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- Documents 2003, l'Europe éclatée ?
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30 janvier 2003 : Lettre des huit pays d'Europe pour un front uni face à l'Irak. 5 février 2003 : Déclaration des pays du groupe de Vilnius. 17 février 2003, déclaration de Jacques Chirac, président de la République française. 29 avril 2003, création d’un noyau de capacité collective. (Voir une carte de l'OTAN au 1er mai 2004) |
Mots clés - key words: géopolitique, relations internationales, défense, attentats du 11 septembre 2001, terrorisme, stratégie des états-unis face à l’irak de saddam hussein, armes de destruction massive, nations unies, résolution 1441, conseil de sécurité de l’onu, inspecteurs en irak, pays européens, lien trans-atlantique, références au nazisme et au communisme, paix et liberté sur le continent européen, sécurité mondiale, politique étrangère et de sécurité commune de l'union européenne, union européenne de sécurité et de défense (UESD). Voir une chronologie des élargissements de l'OTAN et de l'UE |
Au premier trimestre 2003, la marche à la guerre en Irak a donné lieu à une série de propos contradictoires à l’égard de la stratégie des Etats-Unis. Ces déclarations impliquent des pays membres ou candidats à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et à l’Union européenne. Les élargissements de l’OTAN et de l’UE, volontiers présentés après la chute du Rideau de fer comme des preuves de la « réunification du continent européen » sont en fait entrés en collision, faisant éclater la Politique Etrangère et de Sécurité Commune que la France appelle de ses vœux depuis longtemps. Il en a notamment résulté la création d’un « noyau de capacité collective » pour une Union européenne de sécurité et de défense, rassemblant quatre pays par ailleurs membres de l’OTAN. Il faudra probablement plusieurs années pour juger des impacts profonds de ces propos. Pierre Verluise* * * * * Les documents sont présentés de manière chronologique, de haut en bas : . 30 janvier 2003 : Lettre des huit pays d'Europe pour un front uni face à l'Irak. Les dirigeants de huit pays d'Europe appellent à l'unité avec les Etats-Unis sur la crise irakienne. Les signataires sont : Vaclav Havel, République tchèque; Jose Maria Aznar, Espagne; José-Manuel Duro Barroso, Portugal; Silvio Berlusconi, Italie; Tony Blair, Grande-Bretagne; Peter Medgyessy, Hongrie; Leszek Miller, Pologne; Anders Fogh Rasmussen, Danemark. . 5 février 2003 : Déclaration des pays du groupe de Vilnius. (en anglais, puis en français)Déclaration des ministres des Affaires étrangères d’Albanie, Bulgarie, Croatie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Macédoine, Roumanie, Slovaquie et Slovénie. . 17 février 2003, déclaration de Jacques Chirac, président de la République française, lors de la conférence de presse à l’issue de la réunion informelle extraordinaire du Conseil européen, à Bruxelles, Belgique. . 29 avril 2003, création d’un noyau de capacité collective. Réunion des chefs d’Etat et de gouvernement d’Allemagne, de France, du Luxembourg et de Belgique sur la défense européenne, à Bruxelles, Belgique. Copyright pour l'introduction du dossier documentaire et la traduction en français de la Déclaration du groupe de Vilnius août 2003-Verluise/www.diploweb.com L'adresse url de cette page est http://www.diploweb.com/ue/crise2003.htm |
Date de la mise en ligne: septembre 2003. |
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30 janvier 2003, Lettre des huit pays d'Europe pour un front uni face à l'Irak |
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Mots clés: 30 janvier 2003, lettre des huit pays d'europe pour un front uni face à l'irak, vaclav havel, république tchèque; jose maria aznar, espagne; josé-manuel duro barroso, portugal; silvio berlusconi, italie; tony blair, grande-bretagne; peter medgyessy, hongrie; leszek miller, pologne; anders fogh rasmussen, danemark. *
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Les dirigeants de huit pays d'Europe appellent à l'unité avec les Etats-Unis sur la crise irakienne. 30 janvier 2003 : Lettre des huit pays d'Europe pour un front uni face à l'Irak. Les dirigeants de huit pays d'Europe appellent à l'unité avec les Etats-Unis sur la crise irakienne. Les signataires sont : Vaclav Havel, République tchèque; Jose Maria Aznar, Espagne; José-Manuel Duro Barroso, Portugal; Silvio Berlusconi, Italie; Tony Blair, Grande-Bretagne; Peter Medgyessy, Hongrie; Leszek Miller, Pologne; Anders Fogh Rasmussen, Danemark. "Ce qui unit véritablement les Etats-Unis et l'Europe ce sont les valeurs que nous partageons: la démocratie, la liberté individuelle, les droits de l'Homme et l'autorité de la loi. Ces valeurs ont traversé l'Atlantique avec ceux qui ont quitté l'Europe pour aider à construire les Etats-Unis. Aujourd'hui, les Etats-Unis sont plus que jamais menacés. Les attentats du 11 septembre ont montré jusqu'où les terroristes - les ennemis de nos valeurs communes - sont prêts à aller pour les détruire. Ces atrocités étaient une attaque dirigée contre nous tous. En défendant fermement ces principes, les gouvernements et les peuples des Etats-Unis et d'Europe ont amplement démontré la force de leurs convictions. Aujourd'hui, plus que jamais, le lien transatlantique est une garantie de notre liberté. Nous avons, en Europe, une relation avec les Etats-Unis qui a résisté à l'épreuve du temps. C'est largement grâce au courage, à la générosité et à la clairvoyance des Américains que l'Europe a été libérée des deux formes de tyrannie qui ont dévasté notre continent au XXe siècle: le nazisme et le communisme. C'est grâce aussi à la coopération continue entre l'Europe et les Etats-Unis que nous avons réussi à garantir la paix et la liberté sur notre continent. La relation transatlantique ne doit pas devenir victime des tentatives persistantes actuelles du régime irakien de menacer la sécurité mondiale. Dans le monde d'aujourd'hui, plus que jamais auparavant, il est vital que nous préservions cette unité et cette cohésion. Nous savons que le succès dans cette bataille quotidienne contre le terrorisme et la prolifération d'armes de destruction massive requiert une détermination inébranlable et une ferme cohésion internationale de la part de tous les pays pour lesquels la liberté est précieuse. Le régime irakien et ses armes de destruction massive représentent une menace évidente pour la sécurité mondiale. Ce danger a été explicitement reconnu par les Nations-Unies. Nous sommes tous tenus par la résolution 1441 qui fut adoptée à l'unanimité. Lors du sommet de Prague et du Sommet européen de Copenhague, nous, Européens, avons réitéré notre appui à la résolution 1441, notre souhait de continuer sur la voie des Nations unies et notre soutien au Conseil de Sécurité. En faisant cela, nous avons adressé un message clair, ferme et non équivoque selon lequel nous débarrasserons le monde du danger posé par les armes de destruction massive de Saddam Hussein. Nous devons rester unis pour exiger le désarmement de son régime. La solidarité, la cohésion et la détermination de la communauté internationale sont notre meilleur espoir d'atteindre cet objectif pacifiquement. Notre force repose dans l'unité. T. Blair. Crédits: Ministère des Affaires étrangères, F. de la Mure La combinaison d'armes de destruction massive avec le terrorisme est une menace aux conséquences incalculables. La résolution 1441 est, pour Saddam Hussein, la dernière chance de désarmer en utilisant des moyens pacifiques. L'opportunité d'éviter une grande confrontation dépend de lui. Malheureusement, cette semaine, les inspecteurs de l'Onu ont confirmé sa propension longtemps établie à tromper, à nier et à ne pas respecter les résolutions du Conseil de Sécurité. L'Europe n'est pas en conflit avec le peuple irakien. En effet, il est la première victime du brutal régime irakien. Notre but est de sauvegarder la paix et la sécurité mondiale en s'assurant que ce régime abandonne ses armes de destruction massive. Nos gouvernements ont la responsabilité commune de faire face à cette menace. Ne pas le faire serait ni plus ni moins faire preuve de négligence vis-à-vis de nos propres citoyens et vis-à-vis du reste du monde. V. Havel. Crédits: Ministère des Affaires étrangères, F. de la Mure La Charte des Nations Unies confie au Conseil de Sécurité la tâche de préserver la paix et la sécurité internationale. Pour cela, le Conseil de Sécurité doit maintenir sa crédibilité en s'assurant que ses résolutions sont pleinement respectées. Nous ne pouvons accepter qu'un dictateur viole systématiquement ces résolutions. Si elles ne sont pas respectées, le Conseil de Sécurité perdra sa crédibilité et en conséquence, la paix mondiale en souffrira. Nous sommes confiants que le Conseil de Sécurité fera face à ses responsabilités." Source: http://www.grip.org/bdg/g2026.html |
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5 février 2003, la déclaration des pays du groupe de Vilnius |
Mots clés: 5 février 2003, déclaration des pays du groupe de vilnius, déclaration des ministres des affaires étrangères d’albanie, bulgarie, croatie, estonie, lettonie, lituanie, macédoine, roumanie, slovaquie, slovénie. |
Le texte original, en anglais, est suivi d'une traduction en français Texte original, en anglais February 5, 2003 Statement of the Vilnius Group Countries "In response to the presentation by the United States Secretary of State to the United Nation Security Council concerning Iraq. Statement by the Foreing Ministers of Albania, Bulgaria, Croatia, Estonia, Lutvia, Lithuania, Macedonia, Romania, Slovakia and Slovenia: Earlier today, the United States presented compelling evidence to the United Nations Security Council detailling Iraq's weapons of mass destruction programs, its actives efforts to deceive UN inspectors, and its links to international terrorism. Our countries understand the dangers posed by tyranny and the special responsibility of democracies to defend our shared values. The trans-Atlantic community, of which we are a part, must stand together to face the threat posed by the nexus of terrorism and dictators with weapons of mass destruction. We have actively supported the international efforts to achieve a peaceful disarmement of Iraq. Howewer, it has become clear that Iraq is in material breach of U.N.Security Council Resolutions, including U.N. Resolution 1441, passed unanimously on November 8, 2002. As our governments said on the occasion of the NATO Summit in Prague : "We support the goal of the international community for full disarmament of Iraq as stipulated in the UN Security Council Resolution 1441. In the event of non-compliance with the terms of this resolution, we are prepared to contribute to an international coalition to enforce its provisions and the disarmament of Iraq". The clear and present danger posed by the Saddam Hussein regime requires a united response from the community of democracies. We call upon the U.N. Security Council to take the necessary and appropriate action in response to Iraq's continuing threat to international peace and security." Traduction en français 5 février 2003Déclaration des pays du groupe de Vilnius"Suite à la prise de position du Secrétaire d’Etat des Etats-Unis au Conseil de Sécurité des Nations Unies au sujet de l’Irak. Déclaration des ministres des Affaires étrangères d’Albanie, Bulgarie, Croatie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Macédoine, Roumanie, Slovaquie et Slovénie. En début de journée, les Etats-Unis ont apporté au Conseil de Sécurité des Nations Unies les preuves indiscutables de la possession par l’Irak de programmes d’armes de destruction massive, de ses efforts manifestes pour échapper au contrôle des inspecteurs de l’ONU et de ses liens avec le terrorisme international. Nos pays comprennent les dangers que représentent la tyrannie et la responsabilité particulière des démocraties de défendre les valeurs que nous partageons. La communauté trans-Atlantique, dont nous sommes partie prenante, doit faire front de manière solidaire à la menace constituée par les réseaux du terrorisme et des dictateurs équipés d’armes de destruction massive. Nous avons activement soutenu les efforts internationaux pour mener à bien un désarmement pacifique de l’Irak. Pourtant, il est maintenant devenu clair que l’Irak est en infraction tangible avec les résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies, engageant l’O.N.U. La résolution 1441 a été approuvée à l’unanimité le 8 novembre 2002. Comme nos gouvernements l’ont déclaré à l’occasion du sommet de l’OTAN à Prague : « Nous soutenons les buts de la communauté internationale pour le désarment complet de l’Irak selon les termes de la résolution 1441 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Dans l’éventualité d’un manquement aux exigences de cette résolution, nous sommes prêts à contribuer à une coalition internationale pour faire respecter ses mesures et le désarmement de l’Irak. » Le danger évident et actuel constitué par le régime de Saddam Hussein exige une réponse commune de la communauté des démocraties. Nous faisons appel au Conseil de Sécurité des Nations Unies pour qu’il prenne les mesures nécessaires et appropriées en réponse à la menace persistante de l’Irak pour la paix et la sécurité internationale. " Source : Document communiqué par l'ambassade à Paris d'un des pays signataires. Traduction de l’anglais : Pierre Verluise |
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17 février 2003, déclaration de Jacques Chirac |
Mots clés: 17 février 2003, déclaration de jacques chirac, président de la république française, conférence de presse à l’issue de la réunion informelle extraordinaire du conseil européen, bruxelles. |
NDLR : Afin de respecter le contexte, aucune coupe n’a été faite. Il s’agit donc du texte complet. Pour aider à repérer l’extrait qui a fait débat, cette partie a été mise en gras. 17 février 2003, déclaration de Jacques Chirac, président de la République française, lors de la conférence de presse à l’issue de la réunion informelle extraordinaire du Conseil européen, à Bruxelles, Belgique. "LE PRESIDENT - Bonsoir Mesdames, Bonsoir Messieurs, Nous venons donc de terminer notre dîner de travail et je voudrais que mes premiers mots soient pour exprimer à la présidence grecque toute mon estime, je dirais même mon admiration, et toute ma reconnaissance car, dans un contexte qui, chacun le sait, n'était pas facile, la présidence grecque a conduit ce sommet, qu'elle avait voulu et à juste titre, de façon particulièrement efficace. Je dirais que c'est un peu un brillant témoignage de la vieille Europe. Nous avons pris une position commune, qui vous a été distribuée ou qui va l'être incessamment, qui, pour ce qui me concerne, est satisfaisante. Donc ce n'est pas tellement sur le texte que je ferai un commentaire. Je soulignerai simplement que j'ai observé avec une certaine satisfaction un rapprochement clair des points de vues. Chacun sait que, depuis quelques jours, il y avait une tension entre ceux qui considéraient qu'une guerre pour désarmer l'Iraq était quasiment inévitable et ceux qui estimaient que la voie ouverte par la résolution 1441, c'est-à-dire celle des inspections, conservait toute sa justification. Et nous avons vu dans les déclarations des uns et des autres, ces derniers temps, ces deux points de vue soutenus. Ce soir, nous avons observé un vrai rapprochement, me semble-t-il. A partir de deux ou trois idées simples. Nous sommes bien sûr tous d'accord pour indiquer que la destruction, l'élimination des armes de destruction massive de l'Iraq est un impératif absolu. Que seul le Conseil de sécurité est habilité dans ce domaine à prendre une décision concernant les moyens. Qu'aujourd'hui, la résolution 1441 reste totalement d'actualité et que rien n'exige qu'elle soit changée, cette résolution qui ouvre la voie à un désarmement par les inspecteurs. Et donc qu'il n'y a pas lieu de changer aujourd'hui de stratégie. C'est d'ailleurs le sentiment qu'avaient exprimé la Russie, l'Allemagne, la Chine et la France, soutenues d'ailleurs par une majorité du Conseil de sécurité et par un certain nombre de grands pays qui, n'étant au Conseil de sécurité, ont néanmoins apporté leur soutien à cette position. Cela reste la position de l'Union européenne. Alors, naturellement, je ne vous dirai pas que tout est pour autant totalement aplani mais cette mini-crise européenne a été, me semble-t-il, l'avenir le dira, surmontée. Voilà les quelques observations que je voulais faire, mais je suis tout prêt à répondre à vos questions. QUESTION - Monsieur le Président, j'ai deux questions, si vous le permettez. Jusqu'où le gouvernement CHIRAC pourrait-il maintenir sa position vis-à-vis de Washington au sujet de la guerre contre l'Iraq ? Deuxième question : dans le cas d'un déclenchement éventuel de cette guerre contre l'Iraq, quelles seront, selon vous, les conséquences directes sur le conflit israélo-palestinien ? LE PRESIDENT - Tout d'abord, je le répète, la position de la France ne change pas et n'est pas, dans l'état actuel des choses et sauf événement nouveau qui serait de nature à contredire les raisons mêmes qui la justifient, n'est pas de nature à changer. Ces derniers jours, il y avait eu l'hypothèse, qui avait été évoquée par certains observateurs, d'une nouvelle résolution. La France avait fait savoir que cette hypothèse lui paraissait dépourvue de fondement et je dois dire qu'on n'en a pas parlé aujourd'hui. Donc, je n'ai pas d'autre commentaire à faire sur ce point. Quant aux conséquences d'un conflit sur un autre conflit, c'est un problème complexe. Tout ce que je peux dire, je l'ai déjà dit plusieurs fois, c'est que je pense que cette région n'a pas besoin d'un conflit supplémentaire. QUESTION - Monsieur le Président, selon certaines informations concordantes, votre ministre Dominique de VILLEPIN a indiqué au déjeuner, ou plutôt a laissé entendre au déjeuner, que la date butoir du 14 mars serait la dernière et qu'après, pour reprendre une expression "the game is over". En tout cas, c'est comme cela que ... LE PRESIDENT – Là je vous interromps pour vous dire que cette information est dépourvue, et je le dis devant lui, est totalement dépourvue du moindre fondement. Elle ne mérite donc aucune espèce de commentaire car elle est fausse. QUESTION - Merci. C'est clair. QUESTION - Monsieur le Président, le ministre britannique Jack STRAW, cet après-midi, a dit : "de toute façon, pour un recours à la force, on n'a pas vraiment besoin d'une deuxième résolution, il y a un paragraphe dans la 1441 qui parle de graves conséquences s'il y a violation patente par l'Iraq de ses obligations à l'égard l'ONU. Mais, politiquement, pour nous, c'est plus correct". Alors, est-ce que vous pensez que les graves conséquences qui sont envisagées dans la résolution 1441 peuvent mettre sur la voie d'un recours à la force ? LE PRESIDENT - Une certaine interprétation permet effectivement de le dire. Mais, en toute hypothèse, cela ne pourrait être que sur le rapport des inspecteurs, premier point, et après une décision et un vote du Conseil de sécurité. QUESTION - Je n'ai pas vu le texte de la position commune qui vient d'être adoptée mais vous venez de parler de mini-crise. Qu'est-ce que vous entendez par là ? C'est vraiment une mini-crise que l'Europe vient de traverser ? Est-ce qu'elle est achevée, est-ce qu'elle vous semble achevée ? LE PRESIDENT - On use et on abuse du terme de crise et, vous avez raison de le souligner, après tout, en utilisant celui de mini-crise, je tombe dans cet excès. La construction européenne, ce n'est pas un long fleuve tranquille. C'est un chemin semé d'embûches, avec des pierres, des trous, etc. Alors, appelez cela comme vous voulez, mais il arrive régulièrement qu'on bute dans les pierres ou qu'on tombe dans les trous. Et cela est vrai depuis que l'Europe existe. L'intéressant, c'est d'observer qu'on poursuit sur le chemin malgré les embûches. On poursuit. Et c'est cela qui est intéressant. L'important, ce n'est pas l'incident immédiat, encore que, bien entendu, sur le plan médiatique, cela a une grande importance. Mais l'important, c'est le mouvement, c'est la vision. Et l'Europe continue. Elle se construit. Et je vais vous dire une chose : ce qui est en cause aujourd'hui, c'est la capacité de l'Europe à avoir une politique étrangère et de sécurité commune. Nous l'avons affirmée. Et puis, tout d'un coup, un incident conduit très naturellement à dire : "qu'est-ce que vous nous racontez puisqu'en réalité, vous voyez bien, quand il y a un problème important, vous n'êtes pas d'accord ?" Eh bien, ce sera surmonté, ça aussi. Et nous aurons dans trois ans, dans cinq ans, dans dix ans, une politique étrangère et de sécurité commune. Et cela passe par le fait d'avoir surmonté un certain nombre de difficultés. J'ai peut être eu tort d'utiliser le mot mini-crise, mais il y a eu une difficulté, je crois qu'elle est en voie d'être surmontée. Nous verrons. QUESTION - Monsieur le Président, je voudrais vous demander deux choses. Tout d'abord, votre opinion sur la lettre du groupe de Vilnius, donc les pays candidats à l'OTAN, au sujet de cette position. Et puis, qu'est-ce que vous allez dire demain aux pays candidats à l'Union européenne sur la mini-crise que vous venez de traverser ? LE PRESIDENT - Moi, je ne dirai rien demain parce que je serai parti. Je plaisante, naturellement. Mais votre collègue a raison de poser la question. Demain, les Dix, pas ceux de Vilnius, les dix candidats qui vont entrer en principe en 2004, vont se réunir et compte-rendu leur sera fait de nos délibérations par ce que l'on appelle la troïka, c'est-à-dire le président grec, M. SOLANA et M. PRODI. Alors, quand vous évoquez la position qui a été prise, il y a eu deux choses. Il y a eu, d'une part, trois pays qui ont signé la lettre, que cinq autres pays de l'Union européenne avaient proposée, concernant cette affaire de l'Iraq. C'est cette lettre qui était apparue comme créant une crise ou une mini-crise au sein de l'Union européenne, en tous les cas comme contraire à l'idée d'une politique étrangère européenne commune, à juste titre. Ces trois pays, c'était la Pologne, la Hongrie et la République tchèque. La République tchèque qui, d'ailleurs, avait signé sous la plume de son éminent président, que tout le monde respecte, qu'est M. HAVEL, mais qui avait signé un ou deux jours avant de quitter ses fonctions et, le lendemain, le Premier ministre tchèque avait dit que ça ne l'engageait pas. Peu importe. En ce qui concerne la déclaration de Vilnius, c'est un peu différent. Elle comprend cinq pays candidats, les trois pays baltes, la Slovénie et la Slovaquie, deux pays candidats dont la candidature a été reportée, qui sont la Roumanie et la Bulgarie, et trois pays qui n'ont pas encore le statut de candidat, c'est-à-dire la Croatie, la Macédoine et l'Albanie. Je ferai tout de même un commentaire, vous avez eu raison de le souligner, car cela le mérite. Concernant en tous les cas les pays candidats, je ne parle pas des pays qui ne sont pas candidats, mais les pays candidats, honnêtement, je trouve qu'ils se sont comportés avec une certaine légèreté. Car entrer dans l'Union européenne, cela suppose tout de même un minimum de considération pour les autres, un minimum de concertation. Si, sur le premier sujet difficile, on se met à donner son point de vue indépendamment de toute concertation avec l'ensemble dans lequel, par ailleurs, on veut entrer, alors, ce n'est pas un comportement bien responsable. En tous les cas, ce n'est pas très bien élevé. Donc, je crois qu'ils ont manqué une bonne occasion de se taire. J'ajoute qu'au-delà du côté un peu plaisant ou enfantin de la démarche, elle est dangereuse. Il ne faut pas oublier que plusieurs pays vont avoir, parmi les Quinze, la nécessité de ratifier l'élargissement par la voie du référendum. Or on sait très bien que, déjà, les opinions publiques, comme toujours quand il s'agit de quelque chose de nouveau, ont accueilli l'élargissement avec quelques réserves, sans toujours comprendre exactement l'intérêt qu'il y avait à l'approuver. Alors, évidemment, une démarche comme celle que vous soulignez ne peut que renforcer, dans l'opinion publique des Quinze et notamment de ceux qui feront une ratification par voie de référendum, un sentiment d'hostilité. Or il suffit d'un seul pays qui ne ratifie pas par référendum pour que cela ne marche pas. Donc, ces pays ont été, je dirais, à la fois, disons le mot, pas très bien élevés et un peu inconscients des dangers que comportait un trop rapide alignement sur la position américaine. Voilà ce que je voulais dire sur ce point. QUESTION - Monsieur le Président, il y a d'autres pays européens qui font partie des Quinze qui étaient avec les pays qui ont signé les lettres. Pourquoi avez-vous le droit de dire aux pays candidats : "vous ne pouvez pas faire cela", quand des pays comme la Roumanie, l'Espagne, l'Italie et le Danemark se sont mis d'accord avec les Etats-Unis sur ce qu'il faut faire en Iraq ? Pourquoi les uns et pas les autres ? LE PRESIDENT - Parce que les uns sont candidats et que les autres sont déjà dans la famille. Quand on est dans la famille, on a tout de même plus de droits que lorsque l'on demande à entrer, que l'on frappe à la porte. Vous comprenez, je ne critique personne. Mais ce n'est pas convenable. Et, alors, vous avez cité la Roumanie dans votre liste. Je trouve que la Roumanie et la Bulgarie ont été particulièrement légères de se lancer ainsi, alors que leur position est déjà très délicate à l'égard de l'Europe. Si elles voulaient diminuer leurs chances d'entrer dans l'Europe, elles ne pouvaient pas trouver un meilleur moyen. QUESTION - Monsieur le Président, M. Kofi ANNAN a déclaré à Abou-Dabi, il y a deux jours, qu'il n'écartait pas la possibilité de recourir à une deuxième résolution. Or, à votre arrivée, permettez-moi de vous citez, vous avez déclaré, cet après-midi à Bruxelles, qu'il n'était pas nécessaire, aujourd'hui, d'avoir une deuxième résolution, à laquelle la France ne pourrait que s'opposer. Est-ce à dire que, Monsieur le Président, vous n'êtes pas sur la même longueur d'ondes avec M. Kofi ANNAN ? LE PRESIDENT - Non, ça m'étonnerait parce qu'en général, je suis toujours sur la même longueur d'ondes que Kofi ANNAN. Je ne connais pas les propos que vous lui prêtez mais, ce que je peux vous dire, c'est que je ne vois aucune raison de sortir de la résolution 1441. Et, puisqu'il n'y a pas de raison d'en sortir, eh bien, je suis défavorable à une autre résolution. QUESTION - Monsieur le Président, il me semble qu'il y ait une différence entre les Américains et les Britanniques, d'une part, et vous-même, la France, d'autre part, à savoir que les deux premiers ne se contentent pas de débarrasser l'Iraq des armes de destruction massive mais veulent aussi renverser Saddam HUSSEIN. Je voudrais savoir quel est votre sentiment. Est-ce que vous pensez que, si Saddam HUSSEIN est débarrassé de ses armes par les inspections, la Communauté internationale doit s'accommoder de Saddam HUSSEIN au pouvoir à Bagdad, qui continuera à tuer des milliers de personnes ? LE PRESIDENT - Je n'ai aucune sympathie pour M. Saddam HUSSEIN, je n'ai pas besoin de vous le dire. Je l'ai souvent répété. Je dis simplement que vouloir éliminer des armes de destructions massives, cela, c'est un impératif d'intérêt général et qui peut justifier une intervention. Vouloir changer un régime, même si cela peut être justifié, ça veut dire que nous allons nous arroger le droit, et peut être un seul pays va s'arroger le droit, quand il en aura envie, d'intervenir pour changer un régime qui ne lui plaira pas. Il y a beaucoup de régimes qui sont de la même nature et qui ne me plaisent pas. Ce n'est pas pour autant que je considère qu'il faut prendre les armes pour les remplacer. Je vous remercie. " Source : Site de l'ambassade de France en Roumanie http://www.ambafrance-ro.org |
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29 avril 2003, la création d’un noyau de capacité collective par 4 pays européens |
Mots clés: 29 avril 2003, création d’un noyau de capacité collective, réunion des chefs d’état et de gouvernement d’allemagne, de france, du luxembourg et de belgique sur la défense européenne, bruxelles. Lire l'article de Fabien Terpan: Politique étrangère, sécurité, défense : la lente progression de l'Europe politique (mise en ligne juin 2004)
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NDLR : La crise du 1er trimestre 2003 a notamment eu pour effet la création d’un noyau de capacité entre quatre Etats par ailleurs membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et de l’Union européenne : l’Allemagne fédérale, la France, le Luxembourg et la Belgique. 29 avril 2003, création d’un noyau de capacité collective. Réunion des chefs d’Etat et de gouvernement d’Allemagne, de France, du Luxembourg et de Belgique sur la défense européenne, à Bruxelles, Belgique. "Avec l’élargissement et l’élaboration d’un Traité constitutionnel, l’Union européenne sera demain plus forte, mais aussi plus diverse. Notre conviction commune est que l’Europe doit être capable de s’exprimer d’une seule voix et de jouer pleinement son rôle sur la scène internationale. A cette fin, nous pensons qu’il est nécessaire de donner un nouvel élan à la construction de l’Europe de la Sécurité et de la Défense. En effet, l'Union européenne doit disposer d'une politique de sécurité et de défense crédible. Car l’action diplomatique n'est crédible – et donc efficace – que si elle peut également s'appuyer sur des capacités civiles et militaires réelles. L’Europe a en partage avec l’Amérique, avec laquelle elle a affronté les défis de sécurité depuis plus d’un demi-siècle, des valeurs et des idéaux qui sont le fruit de son histoire. Le partenariat transatlantique demeure une priorité stratégique fondamentale pour l’Europe. Ce partenariat est une condition nécessaire de la sécurité et de la paix mondiale. Dans le prolongement de la Déclaration du Sommet de Washington, nous souhaitons poursuivre l’adaptation de l’Alliance atlantique, qui reste le fondement de la sécurité collective de ses membres, aux défis du 21ème siècle. Nous sommes déterminés à mettre en œuvre les décisions du Sommet de Prague, car nous comprenons nos engagements dans l’Alliance atlantique et dans l’Union européenne comme complémentaires. Le partenariat stratégique entre l’Union européenne et l’OTAN, qui s’appuie sur les déclarations des Sommets de Berlin et de Washington, a d’ores et déjà permis à l’Union européenne de recourir aux moyens de l’OTAN pour conduire sa première opération dans l'Ancienne République yougoslave de Macédoine. Nous souhaitons que demain les arrangements mis en place entre les deux organisations permettent à l’Union européenne d’assurer la relève de l’OTAN en Bosnie-Herzégovine. C’est dans cet esprit que, dans le prolongement du Sommet de Saint-Malo et du Conseil européen de Cologne, la Politique européenne de Sécurité et de Défense s’est progressivement développée depuis le Conseil européen d’Helsinki en décembre 1999. Nous pensons que le moment est venu de franchir une nouvelle étape dans la construction de l’Europe de la Sécurité et de la Défense, fondée sur des capacités militaires européennes renforcées qui contribueront également à donner à l'Alliance atlantique une nouvelle vitalité et ouvriront la voie à une relation transatlantique renouvelée. * Pour donner un nouvel élan à la Politique européenne de Sécurité et de Défense, nous proposons que la Convention sur l’avenir de l’Union européenne et la Conférence intergouvernementale endossent les principes suivants et les intègrent dans le Traité constitutionnel : Nous proposons, en plus, que la Convention adopte le concept d’Union européenne de Sécurité et de Défense (UESD). A titre de contribution à la réflexion que nous souhaitons poursuivre avec les Etats intéressés, nous pensons que l’UESD devrait avoir comme vocation de réunir les Etats membres qui sont prêts à aller plus rapidement et plus loin dans le renforcement de leur coopération en matière de défense. En particulier, les Etats participant à l’UESD : La participation à l’UESD impliquera : L’UESD serait ouverte à tous les Etats membres actuels et futurs disposés à s'inscrire dans son cadre. Nous souhaitons que cette coopération concrète soit intégrée dans le Traité constitutionnel de l'Union européenne, de sorte qu'à terme, tous les Etats membres actuels et futurs puissent en faire partie. * Dans le domaine militaire, nous avons décidé, en ce qui nous concerne, de mettre en œuvre, dès à présent et dans l’esprit des déclarations de Saint-Malo et de Cologne, un certain nombre d’initiatives concrètes destinées à favoriser le rapprochement de nos outils de défense nationaux. Ces projets visent à éviter les duplications inutiles entre Armées nationales et à renforcer ainsi l’efficacité des moyens de défense des Européens. Ils sont ouverts à tous les Etats membres actuels et futurs intéressés. Ces initiatives suivantes s’inscrivent dans la perspective de notre participation commune à des opérations conduites dans le cadre de l’Union européenne ou de l’OTAN : 1. Le développement d’une capacité européenne de réaction rapide. Le progrès réalisé dans ce domaine contribuera à atteindre les objectifs de l’Union européenne, à renforcer la contribution européenne au développement de Force de réaction de l’OTAN et à garantir leur interopérabilité. Afin d’améliorer la capacité européenne de réponse rapide, nous créerons une capacité de départ autour de la brigade franco-allemande dans laquelle seront intégrés des éléments commandos belges et des éléments de reconnaissance luxembourgeois. Cette capacité européenne de réaction rapide pourra être renforcée par des troupes d’autres Etats intéressés et sera disponible pour des opérations européennes, des opérations de l’OTAN et des opérations conduites par l’Union européenne sous l’égide des Nations Unies. 2. La création, au plus tard en juin 2004, d’un commandement européen de transport aérien stratégique, disponible pour des opérations européennes et de l’OTAN. Le programme A400M revêt une importance cruciale pour le développement d’une telle capacité européenne de transport aérien stratégique. A plus long terme, nous envisageons de créer, avec les Etats participant à ce programme, une unité commune de transport aérien stratégique et de subordonner cette unité au commandement européen de transport aérien stratégique. Par ailleurs, nous étudierons avec les Etats intéressés la création d’un commandement commun pour le transport stratégique (air, mer et terre). 3. La création d’une capacité européenne de protection NBC conjointe avec comme objectif la protection des populations civiles et des troupes déployées dans des opérations européennes. 4. La création, en liaison avec la Commission et ECHO, d’un système européen d'aide humanitaire d’urgence lors de catastrophes (EU-FAST - European Union First Aid and Support Team) permettant à l’Union européenne d’associer des moyens civils et militaires pour dépêcher dans les 24 heures une première aide humanitaire d’urgence. Ce système reposera sur la mise en commun de moyens et de capacités existants. Il s’agira d’un mécanisme collectif pour lequel les pays qui le souhaitent prendront la responsabilité à tour de rôle; 5. La création de centres européens de formation : unité de formation tactique commun pour les équipages des A400M; centre de formation des équipages d’hélicoptères; rapprochement des cursus de formation à la mer des officiers de marine dans la perspective de la création d’une flotte-école européenne; rapprochement des cursus de formation des pilotes des armées de l’air en valorisant les initiatives en cours, notamment dans le domaine tactique. 6. Le renforcement des capacités européennes de planification opérationnelle et de conduite d’opérations. Les Etats membres de l’Union européenne ont décidé au Conseil européen de Cologne en juin 1999 de mener des opérations de gestion de crise en recourant aux moyens et aux capacités de l’OTAN ou de manière autonome. 7. Dans le souci d'améliorer les capacités de commandement et de contrôle disponibles tant pour l'Union européenne que pour l'OTAN, les quatre Ministres de la Défense entreprendront les démarches nécessaires en vue d'établir, pour l'année 2004 au plus tard, un quartier-général multinational déployable pour des opérations conjointes et qui serait basé sur des quartiers-généraux déployables existants. * Nous souhaitons pouvoir définir avec l’ensemble des Etats intéressés les contours de l’Union européenne de Sécurité et de Défense, qui contribuera au renforcement du pilier européen de l’Alliance atlantique, et mettre en œuvre les projets concrets destinés au rapprochement de nos outils de défense nationaux. Dans cet esprit, nous souhaitons que ces propositions puissent faire l’objet d’un premier échange de vues lors du prochain Gymnich dans la perspective d’une présentation de travaux plus détaillée lors du prochain Conseil européen de Salonique. Jacques CHIRAC, Président de la République française Source : http://www.ambafrance-ro.org/Discours_29042003.htm (consultation mai 2003) |
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