Docteur en géopolitique de l’Université Paris IV – Sorbonne. Fondateur associé de Diploweb. Chargé d’un cours semestriel de Géographie politique au sein du M.R.I.A.E de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, chercheur associé à la FRS. Auteur, co-auteur ou directeur d’une trentaine de livres.
Il s’agit de donner ici des points de repères pour comparer ces "grandes masses" que sont les continents et les pays les plus souvent aux programmes des concours. Ces quelques proportions – faciles à mémoriser – disent mieux qu’un discours fleuve imprécis l’inégalité du monde d’aujourd’hui mais aussi les dynamiques en cours.
COMMENT aborder la géopolitique des continents ? L’objectif est ambitieux, surtout en vingt-cinq semaines de cours. Il convient d’abord de délimiter les attentes exactes du programme (I) puis de retenir quelques ordres de grandeur (II) pour affiner enfin (III).
Le Bulletin officiel de l’éducation nationale du 30 mai 2013 définit le programme d’histoire-géographie et géopolitique du monde contemporain pour les Classes préparatoires aux grandes écoles par la voie scientifique. Il retient « une approche synthétique de la géopolitique des continents ». L’Afrique, Amérique, l’Asie et l’Europe sont mentionnées. Pour cette dernière, notons la nécessité de distinguer l’Europe géographique et l’Union européenne. Au sujet de l’Asie, relevons la difficulté des définitions statistiques du « Proche et Moyen-Orient ». L’Océanie n’est pas explicitement abordée. Mis à part les Etats-Unis qui « font l’objet d’une approche spécifique », les pays explicitement mentionnés dans le programme « en tant que puissances régionales et dans leur rapport au reste du monde » sont le Brésil, le Japon, la Chine, l’Inde, la Russie et la France dont l’étude a été pour partie faite en première année. D’autres concours retiennent aussi ces continents et pays.
Considérons d’abord quelques ordres de grandeur faciles à mémoriser.
A partir des données du Population Reference Bureau (organisme indépendant situé à Washington, Etats-Unis) rassemblées chaque année par la revue Population et Avenir, il est possible de trouver des données de bases pour distinguer d’abord les pays développés et les autres, puis les continents.
Dans l’édition 2017, il apparaît ainsi que les pays développés représentent 38 % de la superficie des terres émergées du monde, rassemblent 17% de la population de la planète mais affichent un PNB par habitant en PPA US $ 2015 égal à 257% de la moyenne mondiale. Ce qui représente tout de même une baisse de 7 points de pourcentage par rapport à 2013 (264%).
Quant aux « autres » pays, ils couvrent 62% de la superficie des terres émergées du monde, comptent 83 % de la population de la planète, mais n’affichent un PNB par habitant en PPA US $ 2015 que de 67% de la moyenne mondiale. Ce qui représente cependant un gain de 4 points de pourcentage par rapport à 2013 (63%).
Ces quelques proportions – faciles à mémoriser – disent mieux qu’un discours fleuve imprécis l’inégalité du monde d’aujourd’hui mais aussi les dynamiques en cours. Il faut bien évidemment préciser davantage, notamment par continent pour reprendre le cadrage du programme.
L’Afrique représente 23 % de la superficie des terres émergées, 17 % de la population mondiale mais seulement 30 % de la moyenne mondiale du PNB par habitant PPA US $ 2015. C’est de loin de continent le plus pauvre.
Super bonus : Trois cartes du Mozambique : si riche et pourtant si pauvre, par C. Chabert
L’Amérique représente 30% de la superficie des terres émergées, 13 % de la population du monde et affiche un PNB par habitant PPA US $ 2015 équivalent à 187% de la moyenne mondiale. Rappelons qu’il rassemble des territoires très inégaux en la matière.
L’Asie représente 24% de la superficie des terres émergées, mais 60% de la population mondiale. D’une certaine manière, l’humain est aujourd’hui d’abord asiatique. Son PNB par habitant PPA US $ 2015 reste inférieur à la moyenne mondiale, avec 80%. Cela représente pourtant un gain de 7 point de pourcentage par rapport à 2013 (73%). Si, l’Asie est mieux placée que l’Afrique en la matière, elle reste loin derrière l’Amérique et l’Europe géographique.
L’Europe géographique - Russie incluse – représente 17% des terres émergées et seulement 10% de la population mondiale. En revanche, l’Europe géographique est le continent dont le PNB par habitant PPA US $ 2015 est le plus élevé : 209% de la moyenne mondiale. Ainsi, à l’échelle continentale, l’Europe géographique reste plus riche que l’Amérique, ce qui s’explique par le poids des pays d’Amérique latine dans cette dernière. Il n’en demeure pas moins que le PNB par habitant PPA US $ de l’Europe était en 2013 plus élevé de 2 points de pourcentage (211% de la moyenne mondiale). Autrement dit, il a baissé de manière relative.
Voilà qui invite à affiner maintenant.
Le tableau joint ci-dessus permet de rentrer plus précisément dans les différenciations. Il précise notamment l’indicateur de fécondité mais aussi dans la colonne la plus à droite le pourcentage du PNB par habitant des pays développés PPA US $ 2015. C’est la partie la plus originale de ce document.
Il appert ainsi que l’Afrique affiche encore un indicateur de fécondité de 4,6 et que son PNB par habitant en PPA US $ 2015 n’est que de 12% de celui des pays développés.
Ce tableau permet également de bien différencier les Etats-Unis et le Canada du reste de l’Amérique, dite ici latine. Le Brésil, peut se caractériser ainsi : 6% de la superficie des terres émergées, 3 % de la population mondiale, un indicateur de fécondité tombé à 1,6 et un PNB par habitant en PPA US $ en 2015 de 92% de la moyenne mondiale … mais de 36% de celui des pays développés. Ces deux proportions indiquent à la fois le chemin déjà parcouru et les défis qui restent à relever. Surtout, ils marquent la dégringolade depuis 2013 puisque ces chiffres étaient alors de 104 % et 39 %. Le cumul des crises économiques, politiques et sociales contribue à expliquer l’abaissement en deux ans de l’indice fécondité de 1,8 à 1,6.
Encore plus pour votre réussite
. A. Degans, "Réussite aux concours 2018 ! La synthèse de l’actualité internationale 2017"
. L. Chamontin, "Ukraine et Russie : pour comprendre"
. G-F Dumont, P. Verluise, "The Geopolitics of Europe : From the Atlantic to the Urals"
Il devient facile de bien comprendre comment différencier les pays asiatiques. Si l’Asie représente 24% des terres émergées, la Chine 7% et l’Inde 2%, le Japon n’en rassemble que 0,3%.
En terme de population, la Chine et l’Inde représentent deux géants, avec chacune 18% de la population mondiale, quand le Japon en pèse 2%. La fécondité du Japon est la plus faible (1,5), celle de la Chine (1,8) à la hausse mais encore nettement au-dessous de son seuil de remplacement (2,19) quand l’Inde (2,3) reste légèrement au-dessus puisque son seuil de remplacement se trouve à 2,26.
Enfin, la hiérarchie de la richesse apparaît clairement : l’Inde affiche un PNB par habitant en PPA US $ en 2015 de 40% de la moyenne mondiale, la Chine de 96% et le Japon de 266%. Notons la progression de la Chine depuis 2013 (83%) : 13 points de pourcentage. Cependant, le PNB par habitant de la Chine en PPA US $ n’atteint en 2015 que 37% de la moyenne des pays développés, et celui de l’Inde 16%.
Le propos s’achève avec les subtilités européennes, particulièrement d’actualité pour les concours 2019 compte tenu du Brexit et des élections pour le Parlement européen.
Le programme intègre la Russie – toute la Russie – à l’étude de l’Europe, comme les données statistiques d’ailleurs. L’immensité de la Russie – 13% de la superficie des terres émergées – saute aux yeux, comparée à l’Union européenne : 3%. En revanche, l’UE apparait plus peuplée (7% de la population mondiale) que la Russie (2%) et plus riche avec 245% de la moyenne mondiale du PNB par habitant en PPA US $ 2015. La Russie, avec un PNB par habitant en PPA US $ de 140% de la moyenne mondiale ne se trouve qu’à 54% de la moyenne des pays développés. La situation économique russe s’est considérablement dégradée par rapport à 2013 (PNB par habitant en PPA US $ de 163% de la moyenne mondiale ; 62% de la moyenne des pays développés).
Dans un cas comme dans l’autre, la fécondité reste un point faible, 1,6 dans le cas de l’UE ; 1,7 pour la Russie.
Partageons pour terminer ce qui peut surprendre. La France (0,4% de la superficie des terres émergées, 1% de la population mondiale, avec un indicateur de fécondité de 1,9 affiche en 2015 un PNB par habitant en PPA US $ de 263% de la moyenne mondiale… mais de seulement 102 % de la moyenne des pays développés. Même si cela marque une hausse de deux points de pourcentage par rapport à 2013 (100%), le PNB par habitant en PPA de la France n’est donc pas aussi élevé qu’on aimerait le croire.
Comment aborder la géopolitique des continents ? Quelques données simples qui renvoient aux fondamentaux de la puissance permettent à la fois d’avoir une vision d’ensemble et de différencier les continents et les pays au programme. A l’occasion de chaque partie ou sous-partie, il reste – bien sûr – à affiner de manière actualisée les données les plus significatives. Il importe notamment d’élargir à d’autres paramètres de la puissance comme les capacités militaires et de renseignement.
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Bonus vidéo. N. Mazzucchi (FRS) : L’énergie, mythes et réalités géopolitiques et stratégiques
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