont Râbnita pour aller à Rezina sur la rive moldave acheter des produits de première nécessité tout en répétant à une journaliste d’Europe libre : « Avant tout, qu’il y ait la paix. »

Les Moldaves s’interrogent : quid de l’évolution à Tiraspol ? Les citoyens russophones vont–ils émigrer en Moldavie ? Vont-ils se tourner vers Moscou ? La Moldavie n’échappe pas aux conséquences de la guerre russo-ukrainienne. L’incertitude nourrit un pacifisme de survie, un puissant courant anti OTAN et une désaffection face à l’UE qui est soupçonnée de pousser au rapprochement avec l’OTAN. Une Union européenne qui tente toutefois d’améliorer la condition des habitants de Transnistrie en proposant une nouvelle aide à la Moldavie en février 2025 avec 20 millions d’euros offerts à la compagnie Energocom de Chisinau à charge d’en verser une partie à Tiraspol !

Le cas roumain : un grand bouleversement en cours

A Bucarest, ces mêmes postures anti UE et anti OTAN enflent. La Roumanie, membre de l’OTAN, membre de l’UE depuis 2007, est poussée par une vague de nationalisme populiste, mystique orthodoxe, pro russe avec des manifestations d’affinités électives puissantes pro Trump.

Lundi 20 janvier 2025, la Roumanie se trouve dans une situation inédite. Le gouvernement se réunit pour discuter du candidat aux futures élections présidentielles les 4 et 18 mai 2025. Or, le premier tour des présidentielles a bien eu lieu le 24 novembre 2024, le second tour était prévu pour le 8 décembre ! Mais, le 6 décembre 2024, les résultats du premier tour sont annulés par la Cour Constitutionnelle. Dans le même temps, les Roumains ont voté le 1er décembre 2024 pour les législatives, confiant 23 % de leurs voix au vieux Parti Socialiste (PSD) 18 % au parti AUR (Parti pour l’Unité des Roumains) présidé par George Simion et Claudiu Târziu, et 14, 5% au vieux Parti Libéral (PNL) . Le parti USR (Union pour sauver la Roumanie) de la candidate à la présidence Elena Lasconi, maire de Câmpulung, n’atteint que 11, 91 % des suffrages. Le parti de la minorité hongroise (UDMR) recueille 6, 5% des suffrages, score assez habituel depuis 1990. Phénomène quelque peu inattendu, des formations extrémistes nouvelles, SOS Romania et le Parti des Jeunes [3] (POT) franchissent le seuil des 5%, avec respectivement, 7,5% et 6, 2% des voix.

Calin Georgescu
Source : Wikipedia

Un constat s’impose, celui de la montée des extrêmes droites, portée par le parti AUR. A noter : la diaspora roumaine en France a voté largement pour les partis de l’extrême droite, Aur, SOS România et POT. Les Socialistes et les Libéraux ont vu leurs partis s’éroder depuis les législatives de 2020. Faute de reconnaissance de l’élection présidentielle qui a fait surgir comme vainqueur au 1er tour un homme qui semble venu de nulle part, Calin Georgescu, le président sortant Klaus Iohannis, décide de rester en place, un gouvernement de coalition qui regroupe Socialistes, Libéraux et membres du parti de la minorité hongroise est constitué. Le petit parti SOS România saisit la Cour Constitutionnelle : le mandat de Klaus Iohannis a expiré, son maintien au poste de président n’est ni légal, ni légitime. Rapidement, la campagne contre Klaus Iohannis se met en place. Le scénario d’union Socialistes et Libéraux avec l’appui du parti hongrois pourrait constituer une sortie de crise, dans l’attente de nouvelles élections repoussées à mai 2025, si ce n’est qu’une importante partie de l’opinion se mobilise et conteste avec force l’annulation du vote du 24 novembre 2024. On parle « d’élections volées », de « mise aux ordures de 9 millions de voix ».

A Bucarest et dans les grandes villes de province, les rassemblements de protestation s’organisent à l’appel du candidat évincé Calin Georgescu, orchestrés par le parti Aur. La chaine de télévision de grande écoute Realitatea TV multiple les scoops d’informations qui dénoncent les ingérences occidentales contre la souveraineté roumaine. La chaîne rappelle l’influence jugée délétère du mécène américain démocrate Soros infiltrant la Roumanie depuis la chute du communisme, fin 1989. Le 2 janvier 2025, les supporters de Calin Georgescu marchent sur le gouvernement au nom de la Liberté ( Libertate) . Ils récidivent : le vendredi 17 janvier 2025, les manifestants, George Simion, président du parti AUR en tête du cortège, réclament le départ de Klaus Iohannis, l’organisation urgente de présidentielles. Ils contestent l’annulation du 1er tour et condamnent l’éviction de Calin Georgescu. Les syndicats de police manifestent dans la rue, réclamant des forces supplémentaires et l’indexation de leurs pensions sur l’inflation. Les rumeurs les plus folles circulent : le FMI dont la visite est prévue pour le début février 2025 est accusé par Calin Georgescu de venir « acheter le pays pour rien. » En 1990, les forces opposées à la démocratisation, tenaient un langage analogue pour dénoncer ceux qui « vendaient le pays aux étrangers ». De leur côté, les institutions résistent : la Cour de Cassation rejette le 17 janvier 2025 le recours formulé par Calin Georgescu contre l’annulation des présidentielles de 2024.

Coup de tonnerre dans un ciel bleu ? Retour de violence en Roumanie et rappel des moments sanglants de la révolution/coup d’état [4] de décembre 1989 ? Quelle panique a saisi les forces tranquilles conservatrices, socialistes, libéraux et parti de la minorité hongroise, habituées à gouverner en alternance ou en coalition, sans crise apparente alarmante pour faire annuler le 1er tour des présidentielles ?

Le retour sur le déroulement et les modalités de l’élection présidentielle du 24 novembre 2024 s’impose. L’Eglise orthodoxe demande au corps ecclésiastique de ne pas s’exprimer de manière partisane durant la campagne électorale. Certains candidats sont attendus, sans surprise : le premier ministre sortant, Marcel Ciolacu du Parti Social- Démocrate (PSD), trois autres suscitent l’intérêt d’une opinion lassée par une routine dénuée de grands projets durant les deux mandats de Klaus Iohannis : Calin Georgescu, 62 ans, quasiment inconnu, indépendant, d’extrême droite, Elena–Valeria Lasconi, journaliste, maire de Câmpulung, militante anti -corruption, pro européenne, et George Simion, à la tête du parti de droite AUR qui s’installe dans le paysage politique depuis sa création en 2019 et est représenté au Parlement européen depuis juin 2024. L’ancien Secrétaire général adjoint de l’OTAN, Mircea Geoana, figure sur la liste comme indépendant, il ne recueille que 6, 32% des suffrages ! Le président sortant Klaus Iohannis s’était, en vain, le 12 mars 2024 porté comme candidat successeur du secrétaire général de l’OTAN. C’est Mark Rutte qui fut retenu. La Roumanie est un membre important de l’OTAN sur le flanc Est de l’Europe sans que cette position lui vaille, soulignent certains, une quelconque reconnaissance au sein de l’Alliance. Ces engagements atlantistes servent, au contraire, la propagande pacifiste anti-OTAN de l’extrême-droite. Le 22 janvier 2025 Calin Georgescu attaque Klaus Iohannis pour s’être soumis à la volonté de Biden et du Département d’Etat, en passant notamment des contrats d’armements.

Les étapes de prise du pouvoir par les extrémistes nationalistes se sont poursuivies et s’accélèrent.

C’est le héros de l’extrême droite, Calin Georgescu qui crée la surprise le 24 novembre 2024 : il recueille 22,95% des voix, les sondages le situaient à 9% des intentions de vote, face à Elena Lasconi avec 19,17% des suffrages. George Simion est bien présent, 13,87 % des voix devançant le candidat Nicolae Ciuca, du parti libéral qui n’atteint que 8,79% des électeurs…Stoianoglo a secoué la Moldavie, Calin Georgescu à son tour ébranle la Roumanie. Le héros de l’ Antisystème, séduit et menace. Klaus Iohannis l’a décidé : Il n’y aura pas de second tour des présidentielles le 8 décembre 2024, pas de duel Georgescu contre Lasconi. A la demande de la présidence, les documents concernant la campagne sont déclassifiés : quid du rôle du réseau Tik Tok en faveur de Georgescu, quid de l’action des influenceurs, quid des responsables des cyber attaques ? [5] Le Conseil Suprême de Défense du pays est réuni, la Cour Constitutionnelle tranche : les élections sont annulées, tout le processus électoral avec inscription et validation des candidats doit être repris [6]. Calin Georgescu sera-t-il autorisé à se présenter de nouveau comme candidat ? George Simion et son parti Aur dénoncent un coup d’état, le parti Libéral appelle au calme, Elena Lasconi se démarque et déclare la décision de la Cour Constitutionnelle comme illégale et immorale. Le 10 décembre 2024, les partis Socialiste, Libéral et hongrois s’accordent pour trouver un candidat pro-européen pour les futures élections présidentielles, Klaus Iohannis convoque le Parlement pour le 20 décembre 2024. L’homme de la situation sera déniché : Crin Antonescu, d’obédience libérale, en retrait de la vie politique depuis une dizaine d’années, dépourvu de réelle popularité. Un personnage pointe dans les médias : Dan Nicusor, le maire de Bucarest,mathématicien formé en France, éclairé, anti–corruption, apprécié pour sa gestion de Bucarest, fondateur du parti Union pour sauver la Roumanie (USR) qu’il a quitté en 2017.

La Roumanie morose, fortement secouée par le COVID, plonge en crise : d’un côté, ajustements démocratiques conservatoires de dernière heure, de l’autre, une machine de conquête du pouvoir avec un héros souverainiste qui fait figure d’indépendant, Calin Georgescu et un parti structuré, doté d’un projet, dirigé par George Simion, et Claudiu Târziu, Aur.

Le parcours à venir est incertain : la date des élections présidentielles est lointaine, mai 2025. Le sort de Calin Georgescu n’est pas tranché : autorisé ou récusé pour la présidentielle ? Menacé le 10 février 2025 par une pétition portant plus de 100 signatures, brandie avec force par les partis extrémistes qui réclament sa démission pour la troisième fois, le président Klaus Iohannis annonce sa décision : il quitte ses fonctions. Le président du Sénat président du Parti Libéral Ilie Bolojan prend la relève comme président intérimaire. Iohannis a mesuré qu’un débat parlementaire autour de cette démission ou un referendum ferait monter les divisions et le chaos. Que serait-il advenu si les partis Socialiste et Libéral, membres de la coalition au pouvoir se déchiraient sur le sujet ?

Les avis divergent : trop tard pensent de nombreux roumains. Le candidat à la présidence Dan Nicusor déclare : « Le mécontement des gens face à la classe politique demeure. » Les partis extrémistes poursuivent leur mobilisation : le 11 février 2025, le parti Aur dénonce l’USAID comme vecteur de propagande hostile aux valeurs traditionnelles tandis que Calin Georgescu appelle à un boycott des produits étrangers dans les hyper marchés qui risquent d’empoisonner la population…

Les étapes de prise du pouvoir par les extrémistes nationalistes se sont poursuivies et s’accélèrent.

La rupture : de l’UE au rêve de la Grande Roumanie chrétienne, souverainiste, alliée de la Russie

Le 3 janvier 2025, lors d’une manifestation contre « le vol » des élections, George Simion s’est exprimé : « le vote des Roumains a été volé. Klaus Iohannis est un homme qui usurpe le pouvoir, illégitime. Nous devons prendre toutes les mesures nécessaires pour restaurer la démocratie. Les soutiens de Calin Georgescu ont le droit de sortir dans la rue. » La mémoire de l’investissement du Capitole par les partisans de Donald Trump, le 6 janvier 2021, est dans tous les esprits. Un modèle de prise de pouvoir direct par le peuple ?

Le scénario se déroule comme si s’étaient épuisés plus de trente ans d’histoire de démocratisation et de combats pour l’intégration dans les structures et dynamiques occidentales.

Le thème de l’appel direct au peuple nourrit la mobilisation, à coup de slogans répétitifs et avec la mise en place de rituels et de symboles unificateurs.. Le mot d’ordre dominant des manifestants de janvier 2025 : contre l’annulation des élections présidentielles. Avec, une aspiration à la paix, omniprésente. Lors de l’annonce des résultats du vote du 24 novembre 2024, Georgescu s’était écrié que la paix l’avait emporté, le 11 janvier 2025, il déclarait sur Facebook que l’OTAN va attaquer la Russie à partir de la Roumanie… Dès le 4 décembre 2024, Calin Georgescu faisait savoir qu’il entendait mettre fin à la guerre avec l’Ukraine. L’obsession de la paix est affirmée, en Moldavie neutre, en Roumanie, membre de l’OTAN. De son côté, George Simion cultive la tradition nationale paysanne rassurante : il invite des milliers de participants à un buffet populaire très généreux, lors de son mariage, le 27 août 2022. Calin Georgescu appelle ses supporters à s’unir dans une vaste ronde traditionnelle, la Hora, le 24 janvier 2025 dans le parc de la Jeunesse (Parcul Tineterului) à Bucarest. Calin Georgescu s’est hissé, en moins d’un mois, au centre du paysage politique. Son programme, en quelques lignes : souverainisme anti-UE et anti-OTAN, admiration pour Poutine, affirmation des valeurs traditionnelles anti homosexuelles, anti LGTB, culte des héros patriotes que furent les Légionnaires de l’entre-deux-guerres, anti vaccin : résidant à Vienne durant les années COVID, il se fait alors photographier en homme musclé nageant dans un lac autrichien glacé pour témoigner de sa confiance en son immunité, le vaccin serait un geste de mépris vis-à-vis de l’homme, créature de Dieu. Cette posture n’est pas pour offusquer en Roumanie : la Roumanie, avec la Bulgarie, fut l’un des pays les moins vaccinés d’Europe, elle a enregistré durant la pandémie COVID près de 70 000 morts pour 19 millions d’habitants. Les étapes du CV de Georgescu surprennent par certaines de ses fonctions dans le cadre de l’ONU [7] ; son intérêt scientifique pour l’écologie et le développement durable est associé à l’attention qu’il porte à la naturopathie. Georgescu n’est pas un justicier solitaire, il est lié aux réseaux extrémistes roumains et cela, de longue date. Ses contacts remontent au temps des hauts dignitaires du régime de Ceausescu. Ainsi, par exemple, Georgescu revendique comme mentor, l’académicien, mathématicien, ministre de l’éducation, en 1972, ambassadeur à Genève et aux Etats -Unis entre 1982 et 1984, Mircea Malita [8], président et fondateur de l’université de la Mer Noire. Ses fonctions successives illustrent un parcours de haut fonctionnaire technocrate dont la notoriété émerge durant le COVID, de par la diffusion des sites anti vaccin. Suit une phase de silence, des années passées à Vienne, et soudain, est brandie cette candidature de novembre 2024. Calin Georgescu est un proche de Eugen Sechila, ancien de la Légion étrangère, l’une des figures du révisionnisme roumain. Eugen Sechila et sa femme Elena Puiu dirigent l’association « Gogu Puiu si Haiducii Dobrogei ». L’ Association organise des hommages aux héros et aux martyrs du peuple roumain avec des manifestations culturelles et sportives dans l’archidiocèse de Tomis, tenu par Teodosie. Un archidiocèse célèbre dont le siège est à Constantza. L’évêque Teodosie s’est fait connaître pour son opposition publique au passe sanitaire durant la COVID, pour sa défense des valeurs familiales, pour être poursuivi par la Direction Nationale Anti- Corruption, et pour son soutien à la candidature de Calin Georgescu, « envoyé de Dieu », soutien condamné par le Saint Synode. Co- président du parti AUR, Claudiu Târziu, juriste, formé en Roumanie administration et sciences politiques, fait figure d’intellectuel/ idéologue, très présent auprès des éditions Rost ( le But) (qui ont succédé à l’Association Rost fondée en 1994) qui publient en 2021 son ouvrage de credo : « Rostul generatiei noastre ».( le But de notre génération) Târziu s’est beaucoup exprimé au printemps 2024, lors de la campagne pour les européennes [9]. Ses discours accompagnent l’élection de Donald Trump et se fondent sur le discours inaugural du président américain : le 21 janvier 2025, Târziu reprend les thèmes évoqués par Donald Trump pour décliner les objectifs de son mouvement : mettre fin au délire néo-marxiste de l’UE qui nous conduit au bord du gouffre. Quelques points pour inspirer la Roumanie qui doit défendre son intérêt national de la même manière que l’Amérique défend sa grandeur :

. La souveraineté reconquise ;
. Le contrôle aux frontières ;
. L’indépendance énergétique ;
. La justice et la liberté d’expression ;
. La défense nationale puissante ;
. Les valeurs traditionnelles.

L’avenir de Calin Georgescu demeure toutefois au début l’année 2025, encore incertain. Interdire sa candidature à la présidence risque de renforcer la mobilisation de la rue anti-système. Il bénéficie du soutien du parti structuré AUR dont le chef George Simion déclare, mi-janvier 2025, ne pas être candidat à la présidence, mais qu’il serait prêt à se présenter s’il le faut.

L’évolution brutale de la Roumanie ébranle la sécurité du flanc Est de l’UE et renforce la puissance des partis de droite conservatrice de l’UE. La vague de l’idéologie anti–système américaine, l’affaiblissement démocratique d’une UE divisée, sont autant d’atouts pour l’extrême droite roumaine qui bénéficie d’une insatisfaction économique grandissante vu le déclin de la croissance. Les voix de la résistance démocratique humaniste se sont quasiment tues. La candidate opposée à Calin Georgescu, pour le second tour annulé, Elena Lasconi, n’est pas une grande figure populaire. Crin Antonescu, de philosophie politique libérale non récusé par les Socialistes, s’est fait connaître en 2012 pour son opposition au président Traian Basescu, il s’est effacé depuis. Quels furent les derniers combats des démocrates ? Où sont les penseurs des Droits de l’Homme ? Le scénario se déroule comme si s’étaient épuisés plus de trente ans d’histoire de démocratisation et de combats pour l’intégration dans les structures et dynamiques occidentales. Le contexte américain, celui de l’épanouissement des droites souverainistes en Europe, l’impopularité de la guerre en Ukraine éclairent la pulsion populiste roumaine. Sans oublier un héritage extrémiste idéologique et militant de la fin des années Ceausescu et des années 1990 qui après avoir fleuri avec la chute du communisme, s’était trouvé marginalisé au fil des étapes de l’adhésion à l’OTAN et de l’intégration [10] dans l’UE : le poids de la nostalgie fasciste pèse lourd en 2025 dans une vague anti occidentale démocratique, au service de la Russie de Poutine.

Pour le proche avenir, la nouvelle entente entre Trump et Poutine va peser lourd sur les élections présidentielles roumaines : le 14 février 2025, lors de la réunion de la Conférence sur la sécurité à Munich, le vice-président américain J.D Vance critique durement l’annulation des élections présidentielles actée par la Cour Constitutionnelle Roumaine le 6 décembre 2024 : cette décision aurait été prise sous l’influence de pressions venues des partenaires européens.

Copyright Février 2025-Durandin/Diploweb.com


Plus

Podcast, vidéo et synthèse rédigée
Planisphère. Candidate à l’UE, comment caractériser la Moldavie post-élections ? Avec C. Durandin

Sur RND


Pour ne rien rater de nos nouvelles publications, abonnez-vous à la Lettre du Diploweb !

[1Catherine Durandin, « Moldavie : Le défi, un pari », éditions Petra, 2024, pp. 112-114

[2Catherine Durandin, « Transnistrie : vers une annexion à la Fédération de Russie ? » 5 mars 2024, Diploweb.com

[3Le parti SOS România dirigée par la députée Sosoaca, ex membre de AUR, demande le retrait de l’UE et manifeste des visées irrédentistes en Ukraine. Le parti POT est fondé par Anamaria Gavrila, enregistré en mars 2023.

[4NDLR Cf Radu Portocala, Autopsie du coup d’État roumain : au pays du mensonge triomphant, éd. Calmann-Lévy, 1990.

[5NDLR : Cf. SGDSN, Manipulation d’algorithmes et instrumentalisation d’influenceurs : enseignements de l’élection présidentielle en Roumanie & risques pour la France, 4 février 2025. VIGINUM publie un rapport « Enjeux systémiques » portant sur les manipulations de l’information ayant ciblé l’élection présidentielle roumaine de 2024. https://www.sgdsn.gouv.fr/publications/manipulation-dalgorithmes-et-instrumentalisation-dinfluenceurs-enseignements-de

[6Le Ministère de la Justice informe le 25 janvier 2025 que les enquêtes se poursuivent sur les cyber attaques dans la période électorale.

[7Calin Georgescu, 62 ans, est diplômé en agronomie à Bucarest. Il fut en 1991 chef du bureau sénatorial de l’environnement au Parlement à Bucarest, et de 1999 à 2012, délégué de la Roumanie pour le Programme des Nations Unies pour l’environnement.

[8Mircea Malita (1927-2018). Engagé dès 1948 dans les Jeunesses Communistes, longue carrière professorale, diplomatique durant le régime Ceausescu, Académicien reconnu pour ses travaux sur les mathématiques dans les négociations internationales, dans les années qui suivent la chute des Ceausescu (1989).

[9Claudiu Târziu élu au Parlement européen en juin 2024 est affilié au groupe des Conservateurs et Réformistes Européens. Invité le 20 janvier 2025 à Washington pour l’inauguration de la présidence Trump.

[10Catherine Durandin, Roumanie, un piège ? Editions Hesse, 2001.

Diploweb est sur Tipeee
Vous aussi soyez acteur du Diploweb ! Soutenez-nous via notre page tipeee.com/Diploweb
Les livres de Diploweb sont sur Amazon
des références disponibles via Amazon sous deux formats, Kindle et papier broché

DIPLOWEB.COM - Premier site géopolitique francophone

SAS Expertise géopolitique - Diploweb, au capital de 3000 euros. Mentions légales.

Directeur des publications, P. Verluise - 1 avenue Lamartine, 94300 Vincennes, France - Présenter le site

© Diploweb (sauf mentions contraires) | ISSN 2111-4307 | Déclaration CNIL N°854004 | Droits de reproduction et de diffusion réservés

| Dernière mise à jour le mercredi 19 mars 2025 |