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"L'Europe et la globalisation", par Matthieu
Périchaud CHAPITRE 3 : Europe et globalisme Partie B : Fédéralisme et démocratie |
Introduction - 1. Politique, médias et société - 2. Continuité et rupture de la pensée sur l'Europe - 4. La communication sur l'Europe - Conclusion et bibliographie |
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Cela nest pas vraiment antagoniste, dans la mesure où les décisions clés, les orientations structurelles, restent lapanage du pouvoir centralisé La modification du processus démocratique par laction technocratique est de double nature. Dune part elle consacre pleinement la prédominance des règles de lEtat de droit, dautre part elle relativise limportance et le rôle des représentants de la population. 1/ Europe et Etat de droit La montée en puissance de lEtat de droit est un phénomène observable partout, mais il est particulièrement important au sein de lUnion Européenne. En effet, le système institutionnel européen, tel que lont élaboré ses fondateurs, tend à transformer des enjeux traditionnellement politiques en questions dordre juridique. La primauté du droit est un des attributs essentiels du libéralisme idéologique. Pour comprendre les implications de la préséance du droit sur le politique, un retour sur les fondements juridiques de la pensée libérale simpose. Droit naturel et droit positif La notion dEtat de droit sert généralement à opposer les régimes démocratiques aux dictatures. Elle se manifeste par le fait quun tel Etat nest pas fondé sur des rapports de forces, mais quil est au contraire soumis au droit institué (un Etat de consensus, plutôt que daffrontement). Cette construction juridique du pouvoir soppose à lidée que le droit est rationnellement déduit de la nature (dans ce cas, au droit naturel, on oppose donc le droit positif). Ainsi, alors que chez Grotius, Pufendorf, Locke ou Rousseau, le droit positif nest que la matérialisation du droit naturel existant avant létablissement de la société civile, le positivisme juridique qui reste la principale référence des libéraux contemporains se caractérise par un refus de considérer lexistence dune justice antérieure ou supérieure au droit positif. Plus simplement, cela signifie que pour les tenants de lEtat de droit, seule lautorité (en tant que source légale du droit) fait la loi. Cette loi découle dun contrat sur lequel se sont entendues les parties concernées, et ce contrat est considéré comme irrévocable. Souveraineté de la loi Ainsi, le positivisme juridique ne sintéresse quà la source légale du droit et ne lui reconnaît aucune dépendance vis-à-vis dun hypothétique droit naturel. En conséquence, il ny a, selon les partisans de lEtat de droit, aucune norme extérieure au droit institué. Un tel raisonnement aboutit au constat suivant : la loi est lorgane de lautorité, elle-même incarnée par lEtat. Et, selon toute logique, la loi seule est souveraine, non lEtat. La conception de lEtat de droit est particulièrement utile afin de comprendre pourquoi la construction européenne est à ce point conditionnée par son aspect technocratique et administratif. Les fondateurs, comme les continuateurs de lEurope fédérale, adhèrent totalement au principe de lEtat de droit, qui implique, rappelons-le, la suprématie du juridique sur le politique, et la suprématie de la loi sur lEtat (14). Dans un article qui nous semble particulièrement pertinent afin de saisir toutes les implications du fédéralisme européen, Laurent Cohen-Tanugi insiste sur le fait que : "(...) la dimension supranationale de la Communauté doit sa véritable portée à la nature intimement juridique de la construction européenne, laquelle est demeurée beaucoup plus confidentielle. Or lEurope, cest avant tout du droit, sous la forme dun traité fondateur, de normes communautaires dérivées (directives, règlements) mises en uvre par les institutions communautaires, et de la jurisprudence de la Cour de justice de Luxembourg. Affirmer que lEurope du Traité de Rome est essentiellement une communauté de droit revêt une signification précise, qui découle du fait que les Etats membres se sont liés juridiquement, et tant que la construction de lEurope sera à lordre du jour irrévocablement, par les dispositions du Traité." (15) La soumission du principe de souveraineté au principe supérieur de rationalité (le droit) est un des préceptes fondamentaux de la pensée kantienne sur la paix perpétuelle. En effet, contrairement au projet de labbé de Saint-Pierre, par exemple, pour qui les relations entre Etats conditionnent encore la réflexion sur la paix, Kant considère que cette paix perpétuelle est possible, non parce quelle est souhaitable pour les Etats, mais uniquement parce quelle est nécessaire. Kant, père spirituel de la construction européenne Pour Kant, la paix est en effet un impératif moral, et cet impératif sincarne dans la suprématie du droit : "Létat de nature, qui est anarchique, doit être dépassé, transformé par létat de droit, sur le plan étatique dabord, interétatique ensuite" (16). Ainsi, toujours selon Kant, le but est de "sortir de létat anarchique des sauvages et dentrer dans une Société des Nations [Völkerbund, ligue des peuples], où chaque Etat, jusquau plus petit, voit sa sécurité et ses droits garantis non plus par sa puissance ou par une juridiction qui lui soit propre, mais par cette grande Société des Nations (Foedus Amphictyonum), cest-à-dire la puissance commune et par les décisions prises en vertu de la législation commune des Etats associés." (17) Idéal kantien, politique et participation citoyenne Ce raisonnement est déterminant parce quil explique lévolution, au sein de lUnion Européenne (et dans le monde plus généralement), du processus démocratique et du rôle du politique. En effet, placer le droit au-dessus de tout autre élément de la vie en société invite le législateur à sabstraire de la considération du bien commun : il doit rechercher exclusivement lélaboration du juridique et la construction de lois bonnes pour elles-mêmes et en elles-mêmes, simposant ensuite aux citoyens, en tant quexpression de la volonté générale. Dans ce cas, la participation citoyenne est certes souhaitable, mais nullement indispensable Assurément, le monde de lEtat de droit est bien davantage un monde de règles, de directives juridiques, plutôt que de décisions politiques. Le processus démocratique se trouve donc singulièrement modifié, puisque les représentants de la volonté populaire sont eux-mêmes soumis à la toute puissance du droit. La constitution fédérative est, dans ce contexte, limage même du primat du juridique. Lautorité exercée par un pouvoir supranational est en effet la condition sine qua non dune paix instaurée par la supériorité du droit. Le fédéralisme est dès lors conditionné par la nécessité de développer un corps administratif et bureaucratique chargé dappliquer, et de faire appliquer, les normes et règles juridiques. De ce processus découle une nature procéduraliste, inhérente à lEtat de droit. Cette " judiciarisation " effrénée est du reste visible à tous les niveaux puisque, de plus en plus, les particuliers eux-mêmes intentent des procès pour la plus infime des raisons. Mais plus que dune véritable exigence de justice, il sagit surtout en réalité dobtenir une compensation financière En conclusion, la primauté du juridique aboutit logiquement à une neutralisation du politique. 2/ Neutralisation du politique Désormais, la sphère du politique est elle-même du ressort du droit. Cette conséquence ne fait que confirmer lidée que les pères de lEurope fédérale sont persuadés que le meilleur moyen dassurer le bonheur et la paix en Europe est encore de limposer, par une extension progressive des compétences du pouvoir supranational. Christophe Réveillard rappelle dailleurs que Jean Monnet a toujours exprimé une grande méfiance vis-à-vis de lexpression de la volonté populaire et de la représentation nationale : "Il faisait plus confiance aux systèmes, aux institutions qui changent les mentalités. Il élabore ainsi au niveau européen un plan dorganisation institutionnelle qui concentre au profit de quelques hommes du seul organe exécutif la totalité des pouvoirs et une méthode pour y parvenir, le fonctionnalisme." (18) Dans ces conditions, le rôle des représentants du peuple devient largement secondaire. Les politiques au second plan Assurément, la relativisation du rôle du politique fait partie intégrante de lévolution du processus engendré par la construction européenne. Il est alors intéressant de nous interroger sur lattitude des élus, face à la remise en cause de leur pouvoir et de leur fonction. En premier lieu, les politiciens semblent on ne peut plus conscients dune évolution qui les relègue au second plan. Ainsi en 1991, lors dun entretien avec Marc Abélès, Jean-Pierre Cot (à lépoque président du Groupe socialiste au Parlement européen) confirme le singulier manque de démocratie du projet fédéraliste communautaire (19) : " LEurope na pas été créée pour la démocratie, elle a été mise en place par des technocrates. Jean Monnet nétait pas très préoccupé par le fonctionnement du parlementarisme européen. Sa conception, sa vision de lEurope était celle dun homme daction, je dirais celle dun homme négociant avec les forces vives. Il sagissait daller de lavant. La démocratie a été rajoutée quand même, comme par accroc, aux institutions européennes (...) je fais tout ce que je peux pour que lEurope devienne politique et, donc, quelle corresponde aux préoccupations de tout un chacun, mais tant que ce nest pas le cas, je trouve quil y a là une vision un peu faussée des choses, un côté méthode Coué, qui est à la limite du mépris du peuple souverain. " Certains politiques ont donc bien à lesprit les origines et le contexte de la construction européenne. Ils constatent le déficit démocratique du processus entamé dès laprès-guerre. De plus, et cest tout à leur honneur, ils répètent leur foi en lavènement dune véritable démocratie européenne. Toujours selon Jean-Pierre Cot, cette démocratie passe nécessairement par la politisation de lEurope fédérale, ce qui requiert une authentique souveraineté du Parlement européen. Cest peut-être en cela que les politiques se trouvent confrontés à une réalité quils semblent peu nombreux à saisir (ou bien espèrent-ils la transcender ?). Une dépolitisation programmée ? En deuxième lieu, comme nous lavons vu, lUnion Européenne est dabord une construction juridique. Le droit est le souverain incontestable de lédifice européen, certainement pas le politique. Les élus sont ainsi conscients de lexistence dun " malaise dans la démocratie ", mais paraissent buter sur les causes profondes de celui-ci. Plusieurs hypothèses sont alors envisageables. Mieux, on peut supposer que la réalité se trouve dans une combinaison de ces hypothèses. La première consiste à penser que les politiques savent réellement que les normes de lEtat de droit induisent une dépolitisation de la construction européenne, auquel cas, ils y souscrivent de plein gré ou luttent contre. Lexemple de Simone Veil, en faveur du fédéralisme, semble valider cette hypothèse. En effet, toujours dans un entretien accordé à Marc Abélès en 1991, Mme Veil affirme : " (...) face aux déséquilibres dus au poids des gouvernements et de la Commission, et au peu dinfluence du Parlement européen, cest souvent la Cour de justice de Luxembourg qui garantit le respect des traités à travers linterprétation du droit communautaire. Garante de létat de droit, elle assure légalité entre les Etats membres et la protection des droits des citoyens. " (20) Parallèlement, Simone Veil ne semble pas spécialement désireuse de voir se concrétiser un renforcement du rôle des parlementaires européens : " Dans une perspective davenir, on peut se demander si laugmentation de leurs pouvoirs ne conduirait pas les parlementaires à satisfaire les préoccupations directes de leurs électeurs, voire même des intérêts nationaux catégoriels (...). " Deuxième hypothèse, les politiques, du moins certains, méconnaîtraient lessence même des fondements de lUnion Européenne. Cela semble peu probable et serait grandement dommageable, mais reste possible. Autre hypothèse, les représentants des peuples européens attendent et travaillent constamment à lextension de leur pouvoir et de leurs compétences. Lexemple de Jean-Pierre Cot, cité précédemment, confirme cette volonté. Des politiques résignés ? Dernière éventualité, les politiques seraient dépassés par la dimension technocratique de lédifice européen, et dune certaine manière, se considéreraient de plus en plus comme des " seconds rôles ", chargés dentériner des directives et des règlements dont ils peuvent discuter la forme, mais sûrement pas le fond. Un article paru dans Libération, après les élections européennes de juin 1999, illustre parfaitement la validité de cette hypothèse. Cet article relate les ambiguïtés du Danemark vis-à-vis de lUnion Européenne, et la tension entre administration et politiciens danois, à propos de la participation du pays au futur système Eurodac, fichier électronique dempreintes digitales des immigrants et des réfugiés en Europe : "Aujourdhui, le gouvernement et la majorité du Parlement seraient davis de les supprimer [les dérogations au traité de Maastricht] (...) " Eurodac, le gouvernement a dit quil voulait en être, dune manière ou dune autre, afin de participer au processus de décision ", constate Dorit Høtlyck, au service danois dimmigration. (...) Au bureau danois de la Commission européenne, on précise malicieusement quil est toujours possible dessayer de participer, par la voie administrative. " Cette dérogation, cest plus un signal politique, la volonté de décider soi-même. Mais le Danemark pratique déjà léchange dempreintes avec lAllemagne, les Pays-Bas et les autres pays nordiques. " (...) " De toute façon, sagace Bashy Qraishy, les Danois ont voté oui à Amsterdam, lannée dernière. La dérogation nest donc plus quun morceau de papier. On se retrouve avec une opinion qui veut ces dérogations, tandis que nos bureaucrates vont à Bruxelles et disent oui, discrètement, à tout ça. "" (21) Les dirigeants et élus danois sont donc bien convaincus que le processus démocratique est mis à mal par laction technocratique, qui rappelons-le, est le principe même du fonctionnement dune autorité supranationale, basée sur la primauté du droit. La démocratie, en tant que système dorganisation politique actuelle des Etats en Europe, est bien entrée dans une phase de changement profond. Cette mutation résulte indéniablement de lintégration communautaire sur une base fédérale. Des Etats européens sous contrôle Le processus mis en place en Europe, aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, conduit à une modification de larticulation entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire de chacun des Etats européens, de même que leur effacement (ou leur subordination, ce qui, à terme, aura le même résultat), au fur et à mesure que sétendent les compétences communautaires. Cest dans ce contexte quil faut appréhender la dépolitisation et la " consensualisation " générale du débat. Pour conclure ce chapitre, on peut définitivement affirmer que la pensée sur lEurope, telle quelle sest concrétisée depuis la Seconde Guerre mondiale, est à la fois rupture et continuité. Comme nous avons pu le constater, la toute première continuité est dordre philosophique et idéologique. Pour ce qui est de la philosophie, le projet de Communauté européenne est en directe filiation avec lanthropocentrisme et la prétention au rationalisme, pleinement exprimés à partir des Lumières. Paix et progrès y sont considérés comme le sens inéluctable de lhistoire, pour le bonheur de lhumanité tout entière. Concernant la continuité idéologique, la construction européenne symbolise parfaitement la confluence des idéologies libérale et socialiste. Il nest ainsi pas fortuit de constater que la majeure partie des gouvernements et des majorités en Europe est social-démocrate, sinon officiellement, du moins officieusement, et ce depuis au moins une dizaine dannées. La social-démocratie consacre, en quelque sorte, le consensus et le syncrétisme entre pensée libérale et pensée socialiste. On y retrouve évidemment le primat de léconomie et de la société de marché, composée dindividus avant tout producteurs/consommateurs. Sy trouve également affirmé lindividualisme, mais un individualisme de masse, un individualisme en série. Cet individualisme se développe au sein dune " collectivité " conformée par lharmonisation croissante des standards de vie dans tous les pays (normes européennes, etc.), et gérée administrativement par les règles de lEtat de droit (souveraineté de la loi, démarche technocratique et fonctionnaliste...). Mais cette évolution nest pas observable seulement en Europe. Elle se généralise de plus en plus dans toutes les régions du monde, partout où les sociétés soccidentalisent. Pour cette raison, il ne nous paraît pas valable de parler dune véritable idéologie européenne, souvent appelée européisme. On peut en revanche parler dune idéologie de la convergence sociale-libérale, le globalisme. Lobjectif du globalisme est lunification du monde tout entier, pour la paix et le bonheur de lhumanité, unification sous légide de la Science et de lIndustrie, deux "mamelles" du Progrès. La globalisation économique, en forte accélération avec ce que lon appelle le néolibéralisme, nen est que lillustration la plus manifeste. Car le globalisme nest pas que projet économique. Comme son étymologie nous lindique, cette idéologie de la convergence est, précisément, globale, cest-à-dire économique, mais aussi culturelle, sociale, etc. Ce contexte de globalisation et de convergence idéologique nous incite donc à rejeter toute idéologie exclusivement européenne. En effet, après notre aperçu (qui ne peut jamais être totalement objectif ni exhaustif, rappelons-le) de lévolution de la pensée occidentale, de la pensée spécifique à lEurope, ainsi que des idéologies, nous nous trouvons intimement confortés dans lidée que lunification de lEurope sinscrit dans une dynamique générale qui la dépasse. La particularité du continent européen se trouve bien plus dans le fait quil représente le territoire privilégié dexpérimentation et de convergence entre deux des grandes idéologies du XX e siècle, auxquelles il a dailleurs donné naissance. Libéralisme et socialisme sont, comme nous tentons de le démontrer dans cet essai, la charpente idéologique sur laquelle sest constituée lUnion Européenne et le discours sur lEurope que nous connaissons actuellement. Cet aperçu des fondements philosophiques et idéologiques de la pensée sur lEurope, de même que la continuité du discours actuel, nous permet également de mieux cerner ce que lon nomme la pensée unique. Si, comme nous le soutenons, il ny a pas didéologie typiquement européenne, il existe par contre une pensée unique propre à lEurope. Une pensée unique européenne ? Revenons brièvement à la définition de la pensée unique, telle que nous la présentions au tout début de notre réflexion : la pensée unique correspond à luniformisation du discours politique et médiatique, dans un contexte caractérisé par lomniprésence de la communication, laffaiblissement du rôle de lEtat, le consensus politique et la dynamique de la globalisation. Incontestablement, tous ces phénomènes sont observables bien au-delà des frontières de lEurope communautaire. Cest pourquoi une pensée unique européenne ne saurait bien évidemment être envisageable quau sein même dune pensée conforme bien plus générale, expression de lidéologie globaliste. Cest seulement à cette condition que nous défendons lidée quil existe une pensée unique à léchelle européenne. Partant, on peut en effet observer en Europe (à commencer par la France) une uniformisation du discours politico-médiatique. Cette homogénéisation du discours se ressent a fortiori en ce qui a trait à la construction européenne actuelle, qui nous est présentée comme lhorizon indépassable et irréversible de lhistoire du vieux continent. Le langage tenu est univoque, et souvent presque intimidant, pour ne pas dire menaçant: " Nous ne pouvons plus reculer... ", " LUnion ou le chaos... ", " LEurope est notre seule chance ", " Face aux instabilités mondiales, il faut aller encore plus loin... " (exemple probant, les tragiques événements survenus le 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ont grandement accéléré la future mise en place dun mandat darrêt valable dans tous les Etats de lUnion européenne). Une propagande exclusive et autoritaire Pourtant, si les citoyens des pays dEurope savent lintérêt et la nécessité daccroître leurs relations, le discours qui leur est tenu manque tout de même de sincérité et dobjectivité. Il serait en effet aberrant de sisoler, de senfermer dans lautarcie. Mais ny a-t-il pour autant quune seule façon de nous rapprocher ? Le fédéralisme est tout aussi défendable que la confédération, que lassociation plus ou moins large, que la création dun Etat unitaire, ou pourquoi pas dun Empire européen... Nous avons bien connu un Saint-Empire romain germanique ! Et pourtant, une seule vision de lEurope est mise en valeur et proposée aux Européens. Cest cela, la pensée unique européenne. Lorsque lon nous affirme quil ny a plus que le choix entre lintégration européenne actuelle et, finalement, la guerre, on peut parler de malhonnêteté et de tromperie. Un tel discours est dautant plus trompeur que de nombreux membres des "élites politico-médiatiques" censurent ou décrédibilisent magistralement toute pensée qui nest pas conforme à la pensée dominante. Or, si la pensée devient unique, laction ne tend-elle pas à le devenir aussi ? La face européenne dun projet global Le contexte dans lequel se développe ce langage univoque est tel que nous lavons défini précédemment. Premièrement, le rôle de lEtat (politiques nationales) est sérieusement remis en cause par lextension des prérogatives de lAdministration européenne (Commission, Cour, etc.). Deuxièmement, les partis politiques européens (de gouvernement) se rassemblent autour dun " consensus " social-démocrate, ce que nous avons appelé le social-libéralisme. Troisièmement, lEurope néchappe pas au processus de globalisation des échanges. Bien au contraire, les "élites" dirigeantes de lUnion Européenne prétendent y voir un moyen de contrecarrer la suprématie américaine, notamment par la négociation au sein de lOrganisation mondiale du commerce (OMC). Pourtant, lopposition Europe-Amérique porte finalement sur des détails (dumping, quelques mesures protectionnistes, exception culturelle, etc.), comparée à lharmonisation croissante des sociétés américaine et européenne Une fois encore, on peut surtout constater lessentiel des divergences sur la forme mais bien peu sur le fond. Ainsi, parle-t-on peu du PET (Partenariat Economique Transatlantique), version remaniée du projet NTM (Nouveau Marché Transatlantique) dont les initiales, en France, évoquent tout autre chose Ce projet vise en effet à accroître lunification des économies nord-américaine et européenne. LEuro, ou "à la poursuite du billet vert" Il en va de même pour lEuro, dont la parité avec le Dollar américain est clairement recherchée. Parité évidemment en terme de valeur : un Euro valait 6,55957 Francs Français, tandis que la valeur du Dollar américain oscillait généralement entre 6 et 8 Francs Français. Parité Euro/Dollar que nous pourrions également qualifier de psychologique : par exemple, la division du numéraire européen (valeur faciale, taille et forme de chaque billet et de chaque pièce) est grandement similaire à celle du dollar : en Europe comme aux Etats-Unis, nous utilisons désormais des billets de 5, 10, 20, 50 unités, les centimes dEuro ont à peu près la même couleur que ceux du Dollar, etc. Ceci est loin dêtre négligeable dans la vie quotidienne des populations, dans leur manière dappréhender le rapport à largent, à la valeur des biens et des marchandises. Prenons lexemple du prix dun news-magazine. Si, avant larrivée de lEuro, il fallait débourser 15 à 20 Francs Français, 70 à 90 Francs Belges, ou encore 5000 à 6000 Lires italiennes, désormais, que lon soit à Miami, à New York, à Bruxelles ou à Strasbourg, un news-magazine aura, à quelques chiffres près, la même valeur, soit de 2 à 4 Euros/Dollars. Autres exemples, aux Etats-Unis/Canada comme en Europe, un CD coûtera entre 10 et 20 Euros/Dollars, un magnétoscope standard vaudra entre 100 et 200 Euros/Dollars, etc. Il nous semble ainsi quelque peu amusant de relater lanecdote suivante : lors de larrivée de lEuro, courant janvier, le journal télévisé de 20h de France 2 consacrait un reportage sur la perception quavaient les Américains de la nouvelle monnaie unique européenne. Si la plupart des personnes interrogées sen souciaient peu, lignoraient, ou inversement trouvaient cela pratique, une New-yorkaise affirmait être bien au courant de la mise en place de " lEurodollar ". Le journaliste lui demande pourquoi elle utilise ce mot Etonnée, elle répond que cest en ces termes quelle en a la plupart du temps entendu parler. Lon nous affirme que la monnaie unique donnera encore plus de cohésion à lunification européenne, que voyager en Europe sera plus aisé puisque nous aurons tous la même monnaie, etc. cela est évident. Ce qui lest bien moins, cest de considérer lEuro comme une chance pour le vieux continent daffronter les Etats-Unis à armes un peu plus égales. Mais peut-être nest-ce pas là le réel enjeu ? Assurément, au-delà du seul contexte européen, la création de lEuro accélérera luniformisation dabord économique, puis politique et culturelle de lOccident. Il est du reste plus que probable que la mise en place de lEuro ne soit quune étape intermédiaire dans lunification économique et monétaire du monde entier : de nombreux stratèges et économistes souhaitent ardemment linstauration dune monnaie mondiale, baptisée par certains le Mondo (contraction de monde et de dollar ?), une fois la parité 100 Yens = 1 Euro = 1 Dollar atteinte. Cette monnaie impliquerait logiquement lexistence dune banque centrale mondiale, remplaçant le FMI et lactuelle Banque Mondiale. Quatrième et dernier constat, et cest ce qui nous amène directement au chapitre suivant, la communication sur lEurope est omniprésente, bien que l'on nen ait pas toujours conscience. Cette communication peut être qualifiée de propagande, sans aucune connotation péjorative, puisque pour les partisans de lEurope fédérale qui saffirme, il sagit simplement de promouvoir leurs valeurs et leurs idées. Mais les règles qui sappliquent à toute propagande juste sappliquent aussi à la propagande européenne : on peut convaincre, mais pas tromper. Partie suivante> Matthieu Périchaud Copyright 20 décembre 2001-Matthieu Périchaud/www.diploweb.com Notes du chapitre 3:
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