Christian Lequesne est professeur de science politique à Sciences Po. Il a été directeur du Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po et du Centre français de recherche en sciences sociales (CEFRES) à Prague. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles, dont « Ethnographie du Quai d’Orsay » (CNRS Éditions, 2017), et a dirigé « La Puissance par l’image. Les États et leur diplomatie publique » (Presses de Sciences Po, 2021). Christian Lequesne vient de publier « Le diplomate et les Français de l’étranger », Presses de Sciences Po.
Il répond aux questions de Pierre Verluise, docteur en Géopolitique, fondateur du Diploweb.com, enseignant dans plusieurs Master 2. Auteur, co-auteur ou directeur d’une trentaine d’ouvrages. Producteur de trois Masterclass sur Udemy : "Les fondamentaux de la puissance" ; "Pourquoi les données numériques sont-elles géopolitiques ?" par Kévin Limonier ; "C’était quoi l’URSS ?" par Jean-Robert Raviot.
Voici la présentation d’un ouvrage recommandé par le Diploweb. Novateur, documenté, nuancé et bien écrit par Christian Lequesne, « Le diplomate et les Français de l’étranger » apporte des éléments précis. L’auteur pointe aussi avec mesure les paradoxes qui pénalisent ici l’optimisation de possibles vecteurs d’influence. Une diplomatie de diaspora nécessiterait une véritable ouverture aux acteurs privés qui, en France, reste plus difficile en raison de la culture de l’État.
Christian Lequesne vient de publier, « Le diplomate et les Français de l’étranger », Presses de Sciences Po, 2024. Il répond aux questions de Pierre Verluise pour Diploweb.com.
Pierre Verluise (P. V. ) : Avons-nous une connaissance précise du nombre, de la composition par âges et de la localisation des citoyens français qui résident de manière permanente ou temporaire en dehors de la France métropolitaine, des départements et des collectivités d’outre-mer ?
Christian Lequesne (C. L. ) : La seule statistique existante est le registre des Français à l’étranger qui nécessite de s’inscrire sur une base volontaire dans les consulats. Ce registre recense environ 1,8 million de personnes. Mais en fait, on estime qu’il y a entre 2,5 et 3 millions de Français vivant hors du territoire national. Une enquête de l’INSEE de 2013 estimait le nombre à 3,4 millions. En fait, tout calcul est aléatoire.
Si vous considérez la répartition géographique de diaspora, elle est variée. 48% des Français de l’étranger vivent en Europe géographique, 15% en Amérique, 15% en Afrique et 22% dans le reste du monde. Il y a plus de la moitié de binationaux parmi les Français de l’étranger, notamment en Afrique du nord et en Afrique subsaharienne. La tendance des vingt dernières années est d’avoir des gens jeunes et qualifiés qui émigrent de manière permanente plutôt dans l’hémisphère nord : pays d’Europe, Etats-Unis, Canada. Ce sont dans des villes comme Genève, Londres, Montréal ou New York que se trouvent aujourd’hui les Français en nombre.
P. V. : Dans l’imaginaire des métropolitains, les Français installés à l’étrangers sont tous des millionnaires fuyant l’impôt. Est-ce le cas ? Existe-t-il un ou des profils de citoyens français vivant à l’étranger ?
C. L. : Oui, la figure de l’exilé fiscal qui a trahi son pays est très présente dans l’imaginaire des métropolitains. On la retrouve souvent dans les couvertures de presse. En réalité, ces exilés fiscaux, s’ils existent, sont hyper minoritaires, soit moins de 1% des Français de l’étranger. Ils sont localisés dans un nombre limité de pays qui offrent des exonérations fiscales (notamment du capital) comme la Belgique, la Suisse ou le Royaume-Uni. Mais il ne faut surtout pas se limiter à cette catégorie. On a par ailleurs des profils types assez variés. Il y a encore des expatriés qui passent 3 ou 4 ans dans un pays puis en repartent, très souvent en ayant vécu une vie à la fois privilégiée et offshore. Ces expatriés sont en baisse, car ils coûtent très chers aux entreprises. Il y a les émigrants permanents qualifiés (comme à Londres, Montréal ou à San Francisco) qui sont en hausse et travaillent souvent avec des contrats locaux ou sont entrepreneurs. C’est parmi ceux-ci que l’on trouve de vrais exemples de succès économique. Il y a, ensuite, les étudiants qui font des études à l’étranger, parfois en y restant plusieurs années comme les étudiants qui font leur médecine en Belgique et, moins connu, en Roumanie (Cluj et Iasi). Il y a, enfin, les jeunes peu qualifiés cherchant des « petits boulots » comme à Londres (avec une baisse depuis le Brexit, en 2020), les retraités qui cherchent du soleil et un coût de la vie moins élevée qu’en France (au Maroc et au Portugal) et les e-travailleurs qui sont devenus plus nombreux avec la Covid-19 (par exemple sur l’ile portugaise de Madère). L’Estonie est un pays de l’UE qui offre même aux étrangers un statut de e-travailleur. Enfin, il y a les binationaux (en Afrique, au Liban ou encore en Israël). Quand on parle de Français de l’étranger, on est donc face à une très grande diversité sociale. Il faut surtout sortir de son esprit l’idée que Français de l’étranger équivaut seulement à expatrié nanti. C’est faux. Il y a toutes les classes sociales, y compris des gens dans une situation de précarité.
P. V. : Comment les citoyens Français vivant à l’étranger sont-ils représentés dans les institutions nationales ? Comment l’État a-t-il parfois utilisé dans les années 1970 des citoyens Français de l’étranger pour faire des inscriptions frauduleuses sur les listes électorales et fabriquer de fausses procurations ? Au-delà de ces cas particuliers, comment est organisée la participation électoral des Français de l’étranger ?
C. L. : La France fait partie des 13 pays du monde qui offre à sa diaspora une représentation politique spécifique avec 12 sénateurs et 11 députés des Français de l’étranger. C’est un dispositif institutionnel assez démesuré compte tenu de la population représentée. L’Etat cherche à maintenir le lien politique avec sa diaspora via une représentation parlementaire. Dans l’UE-27, seuls les Croates, les Italiens et les Portugais et les Roumains ont un système équivalent. Depuis 1979, les Français peuvent voter à toutes les élections dans les consulats. Une élection nationale amène la formation de 800 bureaux de vote. Les Français de l’étranger (fait peu connu) peuvent voter aux élections législatives ou européennes en ligne (ce qui n’est pas autorisé sur le territoire national). Le vote dans les consulats a mis fin aux fraudes des années 1970 lorsqu’était seulement pratiqué le vote par procuration en France. Grâce aux archives, je montre dans le livre [1] comment certains ambassadeurs à l’époque, notamment en Afrique, récupérait des procurations pour faire élire des députés ou des maires gaullistes en France. Vous comprenez pourquoi François Mitterrand lorsqu’il arrive au pouvoir en 1981 à une grande méfiance à l’égard du Quai d’Orsay. La participation électorale des Français de l’étranger reste cependant faible (souvent moins de 20%), notamment chez ceux qui ont émigré depuis longtemps et qui se désintéressent progressivement de la politique nationale dans le pays d’origine. Mais tout Français de l’étranger a le droit de voter comme s’il résidait sur le territoire national. C’est un droit qui montre une conception très extensive de la citoyenneté en France. Dans de nombreux autres pays, on ne peut voter aux élections que si l’on est résident ou si l’on paie ses impôts dans le pays. Ce n’est pas le cas en France.
P. V. : Comment l’égalité des citoyens Français est-elle assurée autant que possible par la République française, en matière de droits sociaux, à la santé, à l’éducation ? Comment se manifeste la projection territoriale de l’État providence ?
C. L. : Il y a beaucoup de travaux de recherche qui montrent comment les Etats d’origine cherchent à garder une influence sur leurs émigrés en leur procurant certains droits, comme le droit de vote. On parle d’extra-territorialisation des droits par l’Etat transnational. En France, l’extra-territorialisation des droits est large en raison de notre conception très universaliste de la citoyenneté.
Une spécificité de la France par rapport à de nombreux autres pays est d’exporter les droits liés à l’Etat-providence. C’est sans équivalent. Les Français de l’étranger, s’ils sont dans la précarité, peuvent bénéficier d’aides sociales comme des aides à la retraite, des aides pour le handicap. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères budgétise 15 millions par an pour cette politique sociale distributive. La dotation a été doublée pendant la période de la Covid 19. Pour des Français vivant en Afrique subsaharienne ou à Madagascar, bénéficier de 400 euros d’aide mensuelle est loin d’être négligeable pour leur vie quotidienne. A cela s’ajoutent parfois les aides d’organismes de bienfaisance qui sont alimentés par la diaspora elle-même ou par des fonds du ministère de l’Europe et des affaires étrangères acquis sur projets. A Londres par exemple, il existe dans le quartier d’Hammersmith un Dispensaire français où les Français qui ne bénéficient pas de la couverture sociale britannique peuvent consulter un médecin ou un dentiste parlant français pour un prix raisonnable. C’est très important pour les jeunes, notamment ceux qui occupent des emplois peu rémunérés, comme filles ou garçons au pair.
Les Français de l’étranger bénéficient de bourses scolaires pour que leurs enfants puissent étudier dans les lycées et écoles françaises à l’étranger qui appliquent des frais de scolarité. Chaque année, ces bourses représentent 100 millions d’euros. Si vous ajoutez le financement des locaux de certains établissements et des professeurs, c’est 500 millions d’euros par an. Il s’agit d’écoles en gestion directe de l’Etat, mais aussi et pour beaucoup des écoles privées qui reçoivent un agrément en acceptant de délivrer les programmes français. Le résultat est qu’aucun pays dans le monde n’a un système d’écoles soutenues par l’Etat équivalent à la France. Il y a donc une vraie projection de l’Etat providence qui s’explique par la forte tradition redistributive de l’État en France. On est loin, très loin même, d’une politique consulaire française qui serait néolibérale et qui transformerait le citoyen émigré en client payant l’ensemble des services. Ce n’est pas du tout dans la culture de l’Etat français.
P. V. : Approfondissons le cas de l’éducation. Comment les écoles, les collèges et lycées créés pour les enfants de la diaspora française à l’étranger sont à la fois des liens, des moyens et des paradoxes des relations avec la métropole, notamment quant aux frais de scolarité ? L’objectif de faire rayonner la culture française auprès des élites des pays d’accueil n’est-il pas détourné par la diaspora qui privilégie d’abord ses besoins locaux ?
C. L. : A l’origine, les écoles et lycées français n’ont pas été créés pour les élèves français, mais pour promouvoir l’éducation française auprès des enfants des élites locales. Citons comme exemples le lycée de Pondichéry (Inde) ou encore le lycée Galatasaray à Istanbul (Turquie). Mais les Français de l’étranger, qui ont émigré davantage après la Seconde Guerre mondiale, se sont organisés depuis les années 1960 pour que leurs enfants français reçoivent une éducation. Ils l’ont fait notamment grâce à l’appui de sénateurs des Français de l’étranger comme Jacques Habert, qui ont créé des écoles privées dans le but de servir plus en plus les enfants français. Cette évolution a apporté de nouveaux débats dans le réseau des lycées français de l’étranger, en particulier le thème de la gratuité, mais aussi celui de la laïcité, par symétrie avec le système en vigueur en France. Aujourd’hui, les enfants français sont devenus majoritaires dans certains lieux. C’est le cas des lycées français de Londres ou du lycée français de Tokyo. On peut dire qu’il s’agit d’une évolution de l’objectif diplomatique de départ qui était de faire de l’influence auprès des élites du pays concerné. Dans ces cas, les lycées et le diplomate servent à répondre aux besoins de la diaspora. Mais je m’empresse de nuancer le constat en disant que la plupart des lycées et écoles françaises sont fréquentés majoritairement par des nationaux du pays. Deux exemples où la France possède ses plus gros réseaux d’écoles l’illustrent : le Maroc et le Liban.
P. V . En quoi le vote des Français de l’étranger est-il important pour l’issue des élections ? Lors des élections législatives du 30 juin et du 7 juillet 2024, semble-t-il probable que les Français de l’étranger choisissent des députés RN ?
C.L. : Les Français de l’étranger représentent 7 à 8 % du corps électoral de la France. Par ailleurs, ils s’abstiennent beaucoup au sens où il est rare de dépasser les 20% de participation à une élection. Donc, leur vote n’est jamais décisif dans une élection. Ce n’est pas comme en Roumanie où le président libéral Klaus Ioannis a été élu deux fois contre les candidats néo-communistes grâce au vote de la diaspora roumaine. Mais le vote des Français de l’étranger compte à la marge tout de même. Par exemple, au niveau global, les Français de l’étranger votent beaucoup moins pour l’extrême-droite que leurs compatriotes territoriaux. Dans les grandes diasporas de l’hémisphère nord, ils ont tendance à soutenir bien davantage Emmanuel Macron et le parti Renaissance, comme on l’a vu avec le vote des Français des Etats-Unis lors de l’élection européenne de juin 2024 qui a atteint 25% pour la liste Renaissance (contre 14% en France). Aux législatives de juin-juillet 2024, il n’y aura vraisemblablement aucun député RN élu chez les Français de l’étranger. Ce sont des éléments que les partis politiques ne peuvent pas ignorer quand il s’agit de composer ensuite des majorités au parlement. J’ajoute que les Français de l’étranger (notamment dans l’hémisphère nord) disposent aussi de capacités financières pour aider au financement des campagnes. C’est un autre élément que les partis politiques ne peuvent pas ignorer. On assiste de ce fait à une transnationalisation des partis politiques qui ont leurs sections dans les endroits où sont représentés les grandes diasporas. A Bruxelles, à Berlin ou à Montréal, vous pouvez si vous êtes un Français de l’étranger militer pour un parti politique français. C’est aussi de cette manière que vous vous faites connaître pour ensuite vous présenter aux élections des représentants des Français de l’étranger, comme les conseillers élus à l’Assemblée des Français de l’étranger ou les conseillers des circonscriptions consulaires au nombre tout de même de 442. Il s’agit de mandats qui vous donnent un pouvoir consultatif sur les politiques de l’Etat à l’égard des Français de l’étranger. Vous votez aussi pour l’élection des sénateurs des Français de l’étranger et, le moment venu, vous pouvez utiliser votre statut de notable diasporique pour devenir vous-même candidat à une élection parlementaire.
P. V. : Comment se comportent les députés et les sénateurs des Français de l’étranger au sein du parlement ?
C.L. : Les députés et les sénateurs des Français de l’étranger participent à la vie parlementaire comme leurs collègues de l’Hexagone, évidemment avec un tropisme pour les questions de politique étrangère et européenne, et aussi pour le sort de la diaspora. On retrouve ainsi beaucoup d’entre eux à la Commission des affaires étrangères, mais aussi à la Commission de l’éducation. Les sénateurs par exemple ont traditionnellement attachés beaucoup d’importance à défendre le financement du budget de l’Agence pour l’Enseignement du Français à l’Etranger (AEFE), agence d’Etat qui gère la relation avec les lycées et les écoles françaises. Concernant l’action envers les Français de l’étranger, la défense de l’extra-territorialisation de l’Etat-providence est très forte chez les parlementaires, car c’est une condition de leur réélection soit au suffrage direct pour les députés, soit au suffrage indirect par les notables de la diaspora pour les sénateurs. C’est d’ailleurs très intéressant de constater combien en matière de défense de l’Etat-providence, le clivage gauche/droite ne compte pas au parlement. Tout le monde est favorable au fait que l’Etat continue d’intervenir avec son budget public au service des Français de l’étranger.
Une question intéressante est celui de l’immixtion entre politique française et politique d’un Etat étranger dans certains choix de politique étrangère. Lors de l’élection du député représentant le Maghreb, l’enjeu du soutien ou du rejet du Front Polisario par exemple peut jouer un rôle, sachant que tel candidat au poste de député sera proche de la position du Maroc et tel autre de la position de l’Algérie. De même, le député binational qui représente Israël affiche clairement ses choix politiques internes en Israël quand il intervient sur le sujet de la position française à l’égard du conflit israélo-palestinien. Pour la science politique, cette hybridation est caractéristique du transnational. Si l’on fait une analyse plus politique de ces phénomènes, certains n’hésiteront pas à parler de formes d’ingérence étrangère dans la vie parlementaire française. Mais elles sont limitées et elles ne sont pas non plus le monopole des élus de l’étranger. Il y a parmi les députés et sénateurs élus dans l’Hexagone également des représentants connus pour leur proximité de tel ou tel pays étranger. Cette question cependant retient souvent l’attention des diplomates dans leurs conversations avec les chercheurs parce que leur principale raison d’être consiste à défendre l’intérêt de l’Etat à l’étranger.
Vidéo. Que font les diplomates ? C. Lequesne, P. Morel et M. Vaïsse présentent ce métier
P. V. : Enfin, en quoi le régalien s’oppose-t-il à l’influence ?
C. L. : C’est la conclusion à laquelle je parviens à la fin de mon enquête empirique et cela devient de ce fait une des thèses du livre, « Le diplomate et les Français de l’étranger » (Presses de Sciences Po). En effet, l’Etat français sait très bien protéger les Français de l’étranger grâce à une politique consulaire généreuse et bien organisée. C’est ce que j’appelle dans le livre la diplomatie consulaire.
En revanche, lorsqu’il s’agit (comme le font les diplomatie indienne ou mexicaine) de se servir des succès des Français de l’étranger pour faire de la diplomatie, les diplomates français sont moins à l’aise. Ils ont du mal à passer à ce que j’appelle une diplomatie de diaspora (pour la différencier de la diplomatie consulaire). Ceci provient du fait que la culture diplomatique française reste très régalienne au sens où les représentants de l’Etat ont encore tendance à penser qu’ils incarnent seuls à l’étranger l’intérêt général de la France. Or pour faire une diplomatie de diaspora, il faut accepter des partenariats public-privé en acceptant un modèle d’Etat plus libéral. Kishan Rana, qui fut ambassadeur d’Inde en Allemagne, explique dans une publication, comment il s’appuyait sur les hommes d’affaires indiens pour accéder aux politiciens allemands. Lors du premier accord sur l’association nord-américaine de libre échange (ALENA), les 50 consulats mexicains installés aux Etats-Unis ont reçu comme consigne de se rapprocher des membres influents de la diaspora pour qu’ils fassent pression sur les membres du Congrès en faveur de la signature. Je crois que la diplomatie française a plus de mal à mobiliser ce type de pratiques. Elle continue à assumer l’idée qu’elle exprime seule la raison d’Etat. Il n’y a d’ailleurs qu’à lire le rapport des Etats généraux de la diplomatie de 2022 pour s’en rendre compte. On réaffirme le pouvoir régalien du ministère en disant très peu de choses sur les partenariats avec la société civile. C’est une contradiction avec l’invocation par ailleurs d’une diplomatie d’influence qui est souvent faite par les ministres de l’Europe et des affaires étrangères. Ainsi la feuille de route de l’influence présentée par Jean-Yves Le Drian lorsqu’il était ministre des affaires étrangères ne mentionne aucunement l’appui de la diplomatie sur la diaspora française. On verra ce qu’il en sera dans le prochain document programmatique du Quai d’Orsay sur le sujet. Une diplomatie de diaspora nécessite une vraie ouverture aux acteurs privés qui, en France, reste plus difficile en raison de la culture de l’Etat. Et on ne change pas du jour au lendemain la culture de l’Etat. C’est pour cela qu’il faut travailler sur la diplomatie en mettant en avant l’analyse des pratiques d’acteurs. Cela permet de relativiser les postures d’analyse purement normatives, par exemple sur une diplomatie française qui aurait épousé le référentiel néolibéral. C’est totalement contredit par l’examen empirique des pratiques.
Copyright 15 juin 2024-Lequesne-Verluise/Diploweb.com
Plus
. Christian Lequesne, « Le diplomate et les Français de l’étranger. Comprendre les pratiques de l’État envers sa diaspora », Paris, Presses de Sciences Po, 2024
Enquête inédite de science politique menée sur trois continents, l’objectif de ce livre est de comprendre les pratiques des représentants de la France officielle à l’égard des Français de l’étranger.
Binationaux, expatriés, actifs internationalisés, retraités, étudiants et, de plus en plus, e-travailleurs, les quelque 2,5 millions de citoyens français vivant à l’étranger sont loin de constituer une communauté homogène. Par le biais de son réseau diplomatique et consulaire, l’État cherche à construire une relation avec cette diaspora en mettant à sa disposition des services et des institutions (lycée français, système de protection sociale, chambre de commerce, mais aussi élus consulaires et parlementaires) qui lui permettent de ne pas renoncer au lien avec le territoire d’origine.
Enquête inédite de science politique menée sur trois continents, l’ouvrage met au jour une pratique diplomatique de la France qui reste largement régalienne : l’État continue de considérer ses ressortissants à l’étranger comme ses protégés, mais peine davantage à faire d’eux une ressource productive au service d’une véritable stratégie d’influence.
[1] Cf. Christian Lequesne, « Le diplomate et les Français de l’étranger », Paris, Presses de Sciences Po, 2024, pp 68-69.
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