Professeur à Sciences Po, Christian Lequesne vient de publier « Le diplomate et les Français de l’étranger », Presses de Sciences Po (2024). Il a précédemment dirigé « La puissance par l’image. Les États et leur diplomatie publique » , Presses de Sciences Po, 2021.
Interview organisée et conduite par Pierre Verluise, docteur en Géopolitique, fondateur du Diploweb.com, il anime Planisphère sur Radio Notre Dame et RCF depuis septembre 2024.
Synthèse par Emilie Bourgoin, étudiante en quatrième année au BBA de l’EDHEC et alternante au sein de la cellule sûreté d’un grand groupe. Elle est en charge depuis septembre 2024 du suivi hebdomadaire de l’actualité des livres, revues et conférences géopolitiques comme de la rédaction des synthèses des épisodes de l’émission Planisphère pour Diploweb.com.
Qui sont les Français qui ne vivent pas en métropole ni dans la France d’outre-mer ? Combien de Français de l’étranger ? Sont-ils vraiment tous des exilés fiscaux ? Où vivent-ils ? Comment participent-ils à la vie politique nationale ? Sont-ils représentés dans les assemblées parlementaires ? Comment participent-ils aux élections ? Pour qui votent-ils ? Bénéficient-ils de l’État providence ? Les efforts de financement public des structures d’enseignement français à l’étranger, initialement destinées aux enfants des « élites » des pays d’accueil, sont-elles accessibles aux enfants des Français de l’étranger ? Contrairement à la Chine ou à l’Inde, pourquoi la France peine-t-elle à utiliser sa diaspora pour appuyer des efforts d’influence dans le cadre d’une politique de puissance ? Pour répondre à ces questions et bien d’autres, Planisphère reçoit Christian Lequesne.
Vous trouverez ci-dessous les liens vers l’émission, sa synthèse rédigée et la présentation du concept de l’émission.
Cette émission, Qui sont les Français de l’étranger ? Avec C. Lequesne, sur RND
Cette émission, Qui sont les Français de l’étranger ? Avec C. Lequesne, sur RCF
Lien direct vers cette émission sur RCF
Synthèse de l’émission Qui sont les Français de l’étranger ? Avec C. Lequesne. Rédigée par Emilie Bourgoin pour Diploweb.com, relue et validée par C. Lequesne
LES Français de l’étranger sont souvent perçus à travers des clichés bien ancrés, tels que celui de l’expatrié privilégié bénéficiant d’un salaire confortable et d’avantages importants, ou celui de l’exilé fiscal cherchant à échapper aux impôts en France [1]. Pourtant, cette vision réductrice n’évoque qu’une minorité parmi les 2,5 à 3 millions de Français vivant à l’étranger. En réalité, la diversité sociale au sein de cette population est beaucoup plus large, comprenant notamment aussi des personnes vivant dans des conditions précaires. Pour mieux comprendre la réalité des Français de l’étranger, il est essentiel d’analyser les différentes facettes de cette diaspora, les enjeux liés à leur émigration, leur participation à la vie politique nationale et leur relation avec l’État providence.
Le terme de « diaspora française » est utilisé pour désigner les Français vivant à l’étranger tout en maintenant un lien fort avec leur pays d’origine. Cependant, en France, ce terme est rarement employé en France, car le pays se perçoit peu comme une nation d’émigration. Les statistiques disponibles sur les Français de l’étranger sont limitées, en grande partie à cause de l’inscription volontaire au registre consulaire, qui ne couvre qu’environ 1,7 million de personnes. Les Français qui se sentent en sécurité dans leur pays de résidence ne s’inscrivent pas toujours, ce qui complique la collecte de données précises.
L’émigration française se concentre majoritairement en Europe et en Amérique du Nord, avec des destinations privilégiées telles que les métropoles des pays suivants : les États-Unis, le Canada, la Suisse, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Cette tendance récente reflète un départ croissant de personnes qualifiées, principalement des jeunes diplômés et des professionnels dans des métiers spécialisés. Contrairement à l’image traditionnelle de l’expatrié, ces jeunes partent souvent pour s’installer durablement à l’étranger avec des contrats locaux, parfois moins avantageux que ceux des expatriés classiques.
Ces jeunes Français, bien que profondément attachés à leur pays d’origine sur les plans culturel et historique, trouvent souvent que les opportunités professionnelles sont plus accessibles dans d’autres pays. En France, les carrières sont souvent dictées par les diplômes, tandis que dans les pays anglo-saxons, il est plus facile de progresser grâce à la promotion interne. De plus, les jeunes issus de l’immigration, dont les parents ont eux-mêmes été immigrés en France, choisissent des destinations où ils peuvent vivre leur spécificité culturelle plus librement. En France, la laïcité rend parfois difficile l’expression de signes distinctifs de religion.
Les Français de l’étranger ont une longue tradition de représentation politique, avec des élus au Sénat et à l’Assemblée nationale. Ils peuvent participer aux élections par suffrage universel direct ou indirect. Cependant, le taux de participation reste faible, de l’ordre de 10 à 15 % pour les législatives. Beaucoup se désintéressent de la politique française à mesure qu’ils s’installent durablement à l’étranger. Toutefois, certains restent très investis. En termes de choix politiques, ils se distinguent par un rejet de l’extrême droite, préférant souvent des candidats libéraux comme Emmanuel Macron, notamment en Amérique du Nord et en Europe. Cependant, un retour de la gauche a été observé lors des dernières élections, surtout en Afrique subsaharienne et au Maghreb, où les débats sur l’immigration ont une résonance particulière.
Les Français de l’étranger sont bien représentés, voire sur-représentés, au Parlement par rapport à certains départements ruraux en France. Cette représentation semble généreuse au vu des faibles taux de participation, mais elle permet néanmoins de maintenir une voix pour cette population dans les instances nationales.
Malgré leur éloignement, les Français de l’étranger ne sont pas exclus de l’État providence. Le système français, unique en son genre, leur permet de bénéficier d’aides sociales en cas de précarité, y compris pour les enfants handicapés. En 2020, en pleine crise du Covid-19, ces aides ont doublé pour atteindre 30 millions d’euros. Par ailleurs, les enfants de Français résidant à l’étranger peuvent obtenir des bourses pour étudier dans des lycées français ou des établissements appliquant le programme scolaire français. Toutefois, l’évolution de ces lycées, qui accueillent aujourd’hui majoritairement des Français, a détourné l’objectif initial d’attirer les élites locales.
Contrairement aux diasporas chinoise ou indienne, la France peine à mobiliser ses communautés expatriées comme relais d’influence dans le monde. Le ministère des Affaires étrangères continue de privilégier une politique consulaire de protection, très élaborée, plutôt que de développer des partenariats avec des expatriés réussissant à l’étranger. Cette réticence s’explique par la forte tradition régalienne de la diplomatie française et la crainte de mettre en avant des intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général, profondément ancrée chez les diplomates français.
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Présentation du concept de l’émission Planisphère par Pierre Verluise
Planisphère est une émission de géopolitique proposée par Radio Notre Dame et RCF. Planisphère est animée par Hugo Billard jusqu’au 31 août 2024 ; par Pierre Verluise (Diploweb.com) depuis le 3 septembre 2024. Chaque semaine des historiens, des géographes, des géopoliticiens, des diplomates, des stratèges et des acteurs des relations internationales prennent le temps de mettre en perspective les soubresauts du monde. Planisphère cherche à comprendre l’actualité mondiale dans l’espace et dans le temps, en privilégiant la clarification des jeux des acteurs comme des résultats sur les territoires. Pierre Verluise cherche à mettre à jour l’interaction des échelles et les dynamiques de la puissance, définie comme une capacité de faire, de faire faire, de refuser de faire ou d’empêcher de faire.
Cette émission est disponible en podcast sur les sites et les applications de ces deux radios, comme sur le Diploweb.com qui offre en bonus une synthèse rédigée, validée dans la mesure du possible par l’intervenant.
[1] Cette émission a été enregistrée le 6 août 2024.
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