Docteur en géopolitique de l’université Paris - Sorbonne, directeur des publications du Diploweb.com, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). Pierre Verluise est auteur ou co-auteur d’une vingtaine de livres. Il vient de diriger "Histoire, Géographie et Géopolitique de la mondialisation. Les dessous des cartes, enjeux et rapports de force", éd. Diploweb 2017 au format Kindle et sur papier broché via Amazon. Co-auteur avec Gérard-François Dumont de "Géopolitique de l’Europe. De l’Atlantique à l’Oural", Paris, PUF, 2e édition, 2016. Ce livre a reçu prix de la Recherche stratégique du Cercle K2.
L’Ukraine présente durant l’été 2017 une forme d’ambivalence dont témoignent les photos rassemblées ici.
Quelques mots du contexte géopolitique et stratégique. A la suite de la crise politique engagée en novembre 2013 et surtout de l’annexion russe de la Crimée en mars 2014, l’Ukraine est un pays en guerre. D’autant que depuis 2014 la Russie soutient dans l’Est de l’Ukraine des combattants opposés à Kiev. L’Allemagne et la France ont joué un rôle non négligeable pour abaisser le niveau des violences mais cette guerre continue de faire des morts. Auxquels les Ukrainiens rendent hommage à travers des monuments et des murs de photographies.
Dans le même temps, et cela semble remarquable, les Ukrainiens du centre comme de l’Ouest de l’Ukraine semblent apaisés. Est-ce un effet de la « révolution de la dignité », terme qui désigne maintenant les événements de 2014 ? Quoi qu’il en soit, alors que la Russie continue de soutenir des combattants dans la région du Donbass et d’occuper la Crimée dans l’intention de déstabiliser l’Ukraine, les Ukrainiens ont manifestement décidé de continuer de vivre. En témoignent de nombreuses scènes de la vie quotidienne. Ils réservent au visiteur étranger un accueil bienveillant.
Résultat, l’Ukraine se présente à la fois comme un pays en guerre et un pays en paix. Du moins avec lui même. Il n’est pas certain que la Russie puisse en dire autant.
Cette photographie d’un paysage des Carpates au nord-est de Verkhovyna résume une part du parcours de l’Ukraine contemporaine. Au centre, un monument construit pour le 30e anniversaire (1945-1975) de la fin de la Seconde Guerre mondiale [1]. A gauche, une chapelle en bois récente, signe de la vivacité de la foi. Depuis l’indépendance (1991), les nouvelles églises et chapelles ont été construites ou rénovées par milliers. A droite, le résultat des travaux de fenaison réalisés en famille, à la faux puis au râteau, témoignent d’une agriculture encore peu mécanisée dans les montagnes.
Ukraine, le musée ethnographique de Verkhovyna présente une salle entière à propos des journées révolutionnaires de la fin de l’année 2013 et du début de l’année 2014 lorsque nombre d’Ukrainiens ont décidé de se défaire de la tutelle russe dans l’espoir de se rapprocher de l’Union européenne.
Ukraine, Kiev, à proximité de la place Maïdan et du parc Yevpropeiska, un monument à la mémoire des victimes de la répression lors des combats révolutionnaires de 2013-2014. Au centre, une stèle et des restes de barricades. A gauche le drapeau ukrainien (bleu et jaune). A droite, le drapeau de l’armée insurrectionnelle ukrainienne, c’est-à-dire le drapeau de la résistance durant la Seconde Guerre Mondiale.
Après avoir annexé la Crimée (mars 2014), la Russie soutient depuis 2014 une forme de guerre hybride dans l’Est de l’Ukraine, notamment dans la région du Donbass. Cet extrait de carte représente les mouvements de troupes. Il s’agit pour la Russie de déstabiliser l’Ukraine afin de réduire les chances de son rapprochement avec l’Union européenne, ou de se mettre en position d’en tirer bénéfice.
Ukraine, Lviv, une exposition de photographies consacrées à la guerre avec la Russie présente des objets laissés après les combats.
Ukraine, Kiev, non loin du centre un mur de plus d’une trentaine de mètres affiche les photos d’une partie des combattants ukrainiens morts dans les combats contre la Russie depuis 2014. Certaines personnes se signent. Les parents expliquent aux enfants le sens de ces photos.
L’inquiétude d’une femme attendant le retour d’un combattant, figure récurrente des guerres.
Cette photographie, plus insolite, témoigne d’une forme de détermination. Pour autant la guerre n’a rien de romantique.
Ukraine, Verkhovyna, musée ethnographique. Une salle entière présente plusieurs centaines de drapeaux enrichis d’écritures. Un des résultats de la guerre conduite par la Russie contre l’Ukraine pour l’empêcher de choisir son devenir a été de rassembler de plus en plus d’Ukrainiens autour du drapeau national. Cela n’a pas empêché la popularité du Président russe V. Poutine d’être à la hausse en Russie, selon une recette bien connue, expliquée dans les années 1990-2000 par Anna Politkovskaïa dans son livre "Tchétchénie, le déshonneur russe".
A gauche - autrement dit à l’Ouest, le drapeau européen symbolise l’aspiration d’une part des Ukrainiens à se rapprocher de l’Union européenne. Au milieu - au centre - Kiev et la place Maïdan où les manifestations de la "révolution de la dignité" se déroulent fin 2013 et début 2014. A droite, vers l’Est, un avion tombe, ce qui est probablement une allusion à l’avion civil du vol MH17 de la Malaysia Airlines abattu le 17 juillet 2014. Le missile qui l’a abattu a été acheminé de Russie, selon le parquet néerlandais [2]. Enfin, à l’extrémité orientale sont représentés les combats dans le Donbass. (cf. extrait ci-après)
Cet extrait de la fresque permet de mieux distinguer la partie orientale consacrés aux combats dans le Donbass, notamment l’aéroport de Donetsk qui a totalement été détruit avec des dizaines de soldats ukrainiens à l’intérieur. Chacun aura reconnu la référence à la colombe de la paix de Picasso. Ce qui peut sembler surprenant puisqu’il s’agit d’une figure de la propagande communiste et soviétique. Ce qui témoigne d’une forme inconsciente d’héritage pictural.
Et pendant ce temps, la vie continue. Mieux remplis qu’à l’époque soviétique, les marchés présentent des scènes récurrentes, comme cette femme âgée qui améliore son ordinaire en patientant dans l’espoir de vendre un pot de confiture maison.
Dans les Carpates, lorsque vient la chaleur de l’été, les rivières deviennent des lieux appréciés pour se rafraîchir dans une ambiance conviviale. Toutes les générations se retrouvent pour profiter d’un moment léger, en paix.
A l’écart de Verkhovyna, cette maison rurale comme des milliers d’autres semble vivre dans un autre temps, sur un autre rythme.
Même si ils semblent moins nombreux qu’en Roumanie - de l’autre côté de la frontière - les chevaux sont encore parfois utilisés en Ukraine pour tirer les charrettes.
Comme dans beaucoup de pays du monde, cet enfant joue au foot avec son père sur une place à proximité du centre de Lviv, devant le musée des religions.
Le tissage et les broderies font partie des traditions conservées avec soin et il n’est pas rare, notamment dans les montagnes de voir des habits traditionnels portés avec fierté.
Le musée ethnique de Verkhovyna présente aussi des tissages et broderies qui utilisent des couleurs moins courantes que le rouge et le blanc, ce qui témoigne d’une capacité de renouvellement.
La géopolitique enseigne qu’il importe d’étudier les représentations des territoires - notamment à travers les cartes et les discours - et pourquoi pas les personnalités politiques. Les Ukrainiens font ici preuve d’un humour potache en représentant la figure du Président russe V. Poutine sur du papier toilette. Il va sans dire que cette pratique est hautement condamnable...
Copyright texte et photographies Août 2017-Verluise/Diploweb.com
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Pierre Verluise remercie la société nouvelle-ukraine pour l’avoir conseillé dans ses déplacements et hébergements durant l’été 2017 en Ukraine, avec professionnalisme, disponibilité et sourire. Le site de la société nouvelle-ukraine sera actif courant octobre 2017 mais vous pouvez déjà y laisser des messages si vous souhaitez des informations.
[1] L’URSS a été alliée de l’Allemagne nazie d’août 1939 à juin 1941, puis ennemie de l’Allemagne nazie au côté des Alliés. La première phase de cette participation soviétique à la Seconde Guerre mondiale est passée sous silence sur les monuments hérités de l’époque soviétique où les dates du conflit sont toujours 1941-1945
[2] 298 personnes présentes à bord du Boeing 777 reliant Amsterdam à Kuala Lumpur, passagers et membres d’équipage, avaient été tuées. La majorité des victimes étaient de nationalité néerlandaise, ce qui explique cette enquête.
« Sur la base de l’enquête pénale, nous pouvons conclure que l’avion du vol MH17 a été abattu le 17 juillet 2014 par un missile BUK apporté du territoire de la Fédération de Russie et qu’après le tir le système a été réacheminé en Russie », a déclaré Wilbert Paulissen, l’un des responsables de l’enquête
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