Podcast et synthèse rédigée

Planisphère. Pourquoi ouvrir un atlas quand on écoute la radio ? B. Lambert

Par AB PICTORIS, Emilie BOURGOIN, Pierre VERLUISE, le 12 décembre 2024  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Blanche Lambert, Cartographe, formée à l’Institut français de géopolitique de l’Université Paris 8 et à Sciences Po Aix. Blanche Lambert est fondatrice de l’entreprise AB Pictoris, spécialisée dans la production de cartes et la formation à la cartographie. B. Lambert publie « Se former à la cartographie avec Inkscape », éd. D-Booker.

Interview organisée et conduite par Pierre Verluise, docteur en Géopolitique, fondateur du Diploweb, il anime Planisphère sur Radio Notre Dame et RCF depuis septembre 2024. Cette émission a été diffusée en direct le 10 décembre 2024.
Synthèse par Emilie Bourgoin, étudiante en quatrième année au BBA de l’EDHEC et alternante au sein de la cellule sûreté d’un grand groupe. Elle est en charge depuis septembre 2024 du suivi hebdomadaire de l’actualité des livres, revues et conférences géopolitiques comme de la rédaction des synthèses des épisodes de l’émission Planisphère pour Diploweb.

Pourquoi ouvrir un atlas quand on écoute la radio ? En fait, à quoi sert une carte ? Est-il vrai que toutes les cartes sont fausses ? Que faut-il entendre lorsque nous entendons que la carte est un outil de représentations ? Que faut-il comprendre lorsque nous lisons que la carte est un instrument à plusieurs échelles ? Quelle peut-être la fonction pédagogique, voire citoyenne, d’une carte ou d’un atlas ? Et pourquoi offrir des cartes ? Enfin, faire une carte, ça s’apprend ? Pour répondre, nous avons l’honneur de recevoir Blanche Lambert.
Podcast et synthèse rédigée, validée par B. Lambert

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Synthèse de cette émission, Planisphère, Pourquoi ouvrir un atlas quand on écoute la radio ? B. Lambert. Rédigée par Emilie Bourgoin pour Diploweb.com. Relue et validée par B. Lambert

Lorsque l’on parle de cartographie, une idée reçue persiste : celle que tout a déjà été cartographié. Cependant, cette perception est réductrice et erronée. La cartographie ne se limite pas aux grandes explorations ou aux applications comme Google Maps. En réalité, tant que notre monde évolue — que ce soit par des transformations sociales, politiques ou environnementales — le besoin de cartes demeure. Les cartes sont un moyen essentiel de comprendre le monde qui nous entoure, car elles représentent des réalités en constante mutation.

La subjectivité de la carte

Une carte n’est jamais neutre. Elle est le produit d’un choix délibéré, un reflet des intentions du cartographe. Chaque élément figurant sur la carte — qu’il s’agisse de couleurs, de symboles ou de représentations — porte une signification et peut influencer la perception du lecteur. Comprendre cette subjectivité est essentiel pour naviguer dans les discours qui entourent la cartographie car derrière chaque carte se cachent des choix qui peuvent orienter les opinions et les interprétations du public. Mais il faut être conscient qu’il serait impossible de faire une carte sans faire des choix. Apprendre à faire des cartes est le meilleur moyen de comprendre qu’il s’agit d’une contrainte qui s’impose à tous.

Spatialiser des événements et de comprendre les relations entre les différents acteurs

La fonction révélatrice de la carte

Les cartes ne se limitent pas à indiquer des localisations géographiques. Elles offrent un puissant visuel qui attire l’attention du grand public. Par leur esthétique et leur capacité à rendre des informations complexes accessibles, elles permettent de spatialiser des événements et de comprendre les relations entre les différents acteurs. En étudiant les cartes, on peut identifier des réalités géographiques importantes, comme les pays enclavés ou ceux sans littoral, des éléments cruciaux dans le cadre des conflits.

Importance de la légende

La légende d’une carte est d’une importance capitale. Elle sert de guide au lecteur, lui permettant de comprendre les informations présentées et d’interpréter correctement les données. Une légende bien conçue aide à clarifier les intentions du cartographe et structure l’information pour la rendre accessible. Ainsi, une bonne carte ne se contente pas de montrer des données : elle répond à des questions précises, et la légende en est le fil conducteur, rendant le message à la fois accessible et compréhensible.

Planisphère. Pourquoi ouvrir un atlas quand on écoute la radio ? B. Lambert
Blanche Lambert
B. Lambert publie « Se former à la cartographie avec Inkscape », éd. D-Booker. Crédit photographique : Pierre Verluise
Verluise/Diploweb.com

Les défis de la cartographie

Créer une carte demande un travail considérable, souvent sous-estimé. Les erreurs sont plus évidentes sur une carte que dans un texte écrit, où elles peuvent passer inaperçues. Cela fait de la cartographie un art exigeant, où chaque détail compte. Le processus de création peut prendre des heures, voire des jours, en fonction de la complexité du sujet traité. Ainsi, la cartographie devient une représentation minutieuse de la réalité, intégrant des éléments historiques, sociaux et environnementaux pour fournir une vision cohérente et éclairante.

La cartographie comme outil de représentation(s)

Les cartes permettent de représenter (au sens de rendre présent) des situations ou des phénomènes, mais elles sont également des instruments d’analyse géopolitique. Prenons l’exemple de la Russie : sa carte révèle des perceptions complexes des frontières et des territoires contestés, notamment en Ukraine. Ce type de représentation met en lumière non seulement la géographie physique, mais aussi les enjeux politiques sous-jacents. De même, la République populaire de Chine utilise des cartes pour revendiquer des territoires, comme ceux en mer de Chine méridionale. Ces cartes deviennent alors des révélateurs des dynamiques de pouvoir et des rivalités géopolitiques, permettant de mieux comprendre les relations internationales et les conflits qui en découlent.

Une autre dimension cruciale de la cartographie est celle des risques. Les cartes de risques, souvent mises à disposition par des organismes comme le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, jouent un rôle essentiel dans l’information et la prévention.

Échelles et complexité des conflits

La notion d’échelle est fondamentale en cartographie, car elle permet de représenter la distance sur une carte par rapport à la réalité. Chaque carte comporte une échelle, qui détermine la précision des informations et l’interprétation des situations. En géopolitique, les rivalités se perçoivent à plusieurs échelles, et les cartes sont essentielles pour retranscrire cette complexité. Par exemple, la rivalité entre la Grèce et la Turquie peut être analysée à l’échelle locale, avec des détails sur des îles spécifiques, puis élargie à la mer Égée, et finalement à la Méditerranée, illustrant les relations de force entre les deux pays et leurs alliés.

Cette interaction entre les échelles est ce que Yves Lacoste appelle le diatope, qui permet de présenter une situation géopolitique à travers différents niveaux d’analyse. Par exemple, le conflit israélo-palestinien peut être visualisé à une échelle très locale avec des événements spécifiques, puis à une échelle régionale en considérant les pays voisins, et enfin à l’échelle mondiale pour observer les répercussions globales. Ce "chaos des échelles" enrichit notre compréhension des dynamiques complexes et des enjeux sous-jacents.

L’éducation à la géographie

L’importance des cartes dans l’éducation ne saurait être sous-estimée. En France, l’histoire et la géographie sont enseignées ensemble dans le secondaire, mais la géographie est parfois perçue comme moins captivante que l’histoire. Cependant, elle est cruciale pour comprendre les conflits contemporains et les dynamiques de pouvoir. Récemment, la création de la spécialité Histoire Géographie Géopolitique et Science Politique (HGGSP) en Première et Terminale en lycée général a permis de réévaluer l’importance de la géographie dans le cursus éducatif et d’introduire la géopolitique. Il est donc nécessaire de continuer à dynamiser cet enseignement pour permettre aux élèves de développer une compréhension approfondie du monde dans lequel ils évoluent.


Encore plus

Tous les podcasts géopolitiques de l’émission Planisphère depuis septembre 2024, en un clic. Et avec en bonus une synthèse rédigée, c’est possible ? Oui, ici.


Ressources recommandées

Pour approfondir nos connaissances en cartographie et en géopolitique, plusieurs ressources sont à explorer. Les cartes géopolitiques du Diploweb et celles du blog d’AB Pictoris offrent des cartes d’actualité et des thèmes variés à télécharger. La revue Hérodote, aux éditions La Découverte, est incontournable pour ceux qui s’intéressent à la géopolitique, car elle fournit des analyses approfondies et des études de cas pertinentes. La revue Carto, publiée par Areion Group, se distingue par son format agréable, alliant carte et commentaire, rendant les informations à la fois accessibles et intéressantes.

Blanche Lambert vient de publier par ailleurs, « Se former à la cartographie avec Inkscape », éd. D-Booker. Accessible et pratique, ce livre est l’outil indispensable pour tous ceux qui souhaitent découvrir ou approfondir l’art de la cartographie tout en exploitant les capacités du logiciel libre Inkscape.

Blanche Lambert recommande également le blog numérique Cartographie numérique, qui propose des analyses et des réflexions contemporaines sur la cartographie. Les Atlas des éditions Autrement sont à conseiller, avec des sujets bien pensés et des cartes toujours esthétiques et informatives. Enfin, un atlas en particulier mérite d’être mentionné : l’”Atlas géopolitique de la Russie », dirigé par Delphine Papin aux Éditions des Arènes. Cet ouvrage est extrêmement bien conçu et utile pour mieux comprendre un pays majeur, mais souvent méconnu. Ces ressources permettent d’approfondir notre compréhension de la complexité du monde moderne à travers la cartographie, rendant ainsi le sujet encore plus captivant et essentiel à explorer.

Copyright pour la synthèse Décembre 2024-Bourgoin/Diploweb.com


Plus

. Blanche Lambert, Se former à la cartographie avec Inkscape, D-Booker

Accessible et pratique, ce livre est l’outil indispensable pour tous ceux qui souhaitent découvrir ou approfondir l’art de la cartographie tout en exploitant les capacités du logiciel libre Inkscape.

Organisé en cinq parties, il commence par une présentation des fonctionnalités d’Inkscape utiles aux cartographes, puis explique comment importer et enrichir des fonds de carte depuis les plateformes Graticule et D-Maps. Il explore ensuite la création de cartes thématiques personnalisées avec Khartis et Inkscape à partir notamment de données CSV, puis montre comment améliorer la qualité des cartes produites avec QGIS. Enfin, une dernière section introduit quelques fonctions complémentaires plus poussées d’Inkscape, qui vous aideront à améliorer le rendu de vos cartes.

La force de cet ouvrage réside dans son double objectif. D’une part, il vise à transmettre des bases solides pour maîtriser Inkscape en tant qu’outil de création cartographique, d’autre part, il offre une réflexion plus large sur la cartographie elle-même, en tant que produit d’un processus de sélection, de hiérarchisation et de représentation des données : en cartographie, rien n’est laissé au hasard !

Chaque partie est accompagnée d’ateliers pratiques, permettant de mettre en application les compétences acquises et de réaliser pas à pas des cartes de qualité professionnelle.

Pourquoi utiliser Inkscape pour la cartographie ?
Inkscape est un logiciel de dessin assisté par ordinateur (DAO). Ce n’est pas un logiciel de cartographie à part entière, mais il est très utile pour réaliser des cartes ou pour en améliorer le rendu.

Grâce à son aspect vectoriel, il offre une grande flexibilité en termes de personnalisation des éléments cartographiques. Vous pouvez créer et modifier des formes, ajouter des annotations, ajuster les couleurs, les lignes et les symboles avec un contrôle total sur le rendu final. Cela permet de créer des cartes très détaillées et adaptées à des besoins spécifiques, mais aussi de développer votre patte de cartographe !

L’ajout de l’extension Carto vous permet également de disposer d’outils spécifiques à la cartographie (symboles, motifs, couleurs).

Que l’on soit grand débutant en cartographie ou que l’on travaille déjà avec des logiciels de SIG tels que QGIS ou ArcGIS Pro, Inkscape est un allié précieux pour sublimer ses cartes et travailler sur les aspects suivants : lisibilité, précision et esthétisme. Grâce à ses nombreuses fonctionnalités, il est une excellente alternative au célèbre Adobe Illustrator, qui, malgré ses qualités indéniables, n’est pas financièrement à la portée de tous.

Importer des fonds de carte
Bien sûr, libre à vous de redessiner entièrement vos cartes, mais pour obtenir un résultat plus rigoureux, il est préférable de partir de fonds de carte existants. Il existe d’excellentes sources de fonds de carte librement téléchargeables comme les plateformes Graticule (de l’Atelier de cartographie de Sciences Po Paris) ou D-Maps.com (crée par Daniel Dalet, webmaster du site académique d’Aix-Marseille). ABPictoris, l’agence cartographique de l’auteure de ce livre, propose également une cartothèque depuis l’été 2024, où vous trouverez des fonds de carte vierges très simples à utiliser sur Inkscape.

➤ Le livre explique comment créer vos fonds de carte sur chacune de ces plateformes, les importer au format SVG dans Inkscape puis réaliser la carte souhaitée avec Inkscape.

Créer des cartes thématiques à partir de données
À la différence d’un logiciel SIG, vous ne pouvez pas créer directement vos cartes à partir de données sur Inkscape. Pour cela vous devez passer d’abord par un outil qui le permet, comme par exemple la plateforme en ligne Khartis, également développée par l’Atelier de cartographie de Sciences Po Paris.

Khartis est facile à utiliser, même si vous êtes un grand débutant en cartographie : grâce à son interface intuitive et à la description très détaillée des différentes fonctionnalités, vous vous en sortirez comme des professionnels ! Khartis est également un très bon point d’accès avant de prendre en main des logiciels SIG, car elle introduit certains formats de jeux de données (CSV, GeoJSON ou Shapefile dans le cas d’un import de fond de carte) et instaure déjà une certaine logique dans l’utilisation de ces derniers.

➤ Le livre explique comment créer des cartes thématiques avec Khartis, les importer et les finaliser dans Inkscape.

Combiner Inkscape et QGIS
Afin de réaliser des cartes plus précises et plus scientifiques, les cartographes ont recours à des logiciels dits de Systèmes d’information géographique (SIG), qui permettent de projeter des données dans différents formats (matriciel, vectoriel, bases de données). Ces logiciels peuvent traiter de grandes quantités d’informations et possèdent une interface qui permet d’exporter directement les cartes en format image, mais aussi en PDF et en SVG. Même si tous les logiciels SIG ne sont pas égaux quant aux rendus qu’ils permettent de générer, il est tout de même préférable, si l’on peut, de les combiner avec du DAO, afin de disposer d’une plus grande marge de manœuvre quant au graphisme de la carte.

QGIS est un excellent logiciel SIG libre, très connu des cartographes-géomaticiens, qui permet de réaliser des cartes très riches et intéressantes, mais dont le rendu et le graphisme laissent parfois à désirer. Pour améliorer cela, les réglages à faire sont souvent peu intuitifs, pas vraiment simples d’utilisation, contrairement à un logiciel DAO comme Inkscape.

Ainsi, il est plus simple d’améliorer l’esthétique de la carte avec Inkscape : outre le fait d’avoir plus de liberté au niveau des styles de tracés, des remplissages ou encore des filtres, il permet d’ajouter beaucoup plus facilement des icônes ou des pictogrammes sur les cartes, de mieux gérer les étiquettes et d’améliorer le rendu de la légende.

➤ Le livre vous explique comment améliorer le rendu de vos cartes QGIS avec Inkscape pour obtenir un résultat plus esthétique et professionnel.


Présentation du concept de l’émission Planisphère par Pierre Verluise

Planisphère est une émission de géopolitique proposée par Radio Notre Dame et RCF. Planisphère est animée par Hugo Billard jusqu’au 31 août 2024 ; par Pierre Verluise (Diploweb.com) depuis le 3 septembre 2024. Chaque semaine des historiens, des géographes, des géopoliticiens, des diplomates, des stratèges et des acteurs des relations internationales prennent le temps de mettre en perspective les soubresauts du monde. Planisphère cherche à comprendre l’actualité mondiale dans l’espace et dans le temps, en privilégiant la clarification des jeux des acteurs comme des résultats sur les territoires. Pierre Verluise cherche à mettre à jour l’interaction des échelles et les dynamiques de la puissance, définie comme une capacité de faire, de faire faire, de refuser de faire ou d’empêcher de faire.
Cette émission est disponible en podcast sur les sites et les applications de ces deux radios, comme sur le Diploweb.com qui offre en bonus une synthèse rédigée, validée dans la mesure du possible par l’intervenant.


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