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du Moyen-OrientRemodeler l'Irak ?
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Si l’on entend assurer une certaine stabilité pour l’avenir, l’État irakien ne peut être que confédéral. Chacune des trois composantes pourrait être déterminée par l’identité de sa population, ethnolinguistique en ce qui concerne les Kurdes, religieuse en ce qui concerne les Sunnites et les Chiites. |
Biographie de l'auteur en bas de page Mots clés - key words: bernard dorin, ambassadeur de France,
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confédérés, séparation identitaire tranchée, identité. |
Nous, Français, raisonnons
toujours en terme de « nation ». Il nous est donc difficile de
comprendre la nature de l’Irak qui, loin de constituer une nation, est un État
dans lequel vivent trois populations différentes, et d’ailleurs antagonistes :
les Kurdes au Nord-Est, les Arabes sunnites au Centre et les Arabes chiites au
Sud. Un État artificiel
Qui plus est, l’Irak est un État
parfaitement artificiel dont les frontières, sauf à l’Est où elles suivent la
ligne de faît des Monts Zagros, sont des lignes droites tracées arbitrairement
lorsque Britanniques et Français se partagèrent, sous forme de mandats,
l’essentiel des territoires arabes de l’ancien empire ottoman. Or, dans ces territoires détachés de la Turquie se trouvait le « vilayet » (province) de Mossoul dont la population était majoritairement kurde avec des minorités arabes et turcomanes et dont le sol recèle les fameux gisements pétroliers de Kirkouk, les premiers à avoir été découverts et exploités au Moyen-Orient. D’abord partie du mandat français sur la Syrie, le vilayet de Mossoul avait été finalement rattaché à l’Irak en vertu des accords Sykes-Picot, les Britanniques ayant exigé cette adjonction pour assurer la viabilité économique de leur mandat sur l’Irak, grâce précisément au pétrole de Kirkouk. Cependant la nouvelle république turque n’avait pas cessé jusqu’en 1925 de réclamer, en partie pour les mêmes raisons, la réintégration du vilayet dans le territoire national turc. On voit déjà par là toute la complexité de la situation géopolitique du Nord de l’Irak. Voir une carte de la population et de la densité au Moyen-Orient Une histoire politique chaotique
Tout aussi artificiel que ses
frontières avait été le statut politique de l’Irak. Pour donner une
compensation à la famille Hachémite chassée des lieux saints par Ibn Seoud le
Grand, les Britanniques avaient installé
Faysal, fils de l’émir Hussein, roi de Syrie mais, chassé de Damas par
les canons du Général Gouraud.
Il s’était retrouvé à Bagdad, toujours par la
grâce des Anglais, roi d’Irak. C’est son petit fils Faysal II qui devait être
assassiné le 14 juillet 1958 lors du coup d’État républicain du Général Kassem,
coup d’Etat qui devait être suivi de beaucoup d’autres jusqu’à l’instauration,
en 1979, de l’implacable dictature baathiste de Saddam Hussein. Ainsi un
territoire géographiquement informe, une population composite, des souverains
étrangers jusqu’en 1958, une histoire politique sanglante et chaotique : tel
était l’Irak. Et l’étonnant développement apparent dû à la manne pétrolière ne
changeait rien à cette fragilité fondamentale. Gagner la paix
Maintenant que le régime de Saddam
Hussein s’est effondré sous les terribles coups de boutoir des armées
anglo-américaines, toute l’attention se concentre sur l’avenir de l’Irak et les
moyens de l’assurer après l’inévitable chaos qui suivra la fin des combats. Or
la principale question débattue est de savoir par qui sera gouverné l’Irak.
Sera-ce par une commission militaire américaine avec un général américain à sa
tête flanqué de conseillers « indigènes » ? sera-ce une délégation
internationale sous l’autorité des Nations Unies ? sera-ce un gouvernement
provisoire issu de l’émigration mais comptant des locaux en son sein ? Tout
cela demeure d’autant plus flou que les positions des uns et des autres se
modifient au gré des circonstances du moment. A Belfast, le Président Bush a
semblé accepter une certaine « dose » d’ONU mais dans des proportions
indéterminées. Deux questions oubliées
Ce qui est surprenant, c’est que
personne ne semble se poser les deux questions essentielles : sur quel
territoire la nouvelle autorité, quelle qu’elle soit, va-t-elle s’exercer ? et
surtout quelle structure politique interne doit être donnée à l’Irak pour le
rendre enfin viable ?
A la première question, il est aisé de
répondre : les frontières de l’Irak resteront inchangées. Certes,
la Turquie
caresse toujours le rêve de récupérer le fameux
vilayet de Mossoul mais toutes
les chancelleries s’accordent au moins sur un point : la préservation de
l’intégrité territoriale de l’Irak. Tout au plus la
Turquie pourrait-elle
tenter de s’installer militairement au Kurdistan d’Irak et occuper la
région pétrolifère de Kirkouk mais elle subirait alors une pression internationale à laquelle il lui serait
difficile, à la longue, de résister. L’intégrité territoriale de l’Irak, encore
récemment recommandée par le Président de la République française, exclue en
outre l’hypothèse d’un État kurde indépendant que les chefs kurdes irakiens
affirment d’ailleurs ne pas vouloir instituer. Dans ces conditions, et en
l’absence de revendications territoriales iraniennes ou saoudiennes, l’Irak va
donc rester géographiquement inchangé. Westminster et le Capitole sont-ils des produits d’exportation ?
Mais politiquement, que peut-il se
passer ? Les
Américains et les Britanniques ont proclamé leur volonté, après
avoir brisé la tyrannie de Saddam Hussein, d’installer la Démocratie en Irak.
Fort bien, mais quelle démocratie dans une région qui n’y est évidemment pas
préparée ? Westminster et le Capitole ne sont pas des produits d’exportation.
En outre, les Américains au moins sont étonnamment ignorants des affaires de
l’Orient, et notamment de l’implantation territoriale des populations. En
témoigne l’absurde 36ème parallèle de l’opération « provide comfort »
qui laissait près de la moitié de
la population kurde hors de la protection
aérienne des alliés alors qu’il eut fallu, pour protéger les Kurdes, une ligne Nord-Ouest-Sud-Est ! Le temps de la revanche ?
Dans ces conditions, une application
brutale de la règle démocratique : un homme, une voix, dans un État resté
unitaire ne peut conduire qu’à la domination d’un des trois groupes de population
sur les deux autres. En effet, les Arabes chiites représentent à eux seuls 52 %
de la population totale et pourraient donc normalement conquérir le pouvoir par
les urnes. Cependant, comme ils ont été maltraités et parfois férocement
réprimés, notamment en 1991, par le pouvoir minoritaire sunnite, on peut
deviner quelles représailles entraînerait une domination chiite sans partage ! La confédération semble la meilleure solution pour l’équilibre des forces
Aussi la solution de l’équilibre des
forces en Irak s’impose-t-elle à l’esprit : c’est la confédération. Si l’on
entend lui assurer une certaine stabilité pour l’avenir, l’État irakien ne peut
être que confédéral, chacune des trois composantes étant déterminée par
l’identité de sa population, ethnolinguistique en ce qui concerne les Kurdes,
religieuse en ce qui concerne les Sunnites et les Chiites. Il existe d’ailleurs
un précédent, l’expérience, certes avortée, de la « République
arabo-kurde » de Kassem en 1958. Ainsi le nouvel État confédéral irakien
comprendrait-il :
. Un État confédéré Kurde avec, pour
capitale, Kirkouk.
. Un Etat confédéré arabe-sunnite
avec, pour capitale, Samara.
. Un État confédéré arabe chiite avec
pour capitale Bassora. Bagdad, capitale confédérale
Une capitale confédérale serait
constituée par le grand Bagdad, qui compte cinq millions d’habitants, une
majorité chiite et quelque 800.000 Kurdes. C’est d’ailleurs là le creuset où se
retrouveraient les trois composantes régionales. Le grand avantage de cette
structure confédérale, où les pouvoirs confédéraux seraient réduits à
l’économie - le partage des dividendes du pétrole - et à la représentation
extérieure, serait de permettre à chaque entité de s’administrer souverainement
elle-même sans intervention ou domination externe, quitte à conserver des
moyens propres d’autodéfense. Ainsi serait durablement évitée l’hégémonie d’un
groupe sur un autre. Remodeler l’Irak ? Oui, mais si possible intelligemment
Certes, l’opposition au régime de
Saddam Hussein n’est pas allée aussi loin car elle ne s’est mise d’accord que
sur la création d’une structure fédérale et non confédérale. Cependant, l’échec
de l’expérience de la « République arabo-kurde d’Irak » montre que
deux composantes au moins de la population, Kurdes et Chiites, ont subi de
telles persécutions que seule une séparation identitaire tranchée paraît
capable de panser les plaies du récent passé et de permettre aux trois
populations de vivre enfin en paix les unes avec les autres. Si l’Irak, comme
le souhaitent
les Américains, doit constituer un exemple pour le Proche et le
Moyen-Orient, que l’on commence par respecter l’identité de ses peuples
constituants.
Remodeler l’Irak ? Oui, certes, mais
si possible intelligemment. Bernard Dorin, Ambassadeur de France Manuscrit clos : fin mai 2003 Copyright mai 2003-Dorin/www.diploweb.com L'adresse url de cette page est : http://www.diploweb.com/p5dorin6.htm |
Date de la mise en ligne: 21 juin 2003 |
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Biographie de Bernard Dorin, Ambassadeur de France | |||
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. 1950 :
Diplôme de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris. . 1953 : Admis à l'Ecole Nationale d'Administration . 1963 - 1964 : Adjoint au Secrétaire Général du Ministère des Affaires Etrangères. . 1964 - 1966 : Conseiller Technique - pour les affaires diplomatiques - au cabinet du Ministre de l'Information. Directeur Adjoint du "Service de Liaison Interministériel pour l'Information". . 1966 - 1967 : Conseiller Technique - pour les affaires diplomatiques - au cabinet du Ministre Délégué chargé de la Recherche Scientifique et des Questions Atomiques et Spatiales. . 1967 - 1968 : Conseiller Technique - pour les affaires diplomatiques - au cabinet du Ministre de l'Education Nationale, chargé en particulier des relations avec les universités africaines. . 1968 - 1969 : Conseiller Technique - pour les affaires diplomatiques - au cabinet du Ministre chargé de la Recherche Scientifique et Conseiller technique "officieux" au Cabinet du Ministre de l'Education Nationale. . 1969 - 1970 : Année sabbatique à l'Université de Harward, au Center for International Affairs. . 1970 - 1972 : Chargé de mission auprès du Directeur du Personnel du Ministère des Affaires Etrangères. . 1972 - 1975 : Ambassadeur en Haïti. Plus jeune Ambassadeur du corps diplomatique français. . 1975 - 1978 : Créateur et chef du Service des Affaires Francophones du Ministère des Affaires Etrangères. . 1978 - 1981 : Ambassadeur en République d'Afrique du Sud. . 1981 - 1984 : Directeur d'Amérique au Ministère des Affaires Etrangères (Etats-Unis, Canada et Amérique Latine). . 1984 - 1987 : Ambassadeur au Brésil. . 1987 - 1990 : Ambassadeur au Japon. . 1991 - 1993 : Ambassadeur en Grande-Bretagne. . 1er janvier 1992 : Elevé à la dignité d'Ambassadeur de France. . 1993 - 1997 : Conseiller d'Etat en service extraordinaire. . Juin 2001 : "Appelez-moi Excellence. Un ambassadeur parle", éd. Stanké. Officier de la Légion d'Honneur. Grand-Croix de l'Ordre de Victoria (G.C.V.O.) Membre fondateur de l'Association France-Québec. Président des Amitiés francophones, 39 Avenue de Saxe, 75007, Paris, France. |
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