www.diploweb.com Géopolitique
de l'AsieLa Chine, les talibans et
le Xinjiang,
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T. Kellner détaille les relations - méconnues - entre la Chine communiste et le régime des talibans afghans. En outre, il attire l'attention sur la répression chinoise contre les indépendantistes ouïgours sur lensemble du territoire du Xinjiang, à la faveur de la crise internationale causée par les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. |
Biographie de l'auteur en bas de page Mots clés - key words: thierry kellner, chine, talibans, xinjiang, suites des attentats du 11 septembre 2001 aux états-unis, guerre en afghanistan, géopolitique de l'eurasie, relations chine-afghanistan, organisation de coopération de shanghaï, asie centrale, russie, kazakhstan, kirghizstan, tadjikistan, ouzbékistan, séparatisme terrorisme et fondamentalisme islamique, pakistan, répression contre les indépendantistes ouïgours en chine, héroïne afghane, géopolitique des drogues, otan. |
A la mi-septembre 2001, la presse internationale annonçait que Pékin venait de conclure le 11 de ce mois un protocole daccord visant à étendre ses relations économiques et sa coopération technique avec le régime des talibans Afghans (2). Dans le contexte des attentats de New-York et de Washington, le Ministère chinois des Affaires étrangères sest empressé de nier la conclusion dun tel accord (3). Cette information permet cependant de mettre en lumière les relations ambigües que la Chine entretient alors avec Kaboul. AmbiguïtéDun côté Pékin a été en 1996 à lorigine du groupe de Shanghai, devenu en juin 2001 l'Organisation de coopération de Shanghai. Outre la Chine, celle-ci regroupe la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Tadjikistan et depuis lété 2001 lOuzbékistan. Lun de ses principaux objectifs est de lutter contre le séparatisme, le terrorisme, et le fondamentalisme islamique. De lautre côté, la Chine a - contrairement à la Russie- tenté de tisser des relations avec lAfghanistan des talibans. Si avec la chute en avril 1992 du régime Najibullah et les luttes de factions qui dégénèraient à Kaboul après la prise de pouvoir par les moudjahidins, Pékin mettait fin à sa présence diplomatique en février 1993, on a pu assister depuis 1999, à une reprise des contacts entre la capitale chinoise et le régime des talibans. Visites réciproquesEn février 1999, cinq diplomates chinois se rendaient ainsi dans la capitale afghane. A lissue de cette rencontre, Pékin annonçait quelle acceptait linstauration de relations commerciales officielles avec les talibans et lorganisation de vols directs entre Kaboul et Urumqi (4). En décembre 1999, cétait au tour des talibans de rendre visite à Pékin. Une délégation composée de trois membres du gouvernement, dirigée par un officiel du ministère des Affaires étrangères, Maulana Abdur Rehman Zahid, effectuait ainsi une mission de quatre jours en Chine (5). Les discussions entre les deux parties auraient porté sur une aide économique éventuelle de Pékin au régime de Kaboul. En novembre 2000, des membres de lInstitut pour létude des relations internationales contemporaines de Pékin, un important think-tank gouvernemental, faisaient le déplacement à Kaboul. Fait significatif, un mois plus tard, lambassadeur de Pékin à Islamabad, Lu Shulin, rencontrait mollah Mohammed Omar, pourtant connu pour sa froideur à légard des non-musulmans. Outre ces visites et malgré lembargo décrété par les Nations Unies, Pékin a établi des relations économiques et commerciales avec lAfghanistan par le biais de ses sociétés. Cest ainsi que deux compagnies chinoises (Huawei Technologies Co. et ZTE) auraient travaillé à équiper les villes de Kaboul et Kandahar en matière de télécommunication (6). Pourquoi ?Comment expliquer les relations d'alors entre la capitale chinoise et le régime de Kaboul ? En fait, face au régime des talibans, la position de Pékin est très inconfortable. Depuis de nombreuses années la Chine a tissé des liens très étroits avec le Pakistan. Aussi était-t-elle très réticente à sengager contre un régime protégé par son allié pakistanais. Pékin nentendait en effet pas affaiblir la position dIslamabad face à New Delhi en sopposant à sa politique à légard des talibans. Dun autre côté cependant, la Chine se méfie de Kaboul pour un certain nombre de raisons. La première que lon peut évoquer et qui surprendra dans le contexte actuel, est que Pékin a longtemps considéré les talibans comme un instrument de Washington. Comme le précisait une étude chinoise consacrée à la géopolitique du Xinjiang, les talibans représentaient une forme de lislam proche de celle de lArabie saoudite avec lequel les Etats-Unis pouvaient sentendre (7). Pour lauteur de l étude en question, les talibans constituaient donc un danger pour la Chine du fait de leur proximité avec Washington. Après les attentats anti-américains de 1998, alors que les relations entre la Maison blanche et Kaboul se refroidissaient, celles entre Pékin et les talibans prennaient leur essor. EnjeuxSur le fond, ce sont principalement des raisons de sécurité qui ont amené Pékin à développer des relations directes avec le régime taliban afghan. En effet, le danger dune instrumentalisation de Kaboul par Washington samenuisant, les talibans demeuraient cependant un sujet de préoccupation important pour Pékin. En développant des liens avec le pouvoir des talibans, mais aussi en exerçant des pressions sur Islamabad, Pékin cherchait en fait à se prémunir contre des problèmes touchant à sa sécurité. Premièrement, lassistance que pourrait offrir les talibans aux mouvements indépendantistes ouïgours menaçant la stabilité de sa région autonome du Xinjiang . Deuxièmement, il sagissait aussi sans doute de prévenir lafflux de lhéroïne afghane à bon marché sur son territoire. Concernant le problème du Xinjiang, il est certain que des militants ouïgours ont été formés par les moujahidins afghans avec qui ils ont combattu depuis 1986. Certains dentre eux ont également étudié dans des madrasas dirigées par les talibans. Sil est également avéré que des Ouïgours ont combattu aux côtés des talibans en Afghanistan contre les troupes de lAlliance du Nord, leur nombre est toutefois incertain. Les analyses occidentales avancent des chiffres situés entre 200 et 500 combattants dans les rangs des talibans alors que les autorités chinoises parlent de 2000 à 3000 militants ouïgours ayant transité par lAfghanistan. Cest pour éviter que ces indépendantistes ne rentrent au Xinjiang et ne déstabilisent cette région que Pékin a tenté dobtenir des talibans la promesse quils ne soutiendraient pas les mouvements ouïgours en échange de lessor de liens économiques (8). Cette politique de Pékin ressemble beaucoup à celle quelle a mis en oeuvre depuis 1991 à légard des pays de l ex-Asie centrale soviétique. InquiétudesLes attentats du 11 septembre 2001 changent cependant la donne. Pour Pékin, lélimination du régime des talibans ouvre la porte à lincertitude. Les frappes américaines en Afghanistan pourraient avoir des retombées sur son allié pakistanais. Il est clair quune déstabilisation de ce pays affaiblirait aussi la position de Pékin face à lInde. La Chine se méfie également des répercussions de la guerre sur lensemble de lAsie centrale. Une déstabilisation de la zone aurait des conséquences graves sur sa région autonome du Xinjiang. Pour lavenir, les intentions américaines dans la région constituent également une source dinquiétude pour Pékin. La Chine ne veut à aucun prix voir des bases militaires américaines ou de lOTAN sinstaller en Asie centrale. Les autorités chinoises craignent en effet que cette présence militaire ne puisse être mise à profit en cas de difficultés avec Washington. Il est clair que la Chine est vulnérable au Xinjiang du fait du renforcement du sentiment national ouïgour depuis lindépendance des Républiques dAsie centrale en 1991. InstrumentalisationsEn attendant, Pékin tente de tirer un maximum de profit de la situation actuelle. Au nom de la lutte contre le terrorisme lancé par Washington, la Chine a considérablement renforcé son dispositif militaire au Xinjiang. Sa frontière avec l Afghanistan est bouclée et certaines zones de la région autonome ont été fermées aux journalistes étrangers. Plus préoccupant, parallèlement à ce black-out, la Chine a accentué sa répression contre les indépendantistes ouïgours sur lensemble du territoire du Xinjiang. Utilisant la même méthode que le pouvoir russe à légard des Tchétchènes, les autorités chinoises nhésitent pas à assimiler les mouvements séparatistes ouïgours au terrorisme islamiste. Si, pour des raisons pragmatiques les gouvernements occidentaux acceptent cet amalgame, les grands perdants des bombardements américains sur lAfghanistan pourraient être en Chine, les populations ouïgoures du Xinjiang. Thierry Kellner Joindre lauteur : kellner4@hotmail.com Notes : (1) Co-auteur avec M-R. Djalili de " Géopolitique de la nouvelle Asie centrale ", Paris, PUF, 2001, 313p. (2) Voir POMFRET, J., " China Strengthens Ties With Taleban by Signing Economic Deal ", International Herald Tribune, September 13, 2001 et MACLEOD, C., " China-Taliban deal signed on attack day ", United Press, September 14, 2001. (3) Voir Ministry of Foreign Affairs Spokesman on the reported relations between China and the Taliban, September 15, 2001 in http://www.fmprc.gov.cn/eng/. (4) RASHID, A., " Pourquoi Pékin renoue avec les talibans ", Courrier International, n°440, 8 avril 1999. (5) KHAN, A. " Taliban team winds up crucial visit to China ", The Frontier Post, December 28, 1999 in www.afghan-politics.org (6) Les deux firmes auraient ainsi accepté dinstaller 12 000 lignes téléphoniques à Kandahar et 5000 lignes à Kaboul. " China Firm Trades with Taliban ", FEER, March 15, 2001 et MURPHY, D., LAWRENCE, S., " Beijing hopes to gain from U.S. Raids on Afghanistan ", FEER, October 4, 2001. (7) SHI, Lan, " Xinjiangde diyuan zhenzhi " (Géopolitique du Xinjiang) in PAN, Zhiping, Minzu zijue haishi minzu fenlie. Minzu he dangdai minzu fenlizhuyi (Autodétermination ou séparatisme. Les minorités et le séparatisme), Wulumuqi, Xinjiang renmin chubanshe, 1999, pp. 365-366. (8) " Taleban assure China over extremists ", BBC News, July, 25, 2000. Copyright 20 novembre 2001-Kellner/www.diploweb.com L'adresse url de cette page est : http://www.diploweb.com/p5kell1.htm |
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Biographie de Thierry Kellner, doctorant |
Mise à jour mars 2003 |
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Parcours universitaire 1986-1991: Licence en Sciences politiques et relations internationales à lUniversité Libre de Bruxelles (Belgique). 1991-1993: Licence spéciale en Droit international à lUniversité Libre de Bruxelles. 1994-1996: Diplôme dEtudes supérieures en Histoire et politique internationale à lInstitut Universitaire de Hautes Etudes Internationales (Genève, Suisse). 1996-1997: Etudiant au Chinese Language Center de lUniversité de Tunghai (Taiwan). 2000: Etudiant au Language Center de la Chengchi University (Taïpeh, Taïwan). 1997-2001: Doctorant à lInstitut Universitaire de Hautes Etudes Internationales à Genève. La thèse est consacrée aux relations entre la République populaire de Chine et les Républiques dAsie centrale depuis 1991. Bibliographie Livres KELLNER, T., contribution à "La Dépendance pétrolière. Mythes et DJALILI, M.-R., KELLNER, T., Géopolitique de la nouvelle Asie centrale, De la fin de l'URSS à l'après-11 septembre, Paris, PUF, 2003, 585p. DJALILI, M.-R., KELLNER, T., Géopolitique de la nouvelle Asie centrale, Paris, PUF, 2001, 311p. Articles DJALILI, M.-R., KELLNER, T.,"L'Asie centrale un an après le 11 septembre", Le Courrier des Pays de l'Est, n°1027, août 2002, pp. 4-14. KELLNER, T., "Chine: La situation des Ouïgours de lindépendance des républiques centrasiatiques à laprès-11 septembre", UNHCR, Centre for Documentation and Research, WriteNet paper, n°1/2002, mai 2002, 26p. DJALILI, M.-R., KELLNER, T.,"Canaux et canalisations. La Caspienne dans la nouvelle configuration géopolitique de l'après-11 septembre", Outre-Terre (Revue Française de Géopolitique), n°2, mai 2002, pp. 115-148. KELLNER, T., "La Chine et la nouvelle Asie centrale. De l'indépendance des républiques centrasiatiques à l'après-11 septembre", Rapport du GRIP, Bruxelles, 2002/1, 39p. (http://www.ib.be/grip/pub/pub.html#rapports). DJALILI, M.-R., KELLNER, T., "L'Asie centrale après le 11 septembre. Incidences géopolitiques de la crise afghane et facteur islamique", UNHCR, Centre for Documentation and Research, WriteNet paper, n° 07/2001, January 2002, 67p. en ligne http://www.unhcr.ch/cgi-bin/texis/vtx/rsd?search=coi&source=WRITENET KELLNER, "Le Xinjiang et les Ouïgours", janvier 2002 in http://www.diploweb.com/p7kell2.htm KELLNER, T., " La République populaire de Chine et la nouvelle Asie centrale dix ans après lindépendance ", 35p. in "The OSCE and the Multiple Challenges of Transition in the Caucasus and Central Asia (1991-2001), Geneva, December 2001. (En préparation) KELLNER, T., "La Chine, les talibans et le Xinjiang", décembre 2001, in http://www.diploweb.com/p5kell1.htm DJALILI, M.-R., KELLNER, T., " La Russie et la nouvelle Asie centrale ", Géostratégiques, n° 1, janvier 2001, in http://www.strategicsinternational.com DJALILI, M.-R., KELLNER, T., " Moyen-Orient, Caucase et Asie centrale : des concepts géopolitiques à construire et à reconstruire ? ", Central Asian Survey, vol. 19, n°1, 2000, pp. 117-140. KELLNER, T., " La Chine et le pétrole, enjeux stratégiques ", Transitions, vol. XXXIX, n°2, 1998, pp. 161-179. DJALILI, M.R., KELLNER, T., " Pétrole et gaz de la Caspienne, entre mythe et réalité ", Transitions, vol. XXXIX, n°2, 1998, pp. 121-158. KELLNER, T., " La Chine et les Républiques dAsie centrale : de la défiance au partenariat ", Cahiers détudes sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, n°22, juillet-décembre 1996, pp. 277-313. |
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