www.diploweb.com Géopolitique
de l'Asie et de l'AfghanistanExiste-t-il
des Afghans ?
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En occultant, consciemment ou non, la réalité ethno-linguistique de lAfghanistan, presque tous les observateurs se sont condamnés à ne rien comprendre au conflit de 2001-2002. L'auteur présente ce facteur, aussi bien en Afghanistan que dans son environnement géopolitique. Consulter une carte de l'Afghanistan |
Biographie de l'auteur en bas de page Mots clés - key words: bernard dorin, géopolitique de l'afghanistan, occupation et départ de l'armée soviétique, russie, suites des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, guerre d'afghanistan 2001-2002, composition ethno-linguistique de l'afghanistan, pachtoun, ouzbek, turkmen, tadjik, farsi, baloutch, général rachid dostom, général ahmed shah massoud, talibans, kaboul, pakistan, asie centrale, droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, avenir politique de l'afghanistan. *
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Douze ans après le départ peu glorieux de larmée doccupation soviétique, lAfghanistan, libéré par lhéroïsme des résistants au prix probablement dun million de morts et de plusieurs millions de réfugiés, est encore à feu et à sang en 2001-2002, cette fois du fait des frappes aériennes américaines. Ce fait peut apparaître scandaleux, et surtout incompréhensible. Comment comprendre ?Pour lexpliquer, on met généralement en avant les interventions des Etats étrangers et surtout celles des voisins iraniens et pakistanais. Certes, les rivalités régionales ont pu jouer un grand rôle dans le drame afghan. Cependant, il est clair quelles ne suffisent pas à expliquer lacharnement des combattants dans un pays saigné à blanc par une guerre civile de 23 ans et qui devrait aspirer ardemment à la paix. On tente de rendre responsable de la poursuite des combats sur le terrain avant lintervention américaine la rivalité des personnes, chefs militaires se comportant comme des " seigneurs de la guerre " et, après tant dannées de combat, incapables de sortir de la " logique de guerre ". Cependant, comment expliquer alors lenthousiasme et labnégation avec laquelle les chefs de guerre sont suivis par les combattants des deux bords ? Les traditions guerrières des Afghans peuvent rendre compte des succès militaires contre les anglais au XIX ème siècle, contre les Soviétiques récemment, mais pas de la tuerie fin 2001 entre Afghans ! Une mosaïque de langues, donc de peuplesMais, au fait, existe-t-il des Afghans ? Une charmante amie romancière me donna un jour à lire le manuscrit non édité de son livre : elle y mentionnait un caravansérail où lon parlait " toutes les langues de lOrient, le Turc, le Persan, lArabe, le Kurde et lAfghan "! Je lui fis observer que, pour la dernière, cela était peu vraisemblable et, devant son étonnement, jajoutai que lon ne pouvait pas plus " parler afghan " que " parler européen " car lAfghanistan était en fait, comme la plupart des Etats dAfrique et dAsie, une véritable mosaïque de langues, donc de peuples. En Afghanistan, on pouvait, selon les régions, parler Pachtoun, Ouzbek, Turkmen, Tadjik, Farsi, Baloutch, etc. mais certainement pas " Afghan ". De même que Jules Destrée pouvait dire à son roi cette " affreuse vérité " selon laquelle " il ny a pas de Belges ", il ny a pas davantage dAfghans ! Ainsi en occultant, consciemment ou non, la réalité ethno-linguistique de lAfghanistan, presque tous les observateurs se sont condamnés à ne rien comprendre au conflit. De l'ethnie pachtoun aux milices ouzbeksJetons un bref coup dil sur le passé de lEtat afghan : jusquà linvasion soviétique de 1979, le royaume est dirigé par lethnie pachtoun. Celle-ci tient à Kaboul tous les leviers de commande : politique, armée, diplomatie, administration locale. Les autres peuples, et surtout les Chiites du massif montagneux central, sont subordonnés à lethnie dominante et sans influence réelle au sein de lEtat afghan. En 1979, cet état de chose est profondément modifié par loccupation soviétique et la constitution dun gouvernement communiste aux ordres de loccupant. Secoué par de sanglants règlements de compte, le régime de Kaboul doit alors sappuyer sur certaines milices " ethniques " pour combattre la rébellion qui gagne peu à peu lensemble du pays. Cest ainsi quil fait appel à Rachid Dostom et à ses milices ouzbeks pour " tenir " la partie Nord du pays de peuplement ouzbek. Cest dailleurs la défection du Général Dostom qui provoque leffondrement final du régime communiste et le triomphe des " moudjahiddins ". Les TadjiksDautre part, ce ne sont pas les Pachtouns qui ont joué le rôle décisif dans la victoire des résistants mais un autre groupe minoritaire qui occupe le Nord Est du pays, les Tadjiks. Sous les ordres du " lion du Panshir ", le général tadjik Ahmed Shah Massoud - assassiné en septembre 2001 - les insurgés tadjiks mettent en échec sept offensives successives soviétiques dans la vallée du Panshir, au nord de Kaboul. Dans ces conditions, le pouvoir des moudjahiddins sinstalle à Kaboul avec le Président Rabbani et le général Massoud, sappuyant sur les peuples minoritaires, essentiellement les Tadjiks, et ne laissait que la portion congrue aux anciens dominateurs, les Pachtouns. Désormais, tous les événements politiques et militaires sexpliquent par la volonté des Pachtouns de rétablir, avec laide du Pakistan, leur ancienne domination à Kaboul. La première tentative, sous la direction du chef fondamentaliste pachtoun Gulbuddine Hekmatyar, échoue après de sauvages bombardements de la capitale. Les TalibansLes fameux " Talibans " (pluriel de " taleb ", étudiant) formés au Pakistan constituent la seconde tentative, cette fois réussie, de rétablissement du pouvoir pachtoun. On comprend alors que, tant quelle sest exercée en zone de peuplement pachtoun, la progression des Talibans a été foudroyante. Cest ainsi que Kandahar, lancienne capitale de lAfghanistan et Jellalabad, tombent presque sans combat entre leurs mains. Cest ainsi également quils peuvent savancer facilement vers Kaboul par le Sud et lEst et occuper la capitale précipitamment évacuée par leurs adversaires. Toutefois, lorsquil leur faut progresser vers le tunnel de Salang et vers la vallée du Panshir en zone tadjik, cela devient une toute autre affaire. Ainsi, les Tadjiks de Massoud, les Ouzbeks de Dostom et les Haziris de Khalili se sont coalisés, moins contre le fondamentalisme des faux " étudiants en religion " que contre le retour éventuel de la domination pachtoun. Environnement géopolitique frontalierEvidemment les événements dAfghanistan ne se déroulent pas en vase clos mais affectent dune façon ou dune autre les Etats de la région et, là encore, le facteur ethno-linguistique joue un rôle fondamental. En effet, les peuples vivant à lintérieur des frontières de lEtat afghan ont leur prolongement au delà de ces frontières : les Tadjiks avec le Tadjikistan indépendant (ex-soviétique) ; les Ouzbeks avec lOuzbekistan indépendant (ex-soviétique) ; les Turkmèns avec le Turkménistan indépendant (ex-soviétique); les Baloutchs avec le Baloutchistan iranien et le Baloutchistan pakistanais ; et surtout les Pachtouns avec leur frères dau delà de la célèbre passe de Khyber, qui représentent une masse de population comparable à la leur à lintérieur du Pakistan. Séclairent dès lors des événements comme le soutien des Tadjiks dAfghanistan à linsurrection des " islamo-démocrates " contre le pouvoir néo- communiste de Duchambé au Tadjikistan indépendant, comme lappui apporté par lIran aux Haziris chiites du massif montagneux central, comme laide de lOuzbékistan indépendant de Tachkent aux milices ouzbeks de Dostom, surtout comme la formation au Pakistan du mouvement des " Talibans ". Cette politique risque dailleurs dêtre périlleuse pour le Pakistan lui-même, les nationalistes pachtouns rêvant dun grand Pachtounistan incluant les deux parties, aujourdhui séparées, de lethnie pachtoun, celle de lAfghanistan et celle du Pakistan. Retournements de l'histoireSi la prise de Kaboul par les Talibans et la pendaison de lancien leader communiste Najibullah qui la suivie ont été alors considérées comme un revers pour la Russie et un succès pour le Pakistan et, de façon plus que douteuse, pour les Etats-Unis, la résistance acharnée des Tadjiks, même après la mort de Massoud, apparaît comme une revanche des Russes et des Iraniens. Par un étrange retournement de lHistoire, les Tadjiks, après avoir été les plus farouches adversaires des " Chouravis " (russes), et finalement leurs vainqueurs tendent à devenir leur recours en Afghanistan ! En revanche, les Américains, qui avaient favorisé loccupation des quatre cinquième de lAfghanistan par les Talibans grâce aux Pakistanais, sefforcent ensuite de détruire le pouvoir taliban à coup de bombes ! En effet, les événements du 11 septembre 2001 ont à nouveau changé la donne en Afghanistan. Grâce à un soutien déterminé à l " alliance du Nord ", composée essentiellement de Tadjiks, les Américains espèrent vaincre sur le terrain les Talibans en poussant les Tadjiks à faire le travail quils nosent pas faire avec leurs propres forces, cest à dire occuper physiquement le pays. Dès lors une question se pose : comment en finir avec cet interminable conflit afghan ? Quel droit des peuples ?Les causes de la prolongation de la guerre étant très largement de nature ethnique, le remède doit lêtre aussi. Certes, dans la conjoncture internationale actuelle qui soppose à la modification des frontières dEtat, il ne peut être question de démembrer lAfghanistan ou damputer les Etats voisins pour former un " grand Pachtounistan ", un " grand Tadjikistan ", un " grand Ouzbékistan ", ou un " grand Baloutchistan ". Encore que ce serait la solution la plus juste et la plus conforme au principe du droit des peuples à disposer deux-mêmes. Il sagirait donc seulement, à lintérieur des frontières actuelles de lAfghanistan, de diviser le pays en Etats fédérés constitués sur une base ethno-linguistique, la capitale, Kaboul, située au carrefour géographique des principaux peuples constituants, et au peuplement multi-ethnique, devenant tout naturellement le centre dun " district fédéral " ouvert à tous. Cest une solution du même type qua expérimentée lUnion indienne, divisée en Etats linguistiques et, plus récemment, lEthiopie, avec le même succès. Avec la montée en puissance, partout au monde, des nationalismes linguistiques, on peut estimer que cest, pour lAfghanistan, la solution de lavenir. Bernard Dorin, Ambassadeur de France Manuscrit clos janvier 2002. Copyright 20 mai 2002-Dorin/www.diploweb.com L'adresse url de cette page est : http://www.diploweb.com/p5dori4.htm |
Date de la mise en ligne: juin 2002 |
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Biographie de Bernard Dorin, Ambassadeur de France |
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. 1950 : Diplôme de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris. . 1953 : Admis à l'Ecole Nationale d'Administration . 1963 - 1964 : Adjoint au Secrétaire Général du Ministère des Affaires Etrangères. . 1964 - 1966 : Conseiller Technique - pour les affaires diplomatiques - au cabinet du Ministre de l'Information. Directeur Adjoint du "Service de Liaison Interministériel pour l'Information". . 1966 - 1967 : Conseiller Technique - pour les affaires diplomatiques - au cabinet du Ministre Délégué chargé de la Recherche Scientifique et des Questions Atomiques et Spatiales. . 1967 - 1968 : Conseiller Technique - pour les affaires diplomatiques - au cabinet du Ministre de l'Education Nationale, chargé en particulier des relations avec les universités africaines. . 1968 - 1969 : Conseiller Technique - pour les affaires diplomatiques - au cabinet du Ministre chargé de la Recherche Scientifique et Conseiller technique "officieux" au Cabinet du Ministre de l'Education Nationale. . 1969 - 1970 : Année sabbatique à l'Université de Harward, au Center for International Affairs. . 1970 - 1972 : Chargé de mission auprès du Directeur du Personnel du Ministère des Affaires Etrangères. . 1972 - 1975 : Ambassadeur en Haïti. Plus jeune Ambassadeur du corps diplomatique français. . 1975 - 1978 : Créateur et chef du Service des Affaires Francophones du Ministère des Affaires Etrangères. . 1978 - 1981 : Ambassadeur en République d'Afrique du Sud. . 1981 - 1984 : Directeur d'Amérique au Ministère des Affaires Etrangères (Etats-Unis, Canada et Amérique Latine). . 1984 - 1987 : Ambassadeur au Brésil. . 1987 - 1990 : Ambassadeur au Japon. . 1991 - 1993 : Ambassadeur en Grande-Bretagne. . 1er janvier 1992 : Elevé à la dignité d'Ambassadeur de France. . 1993 - 1997 : Conseiller d'Etat en service extraordinaire. . Juin 2001 : "Appelez-moi Excellence. Un ambassadeur parle", éd. Stanké. Officier de la Légion d'Honneur. Grand-Croix de l'Ordre de Victoria (G.C.V.O.) Membre fondateur de l'Association France-Québec. Président des Amitiés francophones, 39 Avenue de Saxe, 75007, Paris, France. |
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