Professeure de chaire supérieure au lycée Faidherbe (Lille) où elle enseigne la géopolitique en classes préparatoires économiques et commerciales. Membre du laboratoire HABITER (EA 2076) de l’Université Reims Champagne-Ardenne. Auteure de « Réussite aux concours 2018 ! La synthèse de l’actualité internationale 2017 », éd. Diploweb via Amazon, 2018. Elle est aussi co-auteure chez Ellipses de "Les 50 cartes à connaître", Coll. Atout concours, Paris, 2016.
Voici une synthèse de l’actualité internationale de juin 2018 qui sera fort utile à tous ceux qui veulent disposer d’un point de l’actualité géopolitique, voire finalisent les oraux d’un concours. Pour ne rien manquer, et recevoir nos alertes sur des documents importants, le plus simple est de s’abonner gratuitement à notre Lettre d’information hebdomadaire ou au compte twitter de veille géopolitique @diploweb (+ de 11 300 followers)
En Turquie, l’inflation s’élève en 2018 à plus de 12%. Certes, la croissance économique est robuste (autour de 7%) mais assez déséquilibrée et n’empêche ni un déficit extérieur ni un taux de chômage élevé chez les jeunes non-urbains (environ 20%).
Recep Tayyip Erdogan affronte en juin 2018 – lors de cette élection présidentielle anticipée – une opposition unie autour du CHP, un parti laïc de centre gauche, et de son leader Muharrem Ince. La crise migratoire et l’accueil des trois millions de réfugiés syriens est au cœur de cette campagne : tous les candidats veulent le départ des réfugiés. Après quinze années au pouvoir, Erdogan est réélu au premier tour, avec plus de 50 % des voix et une constitution qui amoindrit tous les pouvoirs, sauf le sien en tant que chef de l’Etat, du gouvernement et de son parti politique islamiste, l’AKP. Le nouveau président pourrait rester au pouvoir jusqu’en 2023.
Au Nicaragua, la ville de Masaya entre en rébellion contre le pouvoir. La répression qu’il organise a déjà causé la mort de plus de 200 personnes, et plusieurs milliers d’autres ont été blessées. Le président Daniel Ortega devrait rester au pouvoir jusqu’en 2022… mais il est aujourd’hui lâché par les milieux d’affaires.
L’Afghanistan est régulièrement ensanglanté par des attentats islamistes. Les Talibans refusent de prolonger le cessez-le-feu en vigueur avec le ramadan.
Au Yémen, la guerre continue dans l’indifférence quasi générale. La coalition menée par les Saoudiens appuie une offensive sur le port de la mer Rouge d’Hodeïda tenu par les rebelles houthis, eux-mêmes soutenus par l’Iran…. De quoi nourrir les plus vives inquiétudes pour les civils déjà dans une situation humanitaire très préoccupante.
En Syrie, le pouvoir mène une opération de reconquête de la province de Deraa, au sud du pays à la frontière avec la Jordanie, que les rebelles désormais lâchés par les Etats-Unis ne peuvent plus tenir. Un nouvel exode de civils fuyant les combats déstabilise un peu plus la Jordanie déjà fragilisée par une crise politique.
En Egypte, une trentaine de djihadistes ont été tués en juin 2018 dans la province du Sinaï par l’armée. Cette région reste un des bastions de l’Etat islamique.
Le Nigéria est déchiré chroniquement par la violence. Au nord, Boko Haram – pourtant combattu par le pouvoir – demeure un facteur de déstabilisation qui irradie dramatiquement dans toute la région du lac Tchad. Au sud, dans la région pétrolifère du pays, la violence est endémique et le spectre de la sécession du Biafra n’est pas si éloigné que cela. Au centre, la région du plateau est aussi le théâtre de violences communautaires qui ont fait plusieurs centaines de morts entre éleveurs peuls (musulmans) itinérants et agriculteurs beromes (chrétiens). On peut y avoir un schéma classique de violence ente nomades et sédentaires. Il faut aussi prendre en considération la sécheresse qui pousse toujours plus au sud les pasteurs et leur bétail et surtout la formidable croissance démographique du Nigéria qui compte désormais plus de 180 millions d’habitants ce qui nécessite de relever le défi alimentaire. L’accès à la terre est un enjeu de plus en plus crucial pour la population.
La création d’une monnaie unique a soulevé des questions auxquelles les réponses n’ont toujours pas été fournies. A l’évidence, l’euro n’a pas amené la convergence attendue des économies, les écarts entre l’Allemagne et la Grèce le prouvent. Nous avons une monnaie commune sans réel gouvernement de la zone euro. La France d’Emmanuel Macron soutient la création d’un budget de la zone euro qui correspondrait à plusieurs points de PIB de la zone euro, la chancelière Angela Merkel se rallie à cette idée mais avec un budget bien inférieur ; il faudrait encore s’accorder sur son financement. La question de la gestion des « chocs asymétriques » n’est pas non plus réellement réglée, il faudrait amender le Mécanisme européen de stabilité (MES) qui a par exemple servi pour faire face aux difficultés de l’économie grecque.
La question du dumping (fiscal, social) au sein de l’Union européenne reste entière. Il faudrait une plus grande harmonisation des législations au sein de l’Union européenne, mais est-elle vraiment souhaitée ?
La question de la défense européenne se pose avec grande acuité avec le Brexit, c’est-à-dire le départ d’une des deux principales armées de l’Union européenne, mais aussi avec un allié américain au sein de l’OTAN qui pourrait non pas nous faire défaut mais demander un puissant effort européen, et une montée des périls que tout le monde peut constater. Un rapprochement franco-allemand s’esquisse au niveau de l’armement mais aussi au niveau stratégique. La Commission européenne propose un budget de plus de 20 milliards d’euros pour la période 2021-2027 dont environ 13 milliards pour un Fonds européen de défense qui financerait des projets entre pays. L’industrie de la défense en Europe opère un rapprochement : un char franco-allemand – sous la houlette allemande – et un avion de combat franco-allemand – sous la direction française – pourraient voir le jour.
La question migratoire est une ligne de fracture au sein de gouvernement d’Angela Merkel, notamment avec son ministre de l’intérieur, Horst Seehofer.
La question qui cristallise le plus les passions en juin 2018 est bien évidemment la question migratoire : renforcement ou non des frontières extérieures, répartition entre les membres de l’Union des migrants arrivés sur le sol communautaire, évolution ou non de la règle de Dublin qui responsabilise le pays sur le territoire duquel les migrants sont arrivés, renforcement de Frontex... La crise passion autour du bateau Aquarius chargé de plusieurs centaines de migrants ne fait qu’éclairer douloureusement nos contradictions et notre faible capacité à élaborer une règle juste appliquée par tous. La question migratoire est une ligne de fracture au sein de gouvernement d’Angela Merkel car son ministre de l’intérieur, Horst Seehofer, veut adopter une ligne plus dure – reconduire à la frontière ceux qui ont déposé une demande d’asile dans un autre pays de l’Union - qui fragilise le pouvoir de la chancelière.
Le groupe de Visegrad – Pologne, République tchèque, Slovaquie et Hongrie - s’oppose de façon visible aux pays d’Europe occidentale sur plusieurs dossiers. Ce qui pourrait inviter à revisiter l ‘élargissement de l’Union européenne en 2004. Au niveau de la défense, ils sont très proches de l’allié américain, montrant le peu de foi donnée à la défense européenne. Leur opposition est surtout visible sur le dossier migratoire car ils refusent d’accueillir sur le sol des migrants arrivés dans l’Union sur un territoire qui n’est pas le leur. La relocalisation des migrants est une question passionnelle. Ces pays d’Europe centrale ont recouvré leur souveraineté seulement à la fin de la Guerre froide (1990) et y veillent jalousement. Ils n’ont pas de tradition d’ouverture et ont un peuplement assez homogène, mais une démographie en berne. Ils ne souhaitent pourtant pas ouvrir leurs portes à des flux migratoires extra-européens comme l’a déjà montré l’érection de "murs" entre la Hongrie et les Balkans. Cette attitude provoque la colère des pays d’Europe de l’Ouest qui, par la voix de Bruno Le Maire, menace de diminuer les transferts financiers dont bénéficient les membres du groupe de Visegrad.
Ces pays ne sont pas seuls sur cette ligne, car l’Italie vient de se doter en juin 2018 d’un nouveau gouvernement qui a fait clairement savoir qu’il allait opter pour une ligne plus dure concernant la question migratoire, tout du moins pour les migrants illégaux. L’Autriche de Sebastian Kurz n’est pas sur une autre ligne ; elle prend la présidence tournante de l’Union au 1er juillet 2018. Force est de constater que la société multiculturelle ouverte n’est pas un rêve partagé par tous les membres de l’Union. Cette diversité des approches est un impensé des élargissements post-Guerre froide (1995, 2004, 2007 et 2013). Le volontarisme semble avoir pour limite le principe de réalité.
Par épisode, la France prend parti pour une Europe supranationale, avec le secret espoir d’y jouer un rôle à son avantage, mais étrangement les autres pays membres voient clair dans son jeu...et ses comptes publics.
La gouvernance de l’Union est donc une question qui se pose en filigrane. Si Emmanuel Macron a affirmé clairement sa volonté d’aller plus en avant vers une Europe supranationale – et Angela Merkel n’est pas en désaccord – d’autres pays européens préfèrent une évolution vers une Europe des nations qui respecterait davantage leur souveraineté. On ne peut que remarquer que la gestion au sein de l’Europe communautaire reste avant tout intergouvernementale, dépendante de l’impulsion donnée – ou non - par le moteur franco-allemand.
Un sommet européen s’est tenu les 28 et 29 juin 2018. L’agenda était chargé. Il n’a pas permis la prise de mesures franches pour ce qui concerne la zone euro. Il existe un accord de principe sur un budget de la zone euro, mais les dissensions sont telles que rien n’a avancé concrètement. Certains membres craignent qu’il nécessite la création de nouvelles taxes ou impôts par essence impopulaires, les autres désaccords portent sur l’ampleur à donner à ce budget.
La question du Brexit reste quant à elle entière.
La question migratoire continue à provoquer d’importants clivages. Alors que le contexte actuel est celui d’une accalmie des flux après un « pic » migratoire en 2014-2015 et une vague migratoire subsaharienne qui se profile devant nous, les opinions publiques en Europe aspirent à un renforcement des frontières et les solutions peinent à se mettre en place. La question est d’être en capacité de faire la part entre réfugiés politiques (ils sont peu nombreux) que les pays européens sont prêts à accueillir et migrants économiques dont ils ne veulent pas, mais aussi de savoir que faire de ces derniers. Malte et l’Italie ont affirmé que leurs ports n’accueilleraient plus, cet été 2018, les bateaux affrétés par les ONG, les accusant de faire le jeu des trafiquants d’êtres humains, Rome estimant avoir jusqu’ici assumé, de façon bien solitaire, l’accueil de ces migrants. Ce sommet aboutit à un accord qui promet un « effort partagé », ainsi que la création, sur proposition française, de « centres contrôlés dans les Etats membres, sur une base volontaire ». Cette décision rassure un peu l’Italie, mais seule la Grèce s’est montrée encline à le faire, alors que le président français a déclaré que « la France n’ouvrira pas de centre de ce type ».
La Russie a pris des mesures qui lui permettent de ne pas vendre certaines marchandises en cas de sanctions américaines. Les BRIC’s (Brésil, Russie, Ide, Chine et Afrique du Sud) réaffirment pourtant leur attachement au libre-échange et déplorent la nouvelle politique commerciale des États-Unis de Donald Trump, comme le fait le Japon.
L’Union européenne a fait, elle aussi, connaitre son courroux face aux nouvelles taxes américaines sur l’acier et l’aluminium européens. La Commission européenne prévoit d’imposer des taxes en retour sur certains produits américains agroalimentaires ou non, comme le bourbon, le maïs, les motos ou les jeans.
Pourtant le déficit commercial américain a diminué aux mois de mars et avril 2018 sous l’effet d’une baisse des importations depuis la Chine.
Dans les faits, l’Union européenne garde seule, ou presque, la passion du libre-échange. Nous assistons partout à une recrudescence des mesures protectionnistes, notamment de la part des les pays émergents.
La réunion du G7 s’est tenue au Canada, en juin 2018. Le président américain a réclamé la réintégration de la Russie qui en est exclue en raison de l’annexion de la Crimée et de la guerre en Ukraine. Donald Trump a ensuite dénoncé les engagements pris au G7 après que le premier ministre canadien Justin Trudeau ait critiqué vertement les nouveaux tarifs douaniers américains. Les engagements pris lors de cette réunion ne concernent plus que six membres, ni les Etats-Unis, ni la Russie, ni les pays émergents qui ensemble pèsent bien plus que les six pays du G8-2…
Le président américain était tout à la préparation de son entrevue historique avec le dirigeant nord-coréen. Elle s’est tenue à Singapour, elle ouvre un cycle de négociation qui promet d’être long pour amener à une « normalisation » de la Corée du Nord qui passerait par sa dénucléarisation. Ce sommet a pour conséquence de donner une légitimité toute nouvelle à Kim, le dirigeant nord-coréen. Il n’est pas sûr que ce soit une bonne chose. Cette réunion s’est déroulée sans les puissances européennes, et sans la Chine… elle s’est surtout tenue en marge des instances internationales telles l’ONU… Les Etats-Unis annoncent leur volonté de quitter le Comité onusien des droits de l’homme – à la tête duquel se trouve actuellement l’Arabie saoudite – face aux critiques concernant la décision de séparer les enfants de leur famille migrante.
Ces derniers événements ne font que souligner la panne actuelle de la gouvernance mondiale, et la capacité américaine à imposer sa volonté aux autres. En miroir, l’Union européenne apparait bien inexistante à l’échelle internationale, ce qui est peu rassurant.
Après la réforme constitutionnelle qui permet à Xi Jinping de s’installer durablement au pouvoir, la Chine met en œuvre les avancées de l’intelligence artificielle. Elle vient de se doter dans 16 provinces et villes d’un système de surveillance qui fait froid dans le dos. Il s’agit de Skynet – ce qui n’est pas sans rappeler un film de science-fiction... – un système de reconnaissance faciale qui permet de traquer... les dissidents, les fuyards et autres contrevenants. Ce système va même bien plus loin que cela, car dans la ville de Harbin, dans la région du Nord-Est de la Chine, les toilettes publiques sont sous vidéosurveillance pour, officiellement, éviter un usage intempestif du papier... tout simplement glaçant. Le PCC n’a jamais pu surveiller aussi étroitement la population, c’est désormais possible grâce aux innovations technologiques.
Il s’agit d’un pouvoir immense de surveillance et donc de coercition aux mains du pouvoir. Il apparait qu’il est d’autant plus nécessaire de vivre dans un régime démocratique, sinon les possibilités offertes par l’intelligence artificielle feront apparaître le monde de « 1984 » décrit par Georges Orwell comme bien gentillet...
Tsaï Ing-wen, présidente de Taïwan, dénonce la dérive de la République populaire de Chine comme une menace pour la démocratie dans le monde.
C’est la Chine qui devient le premier pays au monde à mettre en exploitation une centrale nucléaire de dernière génération, dotée d’un réacteur EPR avec un premier essai le 7 juin 2018. La centrale de Taishan a été construite grâce à un partenariat entre l’électricien français EDF et la firme chinoise China General Nuclear Power (CGN). Il s’agit du premier réacteur nucléaire de cette génération à entrer en fonction avant ceux de Flamanville en France et de d’Oikiluoto en Finlande du fait des retards accumulés. Il est symptomatique que cela soit réalisé en Chine... A l’avenir, l’essentiel des centrales nucléaires qui seront construites le seront dans les pays du Sud.
Géopolitique des continents : quelques données de base pour les caractériser.
Un accord historique vient d’être signé entre la Grèce et Skopje. Athènes refusait le droit à la République yougoslave de Macédoine (ARYM) de porter le nom de « Macédoine », au motif que la Macédoine est grecque. Un accord vient d’être conclut sur cet épineux point étymologique : Skopje sera la capitale de la « Macédoine du Nord ». Cette république balkanique peut désormais poser sa candidature à l’Union européenne.
TCS – Tata Consulting Service – va implanter un nouveau centre de services en France dans la région parisienne après ceux de Lille et de Poitiers. Le Français Criteo annonce, lui aussi, vouloir développer un laboratoire d’intelligence artificielle en région parisienne où travailleraient plus d’une centaine de chercheurs et d’ingénieurs, le tout représentant un investissement d’une vingtaine de millions d’euros.
Copyright Juillet 2018-Degans/Diploweb.com
Plus pour réussir
Extraits du catalogue des livres géopolitiques publiés par Diploweb pour la réussite aux concours.
. A. Degans, "Réussite aux concours 2018 ! La synthèse de l’actualité internationale 2017"
. L. Chamontin, "Ukraine et Russie : pour comprendre"
. G-F Dumont, P. Verluise, "The Geopolitics of Europe : From the Atlantic to the Urals"
. Synthèse de l’actualité internationale de juillet et août 2018
Bonus vidéo pour les oraux des concours
L’Arctique est-il -vraiment- stratégique ? Perspectives Stratégiques mai 2018
Par ordre d’apparition, les intervenants :
Olivier Caron, Directeur général du CSFRS.
Pierre Verluise, Fondateur associé de DIPLOWEB.
Thomas Merle, agrégé d’histoire, agrégé de géographie, doctorant en géopolitique à l’Université de Reims : De la « course aux mers chaudes » à l’Arctique, un retournement géohistorique russe ?
Laurent Mayet, adjoint de l’ambassadeur pour les océans. Ancien conseiller de Michel Rocard ; ancien représentant spécial des Affaires étrangères pour les questions polaires ; président-fondateur du think tank Le Cercle Polaire. Plus de 50 séjours en Arctique.
Ambassadeur Michel Foucher, Chaire de Géopolitique mondiale au Collège d’études mondiales de la Fondation Maison des Sciences de l’Homme. Conseiller de la direction de la prospective du Ministère des Affaires étrangères et européennes. Directeur des études de l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale (2009 à 2013). Michel Foucher (dir.) « L’Artique. La nouvelle frontière », Paris, éd. Biblis.
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