Recteur, Professeur à l’Université de Paris-Sorbonne, Gérard-François Dumont est Président de la revue Population & Avenir. Co-auteur avec Pierre Verluise de Géopolitique de l’Europe, de l’Atlantique à l’Oural (PUF), également publié en anglais sous le titre Geopolitics of Europe, ed. Diploweb via Amazon.
Les relations conflictuelles entre l’Ukraine et la Russie sont ici mises en perspective pour offrir à chacun des clés de compréhension d’une question importante dans la proximité de l’Union européenne et de la Russie. Illustré de deux cartes.
DURANT TOUTE l’existence de l’URSS, qui se disloque en 1990-1991, l’Ukraine n’est que l’une des quinze républiques socialistes soviétiques mais son importance est essentielle au moins pour quatre raisons. D’abord, après la Russie, l’Ukraine est la composante la plus peuplée de l’URSS. Ensuite, compte tenu de la qualité de ses terres et de ses ressources en charbon, elle fournit à l’URSS des quantités élevées de produits agricoles, des sources d’énergie et des productions industrielles liées à ses sources d’énergie. En troisième lieu, comme l’Ukraine dispose d’une longue façade littorale sur la mer Noire, elle offre à l’URSS une ouverture maritime essentielle aux mers chaudes, tout particulièrement par le port de Sébastopol situé en Crimée. Enfin, l’Ukraine est membre fondateur de l’ONU en 1945 et, comme sa politique étrangère est totalement téléguidée par Moscou, elle donne automatiquement à l’URSS, pendant 45 ans, une voix [1] en sa faveur à l’assemblée générale de l’ONU.
Lorsque l’indépendance de l’Ukraine est définitivement acquise après le référendum du 1er décembre 1991, la limite administrative entre l’Ukraine et la Russie se transforme en frontière internationale. Et les deux pays deviennent « étrangers » l’un à l’autre, chacun se régissant selon ses propres institutions, son propre gouvernement et ses propres lois. Puisque « étranger » signifie être d’une autre nation que la nation considérée, les Ukrainiens, à compter de 1991, appartiennent à une autre nation que la Russie. Mais le terme « étranger » s’entend aussi comme « qui n’a aucun rapport ». Faut-il, en l’espèce, considérer que ce sens s’applique à la lettre et, donc, que l’Ukraine, après 1991, serait devenue une terre étrangère pour la Russie ? Nombre d’éléments objectifs semblent conduire à répondre positivement à cette question. Néanmoins, une analyse plus approfondie met en évidence différents éléments contraires. Et la combinaison d’éléments opposés permet de réfléchir à l’évolution géopolitique de l’Ukraine.
Les éléments mettant en évidence le caractère étranger de l’Ukraine pour la Russie sont de nature objective, en raison des réalités géopolitiques post-soviétiques. Ils sont aussi attestés par certains choix politiques de l’Ukraine qui montrent que ce pays est soucieux de ne plus être considéré comme cette sorte de dépendance de Moscou qu’elle était du temps de l’URSS, au regard par exemple de ses votes à l’ONU.
Le premier élément de l’histoire récente qui conduit à faire de l’Ukraine une terre étrangère pour la Russie tient au processus d’indépendance. En effet, cette dernière n’est pas le résultat d’un changement géopolitique brutal qui aurait signifié un divorce hâtivement décidé, mais s’inscrit dans une période qui s’étend grosso modo sur deux années.
Au moment où l’Union soviétique est dans sa période de perestroïka [2], en 1989, est fondé en Ukraine un mouvement citoyen intitulé Mouvement populaire d’Ukraine, connu sous le nom générique de Roukh (roukh signifiant « mouvement » en langue ukrainienne), dans le but d’établir un État ukrainien indépendant et démocratique. Dès mars 1990, ce mouvement [3] remporte un net succès électoral au sein du « Bloc démocratique » lors des élections au Soviet suprême, l’équivalent du Parlement dans le système communiste.
Compte tenu de l’importance prise par ce mouvement et du fait qu’une partie des communistes ukrainiens joignent leurs voix aux indépendantistes, en juillet 1990, le Soviet suprême déclare la souveraineté de la république socialiste soviétique d’Ukraine, dans un cadre confédéral, ce qui revient à demander la cessation de l’organisation centralisée qui caractérise l’URSS. Ce même mois de juillet 1990, le 23, Leonid Kravtchouk devient Président du conseil suprême de cette république socialiste d’Ukraine. Ce nouveau président, après avoir confirmé son souhait de la fin de l’URSS, quitte le Parti Communiste (PC) ukrainien. Le mois suivant, le 24 août 1990, le Soviet suprême ukrainien déclare l’indépendance transitoire de la république et, le lendemain, vote la confiscation des possessions du PC ukrainien. Puis le 27 août 1990, il déclare l’Ukraine puissance non nucléaire et s’engage à remettre ses armes nucléaires tactiques à la Russie avant juillet 1992.
Pourtant, en ce mois d’août 1990, la république socialiste soviétique d’Ukraine existe toujours avec le même Premier ministre depuis 1987, Vitaly A. Masol. Or, des manifestations qui se déploient en faveur de l’indépendance complète, réunissant par exemple le 15 septembre 1990 plus de 50 000 personnes à Kiev, demandent la démission du Premier ministre. Aussi, le 17 octobre 1990, le président Leonid Kravtchouk renvoie-t-il celui-ci. Rythmé par d’autres manifestations périodiques, le processus de détachement de l’URSS et d’indépendance se poursuit.
L’année suivante, le 23 août 1991, le pays demande à l’ONU de remplacer son intitulé au sein de cette organisation « République socialiste soviétiques d’Ukraine » par « Ukraine ». Le 24 août 1991, la déclaration d’indépendance votée à l’unanimité par le Parlement, permet le retour officiel de la langue ukrainienne comme langue autorisée.
Le 1er décembre 1991, l’Ukraine organise un référendum qui donne 92,3 % des électeurs en faveur du « oui » à l’indépendance du pays, contre seulement 7,7 % s’y opposant, un résultat d’autant plus incontestable que le taux de participation s’est élevé à 84,2 %. Néanmoins, si le oui a été en tête dans toutes les régions du pays, il n’a atteint que 54 % en Crimée. Le même jour, se déroule la première l’élection présidentielle de l’Ukraine indépendante avec six candidats en lice qui recommandent tous le « oui » au référendum. Leonid Kravtchouk, ancien membre « pro-souveraineté » du parti communiste, est élu.
La reconnaissance internationale de l’indépendance de l’Ukraine, qui n’a pas besoin de l’approbation de l’ONU puisque le pays en fait déjà partie, est confirmée avec l’accord de Minsk du 8 décembre 1991, signé par les présidents russe, ukrainien et biélorusse, qui dissout l’URSS et crée une organisation dont l’intitulé inclut l’adjectif « indépendant » : la Communauté des États indépendants (CEI). Toutefois, cette communauté n’est pas une organisation internationale au sens strict puisqu’elle est dépourvue de personnalité juridique internationale.
L’année suivante, l’Ukraine affirme l’indépendance de sa politique étrangère vis-à-vis de Moscou. Kiev reste à l’écart lorsqu’un traité de sécurité collective (TSC ou encore Traité de Tachkent) est signé le 15 mai 1992 par six États, anciennes républiques de l’URSS (Russie, Kazakhstan, Arménie, Tadjikistan Kirghizistan et Ouzbékistan). Les démarches internationales de Kiev aboutissent, le 5 décembre 1994, au Mémorandum de Budapest sur les garanties de sécurité, selon lequel la Russie, les États-Unis et le Royaume-Uni s’engagent, en contrepartie de l’adhésion de l’Ukraine au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et du transfert de son arsenal nucléaire à la Russie, normalement en vue de son démantèlement, à respecter l’indépendance et la souveraineté ukrainiennes dans ses frontières actuelles, à s’abstenir de toute menace ou usage de la force contre l’Ukraine et à s’abstenir d’utiliser la pression économique sur l’Ukraine en vue d’influencer sa politique.
L’affirmation de l’indépendance de l’Ukraine passe également par le droit à la mémoire, et en particulier, celui de commémorer ce que les Ukrainiens appellent « l’Holomodor ». Cet "Holodomor" ou "extermination par la faim" dont souffrit l’Ukraine soviétique au début des années 1930 atteignit son paroxysme en hiver 1933. Il est aussi désigné sous le vocable de "famine artificielle" car le manque de vivres en Ukraine y résulta non d’un désastre naturel, comme une sécheresse, de graves inondations ou une invasion de sauterelles, mais de la confiscation par l’État soviétique des denrées alimentaires indispensables pour la population locale. Enlevés aux producteurs, les céréales et les autres produits agricoles furent emmagasinés sous bonne garde en Ukraine, puis transportés en Russie, ou vendus en Europe. Il en résultat une terrible famine dont le nombre de victimes est évalué entre quatre et six millions de personnes. Dans ce dessein, J. Staline accentua la collectivisation de l’agriculture ukrainienne vu que les récoltes rassemblées dans les entrepôts communs étaient plus faciles d’accès pour les autorités qu’éparpillées dans les fermes individuelles. L’État pouvait ainsi prélever la quantité de "blé commercial" voulue, sans tenir compte des besoins de la paysannerie. Parallèlement, des dirigeants ukrainiens opposés à cette politique furent mis en prison, voire tués, et des paysans déportés après la confiscation de leur propriété, ce qu’on appelle la "dékoulakisation". Moscou utilisa donc l’Ukraine comme "grenier" de la Russie tout en permettant des exportations pour financer le développement industriel du pays. Dans le même temps, la terreur soviétique visa une partie des intellectuels ukrainiens, accusés de nationalisme.
Le droit à la mémoire a donc permis de faire connaître l’Holomodor et par exemple de dresser à Kiev un monument, certes de dimension modeste, à la mémoire des morts de cette tragédie. Cette dernière peut être considérée comme un génocide, puisqu’il s’est agi de la « soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ». Or, ce type de soumission est l’une des définitions du génocide selon l’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide adoptée le 9 décembre 1948 par l’assemblée générale des Nations unies. Et cette définition a été reprise dans l’article 6 du statut de Rome du 17 juillet 1998, acte fondateur de la Cour pénal internationale.
L’Ukraine est aussi une terre étrangère à la Russie par suite du choix de sa langue officielle, comme le précise la Constitution de 1996, modifiée au 8 décembre 2004, dont l’article 10 stipule dans le premier alinéa : « La langue d’État de l’Ukraine est l’ukrainien », ce qui signifie que l’État rend son usage obligatoire dans les communications au sein de tous les organismes publics de la société ukrainienne. Le même article 10 indique aussi que « L’État assure le développement et le fonctionnement de la langue ukrainienne dans tous les domaines de la vie sociale partout sur le territoire de l’Ukraine ».
D’autres passages de la Constitution de 2004 insistent sur la spécificité linguistique de l’Ukraine, comme l’article 102, qui rend impossible l’élection d’un président qui ne connaîtrait pas la langue officielle : « Tout citoyen de l’Ukraine qui a atteint l’âge de trente-cinq ans, qui a le droit de vote, a résidé en Ukraine pendant les dix dernières années avant le jour des élections et possède la maîtrise de la langue officielle, peut être élu président de l’Ukraine ».
Outre une Constitution propre, une reconnaissance internationale et une langue spécifique, l’Ukraine compte un autre symbole institutionnel d’indépendance, avec un éventail religieux sans équivalent, ni en Russie ni dans un autre pays.
Une première chrétienté, « l’église uniate », ou Église gréco-catholique, a été créée en 1596 par des personnes décidant de quitter l’orthodoxie pour se placer en communion avec le pape. Surtout présente dans l’Ouest du pays et à Kiev, elle célèbre selon la liturgie byzantine. Interdite par Moscou en 1946, cette Église gréco-catholique a retrouvé en 1989 la possibilité d’exister et même de reconstruire ou de construire des églises. Du fait de son existence, la proportion d’Ukrainiens reconnaissant l’autorité du Saint-Siège représente environ 16 % des Ukrainiens déclarant un attachement religieux, ce 16 % additionnant les 14 % de l’église uniate et 2 % relevant de l’église catholique romaine présente en Ukraine. Une telle proportion est sans commune mesure avec celle, très marginale, de la chrétienté « papiste » en Russie.
Un autre ensemble religieux est celui de l’église orthodoxe, qui a longtemps exclusivement dépendu du patriarcat de Moscou sauf, bien entendu, pendant la période où il n’existait plus, à la suite de sa suppression par Pierre le Grand en 1721. Aussi le régime soviétique, qui avait constaté l’impossibilité de faire disparaître le sentiment religieux puis découvert son utilité lors de la Seconde Guerre mondiale, précisément appelé à Moscou la « grande guerre patriotique », tenta-t-il, en 1946, mais en vain, de contraindre les Ukrainiens de l’Église gréco-catholique à adhérer à cette église orthodoxe, précisément nommée Église orthodoxe ukrainienne du patriarcat de Moscou. Très présente dans l’Est du pays, elle regroupe environ 30 % des Ukrainiens déclarant un attachement religieux. Les influences géopolitiques dont elle est l’objet peuvent être illustrées par le fait que, le 26 décembre 2013, le patriarche de Moscou Cyrille a condamné les manifestations, appelées Maïdan [4], de l’hiver 2013-2014 contre le pouvoir ukrainien et accusé les gréco-catholiques de fomenter la révolution ; ce même patriarche s’est rendu en janvier 2014 en Crimée, avant le référendum.
Une autre Église ukrainienne orthodoxe autocéphale avait été fondée en 1919. Déclarée illégale en 1933, elle a principalement survécu au sein de la diaspora ukrainienne. Elle n’est présente que de façon marginale en Ukraine, comptant moins de 3 % des Ukrainiens déclarant un attachement religieux.
Un des symboles de l’indépendance de l’Ukraine se retrouve dans une nouvelle Église créée la même année, en 1991, l’Église orthodoxe ukrainienne du patriarcat de Kiev, à caractère autocéphale, dont le nom traduit le souci d’autonomie par rapport à Moscou. Réunissant désormais près de 39 % des Ukrainiens déclarant un attachement religieux, elle serait devenue la première église d’Ukraine, avec un poids relatif renforcé s’il l’on exclut la Crimée. Cette église aurait aimé être reconnue par le patriarcat de Constantinople mais, par prudence diplomatique, ce dernier n’a rien décidé. Tous les responsables de ces différentes religions, à l’exception de l’Église orthodoxe ukrainienne du patriarcat de Moscou, ont condamné le retour de la Crimée à la Russie mis en œuvre en mars 2014.
À ces éléments objectifs mettant en évidence les caractéristiques différenciées d’indépendance de l’Ukraine par rapport à la Russie, s’ajoutent des traits géodémographiques et des initiatives diplomatiques propres.
En effet, la possibilité pour l’Ukraine d’exercer sa propre souveraineté sans en référer à Moscou tient aussi à sa localisation et à son poids démographique. S’il est vrai que l’Ukraine partage une longue frontière avec la Russie, sa position géographique ne la rend pas a priori dépendante de ce voisinage pour ses échanges économiques. En effet, au nord-ouest, l’Ukraine dispose d’une frontière avec la Biélorussie et, à l’ouest, de frontières avec trois pays membres de l’Union européenne depuis le 1er mars 2004 : la Pologne, la Slovaquie et la Hongrie, soit 700 kilomètres au total. Au sud-ouest, la frontière de l’Ukraine avec la Moldavie est préoccupante dans la mesure où elle se trouve sur sa plus grande partie au contact de la région moldave de Transnistrie, où règne de fait un régime dépendant de Moscou. Mais l’Ukraine dispose en outre d’une longue frontière avec la Roumanie, entrée à son tour dans l’Union européenne le 1er janvier 2007, d’une part dans les Carpates centrales et en Bucovine, d’autre part en s’avançant jusqu’au delta du Danube. L’Ukraine n’est donc nullement enclavée, d’autant plus qu’elle dispose d’un long littoral sur la mer Noire et, donc, de ports susceptibles de développer des échanges en mer Noire puis en Méditerranée via le Bosphore, puis en Atlantique via le détroit de Gibraltar, ou dans l’océan Indien via le canal de Suez. Contrôlant un grand pan de la côte septentrionale de la mer Noire, l’Ukraine ne connaît donc en rien les difficultés de l’enclavement qui pourraient risquer de la rendre dépendante de la Russie pour ses échanges. Autrement dit, même si la frontière avec la Russie se fermait en raison d’un conflit géopolitique, voire d’un blocus imposé par Moscou, l’Ukraine pourrait rester ouverte par ses nombreuses autres frontières.
En outre, l’Ukraine, par son poids démographique [5], représente une force potentielle importante. Même si le pays se dépeuple compte tenu de sa faible fécondité (« hiver démographique ») et de son mouvement migratoire, l’Ukraine reste le pays le plus peuplé entre Allemagne et Russie, ce qui lui donne une capacité démographique d’indépendance. Cette force du nombre s’est par exemple trouvée symbolisée en novembre 2004, lors de la révolution orange, dans la devise des manifestants sur la place de l’indépendance à Kiev : « Nous, fils et filles de l’Ukraine … tous ensemble, nous sommes nombreux et nous ne pouvons pas être vaincus ! ». La formule, au delà de la masse des participants, se référait au poids démographique des Ukrainiens.
Enfin, l’Ukraine est un pays étranger pour la Russie dans la mesure où, depuis son indépendance, elle a déployé des actions internationales propres.
Certes, la Russie a tenté de conserver une certaine influence régionale en créant la Communauté d’États indépendants (CEI), regroupant à son apogée douze des quinze anciennes républiques soviétiques. Or, l’Ukraine s’en est écartée rapidement, illustrant son refus d’être membre à part entière de la CEI par un « décret sur la stratégie d’intégration dans l’Union européenne », signé en 1997 par le Président Koutchma.
Pour témoigner de son indépendance notamment vis-à-vis de Moscou, l’Ukraine a apporté son soutien aux États-Unis dans leur lutte contre le terrorisme international. Elle a voulu participer au règlement de conflits régionaux, affectant des militaires dans des missions de paix de l’ONU au Liban (FINUL), au Tadjikistan (MONUT), en Bosnie-Herzégovine (MINUBH), à Prevlaka/Croatie (MONUP), au Kosovo (MINUK), en Sierra Leone (MINUSIL), au Congo (MONUC), au Timor Oriental (ATNUTO), en Éthiopie ou en Erythrée (MINUEE), ainsi qu’en Afghanistan et au Pakistan (MSNUA). En 2000, elle a créé avec la Pologne un bataillon de maintien de la paix ukraino-polonais UKRPOLBAT, qui s’est trouvé engagé dans le cadre de la KFOR (Force pour le Kosovo).
Après l’élection, en février 2010, comme président de Viktor Ianoukovitch, pourtant présenté de façon presque systématique dans les médias occidentaux comme candidat « pro-russe », l’Ukraine poursuit certaines actions internationales témoignant de sa volonté d’indépendance vis-à-vis de Moscou, dont le rapprochement avec l’Union européenne commencé sous les prédécesseurs de Viktor Ianoukovitch. D’ailleurs, ce dernier fait voter au parlement son Parti des régions en faveur de la signature de l’accord d’association avec l’UE. Parallèlement, Viktor Ianoukovitch agit pour contrarier les ambitions d’entreprises russes sur l’Ukraine et permettre aux oligarques ukrainiens de résister aux espoirs de conquête économique de l’Ukraine par des oligarques russes.
Après le refus de Viktor Ianoukovitch, au dernier moment,lors du sommet du partenariat oriental de Vilnius des 28-29 novembre 2013, de signer l’accord avec l’UE, ce qui a été un des éléments essentiels de déclenchement de la révolution Maïdan [6], et les bouleversements politiques engendrés par cette révolution, dont la destitution le 22 février 2014 du président Ianoukovitch, l’Ukraine renouvelle sa volonté de se tourner vers l’Union européenne. Et, le 16 septembre 2014, le parlement ukrainien vote à l’unanimité l’accord d’association avec l’UE.
Le territoire de l’Ukraine a donc effectivement changé de nature géopolitique depuis 1991. Par sa reconnaissance internationale, par sa langue officielle, comme par son ouverture géographique et sa politique extérieure, l’Ukraine est un pays étranger pour la Russie. Mais cela ne signifie pas que la Russie et tous les habitants du territoire ukrainien, dans ses limites de 1991, le ressentent de cette manière.
En réalité, l’Ukraine conserve une place à part dans la perception de la Russie, comme la Russie dans la perception d’une partie de l’Ukraine. Bien qu’elle l’ait acceptée dans le contexte de la dislocation de l’URSS, la Russie a tendance à considérer l’indépendance ukrainienne comme une amputation géographique et identitaire pour plusieurs raisons culturelles, géographiques et humaines.
D’abord, les Russes considèrent Kiev comme la capitale du premier État russe, avant les invasions mongoles du Moyen Âge. Et, effectivement, nombre de terres aujourd’hui ukrainiennes ou russes ont dû conduire des objectifs géopolitiques semblables, en luttant contre les Tatars-Mongols qui les avaient envahis et assujettis au milieu du XIIIe siècle.
Les délimitations frontalières de 1991, avec l’indépendance de l’Ukraine, relativement récentes, ne pouvaient être considérées comme gravées dans le marbre, d’autant qu’elles ne sont le fait ni de limites naturelles, ni d’une constitution géopolitique progressive de l’État ukrainien, mais l’héritage de guerres et de décisions soviétiques. Les victoires soviétiques de la grande guerre patriotique ont permis à Moscou d’inclure dans l’Ukraine la Galicie de l’Est et la Transcarpatie, territoires ayant pour l’essentiel fait partie de l’empire austro-hongrois jusqu’en 1919, puis de la Pologne. Après 1945, l’objectif de l’URSS a toujours été de russifier et de soviétiser ces territoires, d’où, par exemple, l’interdiction de l’Église uniate, comme Moscou l’avait déjà fait en organisant des migrations de Russes concomitantes de l’Holomodor.
Dans la moitié de l’Ukraine située à l’est du Dniepr, les personnes aujourd’hui de nationalité ukrainienne sont souvent d’origine ou d’ethnie russe, notamment dans les régions les plus orientales, sur le bassin houiller et industriel de Donets. Et Moscou se considère comme l’interprète des « pieds rouges », c’est-à-dire des Ukrainiens d’origine russe qui ont le sentiment d’être russes ou considèrent le russe comme leur langue. Et, pour la Russie, la question de la Crimée, que nous préciserons plus avant, est toujours restée sensible.
En 2007, nous écrivions : « Finalement, selon la Russie, les frontières internationales de l’Ukraine, façonnées par l’URSS, sont considérées comme un handicap car elles privent la Russie d’un plus large accès à la mer Noire, sachant en outre que la mer d’Azov est une mer assez fermée et dont la côte est marécageuse. La Russie souhaiterait donc continuer à bénéficier de relations privilégiées avec l’Ukraine, d’où l’importance des troupes russes stationnées en Ukraine ou autour d’elle, troupes qui n’exercent pas qu’un rôle symbolique et qui pourraient, en cas de besoin, être employées comme une menace par la Russie » [7].
Les multiples facteurs de l’attachement particulier de la Russie pour l’Ukraine peuvent être aussi illustrés par différents sondages montrant qu’une majorité des Russes de Russie interrogés répondent négativement à la question : « Considérez-vous l’Ukraine comme un pays étranger ? ».
En Ukraine, les russes, selon les dernières données de la période soviétique, précisément du recensement de 1989, qui indiquait la « nationalité » (au sens soviétique, c’est-à-dire l’ethnicité) sur les passeports, représentent 22,1 % de la population. Cette proportion était en augmentation au fil des décennies puisque le pourcentage était de 16,9 % au recensement de 1959, 19,4 % à celui de 1970 et 21,1 % à celui de 1979. Les Ukrainiens ethniques constituent 73 % de la population du pays, le reste de la population étant composé de minorités (polonaise, roumaine…). Mais en Crimée, toujours en 1989, donc avant le retour de Tatars qui avaient été déportés par le régime communiste en mai 1944, les russes ethniques représentaient 87 % de la population.
En ajoutant aux russes ethniques les autres Ukrainiens qui pratiquent quotidiennement la langue russe, le total des russophones forme, en 2013, 40 % de la population de l’Ukraine. Or, nombre de ces russophones ne veulent pas voir l’Ukraine comme une nation rivale ou longtemps victime de la Russie. Selon eux, la Russie est plutôt un pays frère, sentiment parfois renforcé par une « nostalgie soviétique » compte tenu d’une situation économique qui ne s’est pas partout nettement améliorée depuis l’indépendance. D’ailleurs, encore en 2013, un parti communiste existe toujours en Ukraine ; il défend ouvertement « une Union des peuples fraternels et égaux en droits, réunissant de leur plein gré des États socialistes souverains », formulation qui équivaut à un refus de l’indépendance de l’Ukraine.
Concernant les religions, il faut également nuancer le caractère d’« ukrainisation » du pays. En effet, s’il est vrai qu’une partie des orthodoxes a décidé de s’organiser depuis l’indépendance en Église autocéphale, l’Église orthodoxe ukrainienne du patriarcat de Kiev, l’Église ukrainienne orthodoxe du patriarcat de Moscou conserve une importance significative, tout particulièrement dans la moitié Est du pays.
Du point de vue linguistique, le statut constitutionnel de la langue ukrainienne n’efface nullement la part importante de la langue russe, toujours symbolisée d’ailleurs par la dénomination, généralement usitée en France, de la capitale Kiev (en russe) au lieu de Kyiv (en ukrainien). Environ le tiers de la population parle russe en famille, le russe est souvent la langue utilisée par l’administration dans l’Est et le Sud du pays, et, encore en 2013, nombre d’hommes politiques prononçaient leurs discours en russe. En outre, le russe est très présent dans les médias.
C’est pourquoi la société ukrainienne présente une dualité – d’ailleurs inscrite dans l’histoire du pays – entre les tenants d’une orientation « pro-orientale », donc russe, et « pro-occidentale », donc très axée vers l’Union européenne. Cette division s’est déjà trouvée particulièrement mise en évidence lors des élections présidentielles du 26 décembre 2004, avec des votes opposés dans les deux moitiés de l’Ukraine. Par exemple, tandis que, dans la partie occidentale, quatre oblast votaient à plus de 90 % pour le candidat jugé le plus occidental, Victor Iouchtchenko, alors élu, les deux oblast les plus orientaux votaient à plus de 90 % pour le candidat jugé le plus prorusse, Victor Ianoukovitch. Cette dualité s’est retrouvée lors de l’élection présidentielle de février 2010 même si, cette fois-ci c’est le candidat jugé le plus prorusse, Victor Ianoukovitch, qui l’a emporté sur son adversaire, Ioulia Tymochenko.
Lorsque la part russe ou russophone de l’Ukraine est niée, les tensions apparaissent.
De même, la montée des tensions dans l’Est de l’Ukraine en 2014 s’est considérablement accentuée lorsque la réalité linguistique russe a été considérée comme méprisée. En effet, deux ans plus tôt, à l’été 2012, une loi sur les langues régionales avait été votée. Selon cette loi, chaque région pouvait, en plus de l’ukrainien, se doter de ses propres langues officielles, ce qui signifiait le droit pour les minorités linguistiques d’utiliser leur langue maternelle à leur travail et dans leur vie de tous les jours. Plus précisément, cette loi octroyait au russe le statut de langue régionale dans les territoires où les russophones représentent plus de 10 % de la population, soit dans 13 sur 27 divisions administratives du pays, dont Kiev, la capitale. La loi ne concernait pas seulement la langue russe, mais s’appliquait aussi au hongrois ou au polonais dans des régions de l’Ouest du pays.
Or, le 23 février 2014, le parlement ukrainien, la rada, abroge la loi de 2012 sur les langues régionales, loi jugée trop favorable au bilinguisme, selon le point de vue des ukrainophones, mais pas suffisamment pour les russophones. Cette abrogation signifiait la volonté de donner à la langue ukrainienne une place systématiquement préférentielle, voire dominante, sur l’ensemble du territoire du pays. Ce vote qui visait les russophones a eu d’autant plus d’écho que c’était la première initiative législative du nouveau pouvoir. Les russophones ont craint une volonté de mettre en œuvre une ukrainisation autoritaire au détriment de leur identité linguistique pour promouvoir une nation ukrainienne qui serait caractérisée par une seule langue et une seule culture. Les russophones, et plus encore les Russes ethniques, ont évidemment très mal compris cette décision, ce qui a concouru très largement aux tensions et aux violences qui se sont déroulées ensuite dans l’Est du pays. Certes, la décision a ensuite été suspendue par un veto du président par intérim Alexandre Tourtchinov, mais les Russes d’Ukraine ont ressenti une humiliation, ont interprété ce vote comme le fait que le nouveau pouvoir voulait les discriminer. Ils ont perçu donc le nouveau gouvernement comme viscéralement antirusse. Et, de l’autre côté des frontières orientales de l’Ukraine, la patrie de la langue russe pouvait-elle être indifférente à la place de cette langue à l’étranger ? Les Français s’intéressent bien, à juste titre quoique parfois insuffisamment, à la place de la langue française à l’étranger [8]. Dans le contexte de la période post-Maïdan, mouvement que Moscou avait d’ailleurs fortement dénoncé durant son déroulement, la Russie a particulièrement montré que le territoire ukrainien n’était pas pour elle une terre étrangère, d’abord avec la question de la Crimée.
Dans la mesure où la souveraineté de l’Ukraine sur la Crimée est internationalement reconnue, notamment par suite du mémorandum de 1994 rappelé ci-dessus, les événements qui se sont déroulées en Crimée dans les premiers mois de 2014 illustrent tout particulièrement la raison pour laquelle au moins une partie du territoire ukrainien, dans son périmètre issu de l’indépendance de 1991, intéressait la Russie.
Vaste presqu’île de 25 881 km2 [9], la Crimée se voit occupée au XIIe siècle par des Tatars dépendant du khanat de la horde d’or. À la fin du XVe siècle, elle passe sous la suzeraineté de l’Empire ottoman alors que les Tatars remontent les grands fleuves à l’ouest et à l’est de la Crimée, le Dniepr et le Don, pour envahir des régions russes à plusieurs reprises. En 1774, la Russie parvient à infliger une grave défaite à l’empire ottoman : c’est la fin de la guerre russo-turque de 1768-1774 qui se conclut le 21 juillet 1774 par le traité de Kuçuk Kaynarca, signé par la Russie et l’empire ottoman, qui reconnaît la souveraineté de la Russie sur la Crimée, acquise en fait depuis 1654. Et, au fil des décennies, le littoral de la Crimée exerce un rôle stratégique essentiel dans le dispositif maritime russe.
En 1921, après la guerre civile de 1917-1920 et la succession de plusieurs gouvernements « blancs » et « rouges », Moscou instaure une République socialiste soviétique autonome de Crimée. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Crimée subit quatre ans d’occupation allemande qui se terminent avec l’avancée et la victoire des troupes soviétiques. En mai 1944, Staline accuse les minorités ethniquement non russes de Crimée, dont la plus nombreuse, la population tatare, de collaboration collective avec les Allemands. Cette accusation n’est pas fondée même si, comme dans les pays baltes, certains ont pu penser un temps que l’arrivée des armées du IIIe Reich allait leur donner la possibilité de se libérer du totalitarisme communiste. S’appuyant sur cette accusation mensongère, d’une part, Moscou déporte en masse vers l’Asie centrale les Tatars ainsi que les Allemands, les Arméniens et les Grecs vivant dans la péninsule de Crimée et, en 1945, supprime l’autonomie de la Crimée ou plutôt ne la réinstaure pas. D’autre part la Crimée est donc déchue de son rang de République socialiste soviétique autonome, avec comme pouvoir législatif un Soviet suprême, à celui de simple oblast, division administrative. Cette décision est humiliante pour la Crimée même si elle relève plutôt de la symbolique puisque l’adjectif autonome n’engendrait quasiment rien de concret pour la gouvernance des territoires inclus dans une URSS totalitaire.
Une vingtaine d’années plus tard, en 1954, pour le tricentenaire du « rattachement » de l’Ukraine à l’empire russe, Khrouchtchev , et plus précisément le Présidium du Soviet suprême de l’URSS, offre la Crimée à l’Ukraine, transférant l’oblast de Crimée à la République socialiste soviétique d’Ukraine. « C’est en réalité une simple décision administrative sans signification politique, le transfert d’un département à une autre région dans un état extrêmement centralisé » [10]. Aussi, en 1991, lors de la dislocation de l’URSS, la Crimée demeure partie d’une Ukraine désormais indépendante.
En fait, pendant toute la période soviétique d’après-guerre, les habitants de la Crimée continuent de considérer qu’un statut spécifique de leur territoire serait justifié, ce qui signifie qu’ils récusent le fait d’être un simple oblast, une simple division administrative de l’URSS. Aussi, pendant le processus d’indépendance de l’Ukraine, le 20 janvier 1991, un référendum portant sur le rétablissement ou non de la République socialiste soviétique autonome de Crimée, supprimée en 1945, est organisée en Crimée ; le résultat est sans appel : 94,3 % de « oui » avec une participation de 81,37 %. Prenant en compte ce résultat, le 12 février 1991, le soviet suprême de la république socialiste soviétique d’Ukraine accorde un statut d’autonomie à la Crimée.
Plus précisément, deux entités institutionnelles se distinguent sur la presqu’île. La première est la République autonome de Crimée, qui couvre la quasi-totalité du territoire ; elle possède au nord une assez courte frontière terrestre avec les autres régions ukrainiennes et, à l’est, une frontière maritime, le détroit de Kertch [11], avec la Russie. La seconde est la ville de Sébastopol, dotée d’un statut spécial d’unité administrative particulière de l’Ukraine.
Dans le même temps, la fin de l’URSS rend possible le retour en Crimée de Tatars, soit environ 200 000 personnes, représentant la moitié de ce groupe ethnique. Après ces retours, la population de la Crimée s’élève à 2 millions d’habitants dont environ 50 % de Russes ethniques, 24 % d’Ukrainiens et 12 % de Tatars de Crimée (musulmans). Mais l’homogénéité linguistique de la Crimée est beaucoup plus grande. Selon le sondage réalisé en 2004 par l’Institut international de sociologie de Kiev, la langue russe est pratiquée par la quasi-totalité de la population de la Crimée, exactement 97 %, même si d’autres langues le sont aussi. Le caractère russophone ou russophile de la Crimée est aussi attesté par le fait que l’Église orthodoxe du patriarcat de Moscou compte la majorité des fidèles des religions de ce territoire.
Or, pour la Russie, cette Crimée qui, en raison d’une sorte de bizarrerie de l’histoire, se retrouve sous la souveraineté d’une Ukraine devenue indépendante, reste une porte géopolitiquement vitale avec le port de Sébastopol, la possibilité de vols militaires Russie-Crimée, notamment pour assurer la logistique de Sébastopol et l’usage d’eaux territoriales devenues celles de l’Ukraine. En effet, les littoraux méridionaux possédés par la Russie sur la mer Noire sont des rivages montagneux alors que ceux situés sur la mer d’Azov restent éloignés de la mer Noire et exposés au risque de tensions au passage mer d’Azov-mer Noire, comme cela s’est produit en 2003 [12]. Certes, la Russie possède sur la mer Noire le port de Novorossiysk, mais ce dernier ne dispose pas d’une logistique suffisante pour tous les besoins de la flotte russe. Et, pour substituer celui-ci à Sébastopol, il faudrait des investissements très importants vu que Novorossiysk subit des conditions nautiques instables dues à de fréquents coups de vent. La Russie veut donc impérativement conserver l’usage de Sébastopol. Nombre d’habitants de Crimée y sont d’ailleurs favorables puisque la présence russe engendre de nombreux emplois induits.
En outre, les Russes de Russie sont attachés à Sébastopol dont ils savent le rôle défensif, cette ville ayant résisté à deux longs sièges, en 1854-1855, face à une coalition anglo-franco-piémontaise, et en 1941-1942, période durant laquelle Sébastopol a résisté 250 jours à l’armée allemande. D’ailleurs, en souvenir de ces guerres et en témoignage de leur attachement à la Crimée, les Russes ont baptisé Sébastopol l’un des deux navires de guerre porte-hélicoptères Mistral [13] commandés à la France en 2011 et construits à Saint-Nazaire (non livrés).
Les discussions du début des années 1990 entre la Russie et l’Ukraine conduisent finalement à des compromis pour le maintien de l’usage de Sébastopol par la flotte russe, dans le cadre, en 1997, d’un Grand Accord sur l’amitié, la collaboration et le partenariat signé entre l’Ukraine et la Fédération de Russie. L’accord porte notamment sur le statut et les conditions de stationnement de la flotte russe de la mer Noire dans les eaux territoriales ukrainiennes comme sur les possibilités de stationnement d’avions russes sur les aérodromes de Gvardeïskoïe et de Sébastopol.
Cet accord russo-ukrainien de 1997 avait été signé pour 20 ans, avec reconduction automatique pour des périodes de 5 ans si aucune des parties n’informait l’autre par écrit de sa résiliation au moins un an avant son expiration. Mais, treize ans plus tard, le 21 avril 2010, peu après son élection du 7 février 2010, le nouveau Président ukrainien Viktor Ianoukovitch et le président de la fédération de Russie Dimitri Medvedev signent les accords de Kharkiv qui prolongent de 25 ans, donc jusqu’en 2042 au lieu de 2017, l’utilisation de la base navale de Sébastopol par la Russie en échange d’importants rabais sur les importations de gaz russe par l’Ukraine. Le 27 avril 2010, ces accords sont ratifiés par les parlements russe et ukrainien.
Enfin, l’importance stratégique de Sébastopol, où la Russie compte environ 14 000 militaires, n’est pas appelée à diminuer. D’une part, la Russie a toujours le souhait d’accéder aisément à la Méditerranée, par exemple vers sa base de Tartous en Syrie. D’autre part, même si aucune annonce officielle n’a été faite à ce sujet, on peut penser que Sébastopol était un point logistique essentiel pour assurer la sécurité, notamment contre les risques terroristes, du gazoduc South Stream, qui devait relier en 2015 la Russie à l’Europe occidentale et passant sous la mer Noire pour déboucher en Bulgarie. Or, ce gazoduc était jugé essentiel par la Russie : il devait permettre de contourner l’Ukraine et, donc, d’écarter les problèmes de livraison liés aux tensions avec ce pays et à certaines pratiques ukrainiennes de captation et de revente illégales de gaz russe qui n’ont pu que déplaire à la Russie [14]. Il devait permettre aussi de contrôler une partie des livraisons du gaz en provenance des gisements gaziers de la mer Caspienne et du Kazakhstan tout en créant des liens supplémentaires entre la Russie et les premiers pays européens bénéficiaires comme la Bulgarie [15] ou la Serbie. Enfin, il concurrençait directement le projet de gazoduc alternatif Nabucco, soutenu par les États-Unis et l’Union européenne et passant par la Turquie [16]. Certes, compte tenu notamment de la réduction des ressources d’hydrocarbures de la Russie, le projet a été abandonné en décembre 2014. Puis des changements de la donne géopolitique au Moyen-Orient ont renforcé les voies de livraison du gaz russe via la mer Noire et la Turquie. Cette voie comme le South Stream envisagé convergent dans le même sens qui consiste pour la Russie à se rendre moins dépendante de l’Ukraine pour le transit de son gaz vers l’Europe. Et, si South Stream renait un jour, l’importance stratégique de Sébastopol sera à nouveau accentuée.
Or, pendant ou après la révolution de Maïdan, donc au cours de l’hiver 2013-2014, certains dirigeants ukrainiens déclarent envisager de remettre en cause les accords de Kharkiv, ce qui est inacceptable pour Moscou. Dans ce contexte, Moscou, qui n’avait pas encouragé les tendances séparatistes de la Crimée à l’égard de l’Ukraine, par exemple lorsque avait été élu à la présidence de la Crimée en 1994 un nationaliste russe, avec 72 % des voix, considère qu’il lui faut détacher la Crimée de l’Ukraine, sans respecter le mémorandum de 1994.
Poutine saute sur l’occasion pour enlever la Crimée et sa zone maritime du giron de l’Ukraine avec l’appui de nombreux responsables de Crimée ; compte tenu de l’importance géopolitique de la Crimée pour Moscou, il ne s’agit pas de conduire une action faisant de la Crimée un État de fait comme l’Abkhazie ou l’Ossétie du Sud en 2008, mais de revenir au rattachement de la Crimée à la Russie. Après s’être assuré le contrôle sécuritaire de la Crimée, notamment à l’aide de militaires russes ne présentant sur leurs équipements aucune référence étatique, la Russie fait très rapidement organiser un « référendum » le 16 mars 2014. À la question « Êtes-vous favorable à la réunification de la Crimée avec la Russie dans les droits de la Fédération de Russie ? », les résultats publiés donnent 83 % de oui, un pourcentage qu’aucune autorité internationale n’a pu vérifier. Toutefois, il paraît difficile de laisser croire qu’il serait inverse de ce que pense une partie significative de la population. La Russie, pour montrer qu’elle ne souhaitait pas nier l’existence de minorités en Crimée a fait rédiger le bulletin de vote en trois langues : russe, ukrainien et tatar de Crimée. Toutefois, les dirigeants tatars ont demandé le boycott du « référendum », donc de ne pas aller voter non. Le « résultat » acquis, le 21 avril 2014, le président russe signe un décret réhabilitant les différents peuples vivant en Crimée persécutés sous Staline. « Je voulais vous informer que le décret sur la réhabilitation des Tatars de Crimée, des Arméniens, des Allemands, des Grecs et d’autres peuples victimes de répressions staliniennes a été signé. » a déclaré Vladimir Poutine. Cette réhabilitation peut paraître seulement symbolique, mais c’est un symbole assez fort dans une Russie assez peu adepte de la repentance [17].
La Russie exerce donc à nouveau depuis mars 2014 une forme souveraineté sur la Crimée. Est-ce un « retour » de la Crimée à la Russie ou une « annexion » ? Pour l’Assemblée générale de l’ONU, c’est plutôt le second terme qui vaut. Le 27 mars 2014, cette Assemblée adopte par 100 voix pour, 11 contre, 58 abstentions et 24 ne prenant pas part au vote sur les 193 membres de l’Assemblée, une résolution non contraignante qui dénonce le « référendum » en Crimée et le rattachement de la péninsule à la Russie. Moscou avait averti par avance mercredi que l’adoption d’une résolution par l’Assemblée n’aurait « aucun effet » [18]. Quelques semaines plus tard, le nouveau président ukrainien Petro Porochenko, élu le 25 mai 2014 au premier tour, déclare : « Nous ne reconnaitrons pas l’annexion de la Crimée ».
Que l’on désapprouve ou non le « retour » de la Crimée à la Russie et/ou la méthode, incontestablement rapide et peu transparente, utilisée, c’est un fait géopolitique qui atteste qu’au moins cette partie du territoire de l’Ukraine, en vertu du droit international, n’est pas étrangère pour la Russie.
Après mars 2014, les tensions au sein de l’Ukraine de l’est deviennent de plus en plus vives et les déclarations péremptoires, complétées par des sanctions [19] occidentales contre la Russie, ne manquent pas de tous côtés [20] : Russie, États-Unis, Union européenne [21], Ukraine. Il ne s’agit pas d’une guerre froide puisque cette dernière s’accompagnait d’un rideau de fer, donc d’une volonté de fermeture totale au moins du côté de l’URSS, et d’une absence de combats de nature militaire, au moins sur le théâtre européen entre les deux parties, Est et Ouest.
À l’heure où nous rédigeons ce texte, ce n’est pas une « guerre ouverte » voyant s’affronter des troupes russes régulières et des troupes ukrainiennes. Il s’agit d’une « guerre fraîche » : « guerre » car elle se traduit par de véritables combats, entre des rebelles pro-russes et l’armée ukrainienne, ayant fait environ trois milliers de morts les six premiers mois, mais « fraîche » puisque l’usage des armes semble relativement maîtrisé afin de limiter la mortalité des civils.
Compte tenu de l’analyse du caractère, étranger ou non, du territoire de l’Ukraine pour la Russie, seule une négociation sur le fond entre Kiev et les séparatistes pro-russes peut permettre de revenir à une solution pacifiée, alors que le printemps et l’été 2014 ont été caractérisés par des actes guerriers, en dépit du cessez-le-feu du 5 septembre 2014 que Kiev a accepté parce que son armée était affaiblie, voire défaite.
Quelles solutions durables seraient possibles ? D’abord, un accord sur la Crimée ; difficile d’imaginer qu’une Russie présidée par Vladimir Poutine puisse renoncer à la Crimée ou que la majorité de la population de la Crimée renonce à la Russie, surtout après la considérable bévue, précisée ci-dessus, du 23 février 2014 du Parlement ukrainien sur la question linguistique. Difficile d’imaginer la possibilité de reconquérir et de contrôler militairement la Crimée aux dépens de la Russie et, sans doute, d’une majorité de ses habitants. Difficile d’imaginer qu’en cas de changement politique à la tête de la Russie, le nouveau pouvoir « offrirait » à nouveau la Crimée à l’Ukraine.
Faire de la realpolitik, donc reconnaître la souveraineté pluriséculaire de Moscou sur la Crimée, serait-il une condition d’un apaisement régional ? Pour réfléchir à cette question, il convient de préciser que la « sortie » de la Crimée de l’Ukraine, en mars 2014, n’a pas que des avantages politiques pour la Russie, sans parler du coût économique pour Moscou. En effet, le maintien de la Crimée en Russie modifie les équilibres électoraux en Ukraine, ce qui signifie la quasi-impossibilité de voir désormais un président et une majorité parlementaire pro-russes à Kiev ; en même temps, cela fait, peut-être définitivement, des Russes ou des russophones en Ukraine un groupe humain minoritaire dont les citoyens ont besoin, en conséquence, de ne pas se sentir considérés comme « de seconde zone ».
Ensuite, dans ce contexte, se pose la question du statut de l’Ukraine. La Russie a clairement fait comprendre qu’elle ne veut pas se sentir cernée par l’OTAN. Elle n’ignore pas, par exemple, la préface de Gérard Chaliand au livre Le grand échiquier de Zbigniew Brzeziński [22] : « l’effort américain porte vers trois régions clefs : l’Ukraine, essentielle avec ses cinquante-deux millions d’habitants et dont le renforcement de l’indépendance rejette la Russie à l’extrême est de l’Europe et la condamne à n’être plus, dans l’avenir, qu’une puissance régionale ».
D’où la guerre de Géorgie de 2008 et les agissements de la Russie pour faciliter l’élection en Ukraine d’un président pro-russe en 2010, agissements qui ont eu leurs pendants dans le camp occidental. Il n’est pas surprenant que, le 27 mai 2010, le président Viktor Ianoukovitch ait déclaré que l’Ukraine renonçait à adhérer à l’OTAN. L’alternative est donc claire. Selon une première possibilité, l’Ukraine occidentalise systématiquement sa politique étrangère, ce qui ne peut conduire qu’à des accrocs avec la Russie et à des tensions conduisant à rendre fort difficile son développement, voire conduire à une partition accrue puisque celle de la Crimée semble irrémédiable. Selon une seconde possibilité, une négociation permet à l’Ukraine de se définir comme un État trait d’union, une zone tampon, entre l’Union européenne et la Russie, signifiant une position de neutralité rendant possible pour l’Ukraine d’avoir à la fois des liens étroits vers l’ouest comme vers l’est. Dans cette hypothèse, la politique étrangère de l’Ukraine serait conforme à son intitulé puisque la dénomination « Ukrainiens » signifie, puisque kraï veut dire en polonais, ainsi qu’en russe, « bord », ou « extrémité », « ceux qui vivent aux confins du royaume ». Les Ukrainiens choisiraient une voie géopolitique aux confins de deux « royaumes », l’Union européenne et la Russie, deux « royaumes » dont le différend relève, selon certains analystes, d’une « dissension beaucoup plus profonde, qui met en jeu la lutte titanesque entre la modernité et l’anti-modernité » [23].
Dans ce contexte, est-il trop tard pour un scénario évitant notamment une partition accrue de l’Ukraine ? Beaucoup dépend des conséquences du quadruple vote du 16 septembre 2014 et des déclarations européennes, états-uniennes, russes et ukrainiennes qui l’ont accompagné. Par exemple, le 13 septembre, le Premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk a accusé la Russie de vouloir "s’emparer" de l’Ukraine. Il est vrai que, selon l’un de ses importants interlocuteurs, « il ne comprenait la russité de l’Ukraine orientale que comme une survivance dommageable du passé » [24].
Deux éléments de ce quadruple vote ont porté sur l’accord d’association de l’UE. D’abord, cet accord est voté à Kiev par le parlement ukrainien à l’unanimité. Du côté du parlement européen, c’est sans débat, avec une mise en scène sans précédent permettant aux parlementaires de suivre en direct le vote du parlement de Kiev et lors « d’une cérémonie un peu grandiloquente » [25], que le parlement de Strasbourg a approuvé l’accord par 535 voix pour, 127 contre et 35 abstentions. Toutefois, au sein de cet accord d’association, l’accord de libre-échange avec l’Ukraine, bien que partie intégrante, a été repoussé à janvier 2016, semble-t-il pour « donner une chance à la paix » et éviter de froisser Moscou.
Les troisième et quatrième votes du même jour sont venus du Parlement ukrainien. A priori, il s’agit de lois consécutives au « protocole de cessez-le-feu » de Minsk du 5 septembre 2014, protocole pourtant non totalement respecté puisque suivi de nouveaux affrontements et de nouveaux morts, mais ayant permis une désescalade temporaire de la violence [26]. L’une est une loi d’amnistie pour les "participants aux événements de Donetsk et Lougansk". Cette désignation floue englobe a priori les rebelles comme les soldats ukrainiens. Le projet de loi exempte de poursuites pénales et administratives les combattants, sauf ceux qui se sont rendus notamment coupables de "meurtres, viols et terrorisme". Sont également exclus de cette amnistie les responsables de la destruction en vol du Boeing de Malaysia Airlines en juillet 2014, ayant fait 298 morts.
L’autre est une loi garantissant une plus grande autonomie aux régions orientales séparatistes pro-russes, dont certains représentants réclament l’indépendance. Cette loi prévoit la mise en place d’un "statut spécial" dans les régions de Donetsk et Lougansk avec un gouvernement autonome provisoire de trois ans à partir de l’adoption du texte, ainsi que des élections le 7 décembre 2014 au niveau "des districts, des conseils municipaux, des conseils de villages". Cette loi, contrairement à l’accord d’association avec l’UE, n’a pas obtenu l’unanimité, loin de là, puisqu’elle a été votée par 277 voix sur 450, vote obtenu grâce à de fortes interventions de la présidence ukrainienne sur les parlementaires. Selon cette présidence, cette loi ouvre la voie à une décentralisation, tout en garantissant "la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance" de l’Ukraine ; elle fait donc écho aux accusations de Kiev d’une volonté de Moscou de créer dans l’Est du pays un pseudo-État. Mais cette loi semble avoir été rédigée par Kiev de façon unilatérale, c’est-à-dire sans discussion préalable avec les Ukrainiens de l’Est. Certains séparatistes qui réclament l’indépendance l’ont aussitôt rejetée.
Depuis 2014, le contexte est celui d’un conflit militaire non enrayé, avec périodiquement des morts dans l’est de l’Ukraine.
Depuis 1991, les données géopolitiques paraissent limpides : l’Ukraine, auparavant sous la tutelle de Moscou dans le cadre de l’URSS, et la Russie sont devenus deux pays étrangers ayant chacun une pleine souveraineté, internationalement reconnue. Le fait que la Russie ne puisse plus traiter l’Ukraine comme un protectorat est d’ailleurs attesté par diverses décisions institutionnelles, linguistiques, religieuses ou diplomatiques prises à Kiev. Le divorce géopolitique semblait être consommé.
Mais la Russie reste présente en Ukraine, notamment linguistiquement et culturellement. Compte tenu des multiples intérêts historiques, sécuritaires, mais aussi économiques russes, l’Ukraine n’est pas perçue par la Russie comme totalement étrangère. Et les intérêts géopolitiques de la Russie ont conduit ce pays, en mars 2014, à se rendre à nouveau maître de la Crimée, même si l’Assemblée générale de l’ONU a condamné à la majorité cette occupation de la presqu’île.
Pour le futur, soit l’Ukraine prend en compte sa réalité biculturelle et bi-linguistique et pourrait alors conserver son unité, quitte à mettre en œuvre une part de fédéralisme, soit, dans le cas contraire, l’accentuation de sa partition n’est pas improbable. Devant la façon dont les États-Unis, l’Union européenne et les nouvelles autorités ukrainiennes des années de l’après-Maïdan traitent cette réalité géodémographique, on peut se demander si elles ont assimilé la question des groupes humains minoritaires qu’enseigne la géopolitique des populations [27] ? Le risque est que, faute d’une solution négociée, l’Ukraine se retrouve doublement perdante : territorialement avec le départ déjà consommé de la Crimée et la partition, au moins de facto, de ses régions de l’Est, et économiquement, car la Russie pourrait ne plus vouloir faire de cadeaux à l’économie de Kiev tandis que l’Union européenne n’a pas les moyens de porter à bout de bras un pays comptant une population aussi nombreuse alors que l’évolution de l’Ukraine vers un véritable État de droit enrayant par exemple des pratiques intenses de corruption demande du temps. Le dépeuplement de l’Ukraine, déjà constaté ces dernières années, risque de s’aggraver avec l’émigration de jeunes. A moins que, de part et d’autre, la raison ne finisse par prévaloir face à l’ampleur d’autres conflits qui comportent des risques de déstabilisation aussi bien pour l’Union européenne que pour la Russie.
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[1] Une seconde république socialiste soviétique est dans la même situation : la Biélorussie.
[2] Perestroïka, qui signifie en russe « reconstruction », « restructuration », est le nom donné aux changements économiques et sociaux menés sous Gorbatchev en URSS d’avril 1985 à décembre 1991, date de la fin de l’URSS.
[3] Ce Mouvement est ensuite devenu un parti politique ukrainien, donc le plus ancien, avec des résultats électoraux variables après son rôle essentiel lors du processus d’indépendance.
[4] La révolution ukrainienne de fin novembre 2013 à février 2014 est appelée Maïdan, c’est-à-dire la « place » parce que les plus importantes manifestations ukrainiennes de cette période se sont déroulées sur la place centrale de Kiev, dénommée place de l’Indépendance.
[5] Sardon, Jean-Paul, « La population des continents et des pays », Population & Avenir, n° 730, novembre-décembre 2016.
[6] Une révolution non contre la Russie, mais contre les dirigeants politiques ukrainiens, le manque d’État de droit et l’importance de la corruption.
[7] Dumont, Gérard-François, « L’Ukraine est-elle pour la Russie un pays étranger ? » dans : Wackermann, Gabriel (direction), La Russie, Paris, Ellipses, 2007.
[8] Dumont, Gérard-François, Montenay, Yves, « La francophonie, géodémographie et géostratégie », Géostratégiques, n° 36, 2e trimestre 2012.
[9] Soit environ cinq départements français de taille moyenne.
[10] Sokoloff, Georges, « Les racines du conflit », Politique internationale, n° 144, été 2014.
[11] Ce détroit compte une largeur de 4,5 à 15 km et une longueur d’environ 5 km pour une profondeur maximale de 18 mètres. Au milieu du détroit se trouve une langue de sable, prolongement d’un cordon littoral, l’Île de Tuzla, qui résulte d’un détachement du cordon littoral de la péninsule de Taman lors de fortes tempêtes en 1925.
[12] En octobre 2003, l’île de Tuzla, au milieu du détroit de Kertch, a été l’enjeu d’un grave incident territorial entre l’Ukraine et la Russie pour le contrôle du passage dans le détroit de Kertch, passage qui s’effectue dans les eaux territoriales de l’Ukraine, plus profondes. Cet incident s’est déroulé à la suite de la construction par la Russie d’une digue permettant la réalisation d’une route sur le cordon littoral reliant l’île de Tuzla à la péninsule russe de Taman.
[13] Le second s’appelle Vladivostok.
[14] En effet, du gaz payé par l’Ukraine au prix préférentiel fixé par Moscou pour un usage exclusivement interne à l’Ukraine faisait l’objet de captation en Ukraine pour être revendu à d’autres pays européens à des prix évidemment plus élevés que le prix préférentiel, concurrençant ainsi les livraisons de gaz de la Russie à ces pays.
[15] Dumont, Gérard-François, « Plaidoyer pour une géopolitique de terrain : le cas de la géopolitique de la Russie vue de ses périphéries », Géostratégiques, n° 24, juillet 2009.
[16] Dumont, Gérard-François, Verluise, Pierre, Géopolitique de l’Europe, Paris, Armand Colin - Sedes, 2014.
[17] Toutefois, on trouve par exemple un autre témoignage de repentance avec un monument aux peuples déportés de 1944 à Naltchik, en Kabardino-Balkarie.
[18] Une telle situation a déjà été constatée à l’ONU, par exemple sur la question du rattachement de Mayotte à la France ; cf. Dumont, Gérard-François, « Mayotte, une exception géopolitique mondiale », Outre-Terre, revue française de géopolitique, n° 11, 2005.
[19] Sanctions souvent jugées contre-productives ; cf. Chinsky, Pavel, « Les sanctions contre Moscou ne font que renforcer le système Poutine », Le Monde, 15 août 2014, p. 16.
[20] Jusqu’aux affrontements sur le terrain du football ; cf. Le Monde, 15 août 2014, p. 2.
[21] En ce qui concerne la France, certains ont jugé la couverture médiatique « manichéenne » ; cf. Reymond, Mathias, « Médias français en campagne ukrainienne », Le Monde diplomatique, août 2014.
[22] Brzeziński, Zbigniew, Le grand échiquier, Paris, Bayard, 1997, p. 19.
[23] Delsol, Chantal, « Occident-Russie : modernité contre tradition ? », Le Figaro, 30 avril 2014.
[24] Arjakovsky, Antoine, « Russie-Ukraine : de la guerre à la paix ? », Diploweb, 12 juillet 2014.
[25] Le traité d’association entre l’Ukraine et l’UE ratifié en duplex à Strasbourg et à Kiev, Le Monde, 18 septembre 2014, p. 4.
[26] Un accord sur un mémorandum de paix est intervenu le 20 septembre entre les représentants de Kiev et les séparatistes pro-russes. Ce texte en neuf points prévoit un arrêt de l’usage des armes et un retrait de 15 km de l’artillerie lourde des deux camps, donc une zone de cessez-le-feu de 30 kilomètres ; cf. Le Monde, 21-22- septembre 2014, p. 3.
[27] Dumont, Gérard-François, Démographie politique. Les lois de la géopolitique des populations, Paris, Ellipses, 2007.
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