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"Des sables de la péninsule Arabique aux steppes d'Asie centrale : l'évolution de l'islamisme contemporain", par Sandrine Lesperat et Hélène Pradon

Les auteurs définissent successivement l'islamisme, les diverses attitudes des mouvements islamistes face aux régimes politiques, ses manifestations et sa stratégie. Au vu de cette analyse, l'Asie centrale islamiste se trouve au carrefour de convoitises croisées.

Mots-clés - key words: sandrine lesperat, hélène pradon, islamisme contemporain, asie centrale, oaric, après 11 septembre 2001, sécurité internationale, stratégie, géopolitique, idéologie, islam radical salafisme djiahadiste, lutte armée, terrorisme, ben laden, bibliographie.

éd. "Les cahiers d'études de l'OARIC", n°1, 2002, 76 pages. Observatoire d'analyse des relations internationales contemporaines, 43 rue de Ponthierry, 77 310 Boissise le Roi, France.

Voici un ouvrage à la fois analytique et prospectif pour envisager l'après 11 septembre 2001. Spécialistes des questions de sécurité internationale, les auteurs ont déjà réalisé des travaux sur cette zone dans le cadre du Centre de recherche et de documentation du Commandement de la Doctrine et de l'Enseignement militaire supérieur (CDES), à l'école militaire de Paris. Sandrine Lesperat est l'auteur d'une étude sur "La dialectique tradition/modernité dans les régimes politiques de la péninsule Arabique." Hélène Pradon, de son côté, s'est penchée sur "Les minorités dans la nouvelle géopolitique de l'Asie centrale."

Risques

Dans ce premier ouvrage commun, Sandrine Lesperat et Hélène Pradon cernent l'évolution de l'islamisme contemporain dans une vaste écharpe s'étendant de la péninsule Arabique à l'Asie centrale. Les auteurs se sont attachées à expliquer les mécanismes complexes de ce nouveau courant politico-religieux. Il s'agit de voir dans quelle mesure l'islamisme, né au sein de la péninsule arabique, a pu essaimer en direction de l'Asie centrale. Puis d'appréhender les risques qu'il représente pour l'avenir de cette jeune aire stratégique, marquée depuis les indépendances de 1991 par un vide idéologique et politique favorable à l'émergence de l'islamisme. La présence dans ces territoires d'importantes ressources énergétiques incitent les acteurs de tous types à s'impliquer dans cette zone assez marginale voici une quinzaine d'années.

Les auteurs définissent successivement l'islamisme, les diverses attitudes des mouvements islamistes face aux régimes politiques, ses manifestations et sa stratégie. Au vu de cette analyse, l'Asie centrale islamiste se trouve au carrefour de convoitises croisées.

Une nouvelle idéologie

De l'après 11 septembre 2001, Sandrine Lesperat et Hélène Pradon font l'analyse suivante : "Pour comprendre ce qui se passe aujourd'hui, il faut se pencher plus précisément sur la nouvelle idéologie de l'islam radical, le "salafisme djihadiste". Elle se réclame d'une interprétation ultra-rigoriste des textes sacrés musulmans selon la tradition en vigueur en Arabie saoudite (salafisme) mais s'en distingue en prônant la lutte armée (djihadisme) contre tous les régimes impies, de l'Occident jusqu'à ses alliés, dynastie saoudienne incluse. C'est en Afghanistan que naît cette nouvelle idéologie de l'islamisme. Si Ben Laden en est l'une des grandes figures, les tenants de ce courant ont aussi leurs guides en Europe et surtout à Londres. Cette référence exclusive et obsessionnelle au djihad se substitue à la prédication religieuse, au travail politique et à la mobilisation sociale. En légitimant le recours à la violence, le djihad risque de bouleverser l'ordre public et se présente donc comme une arme à double tranchant.

Objectifs

Les buts de cette nouvelle guerre officiellement déclarée sont clairement identifiés. Il s'agit dans un premier temps de prendre le contrôle de l'immense région qui va de l'Afghanistan au Caucase et du Pakistan jusqu'aux républiques musulmanes de l'ex-URSS au nom d'Allah. Peu importe l'identité chiite de l'Iran alors que la 'vraie' foi se réclame du sunnisme, peu importe que le Pakistan soit le vassal des Etats-Unis dans la mesure où il est également le protecteur des Taliban, peu importe que le Tadjikistan, l'Ouzbékistan et le Kirghizstan restent aux mains d'apparatchiks nostalgiques du communisme, l'essentiel est que tous ces Etats agités et divisés représentent aujourd'hui le ventre mou de l'islam.

Selon l'idéologie de ce nouvel islamisme, c'est de l'Asie centrale que l'islam se lancera à sa propre conquête, c'est de cet 'arc géographique de la violence' qu'avait identifié Zbignew Brzezinski, que les guerriers de Mahomet pourront soumettre tous les Etats musulmans aujourd'hui dirigés par des apostats. Sûr de gagner, Ben Laden opère en Asie centrale comme s'il s'inspirait du géographe britannique Halford Mackinder qui avait averti en 1904 que celui qui tiendra le cœur de l'Eurasie tiendra 'le pivot du monde'. Une fois que les mouvements islamistes contrôleront toute la zone allant de la mer d'Arabie à la Caspienne, ils pourront s'attacher dans un second temps à restaurer le Califat." (pages 56 et 57)

Pour les auteurs, "la constitution d'une coopération centrasiatique apparaît alors indispensable à la mise en œuvre de véritables politiques de lutte contre l'islamisme radical, qui bénéficie du manque de coordination aux frontières entre les républiques." (p. 65)

Pour poursuivre la lecture de cet ouvrage solidement argumenté mais assez court, les auteurs proposent une bibliographie (pages 72 à 74).

Pierre Verluise

NDLR : Lire également : "L'Arabie saoudite et la péninsule après le 11 septembre : défis et enjeux d'une région en crise. Islam et mondialisation", dans la revue "Monde arabe. Maghreb-Machrek", n° 174, décembre 2001, éd. Documentation Française.

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