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La Chine aujourd'hui,

par l’ambassadeur honoraire des Pays-Bas Dr Anton G.O. Smitsendonk. 

Entretien avec Pierre Verluise

 

Voici un entretien singulier. Commencé de visu à Paris, il s’est poursuivi grâce à Internet alors que l’ambassadeur A. Smitsendonk résidait en Chine. Connaissant ce pays depuis plus de vingt ans, il nous propose ici une formidable fresque de la Chine à l’aube du XXI e siècle. A la façon d’une conversation, le texte ci-après aborde de nombreux sujets : l’évolution économique et ses effets sur le cadre de vie, les élites contemporaines, les relations entre Chinois, le jeu diplomatique de Pékin, l’organisation de l’espace économique, la fonction de Hong Kong, les limites financières qui pèsent sur le développement. L’auteur donne même de judicieux conseils aux entreprises qui souhaiteraient s’installer en Chine.  

 

De nationalité hollandaise, le Dr Anton G.O. Smitsendonk a eu l’amabilité de parler puis de  rédiger ces échanges en français . Combien d’entre nous auraient été capables de le faire en hollandais ?  Le texte initial a été corrigé par Sylvie Verluise. Les quelques fautes qui subsistent inévitablement ne retirent rien à l’intérêt de cet entretien singulier que nous vous livrons au terme de plusieurs mois de travail.

Biographie de l'auteur en bas de page.

Mots clés - Key words: anton smitsendonk, géopolitique de l'asie, chine, évolution économique et ses effets sur le cadre de vie, élites chinoises contemporaines,   relations entre Chinois, jeu diplomatique de Pékin, organisation de l’espace économique, fonction de Hong Kong, limites financières qui pèsent sur le développement chinois, conseils aux entreprises souhaitant investir en chine ou se dégager d'un conflit.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voir une carte de la Chine dans son environnement stratégique

 

 

 

Excellence, comment situer votre point de vue ?

Je connais la Chine depuis 1982 et j’y reviens régulièrement pour de longues périodes. Venant de Washington où j’avais la fonction de Ministre économique, j’ai eu la chance d’être nommé à Pékin en 1982. Je suis d’abord arrivé dans la capitale chinoise  avec le titre de « Chargé d’affaires en  pied », ce qui implique la pleine responsabilité d’un chef de poste.  Cette fonction diffère d’un « chargé d’affaires ad intérim » qui est seulement en charge durant les absences de l’ambassadeur.  C’est un titre diminué, une « capitis diminutio». Pourquoi cette entrée en Chine « sous un nuage » ?  Une entreprise hollandaise avait précédemment vendu des sous-marins à Taiwan. Les Chinois ont voulu montrer – surtout aux grandes puissances – qu’ils ne voyaient pas une telle chose d’un bon œil. Ils n’ont pas toujours tenu rigueur de telles actions, par exemple quand la France a exporté ultérieurement des frégates à Taiwan. Avec tout ce que nous savons aujourd’hui, on peut dire que la France s’est ainsi imposée à elle-même de dures peines. C’est comme si les Chinois avaient eu un pressentiment.  Plus tard,  quand le Parlement de La Haye a décidé de ne jamais plus permettre la vente d’armements à Taiwan, les gouvernements chinois et hollandais ont pu rétablir le niveau habituel de leurs représentations au niveau des Ambassadeurs. Ce fut fait le même jour, exactement à la même heure, à La Haye et Pékin. Dans de telles circonstances,  le protocole est très strict. A La Haye à midi et à Pékin a minuit, nous avons dévissé simultanément les plaques du Bureau du Chargé d’affaires pour remettre en place les anciennes plaques d’ambassades.  Ainsi, j’ai pu continuer de 1984 à 1987 mon service à Pékin avec le plein titre d’ambassadeur. Ces années 1980, en Chine, m’ont permis de suivre l’ouverture (selon le dicton «  dui wai kai fang, dui nei gao huo ») de la Chine pendant les premières années des grandes réformes. 

Depuis, comment maintenez-vous régulièrement le contact ?

Depuis mon départ de la Chine en 1986, j’y retourne chaque année pour quelques semaines, ou même plusieurs mois, comme en 2004. Récemment nous avons pu ouvrir un petit bureau dans le centre de Pékin pour donner un appui aux entreprises européennes qui veulent engager quelques activités en Chine (1). Plus récemment encore nous avons eu la grande aventure de prendre en location pour plusieurs années une vieille résidence des temps manchou. La municipalité de Pékin a gracieusement restauré cette résidence type « si-he-yuanr » c’est-à-dire composées de quatre petits pavillons disposés autour d’une cour centrale.

Pour ma famille, cette option fut hautement significative puisque mon épouse eut le Premier Zhou En Lai comme père adoptif, quand son père de commun accord avec le Premier Ministre chinois l’envoya en Chine pour établir un premier contact entre les deux pays au niveau personnel (2). Zhou En Lai  voulait installer dans cette résidence un institut pour la préservation des vieilles demeures de Pékin et pour le maintien et l’enseignement des techniques s’ y référant. D’ailleurs,  si nous n’avions pas pris cette résidence en location,  l’immeuble aurait été détruit pour faire place à une station d’essence.

Quelles évolutions observez-vous ?

Depuis tant d’années j’ai pu observer beaucoup de bonnes choses. Cependant, je me rends aussi compte que la Chine a un passé tragique encore récent : les désastres de la nature, la guerre des Japonais, l’installation du Parti Communiste avec l’élimination des anciens propriétaires, le désastreux « grand bond en avant » dans les années 1950 et  la Révolution culturelle des années 1960 et 1970. Les suites de ces désastres sont encore visibles dans l’âme chinoise. 

L'ambassadeur honoraire des Pays-Bas Dr Anton G.O. Smitsendonk. Crédits: P. Verluise

Durant ces dernières années, une grande partie de la vieille ville de Pékin a été détruite dans le désordre et sans nécessité. La perte de quartiers historiques pour construire une mauvaise copie moderne m’a profondément attristé. Le manque de respect pour sa propre histoire choque de nombreux Chinois, mais ils n’ont pas voix au chapitre. Le gouvernement et le parti ont décidé seuls ou plutôt ils ont négligé de décider quoi que ce soit. Ils ont laissé faire la spéculation, sans intervenir sauf dans de mauvaises affaires.  Dans de pareils cas à l’amertume que l’on ressent il n’y a pas de meilleur remède que se lancer dans une action concrète. Vous comprenez alors que le fait de pouvoir prendre en location une vieille résidence est pour moi et pour les miens un bon remède pour retrouver la sérénité.  

La perte de valeurs pourrait-elle avoir des conséquences à long terme sur l’identité chinoise ?

La question de savoir comment protéger l’identité culturelle d’un peuple est importante pour la Chine comme elle l’est pour nos peuples d’Europe. Peut-être avec son étendue géographique et son épaisseur historique le peuple chinois est-il moins en danger que nous autres Européens.    

Cependant on observe aujourd’hui une course folle à la consommation et un oubli des valeurs anciennes. Dans les discours officiels et dans les allocutions durant les dîners on entend très souvent les dirigeants du pays parler de l’identité chinoise, ou plus exactement de leur « te-se ». Cela se traduit par les « couleurs caractéristiques » de la Chine. « Couleurs » est moins profond, moins bien établi que l’idée d’« Identité » que nous utilisons en Europe. Identité va directement au fond de notre âme, et dans notre cas est plus ou moins ancrée transcendentalement dans la religion. « Couleurs » reste un peu à l’extérieur.  Je trouve ces slogans de « te-se » dans la bouche des dirigeants chinois décevants. En vérité, ils n’ont aucun respect pour leurs « te-se » ou celle des autres peuples qui habitent la Chine, par exemple au Tibet. Indifférence qui certainement n’existait pas au temps de Mao ZeDong et de Zhou En Lai. Ils avaient une culture profonde et un certain respect pour les différences. Ce mot de « te-se » dans les propos officiels est vide de sens.

Comment la vie quotidienne change-t-elle ?

La vie évolue par le développement de la modernisation et de l’individualisme. Ce n’est plus la famille - la tribu - qui régit l’individu comme dans un passé lointain. Le Chinois d’aujourd’hui est aussi bien plus libre qu’il ne l’était voici vingt-cinq ans.  Il n’est plus dirigé à chaque pas de sa vie par le Parti, son unité de production, l’école, l’usine, le bureau, ou par le comité de surveillance de la rue, en somme par le « danwei » dans toutes ses formes. Par le passé,  on n’avait presque aucune sphère privée. On était membre, propriété de son « unité », de son « danwei » Cela diminue fortement. Même le Parti sait qu’il ne peut plus maîtriser tout en détail. Les entreprises doivent se dégager de beaucoup de leurs tâches anciennes si elles veulent devenir compétitives et survivre dans le climat de concurrence mondiale . Cela laisse plus d’espace à la personne individuelle. Ainsi, on remarque, au moins dans les villes, une certaine « gaîté de vivre ». On est encore tout neuf dans la course vers la consommation. On n’est pas blasé. On a encore tant à découvrir, à s’émerveiller. 

Mais le citoyen devient aussi plus individualiste, moins habité par le patriotisme. Il risque maintenant d’être asservi par le consumérisme. Auparavant, le citoyen chinois devait  obéir à l’Empereur ou à son magistrat, puis au Parti dans la seconde moitié du siècle passé, maintenant il est aussi prêt à obéir inconditionnellement  à la  publicité diffusée par la télévision. Cela n’est pas un très beau progrès. Il y a un grand vide dans l’âme chinoise et les vieilles traditions -  la lecture, la pratique de la calligraphie etc. -  ne suffiront pas à la remplir. Le Bouddhisme en Chine est moins profond qu’en Thaïlande ou au Sri Lanka.  Je crois que dans ce vide le Christianisme aura à apporter beaucoup à la Chine.

 

Pourriez-vous donner quelques exemples des pratiques actuelles de consommation ? 

 

Voici quelques exemples. Peut-être les industriels s’y intéresseront parce qu’ils sont naturellement motivés par des études de marché. Récemment nous avons vu en Hollande la reprise de la manufacture de voitures à petite échelle, avec l’ancien nom de « Spijker », entreprise qui a fleuri entre 1903 et 1925. Une voiture de ce type coûte 300 000 euros, soit dix fois le prix d’une autre voiture de luxe en Chine. Or, pour la relance de la « Spyker » le manufacturier a pensé à franchir lui-même la porte Deshengmen de Pékin où elle était passée il y a un siècle. Cela a bien marché. La voiture a été  achetée par des nouveaux riches.  

 

Autre exemple toujours lié à la voiture. Le sommet de l’ostentation avec une voiture de luxe est d’avoir aussi un numéro de registration avec beaucoup de chiffres huit (« ba ») ce qui indique la bonne fortune. On évite par contre surtout le chiffre 4 (« si ») qui en chinois veut dire la mort. Cela m’a procuré l’avantage de payer le prix minimum pour un nouveau numéro de téléphone portable parce que j’ai choisi un numéro avec trois chiffres quatre, trois fois la mort.

 

Les cérémonies de mariage sont de plus en plus chères et luxueuses. La photographie de l’épouse dans une longue robe blanche est de rigueur. Parfois elle est prise devant l’église de Saint Joseph dans ma rue « Wang Fu Jing », même si les époux ne sont nullement catholiques. Par le passé on se faisait photographier devant un portrait de Mao Ze Dong.

Les mariages deviennent de plus en plus coûteux Les frais peuvent s’élever à trois milles dollars, ce qui en Chine est considérable.  Dans l’ensemble de la Chine ces frais s’élèvent à 30 milliards de $ par an. Voila un beau marché ! Les maîtres de cérémonie pour les mariages se constituent dans une nouvelle catégorie professionnelle et ont forme un « Club de maîtres de cérémonie de mariage ».

Les couples des années passées peuvent maintenant aller à la « recherche du temps perdu ». Par exemple, si voici vingt ans on avait manqué l’occasion de faire une belle photographie de mariage, on la fait maintenant avec des vêtements loués pour cette occasion dans les multiples studios qui se spécialisent dans cet art. Les époux sont naturellement un peu retouchés pour retrouver leur jeunesse.

 

D’autres exemples de la consommation nouvelle en Chine ?

 

Des phénomènes inconnus par le passé comme l’obésité apparaissent comme aux Etats-Unis et en Europe. 

 

Pas mal de gens s‘achètent un petit chien même si cela coûte des frais d’enregistrement de rmb 5000 (environs euros 500) et deux milles rmb par an.    

 

Jetons aussi un regard aux grands magasins, comme le magasin « Bai Huo Da Lou » dont je peux voir le grand immeuble de couleur brune de ma fenêtre. Avec ses 50 ans il est avec l’église catholique de Saint Joseph qui a trois siècles le plus vieil immeuble sur la rue Wang Fujing rénové ces dernières années. Quant à moi je trouve l’intérieur de ce Bai Hua Da Lou, « Grand magasin de Cent Choses »,  moins intéressant qu’auparavant. Maintenant c’est une « department store » comme il y en a partout dans le monde, centré sur la mode, les articles de beauté féminine et rien ne se vend si ce n’est pas « de la marque ».

 

J’ai connu ce genre de grands magasins autrefois. La variété était alors bien plus grande. Il y avait vraiment « cent choses » et non comme aujourd’hui  « vingt choses » multipliées par le nombre de marques. J’ai pu visiter ce type de grand magasin à Pékin mais aussi a Tianjin, Datong, Shanghai,  Wuhan et autres endroits en Chine était vraiment un magasin universel.

Si durant la nuit vous formiez le plan courageux de commencer une entreprise avec une petite usine, vous pouviez trouver dans un tel magasin presque tous les outils et machines dont vous auriez eu besoin. C’est du passé.

 

Quels changements constatez-vous dans les transports ?

 

Le transport a aussi ses modes de consommation qui changent. Il existe un grand nombre de  moyens de transport en commun. Pékin a même un métro de bonne qualité. La bicyclette a encore une place prépondérante, mais l’automobile envahit le terrain et rend la vie des cyclistes moins confortable. La priorité accordée à l’automobile dans le système économique et dans la hiérarchie des valeurs, est-elle un choix astucieux ? On commence à en douter. Le bureau de consultation KPMG exprime déjà des doutes concernant le volume et la profitabilité de l’investissement énorme fait dans ce secteur. Malheureusement, une voiture une fois produite ne disparaît pas mais gêne la circulation, génère la pollution, accroît le déficit du à l’importation du pétrole. En somme, je crois que cette aventure est un nouvel exemple d’une certaine vanité chinoise. Dans la presse, on vante déjà la fin de « l’ère de la bicyclette » et la venue du « règne de l’automobile ».  Le nouveau roi me semble un Tyran néfaste et la Chine fait un choix contraire à ceux d’autres pays. Aux Pays Bas, par exemple le  Ministère des Affaires Etrangères a aboli voici quelques années le garage qui était disponible pour les fonctionnaires venant au bureau en voiture. Il donne maintenant une prime à ceux qui viennent au travail en bicyclette. On a même installé des bicyclettes à usage commun. Si un fonctionnaire du Ministère doit se déplacer en ville pour visiter un autre Ministère, une ambassade, ou pour suivre les délibérations au Parlement, il peut prendre une bicyclette à usage commun. Quel contraste !  En Chine, on a vu la voiture comme une machine pour se  déplacer mais aussi une machine à produire de la croissance. Mais actuellement, il faut freiner la croissance et la Chine n’a plus besoin de ce stimulant. Je me demande combien des centaines d’usines de voitures seront encore en vie dans quelques années.

J’ai parfois la chance d’échanger quelques mots avec les chauffeurs de taxi. Ils ont la vie dure. Actuellement ils paient par mois 4200 rmb au propriétaire tandis que celui-ci ne paie au gouvernement que 930 rmb. L’augmentation du prix du pétrole leur cause des difficultés. Ils m’ont signalé une adaptation astucieuse à la nouvelle situation qui consiste à ne plus circuler à vide dans la ville. Ils préfèrent attendre dans de longues files devant les hôtels. De cette manière ils consomment moins de pétrole. Astucieux pour eux, mais pas plaisant pour  ceux qui cherchent un taxi dans les rues.

Les chauffeurs ont encore un autre problème. La Chine compte un nombre important d’accidents automobiles mortels.   L’Etat a donc introduit de nouvelles lois qui responsabilisent le chauffeur en cas d’accident avec un piéton, même si le chauffeur n’a pas fait d’erreur. Si l’accidenté décède, la condamnation peut s’élever jusqu’à 28 000 $ dont les assurances ne prennent en charge qu’une partie.  

Quelles sont les autres manières de montrer son enrichissement ?  

On remarque actuellement beaucoup plus de grossesses qu’auparavant. Serait-ce encore une autre manière d’exhiber sa richesse ? De cette manière on peut montrer qu’on est capable de payer les contraventions qui pénalisent les grossesses répétées, contraire à la politique de l’enfant unique.

Un secteur de consommation qui fleurit bien est le livre. Les magasins de livres sont toujours fortement fréquentés.  Les Chinois sont encore curieux et pas blasés. Ils gardent une certaine joie de vivre dont  le goût de lire est une preuve. Ce matin encore j’ai vu une centaine de jeunes gens assis sur les marches qui mènent au grand magasin de livres dans la rue Wang Fu Jing. Ils attendaient l’heure d’ouverture du magasin.

Ce qui est aussi enrichissant est que le peuple chinois voyage beaucoup plus qu’autrefois. Les gens simples ont toujours voyagé en Chine dans les grandes occasions de fêtes traditionnelles, pour retrouver les parents et le village. C’était déjà de grands voyages étant donné les dimensions  de la Chine. Mais aujourd’hui c’est un autre style de voyage, plus touristique. On voit devant mon bureau à Wang Fu Jing des milliers de touristes Chinois venus de partout en Chine. En plus petit nombre, mais en nombre croissant, on voit les groupes de Chinois atterrir à Paris, à Amsterdam, Londres, et naturellement en Amérique ou beaucoup de familles ont leurs enfants, autre signe de bien-être et …de prudence.

Contraire à ce qui semblait impossible il y a vingt ans, les « rickshaws » sont de retour dans les rues, notamment en fin de journée, pas avec des coureurs à pied, tirés par un tricycle. A cet égard la Chine est sans complexes. Je me rappelle que l’Indonésie sur conseil de la Banque Mondiale a jeté des milliers de tricycles dans la mer de Tandjong Priok, ce moyen de transport étant jugé contraire à la dignité humaine. Pas en Chine. 

Que reste-t-il des anciennes coutumes ?

Avec la disparition de leurs anciennes maisons et leur relogement dans de lointaines périphéries, les Chinois ont perdu quelques usages et coutumes. Si l’on voit encore les cerfs-volants manipulés par des garçons ou par des adultes, on ne remarque plus dans le ciel de Pékin les colombes qui portaient un petit sifflet à leurs pattes et qui en volant en équipes au-dessus Pékin produisaient un son enchanteur.  Ces vols de colombes sonorisées donnaient une dimension verticale à Pékin. Ce son unissant la ville est perdu comme s’est perdu plus tôt le son de la cloche battue dans la tour Zhong Lou ou le grand tambour dans « Gu Lou ».

Ancienne armoire chinoise. Crédits: P. Verluise

Les vieillards avec leurs cages d’oiseaux ont eux aussi cédé la place à la circulation frénétique. Les chanteurs d’opéra pékinois trouvent toujours des parcs publics à leur disposition. Sur quelques places publiques,  on danse encore des danses de salon avec une élégance remarquable. 

Le peuple du vieux Pékin ne fut pas très content de la destruction de son habitat même si les  conditions de vie liées au surpeuplement de ces quartiers n’étaient plus depuis déjà longtemps à la hauteur d’une vie confortable. Parfois j’ai vu l’inscription « zhengfu darou renmin »,  « le gouvernement dérange le peuple », écrit à la  chaux avec de grandes lettres sur les murs des maisons vouées à la destruction.  

Cette destruction était-elle nécessaire ? Aurait-on pu faire autrement ?   Il est difficile d’y répondre. Les autorités n’ont pas eu le talent d’envisager un ensemble de mesures pour cela, et sont vites tombées devant le veau d’or du capital étranger et l’argent facile à gagner dans ce soi-disant « développement ». La situation a totalement échappé aux mains des autorités. Ils ont cédé leur place aux bâtisseurs, aux spéculateurs, qui construisent des bâtiments énormes de peu de valeur architecturale. La mort du vieux Pékin montre aussi le bas niveau culturel des dirigeants depuis la disparition de Zhou En Lai.   

Je reconnais bien la difficulté d’une telle tâche de conservation. Ce n’était pas une tâche que l’on pouvait entreprendre avec une administration simple et peu intégrée. Pour réunir toutes les conditions nécessaires il aurait fallu un empereur ou un homme comme Mao Ze Dong ou Zhou En Lai. Pour commencer, on aurait été obligé d'éloigner les 3/4 de la population des vieilles maisons population qui aurait été un obstacle à la rénovation. Sur quelle base ? Par loterie ? Par ancienneté de titres ? Difficile pour un gouvernement communiste. Par attirance pour une nouvelle ville hors de Pékin ? Véritable projet d’urbaniste pour lequel manquaient à la fois les moyens et les talents. On aurait du aussi donner des primes et encouragements  aux  architectes qui auraient trouvé des moyens pratiques pour renouveler les anciennes demeures.  Donc des tâches importantes pour les ministres des Finances, de l’Industrie, de l’Education et des universités. Il fallait aussi éduquer la population restant dans le centre à faire elle-même des réparations. Ce qui n’a jamais été fait.  La ville de Pékin jusque récemment n’avait pas  de magasins de bricolage. On aurait du prendre des mesures financières pour rendre la restauration possible. On aurait une population très modeste  vivant dans des quartiers de Pékin au-dessus de son vrai niveau de vie. Ces résidences une fois restaurées dans le vrai centre d’une agglomération de 14 millions d’habitants, capitale d’une grande nation qui reprend sa place dans le monde,  auraient naturellement attiré les  millionnaires, les artistes du cinéma, les grandes figures de l’industrie. A la fin le menu peuple provisoirement resté serait donc probablement parti mais avec la plus value de la vente de sa maison. Ce que j’aurais aimé  aurait donc été possible mais pas sans problèmes. Ce que je regrette c’est que toute cette matière a échappe aux autorités, qui l’ont traité avec nonchalance.  

Que reste-t-il de  l’ancienne sobriété ? 

On voit que dans la vie quotidienne le peuple chinois – sauf quelques exceptions – demeure parcimonieux. Il reste prudent de ne pas jeter quelque chose qui peut encore servir. Souvent dans les rues on voit de petits chariots sur lesquels des hommes transportent des cartons et autres sortes d’emballage. Les dix ouvriers qui sont en train de restaurer le si-he-yuan que nous comptons louer ont démoli toutes les structures internes d’un bureau qui se trouvait là et ont entassé soigneusement les pièces de bois et de métal et les cordes électriques pouvant être  réutilisées.

Les banquiers de la Chine et du monde connaissent la sobriété du peuple chinois. On épargne encore une grande partie de ses gains, même s’ils sont maigres. Il ne s’agit plus de plus placer ces épargnes dans les banques d’Etat souvent mal gérées, mais plutôt de les investir dans de nouvelles techniques pour rendre le marché financier plus riche et résoudre les problèmes d’épargne pour la retraite de la génération présente. La Chine vieillit et on prévoit que les  enfants uniques nés de la politique des naissances devront prendre charge seul leurs parents et parfois leurs grands-parents. 

Que penser de l’indicateur de développement humain chinois ?

Le peuple chinois est généralement patient et tranquille sauf dans les rares occasions où le gouvernement l’incite à de folles entreprises comme la Révolution Culturelle. Quelques exceptions majeures : les ouvriers migrants sous-payés, les retraites parfois impayés, les paysans délaissés et imposés… provoquent un mécontentement.

Les Chinois ont toujours vécu sous des maîtres durs. Le peuple chinois est-il content ? L’UNDP cherche à le savoir avec son indicateur de développement humain (IDH). Ce n’est naturellement pas présenté comme un calcul complet et comparatif de la félicité humaine mais l’énumération est quand même intéressante.

Voici les rangs : Norvège 1, Suède 2, Australie 3, Canada 4, Pays-Bas 5, Etats-Unis 8, France 16, Allemagne 19 et Chine : 94. Elle est suivie d’autres pays encore moins “humainement développés” comme l’Indonésie (114e). Pour arriver à cette énumération l’UNDP cherche à rendre compte de plusieurs facteurs comme la durée de la vie, le niveau de l’éducation… Mais pour beaucoup de domaines du bien-être, cet effort de calcul reste stérile.  

Un village indonésien peut être très pauvre, mais s’il a un bon « dalang », c’est à dire un conteur d’histoire manipulateur des poupées, la communauté du village pourra trouver des explications et un moment d’intégration heureuse durant les nuits de “wayang”.  

Pour la Chine, que nous apprend ce classement de l’UNDP ? Quand on se promène dans la rue centrale de Pékin Wang-Fu-Jing on se croirait plutôt au rang des 20 premières nations, à Milan ou Amsterdam. Cependant le 94e rang révèle qu’à part les endroits fortunés il y a en Chine encore de vastes régions où vit une énorme masse pauvre qui tire l’IDH vers le bas.  

Comment la politique de l’enfant unique influence-t-elle la vie des couples ?

La question de l’enfant unique permis a naturellement une influence majeure sur la vie des couples chinois. J’en obtint la confirmation récemment lors d’un dîner très sympathique à Chengdu quand notre hôte n’a pas voulu boire du vin. Je lui en ai demandé la raison. Sa réponse fut : « parce que nous pensons avoir un enfant au mois de décembre ».  D’abord je pensais que c’était par solidarité avec sa femme déjà enceinte, mais je me trompais. L’épouse n’était pas encore enceinte. Le futur père, « longa manu », se préparait physiquement et mentalement pour le moment prévu au mois de décembre.

Ce qui dans d’autres pays est une décision prise parfois plusieurs fois est en Chine une décision unique dans la vie des couples. Unique et donc d’autant plus précieuse.

Comment les élites vivent-elles ?

 

Quel a été le sort des élites en Chine ?  Pour moi, un vieux monsieur qui passe ses matinées à faire de la calligraphie avec une grande brosse trempée dans l’eau à peine colorée et parfaitement effaçable sur les toiles lisses d’une place publique fait partie d’une élite. De même le paysan qui, le soir, lit le « Roman des Trois Royaumes ». De tels personnages appartiennent à l’élite véritable. C’est une élite un peu dans la suite de Lao Tze. Je crois que ce modèle n’a pas encore perdu sa validité dans la Chine contemporaine. (Lire A. Viatteau pour la distinction entre l'élite et les élites)

 

En ce qui concerne l’élite d’autorité, l’élite liée aux cercles du pouvoir donc dans la droite ligne de Confucius, ils furent nécessairement, voici trente ans des dirigeants communistes ou des fonctionnaires cooptés par eux, des généraux, des anciens ministres.  Ils vivaient et ils vivent encore bien, sans ostentation mais avec beaucoup privilèges inhérents à leur fonction, en plus de leurs émoluments pécuniaires : voiture avec chauffeur à disposition, soldats montant la garde devant leur porte, réceptions, information privilégiée venant du centre du Parti que l’on ne donne pas aux autres, par écrit ou par messager personnel…

Et  d’excellents soins médicaux, parce que la Chine tient ses vieux dirigeants en vie avec le plus grand succès du monde. C’est à son honneur que l’on puisse dire que les pratiques d’euthanasie n’ont pas cours en Chine. Tous ces avantages sont donnés et acceptés avec une certaine sobriété. Voila un groupe d’élites bien déterminé.

 

En revanche, notre temps produit aussi en Chine des hommes qu’on hésite à appeler des « élites » et que l’on devrait appeler simplement des « richards ». Peut-être sont-ils intelligents à leur manière, mais cela est-il suffisant pour appartenir à l’élite ? Beaucoup de ces richards se laissent aller à l’ostentation, avec des voitures de marque, des villas de style  postmoderne. En Chine, le nombre des millionnaires en dollars est estimé à 235 000. Ils s’offrent parfois des repas très coûteux,  avec des feuilles d’or sur la tarte…

 

Nous connaissons de nombreuses personnes des cercles dirigeants chinois dont les enfants disposent d’un double passeport américain ou canadien. Cela facilite leurs déplacements et les « affaires ». Cela leur procure aussi une certaine sécurité, au cas où le régime ou la fortune de la famille  changerait.

 

Par élite, j’entends aussi les excellents hommes et femmes qui font de leur mieux pour améliorer la qualité de vie de leur pays, qui construisent des entreprises utiles en pensant aussi au sort des pauvres.

 

J’inclus aussi dans la notion d’élite les étrangers qui vivent à Pékin en tant qu’ « experts » invités. Parfois le gouvernement après un certain temps oublie de leur demander leurs services. Mais ils sont depuis la prise de pouvoir en 1949 bien traités, avec des réceptions annuelles.  On peut dire que la Chine a connu tôt cette idée d’élites étrangères vivant auprès d’elle comme les pères jésuites au temps de Matteo Ricci. De même comme Leonard de Vinci fut dans l’élite de la cour de France et les peintres hollandais à Rome.  

 

Il ne faut pas oublier dans les élites les jeunes qui se préparent à conquérir le monde économique et technologique.  Il y a plus de 200 000 cafés Internet en Chine, souvent encore mal éclairés et peu protégés contres les risques d’incendies. Le gouvernement cherche à les regrouper en cent chaînes dans l’optique de les améliorer. Sous peu le « broad-band » sera disponible dans des millions d’appartements.

 

N’oublions pas non plus qu’une partie de l’élite chinoise se trouve en prison. Je pense à quelques évêques de l’Eglise catholique.

Egalement à compter parmi les vraies élites quelques avocats qui se trouvent boycottés par la pression du gouvernement. Ils sont abandonnés par leur clientèle à cause de leur courage à  défendre la cause des paysans dépossédés. Le modèle du citoyen ou fonctionnaire disposé à approcher l’empereur à ses risques et périls pour recevoir finalement une remontrance n’est pas inconnu dans l’histoire. Il existe toujours.

 

Comment les autorités du pays appréhendent-elles les élites ? Le Président Jiang Zemin a lancé son idée des « trois représentativités » comme un effort nécessaire pour élargir et  consolider le pouvoir du Parti Communiste. On pourrait dire qu’il reprend à sa manière ce que Stendhal a dit de la nécessité de « refonder la caste au goût du temps ».

Pour éviter que les mouvements de modernisation n’échappent totalement au Parti communiste, il a propose que les entrepreneurs, les capitalistes, et  « les forces productives de la nation »  puissent être qualifiées pour entrer au Parti Communiste. Qu’ils entrent ou non, c’est toujours le Parti qui se targue de les représenter. Le Parti dit au fond « Je vous représente, que vous le vouliez ou non. Hors du Parti, ne comptez sur aucune autre forme de représentation ».

 

Ce n’est donc pas une véritable ouverture, mais c’est au moins la reconnaissance que hors du Parti  d’ « autres forces productives » peuvent exister, avoir quelque chose à dire, pourvu que le Parti parle pour elles. C’est un signe que le Parti sent qu’il n’est pas autosuffisant, et donc qu’on a besoin d’autres « élites ». Il reste à voir si ce premier élargissement sera suffisant. Je pense que le véritable élargissement doit aller dans le sens de laisser plus de liberté à la « société civile », aux organisations non gouvernementales. Quand j’écris ONG, je ne veux pas dire "Gongo’s" - c'est-à-dire les ONG initiés ou maîtrisées par le Parti, un type de contradiction qui tente toujours le communisme. (En anglais GONGO’s vient de government owned ngo’s) .

Les pensées de Jiang Zemin sont certainement inspirées par les réalités qu’il a observées. Par exemple dans un grand nombre de villes la charge de Maire a été confiée à un grand capitaine d’industrie ou de commerce, qui se voit alors promu homme d’affaires « à chapeau rouge »   Cette appellation de chapeau rouge vient de la cour des empereurs où certains  entrepreneurs ont reçu la dignité du « chapeau rouge ».  Cette tendance de mêler le commerce et l’administration n’est d’ailleurs pas sans dangers.  

La nouvelle réflexion du Parti Communiste sur les  « élites » coïncide avec une attention accrue pour le bien-être de la population pauvre décidée en novembre 2003lors du 16e Congrès du Parti. On veut promouvoir pour les pauvres le “Xiao Kang”, ou “bien-être modeste”. Ce mot est agréable comme expression et indique un certain retour à la mesure dans l’expression.  Depuis lors, le Président Hu Jintao , le Premier Ministre Wen Jiabao et toute la classe dirigeante parlent fréquemment des paysans et des gens simples. Jamais je n’ai entendu tant parler des « lao-bai-xing », les « cent noms de famille », c’est-à-dire  les gens simples du pays comme les derniers mois de l’année 2004. Cela a parfois une intonation de commisération.

Comment se caractérisent les relations entre Chinois   

Ce qui frappe toujours c’est la massivité de la Chine dans l’espace et dans le temps. Cela veut  dire qu’il y a une forte pression vers l’uniformité. Chacun doit s’adapter à ce que font les autres, par une discipline à la fois imposée et intériorisée. Cette habitude est renforcée par une  prudence politique.  L’homme seul, l’homme unique, a toujours eu une existence difficile en Chine. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas eu de héros non-conformistes. Mais ils ont dû le  payer par la corde autour du cou. L’uniformité se maintient par la cruauté. Outre le poids de l’Histoire, il faut aussi penser au poids de la Nature. Les Chinois qui habitent un territoire ingrat, dur et cruel, ont par fatalité pris quelques traits de ce climat. Avec tout ce que l‘on peut louer et aimer de la Chine on ne chantera jamais de « la douce Chine » comme on peut chanter de la « douce France »

A cause de la pénurie et des renversements politiques les Chinois sont entre eux généralement suspicieux. Les mêmes personnes que vous et moi rencontrons et avec qui nous avons un entretien charmant, peuvent se retourner les uns contre les autres avec une dureté remarquable. La culture chinoise, comme en témoigne l’ouvrage classique intitulé « Le roman des trois royaumes », est marquée à chaque page par les stratagèmes et les tromperies mutuelles. Les proverbes chinois sont souvent faits pour ridiculiser autrui, pour montrer qu’on est plus fort que l‘autre. On y trouve rarement une grande cordialité ou convivialité. La Révolution Culturelle a marqué une étape supplémentaire, brisant la confiance jusqu’au sein du foyer familial. De nombreuses trahisons ont laissé de terribles traces. On ne veut donc pas trop s’exposer.  

L'ambassadeur honoraire des Pays-Bas Dr Anton G.O. Smitsendonk. Crédits: P. Verluise

Nous avions ainsi à l’ambassade un ancien chauffeur qui conseillait aux autres Chinois de ne pas trop s’approcher des diplomates hollandais par crainte d’un retournement de la situation politique. Il est vrai que, pendant la Révolution Culturelle, un couple de Chinois travaillant dans une ambassade a trouvé la mort parce qu’il a été jugé trop proche de la direction de ce poste.

Quelqu’un a remarqué avec justesse que la confiance est à la base du système capitaliste. Le manque de confiance ne facilitera pas une absorption rapide et correcte en Chine d’un vrai capitalisme dans son sens éthique et socialement responsable. En effet si la question de « gouvernance » se pose pour nous Occidentaux, elle est encore plus grave et urgente en Chine. Nous en avons parlé longuement durant une conférence de la Chambre de Commerce Internationale à Pékin en octobre 2004.

Est-ce que ces remarques montrent qu’en fin de compte un étranger ne peut pas vivre agréablement parmi les Chinois ?  Pas du tout. La question n’est pas là. On peut se trouver très à l'aise en Chine. C’est mon cas tant que j’ai mon passeport de diplomate hollandais. Si j’étais un Chinois parmi d’autres Chinois, je préférerai vivre à Paris ou au Canada, où les dirigeants  envoient d’ailleurs leurs enfants… 

Que penser du développement économique présent ? Quel crédit accorder aux chiffres de croissance avancés par la Chine ?

Il faut souvent corriger les chiffres à la hausse ou à la baisse, selon les cas.

Par exemple, quand le gouvernement cherche à obtenir un taux élevé de croissance pour montrer que l’on fait de son mieux pour créer des emplois, les autorités subalternes sont très promptes à soumettre des comptes-rendus extrêmement optimistes. Quand, à l’inverse, c’est le moment de freiner la croissance soit pour éviter des pressions inflationnistes ou afin de  résister aux pressions américaines pour une réévaluation du renminbi, c’est autre chose. La croissance réelle reste alors au-dessus de ce que le gouvernement central désire et au-dessus de ce que les autorités subalternes mettent dans leurs comptes-rendus.  Dans l’industrie, encore majoritairement propriété d’Etat, ou dans les gouvernements locaux, la carrière des cadres dépend encore en large partie des grands projets que quelqu’un a entamé durant sa période de gestion. On ne se rend pas populaire en freinant.  

Le manque de chiffres exacts ne pose pas seulement un problème éthique mais aussi de nature technique. La Chine pourrait cependant gagner à une collaboration accrue avec l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) et ainsi développer de meilleures méthodes pour construire un appareil statistique crédible. 

Pour ma part je me rappelle la visite officielle du Premier Ministre Chinois Zhao ZiYang aux Pays Bas dans l’année 1984. J’ai pu accompagner le Premier Ministre durant toute sa visite et aussi dans une rencontre privée avec le Premier Ministre Lubbers.  Monsieur Lubbers a commencé par demander : « Quel est le taux de croissance économique en Chine ? » Le  Premier Ministre Zhao répondit : « A l’heure actuelle 24% par an ». Lubbers enchaîna alors : « C’est magnifique ; je vous en félicite » Mais le Premier Ministre Zhao avec une mine très peinée observa : « Pas du tout. C’est un grand problème, Nous n’arrivons pas à maîtriser cette croissance, et cela pourrait mettre en danger la stabilité de mon pays »  

En 2004, la Chine représente Chine 1/8e  du volume de l’économie américaine. Cependant, sa consommation d’acier est le double de celle des Etats Unis. Elle consomme 7% du pétrole brut produit dans le monde et 30% de tout le minerais de fer produit dans le monde. Cependant, sa structure naturelle est extrêmement fragile avec seulement 10% de surface de terre arable, contre 40% aux Etats Unis.   

Dans l’enthousiasme général des décennies passées beaucoup d’entreprises se sont établies sans stratégie et sans une étude de marché adéquate. De sorte que, par exemple, l’usine d’acier Jiangsu Tienen doit fermer ses portes. La fermeture se solde par la perte de 400 hectares de terres arables et de milliers d’emplois. L’éclatement spatial de l’industrie lourde porte en lui-même une tendance à la surchauffe (China Daily – 14.10.04) et cause la perte de matières premières, et nuit à l’environnement

Pour ses besoins en énergie la Chine dépend encore pour 75% du charbon produit localement. Pour la Chine estime la consommation à 1, 2 milliards de tonnes par an. Ce charbon est utilisé selon des critères qui progressent mais restent encore largement à un stade primitif et donc nuisible à la santé et à la durabilité de la croissance. Des amis hollandais (ESI – Eurosilos) proposent actuellement à la Chine de meilleures méthodes de stockage du charbon pour éviter des gaspillages.  

La vérité dans les chiffres est un sujet assez important. Comment rendre compte de la dégradation de l’environnement induite par la croissance rapide du Produit Intérieur Brut (8% par an) ? L’environnement représente un capital considérable, dont par le passé, comme en Russie, les Chinois se sont peu préoccupés. 

Que signifie des chiffres élevés de croissance ? Ne devrait-on pas déduire un pourcentage pour la perte du capital de la nation en termes de milieu, santé, heures perdues de travail, d’absence etcetera ?  C’est une considération importante. Quels pourcentages faut-il prendre en considération pour faire la déduction appropriée ? Le Professeur Dale Jorgensson de Harvard University pense que l’on devrait déduire au moins 5% et qu’en 2030 cette déduction pourrait s’élever à 15% si les choses continuent comme actuellement. Le professeur Vaclav Simil pense même à des pourcentages de déduction plus élevés, de 8 à 12%.   Le gouvernement chinois et ses organes spécialisés comme le State Environment Protection Administration (SEPA) sont au courant et pleins de bonne volonté. Mais le groupe d’experts dans l’élaboration des programmes est restreint par rapport à l’étendue du pays et en comparaison avec d’autres pays. De plus, la formulation de lignes politiques ne suffit pas. Il faut encore les mettre en pratique. Or, les autorités locales ne collaborent pas toujours. La Chine reçoit et apprécie l’aide que lui donne les organisations internationales, les actions individuelles comme celles de la Grande Bretagne avec son DFID, de la France, des Pays Bas… mais tout cela doit encore trouver les connections qui ont jusqu’ici manqué dans les organismes centraux et avec les hommes de terrain.  

La Chine arrivera-t-elle à un calcul exact de son PNB ? C’est déjà difficile pour les Etats membres de l’OCDE. Cela le sera encore plus pour la Chine.

Pour mieux gérer la pénurie d'éléments essentiels comme les matières premières, l’eau, l’air et l’environnement, la Chine veut utiliser des outils politiques nouveaux comme les mesures fiscales et le marché. Par exemple, pour l’électricité, la grande entreprise monopoliste d’Etat à été éclatée en cinq entreprises mises en concurrence. Dans une formation décentralisée l’industrie de l’électricité serait mieux en mesure de capter les signaux venant du marché local. On pourrait alors mieux adapter les tarifs à la situation locale et récompenser les entreprises qui se montrent responsables à l’égard de l’environnement. C’est astucieux et bien pensé. Cela montre qu’introduire la compétition n’est pas une invention des pays développés imposée aux nations pauvres, mais qu’elle peut vraiment être utile à tous.  

Dans le même ordre d’idée, fin 2004 le prix de l’eau à Beijing a été augmenté pour l’usage résidentiel par mètre cube de 2, 9 yuans à 3, 7 yuans. Cela incitera la population à prendre conscience de la pénurie d’eau.  

Le problème de l’eau est grave dans presque toute la Chine. Beaucoup de rivières sont sèches aujourd’hui. Pendant une partie de l’année, le grand Fleuve Jaune n’arrive même plus jusqu’à la mer.  On estime qu’en 2010 l’air de Pékin ne sera plus respirable si les concentrations d’oxyde nitrique, carbone sulfure dioxyde continuent à augmenter.  Les déserts à l’ouest de Pékin s’étendent chaque année de façon terrifiante.  

Dans les régions arides du nord et de l’ouest, on a permis trop facilement l’implantation et l’extension de cultures qui exigent de l’eau. Souvent, on a endigué et irrigué pour gagner de la terre  arable. Cela semblait alors astucieux mais cela s’avère une vraie folie. Lors des crues, l’eau n’a plus la possibilité de se répandre et cause encore plus de désastres qu’il y a cinquante ans. En Europe, nous en avons parfois tiré les leçons. Même aux Pays-Bas, après des siècles de « domination » de la nature, (selon le proverbe mauvais : « Dieu a fait les autres mais les Hollandais ont fait leur propre pays ») nous voyons la nécessité de redonner à la nature sa liberté. Nous laissons aux fleuves plus d’espace. Même les marais sont maintenant appréciés comme des trésors de la nature.  

Pour la Chine, je peux citer un exemple des deux tendances, celle de la domination de la nature et celle de la réserve discrète. Deux empereurs différents ont eu une attitude différente. L’un voulait endiguer le Fleuve Jaune, l’autre le laisser libre.  

Le gouvernement chinois veut replanter une partie des terres agricoles en forêts. Dans les régions montagneuses l’agriculture est désormais défendue sur les collines jugées trop pentues. Ces collines seront semées avec de  l’herbe pour mieux retenir le sol. Ce qui représente des opportunités pour les entrepreneurs européens. Je pense notamment aux cultivateurs d’herbe aux Pays-Bas, comme Barenburg.  S’il le faut le gouvernement ne recule  pas devant la nécessité de transférer des populations entières vers d’autres localités.

On dit souvent que pour les pays développés et pour les pays en voie de développement la croissance de la Chine est hautement enviable.  Que penser de ce sentiment ?

Pas dans le sens où la Chine tirerait actuellement un bénéfice qui serait nié aux autres pays, et qui donc devrait nous rendre jaloux. La croissance de la Chine repose essentiellement sur les gains de productivité obtenus par le transfert de la production agraire vers de nouvelles initiatives, souvent accompagné du déplacement des paysans vers les villes. Cela se combine  avec l’expansion de marchés dans de vastes régions qui végétaient dans une économie de subsistance.  Or les pays développés ont déjà eu ces périodes.  

Donc les pays riches, ont déjà eu dans leur histoire un moment similaire. Nous n’avons pas de raison pour être jaloux de la Chine.  Si nous comparons avec un pays en voie de développement, pensons à l’Inde. D’autres facteurs entrent alors en jeu.  L’Inde n’a pas l'homogénéité de la Chine et n’a pas eu cette tradition de commande unifiée. Etant donné sa grande variété ethnique et religieuse l’Inde a besoin de structures bien plus décentralisées, plus souples, et en fin de compte plus besoin de démocratie. Est-ce que c’est un inconvénient  par rapport à la Chine ?  Je pense que la démocratie portera un jour ses fruits en Inde, mais ils seront différents des résultats que la Chine obtient par sa structure spécifique. Je crois donc que le cas de la Chine est bien compréhensible, et n’a pas de traits particulièrement « enviables ».  Mais sa croissance est extraordinaire.    

Quel est le grand jeu de la Chine ? Quelles sont ses options pour le futur ?

Parfois on me dit : « Regardez les merveilles économiques réalisées par le Parti Communiste, cette croissance économique extraordinaire ! »

On peut répondre que, pour un pays qui vient de la pauvreté et qui a un tel réservoir de paysans susceptibles d’être transférés dans des secteurs de l’industrie une forte croissance est normale. Les Etats Unis et d’autres pays ayant eu cet avantage par le passé, c’est l’avantage du « nouvel arrivant ». En Chine, cela est en cours depuis longtemps et cela sera valable encore pendant peut-être vingt ans ou plus.

Apres avoir résisté aux Japonais, ce qui représente déjà un grand succès, la Chine a établi en utilisant la manière forte une certaine solidarité parmi le peuple : soins médicaux, alphabétisation… Conserver l’unité du peuple dans un ensemble aussi grand n’est pas sans mérite.  

Cependant, ce régime a parfois gâché et gaspillé des énergies, notamment lors du "Grand Bond en Avant » et de la « Révolution Culturelle », avec des millions de victimes et des dégâts qui ne sont encore pas réparés.

Plus proche de nous les 1980 furent marquées par l’ouverture : « dui wai kai feng, dui nei gao huo ».  Est-ce que cela doit être compté comme un succès extraordinaire attribuable à la bonne gestion du Parti Communiste ?  On serait tenté de dire : plutôt une simple sagesse. Laissez faire aux paysans ce qu’ils veulent, et certainement de bonnes choses vont se produire. En d’autres termes : ce fut une période où le gouvernement et le parti ont adopté une politique de laisser-faire, laissez-passer, se limitant à des encadrements minimaux. Une période de sagesse mais pas une invention ou une gestion extraordinaire. En quelque sorte, ce fut une époque facile. La société n’était pas encore très complexe.  Les années 1990 ont amené la nécessité de travailler non seulement sur l’agriculture mais dans les villes. Il y a donc eu la réforme des entreprises. Celles-ci suffoquaient sous le poids de toutes sortes de services sociaux : responsabilités des maisons des ouvriers, de leur santé, de leurs obsèques, de leurs pensions, de leurs vacances…  Toute la gestion des grandes entreprises d’Etat et des banques était à réviser.  

Envisagée dès les années 1980, la tâche reste aujourd’hui en grande mesure inaccomplie. Donc si l’on me dit que la Chine change très vite, je peux en convenir si on parle de la « skyline » des villes,  du nombre de gratte-ciels que l’ont peut voir. Mais pour les réformes en profondeur c’est bien autre chose et on doit parler plutôt de lenteur.

Les années 1990 ont vu des aggravations de la situation des agriculteurs qui s’était améliorée pendant les années 1980. En effet, la diminution des charges pesant sur les entreprises s’est accompagnée d’une augmentation des impôts des agriculteurs.  

C’est seulement depuis le nouveau millénaire que la Chine aborde les grands problèmes d’une manière intégrée, c’est finalement l’époque de la complexité qui s’annonce. Nous en avions vu déjà quelques facettes : intégrer l’environnement dans les calculs et dans le dessin du développement. C’est maintenant qu’on aborde des concepts comme « l’économie circulatoire (3)», « l’économie à croissance verte »… Auparavant, la situation était en quelque sorte intellectuellement facile : « laisser-aller laisser-faire ». C’est seulement maintenant qu’on trouve la nécessite et le courage d’aborder les liaisons entre les domaines et de voir la politique dans son ensemble. Le moment de juger de la bonne gestion du Parti Communiste vient donc seulement maintenant. J ’espère que cela se passera bien et que les grandes organisations internationales comme la Banque Mondiale, le FMI, l’OMC et l’OCDE pourront continuer leur coopération bénéfique.

Il faudrait maintenant  considérer le terrain des finances comme le sommet la coupole de la vie économique. Ambassadeur, je me suis amusé (mais je croyais aussi faire une petite contribution dans le sens de l’histoire) à tenir quelques causeries sur le rôle d’une bourse de titres. Ce fut à un moment où l'on voyait une entreprise américaine dire t « Vous voulez une bourse de  titres ? Je peux l’installer dans une semaine. Donnez-moi un camping car avec quelques ordinateurs et je ferai dans quelques jours un réseau ou des titres peuvent être vendus et achetés ».   

A l’inverse de cette idée simpliste il fallait dire aux Chinois ce qui est nécessaire au bon fonctionnement d’une bourse aux titres : la présence et une bonne tradition de comptables,  un climat de confiance, une bonne législation, le contrôle financier crédible, une loi sur les faillites…   A ces occasions, à Pékin et à Shanghai, j’ai rencontré des gens qui étaient actifs dans la préparation d’une bourse des valeurs. Il y avait même des associations pour l’étude d'une bourse des valeurs. C’est peut-être caractéristique de la pratique chinoise : quand le moment vient de passer des études à l’exécution pratique on a tendance à jeter le livre dans un coin et à entamer le travail avec ses mains. Les premières tentatives pour une bourse des valeurs en Chine furent chaotiques. Puis on a fait de grands progrès et aujourd’hui nous pouvons acheter des titres chinois non seulement à Shanghai et à Shenzhen mais aussi à Frankfort et à New York.  

Où en sommes nous en ce moment ?  C’est un champ de travail très difficile et la réforme a seulement commencé.  L’organisation de la bourse exige aussi des entreprises individuelles un changement profond de la culture : la gouvernance. Nous en avons parlé à Pékin dans un colloque organisé par la Chambre de Commerce Internationale, l’organisation mondiale des affaires où je remplis actuellement la fonction de Commissaire National pour deux pays : la Thaïlande et l’Indonésie.

Les finances et le marché des capitaux sont les terrains où les problèmes de la Chine sont encore particulièrement aigus. Tandis que partout dans le monde on prodigue des louanges à la Chine, la bourse chinoise vit depuis cinq ans un profond malaise. Les Chinois n’ont pas l’impression que les intérêts des épargnants soient suffisamment protégés, et ils n’ont pas d’influence sur la gestion des entreprises.

La plus grande partie des actions des entreprises cotées en bourse sont "non-tradable", c’est-à-dire tenues hors du commerce. Quand il y a un nouvel appel de capitaux, les actions qu’on cède au public ne sont pas les actions auparavant détenues par le gouvernement mais de nouvelles actions tenues en portefeuille de sorte que l’influence de l’état, de la bureaucratie ne diminue pas suffisamment.

Dans les banques,  le problème qu’ont connu les économies asiatiques en 1997 existe encore. On parle sérieusement d’une cote de 40% de mauvais crédits.   Pour quelques banques le gouvernement a courageusement fait des mesures et des sacrifices. Dans quel autre pays aurait-on vu le gouvernement prendre dans les caisses de l’Etat la somme de 45 milliards de $  pour assainir les bilans de deux banques ? Ce fut le cas au bénéfice de la Banque de Chine et de la Banque de Construction pour les mener à un taux adéquat de leur capital ("capital adequacy ratio") et en préparation d’une possible sortie sur les bourses (China Daily 15. 10 . 04) . Il s’agit de rendre les banques chinoises capables de soutenir la compétition des banques étrangères quand le pays selon les accords de l’OMC (Doha Round) devra s’ouvrir en l'année 2006. Les principes de Basle devront alors être appliqués. (China Daily 14.10.04) . Beaucoup des mauvaises dettes ont été transférées à de nouvelles entreprises établies pour gérer ces dettes : Cinda Asset Management, Huarong, Orient et Great Wall  Asset Management Corporation. Mais est-ce que le simple transfert change la nature des choses ? On ne voit pas de vraies restructurations dans lesquelles ces dettes seraient au moins partiellement payées. Par exemple, la substitution d’actions pour des dettes ne se pratique guère. Est-ce que ces entreprises de management ont-elle du succès ? Ce n’est pas très clair. Ces entreprises sont plutôt des salles d’attente passives que de vrais purgatoires ou de vraies réformes sont adoptées.  

La réforme du marché des capitaux est aussi nécessaire pour de nouvelles taches de la société chinoise comme l’établissement d’un système de retraites. Il existe déjà des entreprises (China Life, Ping An,  Tai Ping etc.) mais ils trouvent que les capitaux rassemblées ne reçoivent pas dans le marché actuel une rémunération suffisante pour remplir les coffres.  

La population chinoise est en train de vieillir encore plus rapidement qu’en Europe. Le système des enfants uniques n’a pas aidé la pyramide démographique à s’élargir à la base. Beaucoup doit être fait dans le champ des finances pour rendre une retraite digne possible. Mais aussi sur le terrain de la réalité physique, parce que les facilites adaptées, les résidences aménagées, les maisons de retraite manquent. Notre bureau à Pékin est un peu impliqué dans la recherche de solutions pour ce problème. Nous sommes en train de chercher  des résidences où les Chinois âgés pourraient avoir une vie digne, active et intéressante durant leur retraite. 

La restructuration de tant d’entreprises et leur progression vers une bonne gouvernance est à l’ordre du jour. Nous en avons parlé dans un colloque tenu par la CCI en coopération avec son représentant en Chine la « Mao-cu-hui » (organisation d’état pour la promotion du commerce international).


Si les Chinois jusqu’ici ont pu conserver leur force d’épargne au niveau de 40% de leur revenu cela ne veut pas dire que les choses sont pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Presque toute cette épargne énorme est confiée aux banques sous la forme de dépôts. A cause de cette source très abondante, les banques se trouvent avec beaucoup de moyens. Elles ont alors tendance à octroyer facilement des prêts. Etant donné l’indépendance réduite de la direction des banques et leur manque de jugement concernant ces crédits, l’abondance des épargnes tenues en dépôts de banque sont  une mauvaise médecine pour la Chine.

On devrait offrir aux épargnants des produits financiers à plus haut rendement. Et lier les banques à un régime qui les contraindrait à plus de prudence. La simple restructuration juridique d’entreprises en « joint stock companies » et même en des entreprises lancées à la bourse ne suffit pas pour rendre les entreprises viables. On parle d’une typologie dite  de « Jinan » en se référant à la situation dans la capitale de Shandong  Jinan, ou les cinq grandes entreprises d’Etat ont été introduites en bourse. Résultat : elles sont toutes en difficulté. 

La présence de banques solides et de services financiers étrangers est nécessaire. Mais cela veut dire aussi que dans les provinces désormais un secrétaire du parti communiste ne pourra plus prendre son téléphone et ordonner à un banquier d’octroyer un crédit à tel ou tel ami du régime local. Le Parti Communiste devra nécessairement se retirer de telle immixtion dans la vie bancaire.  

Il a été question de savoir si on devait oui ou non réévaluer la devise nationale, la ren-min-bi. Cela aussi est lié au stade particulier des réformes sociales. Si on laisse grimper le «yuan » par rapport au dollar et à l’ euro,  une première réévaluation pourrait susciter dans les marchés mondiaux l’attente de réévaluations ultérieures et donc un nouvel afflux de devises que le gouvernement chinois devrait acheter avec de la monnaie locale, augmentant ainsi les masses monétaires et les dangers d’inflation.  

Comme toujours dans des cas pareils, une augmentation de la valeur de la monnaie nationale sera utile à certaines couches et défavorable à d’autres couches de la population. Mais, pour la Chine, il est important de faire le lien avec son programme de réformes.  Par exemple, avec un « yuan » fort,  l’achat de grains américains serait plus attractif et cela pourrait produire un exode de millions de paysans chinois vers les villes. Mais pour une telle éventualité on n’est pas encore prêt parce qu’on n’a pas encore permis au paysan qui quitte sa terre de vendre ses droits à leur juste valeur. Aujourd’hui, s’il quitte son village pour s’établir dans une ville, il laisse ses droits à d’autres, sans recevoir aucune compensation. Vous touchez donc là à l’agenda des réformes en cours.

Une autre disparité exige l’attention des autorités chinoises. Dans le PNB de la Chine,  la part des investissements est bien trop grande par rapport à la part de la consommation. Cela implique une pression à la hausse sur le prix des matières premières. En outre, en ce qui concerne les investissements, la partie vouée aux projets à haute intensivité de capital est trop forte par rapport à la partie des projets avec une grande intensivité de travail.

Et encore la partie qui servira aux exportations dans tout cela est trop élevée par rapport aux investissements qui peuvent servir le marché local. Toutes ces disparités comportent leurs propres désavantages, et l’ensemble de ces relations entraîne une désorientation de l’économie chinoise et le mécontentement des autres pays.

Désormais tout se tient. Cela, nous le savions en Occident depuis longtemps. Mais jusqu’ici la Chine fut protégée et exempte de cette loi de la nature économique par sa masse et par son isolement. Isolement de la Chine entière du marché mondial et aussi isolement de ses provinces dans un contexte national et intégré. Ce n’est plus le cas aujourd'hui. C’est en raison de cette considération  que nous pouvons dire que  la vraie preuve d’une bonne gestion des autorités chinoises est encore à donner.  Par le  passé, on pouvait souvent opérer par « trial and error » d’une manière expérimentale et locale.  Par exemple,  l’introduction d’une première loi sur les faillites des entreprises fut faite dans une seule province du Nord-Est. En France cela ne serait pas possible avec l’adage « la loi est égale pour tous ».

La faible mesure d’ intégration économique nationale rendait telle méthode possible. Mais aujourd’hui on est dans une autre situation.   

Comment s’organise l’espace économique en Chine ?

L’organisation de l’espace économique de la Chine est très particulière et résulte d’une part de sa géographie et d’autre part de l’histoire du pays. Pour la géographie, la proximité des terrains de production du riz a détermine l’endroit des capitales successives de la nation : Zhengzhou, Luoyang, Xian. Plus tard, la proximité des frontières du Nord dans le cas de Pékin a déterminé la construction du Grand Canal pour l’approvisionnement en grains. Ce canal fut utilisé par le Père Matteo Ricci quand il fit son voyage partant du sud vers la capitale et vers sa rencontre avec l’Empereur.  

La géographie n’est pas généreuse avec la Chine. Plus de 80% de sa surface consiste en des montagnes, souvent soumises aux tremblements de terre ou à l’érosion par le vent. 

En ce qui concerne l’histoire et son influence sur l’espace économique,  pensez à l’invasion japonaise.  Mao Ze Dong   n’a pas seulement retiré ses troupes par la « Longue Marche »,  il a aussi voulu mettre les industries à l’abri d’une agression japonaise. Voila pourquoi il a choisi des implantations à l’intérieur du pays, à des endroits qui ne sont pas les meilleurs dans la configuration présente qu’exige un marché national et même global. Nous savons bien qu’aujourd’hui il est préférable de situer les aciéries à proximité du littoral, pour pouvoir à la fois importer les matériaux et exporter les produits. Mais la Chine vit encore avec une grande partie de cet héritage imposé par la guerre.

Le Japon n’est pas le seul facteur historique à influencer l’organisation de l’espace économique en Chine. Autre incidence de l’histoire politique sur l’espace économique du pays : le refus du parti communiste pendant de longues années après la « libération » de vouloir reconnaître le rôle clé naturel d’une ville comme Shanghai. Pour les dirigeants communistes, cette ville était l’emblème de la période coloniale et marquée par le péché. Elle était impure.  On niait, alors, les fonctions naturelles qu’une telle métropole pouvait remplir pour la nation entière.  

Le gouvernement n’a pris conscience de la nécessité d’utiliser cette plaque tournante qu’au milieu des années 1980.Auparavant les provinces ont senti le besoin de prendre contact entre elles et ont établi des bureaux de représentation dans leurs villes.  Ce n’est pas étrange dans un grand pays. Nous avons à Paris aussi une Maison de la Lorraine et une Maison de la Bretagne.La réalité précède souvent le discours unitaire et jacobin et les actions des gouvernements. Mais il fallait quand même un changement de cap pour permettre à ces villes de la côte d’exercer leur fonction sociale pour le bénéfice du pays. Le gouvernement alors a institué des privilèges fiscaux pour de multiples zones de développement économique comme Shanghai et Guangzhou.  Cela pouvait bien marcher et de nombreuses entreprises étrangères et chinoises en faisant faire un détour de leurs capitaux par Hong Kong pour profiter alors d'un statut d’étranger avec des bénéfices fiscaux afférents, mais cela ne peut pas durer très longtemps. En effet l’accession de la Chine à l’OMC en 2001 oblige le pays à unifier son espace économique sous un aspect fiscal et à abolir les régimes privilégiés.

L’ espace économique de la Chine est aussi marqué  par une  tendance des provinces à protéger leurs activités économiques contre les autres provinces. Cela  peut prendre la forme d’une obstruction physique du transport par train, d’obligations onéreuses pour des camions venant d’autres provinces et  dénis de justice similaires. Ce qui revient à faire de la Chine un conglomérat de petites unités. Son avantage spécifique d’être un très grand pays et potentiellement un grand marché unique est alors perdu. Le gouvernement central lutte contre cette tendance mais ne parvient pas toujours à imposer sa volonté.  

Cette tendance à la protection locale et régionale a encore une autre cause. Après la libération économique et les reformes des années 1978-1983, de nombreuses entreprises furent établies par des municipalités ou des provinces, parfois aussi par des particuliers. Tout cet élan d’activité fut entrepris souvent sans stratégie,  sans préparation et sans les études nécessaires de marché. Moi-même j’eus à répondre à un haut cadre venu d’une des provinces qui me demandait un conseil pour un changement de production.  Je lui posais la question : « que produisez-vous  actuellement ? » Réponse : « Des canons ». « Que voulez-vous produire dans le futur ? » Réponse : « Des chemises d’homme »…  

Quand,  par la suite,  ces entreprises ont vu que leurs produits ne pouvaient être vendus en dehors de leur cercle régional, elles se sont dit : « Il faut fermer nos frontières aux produits venus d’autres provinces ».  

Autre aspect négatif de cet élan peu réfléchi : les nouvelles entreprises faisaient appel au marché du charbon, de l’électricité, du pétrole et de toutes ces denrées qui en Chine devenaient de plus en plus rares. De cette manière, elles déstabilisaient la planification du pays. Je ne dis pas que l’effet total de la liberté et de la spontanéité fut négatif. Au contraire, mais comme disait Deng Xiao Ping : « Quand on ouvre la fenêtre il est fatal qu’entrent aussi des mouches ».

Reste à mentionner la grande divergence de bien-être entre l’ouest pauvre et les riches provinces de la cote orientale. Laissons de côté si elles résultent de la géographie ou de l’histoire. Dans les années 1980 le Président Hu Yao Bang voulait déjà une percée du développement dans la direction du nord-ouest. De nos jours, on voit un renouvellement de ces tentatives sous le régime du Président Hu Jintao et le Premier Ministre Wen Jiabao. Eliminer cette différence de développement prendra beaucoup de temps. Mais d’autre part la différence crée un énorme réservoir pour la Chine de main-d’œuvre à très bas prix et donc lui  donne la possibilité de conforter sa position concurrentielle dans le monde.

Quelle est la fonction de Hong Kong dans ce système ?

La place de Hong Kong change depuis la réunification réalisée en juin 1997. Auparavant, Hong Kong était le modèle, le centre de savoir et d’analyse concernant la Chine. De nombreux centres de recherche se sont déplacés vers Taiwan. Depuis l’intégration de Hong Kong à la Chine tout le monde observe avec attention à quel degré le gouvernement central respectera la liberté de Hong Kong. C’est souvent le cas, mais on observe parfois des entailles aux libertés, notamment en matière de pratiques policières. Etant donné l’important développement de Shanghai, Hong Kong ne sera plus l’unique place financière du pays. 

Hu Jintao a pris un ton plus dur envers son propre gouverneur Hua. Ce qui a surpris les Chinois et aussi beaucoup d’observateurs étrangers c’est que,  contrairement aux prévisions,  le peuple de Hong Kong n’est pas insensible à ces droits politiques. Des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue à diverses reprises. Parmi les voix les plus constantes, il y a celle de l’évêque Joseph Zen qui défend les droits de ses écoles contre une tentative de mainmise de la part du gouvernement. Il se prononce aussi pour une continuation et une amplification des réformes électorales.

Quels conseils donneriez-vous aux entreprises occidentales ?

Le climat de la Chine reste opaque. Il manque de transparence. L’entrepreneur étranger doit donc prendre beaucoup de précautions et de temps pour s’orienter dans la Chine. Certaines procédures qui fonctionnent à l’Ouest ne donnent pas de bons résultats en Chine. 

Il faut surtout chercher un bon conseiller qui connaît le terrain et les autorités. Cela ne sera pas nécessairement toujours un Chinois de Hong Kong ou vivant en Europe ou aux Etats Unis. Trouver un bon conseiller est aussi important aujourd’hui qu’il y à deux mille ans quand le prince Liu Bei cherchant à rétablir la dynastie Han a cherché le conseil de Zhuge Liang.

 

Pour faire une visite à  Zhuge Liang, le prince  Liu Bei dut retourner par trois fois sur la colline où vivait ce jeune grand stratège. Et quand finalement il l’a trouvé chez lui, Liu Bei a patiemment veillé durant quelques heures auprès de son lit avant de pouvoir lui parler. Cette scène est connue partout en Chine et elle nous donne une leçon importante.

Une fois que l’entrepreneur étranger a choisi un bon conseiller il faut le respecter et ne pas le tenir dans les tenailles des pratiques apprises dans les écoles occidentales de  la « business administration ». Ayez de la patience et n’accablez pas votre conseiller avec des commentaires inutiles, par exemple en lui demandant pourquoi il n’a pas fait de recherche sur tel ou tel homme d’affaires. « Due diligence » n’est pas encore possible dans les mêmes formes que chez nous. Ne dites pas : « Pourquoi m’avez vous laissé patienter dans une antichambre en attendant des discussions de hauts fonctionnaires qui se prolongeaient, en me faisant perdre mon précieux temps ? »   Même un Zhuge Liang aurait aujourd’hui de la difficulté à discerner la vérité dans les relations personnelles entre le milieu des affaires et celui des politiques.

A part votre conseiller, votre autre relation importante sera votre partenaire, à moins que vous ne conserviez la totalité du capital.. Ne négligez pas les possibilités de votre partenaire, surtout si un partenaire vous a été attribué par un Ministère, comme cela est souvent le cas.  Souvent vous vous poserez la question: « Pourquoi ne vois-je  jamais le chef, le PDG de cette entreprise  partenaire ? Je peux vous donner une raison. Parfois étant donné la grandeur de la Chine et de ses composantes, votre partenaire est à même de rencontrer les présidents de différents pays, même des Etats-Unis. Il vous serait en outre contreproductif d’ennuyer le plus haut niveau de votre partenaire avec des problèmes concrets et passagers. Laissez cela plutôt à votre conseiller. Vous pourrez obtenir un meilleur résultat en travaillant en tandem, vous sur votre niveau de travail de bas en haut, et votre conseiller par de haut en bas. La rencontre avec le PDG viendra au moment opportun. 

Soyez prudent aussi avec ceux qui voudraient être votre partenaire exclusif pour toute la Chine en invoquant les dangers auxquels vous seriez exposé sans leur guide. Cela peut prendre parfois le ton de menaces subtiles.  Il peut  advenir que votre partenaire  montre sa fierté en volant la technologie d’un de vos concurrents. Alors vous êtes amplement averti sur son caractère !   

Utilisez aussi les nouveaux moyens de la publicité. Le public chinois est accoutumé - surtout dans le Nord, un peu moins dans le Sud - à suivre les consignes du parti. Or, dans l’état actuel du pays, la publicité à la télévision et dans les journaux a pris la place des pouvoirs politiques. On suit très bien les consignes de la publicité consumériste. Si c’est une bonne chose pour les Chinois, cela est encore à voir. Mais pour vous c’est une chance.  

Sur les grandes décisions d’investissement il ne faut pas se tromper. Le Parti Communiste domine aujourd’hui comme il a dominé pendant cinquante ans et il a bien l’intention de dominer pour toujours. Oubliez les promesses des années 1980 quand on a dit que le Parti et l’Etat seraient désormais clairement distingués et même séparés. Il n’en est rien. Partout vous avez à faire à une Chine à double visage : l’Etat et le Parti. Le Parti s’il n’est pas visible à votre regard  commande pourtant, comme commandait l’Impératrice Cixi derrière les rideaux de son palais.

La Chine est une image en holographie. Parfois vous voyez l’Etat, et un moment après vous voyez le Parti. Pour en savoir  plus à ce sujet, consultez le site Gefyra http://www.gefyra.com.cn  

Il faut approfondir à présent sur quelques traits de la civilisation chinoise dont nous avons déjà parlé, par exemple au sujet de l’espace économique en Chine. La bénédiction vient d’En Haut, de l’Empereur et de Pékin, cependant faire valoir ses droits dans les provinces peut être une autre chose. C’est ce que les pères jésuites avaient déjà remarqué au XVIIe siècle quand ils passaient avec leur bateau du sud vers la capitale en traversant les provinces avec leurs magistrats difficiles et parfois corrompus. Ils balançaient toujours entre la bienveillance d’un Empereur distant et les menaces des autorités locales.  

Les hommes d’affaires français ne manqueront pas de noter que dans la plupart des centres commerciaux on trouve une multitude de magasins qui offrent presque tous la même chose. Dans les couloirs les acheteurs sont rares. Est-ce que ces centres ont été bâtis simplement comme des spéculations dans l’idée de les vendre prochainement avec un profit ? Je souhaite que votre argent ne soit pas investi dans ces bâtiments. 

Suivez le suivant cas hypothétique où vous voulez implanter une nouvelle usine d’automobiles Vous vous posez la question : « Est-ce que je dois implanter mon usine d’automobiles en Chine ? N’est-ce pas trop tard ? » Le gouverneur d’une province comme Szu-ch’uan vous dira : « Pas de doute ! Venez surtout ici. C’est chez nous que vous trouverez la main-d’œuvre la moins chère. C est chez nous que vous aurez les meilleurs transports. Même si nous sommes à l’intérieur de la Chine, le fleuve Yang Tze Kiang permet lors de ses crues de transporter les automobiles directement vers la côte et a l’extérieur du pays. »

Peut-être l’entrepreneur étranger que vous êtes a encore un doute dans la tête et vous direz   : « Mais il y a déjà une centaine d’usines automobile nationales en Chine et en plus peut-être sept ou huit grandes entreprises étrangères sur ce territoire.» (Voir une carte de la Chine)

Le gouverneur dira alors : « Cela peut être vrai dans les autres provinces. Chez nous il y a encore une place avantageuse, et n’oubliez pas que ma province a une population de plus de cent millions d’habitants, plus qu’un pays européen. »   

Ce que vous devriez traduire, averti par notre propos antérieur, que ce gouverneur pense déjà à fermer les frontières de sa province au cas où votre entreprise risquerait de se trouver en difficulté. Cela est souvent arrivé dans d’autres provinces et c’est cela qui pourrait arriver dans le cas de ce petit dialogue hypothétique mais pas du tout irréaliste. Est-ce que cette grande entreprise étrangère a raison de poursuivre son songe de la Chine ? Si elle est une des 500 plus grandes entreprises mondiales peut-être une nécessité stratégique s’impose envers la Chine, ou aussi envers les concurrents. Mais qu’aucune de nos PME ne se laisse entraîner dans cette direction dangereuse. 

La différence entre la position des grands et des petits fut aussi évidente dans le cas de Carrefour. Selon les dires de Pékin cette entreprise pu se sauver de quelques difficultés légales en accordant aux autorités la promesse d’augmenter ses importations de Chine avec quelques milliards de « yuan ». Cette possibilité n’est pas donnée aux PME ! 

Je crois donc que la question de la structure de l’espace économique est une question importante. J’ai vu des anciennes villes chinoises,  par exemple Datong, qui n’avaient pas seulement de grandes murailles à l’extérieur mais aussi à l’intérieur de la ville entre les différents quartiers de la ville. Des murs solides et plus hauts que les maisons. Pourquoi ?  C’était par prudence pour prévenir de possibles conflagrations locales qui pourraient éclater et mettre en péril toute la ville. On pense d’abord aux incendies dans une époque où  beaucoup des maisons étaient en bois. Mais il peut survenir des conflagrations sociales. La division dans des unités réduites fut un expédiant de l’administration centrale et locale. On retrouve cet éparpillement dans l’espace économique de la Chine tout entière. C’est un emblème en partie encore valable.       La partition de l’espace combinée avec l’autosuffisance des parties est parmi les mesures de prudence que la Chine a longtemps conservées.

De nos jours la Chine est venue à un changement de paradigme. Après des décennies de « laisser faire, laisser passer » - un précepte sage après la centralisation du premier régime communiste jusqu’en 1978 - nous arrivons vers 2000 à une situation où finalement la Chine doit intégrer diverses lignes de politique : la croissance et la politique de travail, avec les besoins de l’environnement.  Cette intégration des différentes lignes de politique nécessite de regarder la nation comme un tout. Par exemple la Chine doit aider les provinces up-stream dans des mesures qui ne sont pas profitables pour ces provinces mais qui sont nécessaires pour les provinces down-stream Ce point fut reconnu tout récemment dans une réunion du Conseil pour la coopération internationale concernant l’environnement et le développement (CCICED)  Ainsi, Leo Horn écrit dans son rapport « Some Emerging Messages from Work in Progress »: « Institutional failures tend to be more pronounced in the management of environmental resources that span many jurisdictions. For example with respect to the seven big transboundary rivers government policy makes insufficient provisions for upstream-downstream coordination and for integrated watershed management. As a result there are little incentives upstream or downstream for investing in water pollution control or treatment (not enough fiscal transfers from central government to upstream localities)” (p. 8) 

Que faire quand survient un problème judiciaire ?

En effet, il ne suffit pas de vouloir s’implanter en Chine, il importe également de prévoir que des difficultés surviendront inévitablement. Nous entrons alors en jeu pour présenter le dossier aux autorités décisionnelles. Par nos contacts avec le ministère de la justice et les autorités provinciales, nous pouvons aider les entreprises en difficulté.   L’arbitrage international reste aussi une possibilité. L’OMC imposera aussi ses règles, mais cela est un travail de longue haleine, trop long pour sauver un client.

Comment la Chine voit-elle le monde ?

La Chine est désormais bien consciente qu’elle est sur une pente ascendante, qu’elle pèse déjà lourdement dans le monde et qu’elle est appelée à un grand futur.   Mais la Chine vient d’un isolement profond et de longue durée. Les Chinois n’ont n’a pas encore absorbé toutes les leçons de l’apprentissage mondial. Pendant des décennies la Chine fut isolée et si l’adage « dui wai kai feng » est en vogue depuis des décennies, l’insertion dans le jeu multilatéral n’est pas encore achevée. Puisque nous avons parlé de l’aspect économique, où l’intégration se fait par la nécessité des choses, parlons maintenant un peu de la politique.

Pendant longtemps la Chine eut une préférence méthodique pour les relations bilatérales, dans lesquelles son poids est évidemment avantageux. Il n’y a pas de conflits importants en ce moment. Les questions de frontières sont gérées raisonnablement avec l’Inde et la Russie, un peu moins avec les îles de Spratly. Quand l’Indonésie sera de retour dans la politique internationale, elle pourra peut-être jouer un rôle d’intermédiaire.

Avec la Russie, les liens anciens sont devenus un peu vétustes, mais des deux côtés on veut bien les renforcer. La Chine à besoin du pétrole russe et pourrait bénéficier d’oléoducs. J’ai visité récemment le quartier de Pékin autour du Temple du Soleil et j’étais étonné de la concentration d’entreprises russes. La Chine, pour sa part, a décidé de construire des « Chinatowns » à Moscou et à Saint Petersbourg.  

Lentement la préférence pour les relations bilatérales fait place aux formes de coopération multilatérale.  On voit des tentatives pour arriver à une coopération multilatérale avec les voisins asiatiques, et même au niveau mondial par exemple pour une coopération monétaire en Asie.  

La Chine est en train d’entamer une coopération avec la Russie et les républiques d’Asie centrale, appelée l’Organisation de Coopération de Shanghai, particulièrement en matière de lutte contre le terrorisme.

La Chine s’est engagée dans une coopération avec cinq autres pays : la Corée du Sud, le Japon, la Russie et les Etats Unis pour entamer un dialogue utile avec la Corée du Nord notamment pour chercher des solutions aux problèmes nucléaires que ce pays pose. C’est une forme de coopération qui est hautement utile aux Etats Unis. Les commentaires dans la presse occidentale à l’occasion de la guerre d’Irak disant qu’il fut inconsistant que les Etats Unis ne fassent pas une action similaire contre la Corée du Nord ont peu de sens. Ce fut exactement le moment pour laisser la Chine développer des initiatives utiles

L’ASEAN avec ses dix membres implique désormais aussi la Chine dans les relations (formule ASEAN plus trois ASEAN régional Forum), et cela même dans les thèmes de sécurité.

La Chine s’ouvre au multilatéralisme et est un champion des Nations Unies où dans un passé déjà lointain elle a eu des triomphes. Dans ces Nations Unies, la question du Soudan reste à suivre. La dépendance de la Chine du pétrole du Soudan pourrait  influencer sa position.

Si la réunification avec Taiwan devenait dans un moment de nationalisme exaspéré le but exclusif de la politique étrangère de la Chine elle pourrait bien retomber les affres de Tian-An-Men. Nous avons de notre coté aussi une responsabilité à prévenir un tel désastre en conseillant la prudence à Taiwan.

Quelle multipolarité ?

Devenant graduellement plus multilatéraliste,  la Chine se dit aujourd’hui volontairement aussi  « multipolaire ». Dans un certain sens les deux choses sont opposées parce que le multilatéralisme veut la coopération de tous les pays tandis que multipolarité veut l’équilibre des pouvoirs dans des blocs. Lisez dans ce terme surtout un sentiment  d’antiaméricanisme, que l’Europe ne devrait pas suivre. Lors de mes rencontres avec les Chinois, je ne laisse jamais subsister de doute concernant la fidélité de l’Europe à l’OTAN. En même temps, je leur dis que nous pouvons bien nous permettre des conseils a nos frères cadets, les Américains. Vous pouvez en voir un exemple sur mon site internet http://www.voices-of-europe.org.  

Mais quand M. Chirac se déplace en Chine on observe une autre tonalité, plus flatteuse à l’égard de la multipolarité. Les bénéfices obtenus pour Airbus, Alsthom,  Total, France Telekom, Areva et autres entreprises « valaient bien une messe multipolaire ».

D’ailleurs la vue de la Chine sur le monde sera en étroite relation avec la vue que la Chine aura sur elle-même. Si la Chine peut arriver à une pluralité de vues, à une libre introspection,   peut-être pas encore au pluripartisme, mais au moins à une reconnaissance suffisante des mouvements, des Eglises, des ONG, alors sa vue et son action sur le monde extérieur sera plus informée, plus diversifiée, plus équilibrée, plus paisible.

En revanche, si le parti en craignant une certaine perte de pouvoir, se crispe sur son  monopole du pouvoir interne, le regard externe de la Chine sera moins équilibré et peut  devenir très nationaliste.

 On peut déjà voir certains de ces risques si l’on examine le rapport des médias chinois sur les Jeux Olympiques où tout ce qui était étranger était éloigné, négligé. Seuls les succès chinois pris en compte. On connaît le cas d’un entraîneur chinois qui a fait passer son élève de 50 kilos à un poids de 70 kilos parce qu’elle avait ainsi une meilleure chance d’obtenir une médaille d’or. Elle a, bien sûr,  obtenu sa médaille d’or. On peut se demander pourtant si cela n’équivaut pas à une nouvelle forme d’esclavage. En tout cas, cela ne correspond pas à l’esprit du sport dans son sens classique en Grèce « Kalos k’agathos » . Seul compte le besoin de la Nation et d’un nationalisme étroit. Un tel esprit peut annoncer d’autres occasions dans lesquelles le gouvernement chinois pourrait opter pour cet outil du nationalisme exaspéré.

Etant donné le vide spirituel actuel de la Chine le gouvernement pourrait se lancer dans des aventures nationalistes.  On pourrait alors voir une Chine crispée, difficile et dangereuse. 

Le Parti Communiste n’abandonnera pas son monopole du pouvoir à un horizon prévisible. Même les « trois représentativités » de Jiang Zemin ne changent pas la scène. Mais je pense  qu’un certain pluralisme se manifestera en Chine pour son plus grand bien. A commencer dans la vie économique auprès des banques où un coup de téléphone d’un secrétaire du Parti ne décidera plus nécessairement d’un prêt.   Mais le pluralisme peut encore jouer dans d’autres domaines. Dans l’économie, par exemple, les petites et moyennes entreprises  pourront progressivement se défendre grâce au système juridique qui sera un peu plus indépendant, ne serait-ce que par les pressions intérieures au moins par les pressions de l’OMC et des pays étrangers et les milliers d’avocats étrangers qui s’installeront en Chine. Cela est important et empêchera une entreprise d'état comme China Mobile de tracasser une petite entreprise.  

Le pluralisme pourra aussi jouer dans le champ des ONG. Elles existent de façon modeste et avec une auto-censure encore trop marquée. Dans la protection de l’environnement leur importante activité peut aider. C’est trop tard pour sauver Pékin. La capitale a été irrémédiablement spoliée de ses quartiers traditionnels. Mais les associations s’intéressant au patrimoine culturel commencent à s’établir. Si les pouvoirs de Pékin ville ne sont plus dans les mains du gouvernement mais dans celles des spéculateurs immobiliers on ne voit pas pourquoi des dirigeants politiques éclairés n’accepteraient pas l’aide des ONG contre les spéculateurs. Et si quelques dirigeants de la Chine veulent enfin reconnaître que leur choix préférentiel pour les automobiles fut une erreur, ils pourraient bien les utiliser.  

Le sommet du parti regardera cela avec anxiété sans doute, comme il a regardé avec inquiétude le phénomène de la Fa-Lung Gong. Cela était très marqué sous la présidence de Zhang Zemin. Dans le futur, il y aura sans doute une croissante pluralité d’intérêts et de vues en Chine en on ne voit pas pourquoi les ONG ne pourraient y prendre part. Si la Chine plaide pour un certain pluri centrisme en politique étrangère on ne voit pas pourquoi il ne devrait pas exister un pluri centrisme à l’intérieur. Attendons ce qui sera fait. Le succès n’est pas garanti.

La Chine pourrait-elle un jour dominer le monde ?

Suivant l’exemple de Confucius faisons un petit effort pour nettoyer notre grammaire.  « Dominer » est un terme qui se prête à plusieurs explications. Si on veut dire dominer comme le Mont Blanc domine les Alpes, il est bien possible que la Chine dominera le monde dans vingt ans. Ce fut sa position il y a mille ans et donc il n’y aurait donc rien d’étrange à ce que cela se produise une nouvelle fois.

Mais dominer peut aussi signifier une domination injuste, une influence négative et une perte pour les autres.

Du coté économique,  les signes actuels pourraient bien laisser supposer une domination unilatérale par la Chine, avantageuse pour elle et désavantageuse pour nous. Pensez aux importations chez nous d’articles très bon marché. Pensez aux entreprises européennes qui sont contraintes de se délocaliser. Dans cette optique le développement ultérieur de la Chine pourrait sembler menaçant et dominateur.  

On peut avancer cependant que dans dix ou vingt ans le flux des immigrants des provinces pauvres vers l’ouest se sera essoufflé et que les salaires commenceront à grimper. Le réservoir de 800 millions de paysans superflus sera vide. D’ailleurs, il existe des experts qui parlent d’un réservoir bien moins grand, environ 300 millions de gens capables de se déplacer. Et en plus récemment au sud de la Chine on a observe une certaine pénurie de main d’œuvre dans quelques branches. C’est significatif.  

Et si les salaires grimpent alors cela implique beaucoup de chances pour nos industries occidentales. Ce sont les années d’adaptation qui seront difficiles pour les deux cotés. L’appartenance de la Chine à l’OMC sera alors très utile parce qu’on aura au niveau mondial un instrument pour guider les développements.

Les Etats Unis et l’Europe ne peuvent pas empêcher le développement de la Chine, mais ils doivent veiller à ce que leur propre économie ne soit pas indûment affaiblie.  Ils doivent fournir des efforts supplémentaires pour rester en tête des innovations dans la recherche scientifique. En outre, ils doivent penser à un système qui leur permettra de rester proches de la situation en Chine pour surveiller minutieusement les avancées scientifiques et technologiques. Cela peut aussi se faire par d’autres moyens que ceux purement scientifiques. Par exemple on pourra développer des liens de coopération et d’investissement dans des nouvelles entreprises en Chine. Les techniques de venture capital, capital à  risque, peuvent être utiles à ce sujet.  

De même nos pays européens auront du pain sur la planche. Pour la France, on envisage des réformes selon les idées de Monsieur Camdessus, formulées sur la demande de Nicolas Sarkozy. L’Allemagne devrait mettre en œuvre le plan Hartz. La Finlande a mis en place un modèle fondé sur la connaissance technique. Le Danemark prône la flexibilité. Les Pays-Bas, dès 1983, ont signé un accord dit  « de Wanneraar » pour une coopération efficace entre syndicats et employeurs. Cet accord a besoin d’être renouvelé. Avec tant de possibilités  en Europe pour améliorer nos économies, il n’y a pas de raison de craindre ou de convoiter la Chine.  

Quelques banquiers américains se sont laissés impressionner par le pronostic envisageant que la Chine pourrait avoir d’ici 10 ans un volume de dépôts bancaires supérieur à celui des Etats-Unis. Mais cela est-il un signe de santé ou plutôt le signe d’un problème ? Les dépôts bancaires sont hypertrophiés en Chine à cause de la pénurie d’autres produits financiers pour lesquels les Etats-Unis sont bien plus riches et qui contribuent bien plus à une production saine et innovatrice que les dépôts  du système chinois. 

Considérons maintenant le mot de « domination » aussi dans un sens politique et diplomatique. Je sais que les Américains y réfléchissent, par exemple l’Institute of National Security Studies, lié à la National Defense Academy. Jusqu’ici la Chine s’est tenue dans une position encore raisonnable, mais les virus nationalistes ont libre cours en Chine et les autorités ne sont pas toujours très attentives à ce danger, comme le montre la question de Taiwan.  Revenons un moment sur les évènements sportifs et leur traitement à la télévision. Les reportages furent exclusivement centrés sur les médailles d’or pour la Chine, au service  du nationalisme mais pas nécessairement à la satisfaction du peuple Chinois. Les chiffres d’ailleurs ne donnent pas une position tellement favorable à la Chine. Les médailles de l’Europe sont bien plus nombreuses que des Chinois, qui sont pourtant plus du double de l’Europe en population. Plus ennuyeux est le fait que ces médailles sont toujours gagnées par des "employés de l’Etat", des "fonctionnaires” et pas du tout dans l’esprit olympique « kalos kai agathos ».  De cet esprit du sport,  la Chine ne comprend rien.  Est-ce encore un sentiment d’infériorité qui serait en jeu ?  Tel sentiment, s’il existe, n’est nullement justifié et absolument superflu. Mais jouer sur les sentiments de cette manière peut être dangereux. La perte de l’inspiration communiste pourrait inciter le gouvernement chinois à exploiter la note nationaliste quand des difficultés internes se présenteront. La réaction populaire en Chine quand, par accident lors de la guerre dans les Balkans,  l’ambassade de Chine fut victime d’un bombardement par des avions américains ne fut pas très bien maîtrisée et calmée par le gouvernement chinois.

«Domination » peut donc comporter quelques dangers qui doivent nous inspirer la prudence avec la Chine. Les peuples de l’Asie, déjà par nature plus opportunistes et par leur proximité aussi plus menaces peuvent être plus flexibles, comme le bambou envers une Chine dominatrice. J’ai la faiblesse de penser que l’Europe serait plus consistante dans une attitude bienveillante mais forte, si jamais la nécessité s’imposait.  

Il faudra surtout résister – mais résister en coopérant avec la Chine - à une migration incontrôlée. En 2003, lors d’une manifestation contre l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne nous étions précédés dans les rues de Paris par une foule bien plus nombreuse de  « sans papiers ». Il y avait des centaines d’arabophones qui chantaient et dansaient dans la rue et qui donnaient à la manifestation un aspect riant.

Mais au milieu de la procession il y avait une cohorte fermée, bien encadrée, avec des visages sévères. C’était une cohorte d’une centaine de Chinois. Leur présence silencieuse est pour moi plus menaçante que tout le reste. La Chine ne devra jamais déborder de ses frontières par une migration incontrôlée. Nos gouvernements européens sont bien trop laxistes et coupables dans leur politique d’immigration. Naturellement, avec l’appui des associations d’employeurs qui en sont les instigateurs et qui portent donc une lourde responsabilité en ce qui concerne cette immigration. Cela nous impose de coopérer avec la Chine pour rendre ce danger inopérable. Le plus grand danger de domination serait ce débordement.  

N’excluons pourtant pas qu’un jour le développement de la Chine qui,  en ce moment,  est surtout matériel et matérialiste, évoluera vers un renouveau spirituel. Alors la Chine regagnera son sens de la modestie, de l’ironie et de la dépréciation inutile mais toujours charmante de soi-même qui font partie de l’héritage chinois et qui ont fait que les pères jésuites se trouvaient comme chez eux en Chine.  

Une telle Chine n’aurait aucun besoin de « dominer le monde » dans un sens qui nous porterait un préjudice. Elle dominerait seulement comme le Mont Blanc domine les Alpes  et peut-être par une culture reconquise dont les personnalités aujourd’hui vainement parlent de la « te-se » et qui par faiblesse et nonchalance sinon par corruption ont permis la destruction du vieux centre de Pékin n’auront plus de place (5).  

Maintenons donc l’espoir de voir surgir des dirigeants de la stature spirituelle d’un Zhou En Lai.

Ces derniers mois nous ont réservés à moi et à ma famille la grande joie de pouvoir coopérer avec les autorités de Pékin pour la restauration d’une ancienne résidence bâtie autour d’une cour (si-he-yuan) dans la restauration d’une de ces résidences séculaires (6).

A cause de ce travail commun, je conserve un certain espoir dans une possibilité de participer à reconstruction de la Chine. De notre côté, en Europe, nous devons faire preuve de patience et travailler aussi sur notre propre « te-se », notre propre identité culturelle européenne que,  dans notre inconscience, nous sommes coupables de négliger.  

Quand les colombes seront de nouveau pourvues de leurs petits sifflets et voleront en bandes musicales dans le ciel de Pékin je recommencerai à croire que la Chine aura retrouvé sa poésie et sa force spirituelle. Ces colombes pourront aider les Chinois à échapper à leur système unidimensionnelle et terre-à-terre.  

Vous comprenez bien que je vois dans ces colombes ou dans la maison renouvelée seulement un petit symbole de quelque chose bien plus important. Le chapitre tellement bien commencé avec Matteo Ricci de rencontre entre l’Est et l’Ouest doit être repris.

La réflexion concernant la Chine et l’Europe sur notre « identité », sur notre « te-se » sera donc toujours très riche et pleine de leçons pour les deux partenaires. Regardons-nous toujours en face avec franchise et courtoisie. 

Des deux côtés du continent eurasiatique nous sommes liés par notre devoir de protéger notre avenir et notre héritage. Chacun doit faire un effort pour conserver et développer son propre « te-se », sa véritable identité et vocation.  

Dr. Anton G.O. Smitsendonk, ambassadeur honoraire des Pays-Bas

(biographie en bas de page)

Notes

1. Gefyra  China Development Solutions http://www.gefyra.com.cn   email gefyra@gefyra.com.cn suite 610 Danyao Plaza,  No 176 Wangfujing Street, Beijing 100006 Republique Pop. de Chine.  

2. Sirin Phathanothai : "The Dragon’s Pearl", Simon and Schuster  New York, et London.  Aussi Hachette: “La petite otage de la Chine Rouge”. 

3. Une anecdote : l’économie circulatoire c’est aussi ce que nous pratiquons après les grandes fêtes chinoises. Les amis nous donnent des cadeaux souvent inutiles. Nous les conservons soigneusement et les donnons à d’autres amis venus d’Europe quand une bonne occasion se présente.

4. Ba Shusong du  State Council Development Research Center, China Daily 14.10.2004.

5. Cette maison où Zhou En Lai a voulu un institut dédié à la préservation et au maintien de l’héritage des maisons traditionnelles de Pékin fut restaurée. Cette plaque fut apportée par la fille adoptive du Premier Sirin Phathanothai (Chang Yuan) épouse de l’ancien Ambassadeur des Pays Bas en Chine Anton Smitsendonk en commémoration de ce renouveau auquel ils furent associés à ce travail de piété avec leurs fils bourg et Léo Horn. 

6. Nous y allions plusieurs fois dans la semaine. Parfois il y a avait une vingtaine de travailleurs dans le compound, parfois quatre ou cinq  appuyés sur le toit pour souder les tuiles, ou bien à mesurer et tailler sur mesure les tuyaux pour l’eau, le chauffage, les déchets, J’étais avec eux quand ils mêlaient le grès avec le sang de cochon pour envelopper les grands pilastres en bois qui portent les énormes travaux et le toit.

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Date de la mise en ligne: octobre  2005

 

 

 

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Dr Anton G.O.Smitsendonk is since late 2000 National Commissioner for Thailand in the International Chamber of Commerce, - the World Business Organization - and since december 2003 also for Indonesia.  

In that capacity in Paris he participates in and reports on a number of ICC Commissions like:

. International Trade and Investment Policy

. Business in Society, on corporate responsibility, corprate governance

. Financial Services

. Electronic Commerce IT and Telecoms  

During his long diplomatic career Anton Smitsendonk was from 1986 till 1991 Netherlands Ambassador to the OECD, the Organization for Economic Cooperation and Development in Paris.

Previous to that mission, from 1981 to 1986, he was Netherlands Ambassador to the People's Republic of China, and occasionally also Chargé d’Affaires of the Grand Duchy of Luxembourg.

In the sixties, and again from 1978 to 1982, for a total of 9 years, he worked in the Netherlands Embassy in Washington DC, USA., first as a First Economic Secretary and labor attaché, later as Economic Minister.

The list of his diplomatic assignments further includes further:           

. Yugoslavia (Belgrade),        

. Italy (Rome) also sectretary to the Conciliation Commission between Holland and Italy          

. Brazil (Sao Paulo, as a consul)           

. Turkey (Ankara, as Deputy Chief of Mission)

. Indonesia, from 1969 to 1974 as Counselor, Head of the Department for Development Cooperation.

Born in Utrecht in 1928, Anton Smitsendonk's academic education was in Law (University of Utrecht) and in Banking (AMRO Bank in Amsterdam and the Netherlands Institute for Banking and Securities - NIBE, Amsterdam).

He completed courses in Management of New Enterprises (UCLA).

During his mission in the United States he wrote a Ph.D thesis on American competition (anti-trust) law and labor law, with regard to entrepreneurial and trade union strategies and the relations between labor law and antitrust law ("TRADE AND LABOR, two American policies" 1969, Netherlands version Kluwer, the Netherlands).    

In recent years he has acted occasionally as chairman of Briefing sessions on business in China (Management Center Europe, Brussels).   

In the "Académie Diplomatique Internationale de Paris" he chaired from 1991 until  1997 a working group including leading politicans and diplomats on the problems of former Yugoslavia and the Balkans. 

He advises French institutions on questions concerning migration policy and the relations of the European Union with non-European neighboring countries.  

Anton Smitsendonk is married to Sirin Smitsendonk – Phathanothai, the author of  an autobiography “Dragon’s Pearl” (Sinmon & Schuster, New York and London). That book describes her youth in China when Prime Minister Zhou En Lai acted as her guardian. They, as well as two sons,  regularly work together on European-Asian relations.  

Email : anton.smitsendonk@member.afsa.org

Ambassador Smitsendonk has been awarded the following government decorations:

- Officer in the Order of Oranje Nassau (Netherlands).

- Knight in the Order of the Netherlands Lion (Netherlands).

- Grand Officer in the Order of Merit of the Grand Duke of Luxemburg.

   

 

 

 

   

 

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