Comment considérer le stratègiste anglais Liddell Hart (1895 – 1970) plus de quarante ans après sa mort ? Quoi qu’il en soit de son immense vanité, de son chauvinisme peu dissimulé et de son obstination à défendre jusqu’au bout ses erreurs les plus manifestes, il n’en reste pas moins un auteur important. Par le nombre et la variété des sujets qu’elle aborde, son œuvre demeure une incitation permanente à repenser la stratégie. Ses livres sont stimulants, pénétrants et agréables à lire.
Avec ce texte de référence d’Olivier Zajec, le Diploweb.com poursuit sa présentation des grands stratèges et stratégistes afin de contribuer à une meilleure connaissance des auteurs classiques. Une connaissance nécessaire pour faire la différence et penser le monde d’aujourd’hui, voire de demain.
« What is the object of history ? I would answer, quite simply—“truth“ » [1] B.H. Lidell Hart
EN SEPTEMBRE 1960, dans la Saturday Review of Literature, John F. Kennedy, sénateur américain promis à un brillant avenir, rend compte de Deterrent or Defense, le dernier opus du stratégiste britannique Basil Liddell Hart. En exergue de cette recension intéressée [2], un jugement flatteur : « Aucun expert des affaires militaires n’a autant gagné le droit à une attention respectueuse que B. H. Liddell Hart ». Kennedy ne fait alors qu’exprimer l’opinion générale, car Sir Basil Henry Liddell Hart (1895–1970) est effectivement à cette date le stratégiste sinon le plus respecté, du moins le plus célèbre en Grande-Bretagne et aux États-Unis, et sa réputation dépasse largement la sphère anglo-saxonne. Lorsqu’il meurt le 29 janvier 1970, les hommages sont universels. Ronald Lewin les résume en 1971 en affirmant que « dans la chaîne himalayenne des grands penseurs de la guerre, il est le dernier et indubitablement un des sommets prééminents » [3]. Cette opinion, que semble conforter une grande biographie de Brian Bond parue en 1977 [4], est dominante jusqu’à la fin des années 1980. Depuis cette date, en revanche, Liddell Hart subit une critique d’une extrême intensité, portant sur sa méthode, ses sources, et sa propension à distordre l’histoire pour servir tant ses théories grand-stratégiques que sa réputation personnelle. La biographie incisive que lui a consacrée John J. Mearsheimer en 1988 a fragilisé une partie de son œuvre [5], et malgré quelques tentatives de défense de son legs, il est aujourd’hui considéré de manière très contrastée. En revenant sur la manière dont Liddell Hart a choisi de « construire » sa carrière de stratégiste, il est possible de comprendre qu’en termes de postérité critique, un tel dénouement était relativement inévitable.
Fils d’un pasteur méthodiste anglais, H. Bramley Hart, et de Clara Liddell, Basil Henry Liddell Hart naît en 1895 à Paris, où il passera son enfance. En 1913, il entre à Cambridge, où il étudie l’histoire moderne. Il a 19 ans lorsqu’éclate la Première Guerre mondiale. Volontaire, affecté au King’s Own Yorkshire Light Infantry, il sert à Ypres, avant d’être gravement blessé et gazé comme commandant de compagnie durant l’offensive de la Somme en juillet 1916 [6]. Ce traumatisme sera à la racine de sa future vocation d’historien militaire et de stratégiste. Le général français André Beaufre, qui fera sa rencontre en 1935, jugera bien des années après que « (…) sa hantise, pendant et après cette guerre, est qu’il doit y avoir une solution différente de celle que l’on vient d’appliquer, celle d’une guerre menée à son paroxysme par un effort total et qui cependant, malgré le gaspillage d’hommes et de matériel, n’a pu atteindre une véritable décision militaire, tandis que les belligérants s’usaient par l’intérieur, physiquement et moralement » [7]. Durant sa convalescence, Liddell Hart écrit un petit manuel sur la tactique de la section d’infanterie, publié en 1918 [8]. Sa réputation naissante de spécialiste de la théorie tactique lui donne quelque crédit auprès de l’état-major. En 1921, à la demande du général Ivor Maxse, il intègre le groupe chargé de réécrire le manuel d’entraînement de l’infanterie britannique, l’Infantry Training Manual [9]. Liddell Hart n’est pas seul dans cette tâche, où il assiste le général de brigade Winston Dugan [10]. Par la suite, écarté des forces à partir de 1924 pour raisons médicales, il devient journaliste au Daily Telegraph [11]. Spécialiste de mode et de sport, ses ambitions principales le ramènent cependant invinciblement vers la stratégie, le poussant à établir assez vite une correspondance directe avec des figures de ce domaine, que ce soit des personnalités atypiques comme T.E. Lawrence, le général Fuller, prophète de l’arme blindée, ou des officiers au profil plus classique, promis à un brillant avenir, tel le futur général Gort [12]. Simultanément, il entame une collaboration régulière avec le Royal United Service Institution Journal, l’Army, Navy and Air Force Gazette, Army Quaterly, Fighting Forces, Royal Air Force Quarterly, et d’autres revues influentes de doctrine et de politique militaire [13]. Entre 1925 et 1930, ses ouvrages, très remarqués, établissent définitivement sa flatteuse réputation de visionnaire stratégique. Pâris, or the Future of war, publié en 1925, est une réflexion sur les armements nouveaux issus de la guerre [14]. The Decisive Wars of History, qui paraît quatre ans après, voit Liddell Hart mettre au point sa « grande théorie », celle de « l’approche indirecte » [15]. Étudiant 30 guerres et 280 campagnes, il conclut à la supériorité de cette approche [16] valable du niveau tactique au niveau stratégique, qu’il définit comme une option « (…) qui assure l’attaquant de le mener sur un adversaire surpris et non préparé à lui faire face ». En 1932, The British Way in Warfare complète cette théorie en identifiant l’Indirect approach à une culture stratégique propre à l’Angleterre [17]. S’abstenir de mener des guerres coûteuses et longues via une implication terrestre massive et durable sur le continent, pour préférer une stratégie indirecte par le biais de la puissance navale intervenant en soutien d’alliés continentaux : voilà ce que Londres, selon Liddell Hart, ne doit jamais oublier et toujours pratiquer, pour ne pas répéter la folie de la Première Guerre mondiale, avec le cauchemar de la Somme et les 564 000 morts britannique du front occidental. Poursuivant sur cette lancée, il s’emploie à détruire la réputation de ceux qu’il estime responsables des errements sanglants de l’« approche directe » continentale, en laquelle il voit l’anti-stratégie par excellence. Sur le plan philosophique, le coupable est selon lui le stratège prussien Carl von Clausewitz [18], dont il fait dans The Ghost of Napoleon (1933) un adepte de l’offensive de masse, « génie du mal de la pensée militaire », « apôtre de la guerre totale », « Mahdi des masses » et auteur d’une doctrine qu’il juge « davantage faite pour les caporaux que pour les généraux [19] ». Pour Liddell Hart, la pensée de l’auteur de Vom Kriege a inspiré les chefs ineptes des armées alliées et leur dilection aveugle pour l’approche directe visant la destruction et la « bataille décisive ». D’où les coupables opérationnels qu’il désigne, au premier rang desquels les maréchaux Ferdinand Foch et Douglas Haig [20]. Il s’emploie à étudier – et souvent à mettre en pièce - le bilan de nombreux chefs militaires de la Première Guerre mondiale dans Reputations [21], ouvrage publié en 1928, qu’il approfondira en 1938 dans Reputations - ten years after [22]. Il consacre d’ailleurs à Foch une biographie à charge en 1931 [23]. A l’opposé, il encense avec fougue la vie et les exploits de T.E. Lawrence, modèle d’approche indirecte selon lui [24]. Très peu sont ceux qui, tels le professeur d’Oxford Spencer Wilkinson, osent alors croiser publiquement le fer avec lui sur ses sujets de prédilection [25].
Éditorialiste militaire du Times à partir de 1934, conférencier extrêmement sollicité, distribuant bons et mauvais points en matière de stratégie, Liddell Hart obtient peu à peu une influence nationale et internationale sans équivalent. Le colonel House, ancien conseiller du président Wilson, le voit comme « le meilleur critique militaire du monde » [26]. Certains le surnomment dès cette époque – et assez paradoxalement - le « Clausewitz du XXe siècle ». Sa défense de la mécanisation nécessaire des forces armées est remarquée. On mesure son aura à l’examen de sa correspondance des années 1930 avec les journalistes et chercheurs britanniques, américains et européens. Dans ces pages, Liddell Hart démontre un art consommé de bâtir un réseau efficace afin de relayer ses théories [27], selon un système où les articles des revues militaires répondent aux tribunes ou aux interviews dans les journaux nationaux, le tout étant conforté par sa fréquentation directe des praticiens de l’art militaire de son temps, qu’il implique dans la relecture des articles les plus importants, afin de prévenir toute critique majeure. Entre 1925 et 1939, il écrit 1250 articles et publie 18 livres [28]. Il n’est pourtant pas le seul à défendre et illustrer la mécanisation ou le rôle de la mobilité blindée : dans les années 1920-1940, le général John Frederick Charles Fuller peut à bon droit prétendre au premier rôle intellectuel et théorique en la matière. Sa Tactique de la rupture paraît en 1914, et son Tanks in the Great War en 1920 [29], alors que Liddell Hart n’a pas théorisé grand-chose [30]. Mais Fuller, avec qui Liddell Hart entretiendra des relations cordiales [31], ne cherche pas à « se vendre » de manière aussi fébrile que son correspondant, et laisse le champ libre au journaliste [32].
L’opinion publique et certains décideurs en arrivent à confondre l’omniprésence liddell-hartienne avec une omniscience naturelle : il devient le conseiller des plus éminents hommes politiques britanniques. Deux d’entre eux seront sous son influence directe : Duff Cooper [33] (secrétaire à la Guerre de 1935 à 1937, premier Lord de l’Amirauté de 1937 à 1938) et, à un degré bien plus important, le secrétaire à la Guerre Leslie Hore-Belisha (1937-38), ce qui permet au capitaine Liddell Hart d’avoir une part indirecte à la formulation de la politique militaire britannique de la fin des années 30 [34]. Fidèle à ses conceptions historiques et stratégiques, le jeune stratégiste va s’opposer violemment au déploiement d’une force expéditionnaire britannique conséquente sur le continent, suivant la thèse de la « Limited Liability ». Il est persuadé – et cherche à persuader ses lecteurs – que les forces allemandes et françaises s’équilibrent, et qu’aucune des deux ne peut l’emporter sur l’autre [35]. Il suffit donc à Londres de revenir à un isolement calculé, en se contentant de fourbir les armes du blocus et de la guerre économique. Ces opinions et les options qu’elles induisent, rendues publiques dans des ouvrages comme Europe in arms [36] (1937) ou Through the fog of war [37] (1938), suscitent les réactions indignées de certains militaires français, mais leurs avertissements résonnent dans le vide [38]. Selon le plus célèbre capitaine d’Angleterre, « Defense will win the war » [39]. Les conceptions stratégiques de Liddell Hart correspondent parfaitement à l’irresponsable politique d’appeasement conduite par Neville Chamberlain, lequel lit Europe in arms juste avant de se décider pour la « limited liability » en décembre 1937. Le stratégiste restera associé à cette politique dans l’esprit du public, alors même qu’il tente précipitamment de modifier sa ligne d’analyse après Munich. La chute de la France porte un coup fatal à sa réputation, situation qu’il aggrave en se faisant l’avocat d’une paix séparée avec Hitler. Le Times lui demande de moins en moins d’articles à partir de la fin 1938. Churchill, qui lui avait marqué quelque intérêt, ne souhaite plus le rencontrer à partir de 1939. Son ouvrage Dynamic defence, publié en 1940, est négligé [40]. Il tente de retrouver du crédit en republiant The decisive wars of history sous un nouveau titre, The strategy of indirect approach (1941) [41]. Mais l’opinion lui bat froid. Pour ajouter à son trouble, son mariage connaît une crise, et il divorce en 1938. Accablé, soumis à d’intenses pressions, déçu et amer, il s’épuise à tenter de retrouver une autorité de critique stratégique qui lui est à présent largement déniée. Intellectuellement, la Seconde Guerre mondiale se joue sans lui. Il souhaiterait continuer à écrire dans un journal d’envergure nationale, mais la fatigue l’emporte. Il est victime d’une attaque cardiaque en 1939, et s’effondre peu à peu nerveusement. Il mettra deux années à se remettre de cette crise.
A 44 ans, Liddell Hart semble à première vue condamné à ne plus jamais retrouver l’influence dont il avait pu jouir dans l’entre-deux guerres. Mais c’est bien mal connaître l’énergie du personnage.
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les conceptions qu’a toujours défendues Liddell Hart ont peu d’influence sur les décideurs politiques et les états-majors. Les traités de Dunkerque (1947), de Bruxelles (1948) puis les accords de Paris (1954) débouchent sur le maintien de quatre divisions et d’une force aérienne tactique britanniques en Europe. Comme le fait remarquer Ian Speller, « (…) ce fut la première fois en 250 ans que les Britanniques consentirent à maintenir une force militaire d’importance en Europe durant le temps de paix » [42]. Conséquence de cette implication dans l’effort général de défense collective de l’OTAN en Centre-Europe, la Royal Navy se recentre quant à elle sur la défense de l’Atlantique et de la mer du Nord, tout en conservant quelques moyens limités pour la résolution de crises lointaines. L’échec stratégique de Suez en 1956 renforce cette option, avec le résultat que le capital de savoir-faire et d’équipement amphibie britannique, immense en 1944, est peu à peu négligé. Ce « continentalisme » est bien entendu à l’opposé des conceptions d’approche indirecte et de limited liability de Liddell Hart.
Ce dernier continue à écrire. Mais ce n’est qu’à partir des années 60 qu’il va réussir à revenir en grâce. Un « retour » qu’il prépare dès l’immédiat après-guerre. L’objectif : rebâtir la légende de sa clairvoyance stratégique. Le moyen : l’application d’une approche indirecte dans le domaine de la postérité critique. L’outil : puisque l’establishment militaire britannique persiste à l’ignorer à quelques exceptions près, il décide de publier un ouvrage où il fera parler les plus célèbres tacticiens et stratèges allemands, qu’ils soient encore vivants (comme Guderian), ou disparus (comme Rommel), en leur faisant dire, ou en inférant de leurs écrits, qu’ils ont « appris » le Blitzkrieg…dans ses propres livres. En 1948, dans la préface de l’ouvrage concerné, qu’il baptise The other side of the hill [43], Liddell Hart va très bien mettre en scène la nouveauté de son projet : « À la fin de la guerre, j’eus la chance de pouvoir, l’un des premiers, explorer « l’autre côté de la colline » au cours d’interrogatoires de prisonniers de guerre. Je fus amené à me trouver en relations suivies avec des généraux allemands. Dans mes nombreux entretiens avec eux, je parvins à recueillir leurs témoignages sur les événements de la guerre avant que leurs souvenirs s’estompent ou se déforment » [44]. La thèse qu’il tire de ces entretiens est simple : les chefs militaires les plus doués de l’histoire, ceux d’une Wehrmacht certes vaincue, mais qui a impressionné ses adversaires occidentaux – et que chacun s’attache encore majoritairement à distinguer des soldats politiques du régime nazi - ont été les « élèves » d’un simple capitaine anglais. En proposant à ses compatriotes se participer à la légende du Blitzkrieg par son intermédiaire, Liddell Hart sollicite très habilement la fierté nationale [45]. Du côté allemand, les généraux concernés saisissent l’occasion de souligner, via Liddell Hart, leur proximité stratégique et technicienne avec le vainqueur, ce qui leur permet d’évacuer quelque peu les aspects politiques de leur parcours pour concentrer l’attention sur leur maîtrise de la « magie opérative ». The other side of the Hill, traduit intégralement en français dès 1949, est un immense succès de librairie. Il permet à Liddell Hart de se présenter non seulement comme l’inspirateur des Allemands, mais aussi d’écarter l’influence d’autres théoriciens. Entre autres entretiens, celui qu’il conduit avec le général von Thoma [46] va dans le sens d’une inspiration britannique exclusive du Blitzkrieg : « Les officiers de chars allemands, répond l’officier allemand à son interrogateur, étudiaient de près les doctrines britanniques, surtout les vôtres et celles du général Fuller, sur la guerre des blindés » [47]. Liddell Hart relance son interlocuteur : von Thoma est-il certain que les doctrines relatives aux chars allemands n’avaient pas subi l’influence du livre « bien connu » du général de Gaulle ? « Non, répond le général allemand, qui joue à merveille son rôle, nous n’y prêtâmes pas grande attention, car nous le trouvions plutôt extravagant. Il ne donnait guère de conseils tactiques et planait dans les nuages. D’ailleurs, il fut de beaucoup postérieur aux démonstrations britanniques » [48]. De fait, Vers l’Armée de métier n’est paru qu’en mai 1934 [49]. Mais qu’en est-il de l’action pionnière du général Estienne [50], de l’influence d’autres théoriciens anglais comme Swinton [51], ou des apprentissages croisés issus des manœuvres conjointes de la Reichswehr et de l’Armée rouge dans les années 20 [52] ? Comme le remarquera bien plus tard Robert O’Neill, il y avait « un élément de gratification mutuelle dans cette relation d’après-guerre entre Liddell Hart et les Allemands. Eux comme lui avaient perdu leur statut, et chacun comprenait que l’autre pouvait être un important élément de sa propre réhabilitation » [53]. La manœuvre n’aboutit à un retour complet au premier plan de l’auteur qu’au début des années 60. Durant cette période de remontée en puissance, Liddell Hart publie divers ouvrages, où il martèle l’antériorité de ses idées sur les opérations blindées dans la profondeur, tout en effaçant au mieux l’influence des autres acteurs de cette prise de conscience tactique et opérative, à l’exception de Fuller. Tous les spécialistes de l’époque savent en effet que la pensée de ce dernier a été la première et la plus importante dans ce domaine, en Angleterre, mais aussi en Allemagne et en URSS [54] ; Liddell Hart ne peut le nier : il se contente de l’esquiver quand il le peut, avec plus ou moins d’élégance. Fuller n’en a cure : il poursuit sa carrière d’historien non conformiste et publie nombre de livres, sans chercher à contredire la soif de reconnaissance de son ami. Liddell Hart réédite en 1953 le « coup » de The other side of the hill, en faisant publier les carnets posthumes du maréchal Rommel, dont il assure l’édition critique et l’avant-propos, le tout reprenant le thème habituel de sa prescience stratégique [55].
Il mène aussi à bien une intéressante analyse des conséquences stratégiques de l’arme atomique. Dans Deterrent or Defense, publié en 1960, il reprend la thèse de la stratégie indirecte, qu’il estime plus urgente que jamais : selon lui, l’équilibre de la terreur en Europe rend improbable la survenue d’un conflit nucléaire généralisé sur le Vieux continent, mais il a pour conséquence l’ouverture de fronts périphériques, sous la forme de guerres lointaines et limitées. La dissuasion ne remplace donc pas la défense. Pour Liddell Hart, qui transpose en partie son idée-force d’avant-guerre, la puissance couplée du Sea Power et de son « compagnon » amphibie permettra de traiter au moindre coût ces conflits outre-mer. La thèse remporte un certain succès, et trouve un écho aux États-Unis dans les travaux des théoriciens de la « guerre limitée » comme Robert Osgood ou Maxwell Taylor. La traversée du désert est cette fois terminée, et les controverses sur la limited liability oubliées. Liddell Hart est une gloire nationale. Ses mémoires paraissent en 1965 [56]. La Reine l’anoblit en 1966. Les traductions étrangères de ses livres se multiplient [57]. En 1967 est publiée une nouvelle fois une version révisée de ses Decisive Wars of History de 1929, sous le titre Strategy, the Indirect Approach [58]. Les visiteurs les plus prestigieux font le pèlerinage de Medmenham pour s’entretenir avec le maître, lequel n’oublie pas l’entretien de sa réputation à l’étranger. En 1963, il préface l’Introduction à la stratégie du général français André Beaufre, dans laquelle cet impénitent publiciste de soi-même précise avec modestie que « [le général Beaufre] devint (…) Chef de la 2ème division d’infanterie mécanisée avec laquelle il a réalisé avec succès la nouvelle organisation pentagonale – basée sur la subdivision en cinq unités – que j’avais longtemps recommandée et que l’Armée française fut la première à adopter à titre d’expérience » [59].
L’influence retrouvée et renouvelée de Liddell Hart peut se lire dans la stratégie maritime britannique des années 1960. Selon Ian Speller, auteur en 2008 d’une étude sur les liens entre les conceptions de Liddell Hart et la politique de défense britannique de 1945 à nos jours, « Si l’on croit à un « style britannique », cela suggère une insistance sur les capacités maritimes, tandis que selon la conception concurrente, qui plaide pour l’implication efficace dans un engagement majeur en Europe, alors l’Armée de terre appuyée par l’aviation tactique mérite une part prépondérante [des ressources] » [60]. En novembre 1960, dans « The value of amphibious flexibility », toujours fidèle à son « approche indirecte », Liddell Hart souligne à nouveau la validité universelle du « style britannique ». L’effet recherché est, comme souvent chez lui, à la fois très anglo-centré et validé par une analyse historique sélective [61]. En cas d’offensive soviétique à l’ouest, il s’agit d’entretenir l’ennemi dans l’incertitude du prochain coup, le forcer à disperser ses forces pour surveiller une très grande étendue de côtes et d’approches maritimes, et ainsi permettre aux alliés continentaux de Londres de bénéficier d’un rapport de force plus favorable. Sur le plan des moyens, il se fait l’avocat d’une force navale amphibie dotée d’hélicoptères, autonome en mer, libre d’une dépendance quelconque envers des ports d’escale, en présentant ce dispositif comme le meilleur des « extincteurs » contre les crises mondiales. Dans le même mouvement, il propose explicitement aux responsables militaires britanniques de s’inspirer de ce que les Américains ont réussi à obtenir avec le Marine Corps. L’intérêt renouvelé de la Royal Navy des années 60 pour l’amphibie serait donc lié à la redécouverte de Liddell Hart, réinstallé depuis peu dans le paysage stratégique. Si l’on suit Speller, les termes du Defense White Paper de 1962 reflèteraient cet infléchissement : « Nous devons, indique ce document, prévenir les pertes d’installations fixes outre-mer en conservant des effectifs et des moyens conséquents en haute mer, et en accroissant la capacité de projection navale et aérienne de la Réserve stratégique » [62]. Des années 60 à la fin des années 80, l’influence de Liddell Hart est également repérable aux États-Unis. Certains de ses élèves directs, comme Jay Luvaas, spécialiste de la guerre de Sécession, ont longtemps enseigné dans les académies militaires américaines, où ils ont diffusé la légende du maître. Malgré la domination de la « Clausewitzology » impulsée à partir de 1976 par la traduction en anglais de Vom Kriege [63], les écrits de Liddell Hart demeurent l’une des lectures obligatoires récurrentes pour les officiers américains. En 1986, le lieutenant-colonel Richard M. Swain, de l’US Army, propose un mémoire de fin d’étude du Command and General Staff College de Fort Leavenworth, qu’il intitule significativement B.H. Liddell Hart, théoricien pour le XXIe siècle. Le stratégiste britannique y est présenté, sur la base de ses travaux théoriques de 1922 à 1933, comme une source majeure pour penser le « niveau opératif » et la « Guerre de manœuvre » (Manoeuvre warfare). Le ton est positif et admiratif, bien que l’auteur émette quelques réserves sur la lecture « superficielle » que fait Liddell Hart de Clausewitz [64].
Malgré l’aura dont jouit Liddell Hart dans les années 70-80, le parti-pris de ses livres, ainsi que la méthode parfois discutable de son argumentation historique, vont commencer à faire l’objet de remises en question partielles, y compris parmi ses disciples proches, même si ces derniers restent respectueux. Ainsi, le 19 mai 1988, Robert O’Neill, professeur d’histoire militaire à l’Université d’Oxford, prononce-t-il une conférence d’hommage au maître à l’occasion des 35 ans du Liddell Hart Centre for Military Archives [65]. O’Neill souligne avec chaleur la grandeur du legs intellectuel de Liddell Hart, et le nombre impressionnant des chercheurs contemporains qui lui doivent leur intérêt pour l’histoire militaire, parmi lequels il cite Ronald Lewin, Michael Howard, Michael Carver, Shan Hackett, Corelli Barnett, Barrie Pitt, Jay Luvaas, Brian Bond ou Paul Kennedy. Cette apologie, empreinte d’anecdotes personnelles évoquant le grand sens pédagogique et la disponibilité de Liddell Hart pour les jeunes chercheurs, n’empêche pas l’orateur de critiquer Stratégie : l’approche indirecte ; pour lui, « ce livre était un tract pour son temps, et non une approche objective de la stratégie en général » [66]. En l’écrivant, regrette O’Neill, Basil Liddell Hart « est tombé dans le piège qui peut s’ouvrir sous les pas des plus brillants : la tentation de tirer de grandes conclusions d’un survol universel de la guerre en un volume » [67]. Cherchant à expliquer et à relativiser le systématisme et la sélectivité des relectures historiques de Liddell Hart, Robert O’Neill avance que ce dernier, toujours poussé par sa détestation de la stratégie alliée sur le front ouest de 1914 à 1918, cherchait à détourner son lectorat des prestiges de l’approche directe, en cherchant un antidote, « un anti-Haig comme Marx pensaient que ses lecteurs avaient besoin d’un anti-Dühring » [68]. Cette communication en forme d’hommage critique montre que, dès avant les années 90, la place de Liddell Hart dans l’histoire stratégique, quoique solidement établie voire révérée, fait l’objet de quelques remises en cause – surtout méthodologiques [69].
Cette ambivalence cesse brutalement en 1988 avec le coup de tonnerre dévastateur qui éclate dans le ciel stratégique, lorsqu’un jeune professeur américain, John J. Mearsheimer, fait paraître son Liddell Hart and the Weight of History. L’ouvrage, provocateur et documenté, questionne frontalement et brutalement la thèse de la prescience et de la supériorité des conceptions du maître britannique [70]. Contre-attaqué par les élèves et les admirateurs de Liddell Hart [71], le livre de Mearsheimer apparaît pourtant solide dans l’ensemble. Le professeur américain, en sus de faire la liste des sources et des auteurs « retraités » par Liddell Hart tout au long de sa carrière, attire l’attention sur le fait que Les généraux allemands parlent révèle une distorsion majeure des sources. La comparaison entre les éditions de 1948 et de 1951 montre que la figure de Guderian, mineure dans l’ouvrage de 1948, se voit consacrée un chapitre entier trois ans plus tard [72], qui lui donne un rôle beaucoup plus central. Il se trouve par coïncidence que dans le même temps, Guderian rédige ses mémoires, préfacées par Liddell Hart lui-même, dans lesquelles le général allemand du Blitzkrieg reconnaît sa dette envers le stratégiste britannique, dont il se dit « l’élève » [73]. Détail gênant : contrairement à la version anglaise, la version allemande de ces mémoires, supervisée par Guderian, ne contient pas la mention explicite de cette filiation, comme l’a relevé un des biographes de Schneller Heinz, Kenneth Macksey [74]. Pour Mearsheimer, qui se montre convaincant, Liddell Hart est le véritable auteur de cette remarque sur « l’élève et le maître ». Il n’y a donc pas seulement distorsion, mais également invention, donc fraude, ce qui entame très sérieusement la réputation d’historien du Britannique, piégé par son insurmontable propension à souligner du trait le plus épais possible sa contribution à l’histoire de la pensée stratégique. Impitoyable, le professeur américain constate également la tentative de Liddell Hart visant à suggérer dans ses mémoires de 1965 qu’il avait pris la mesure du danger allemand en 1938. Mearsheimer note que sur ce point, la confrontation avec les archives révèle une nouvelle fois une tentative de reconstruction a posteriori [75]. Néanmoins, et malgré tout l’intérêt de cette étude documentée qui marque une rupture évidente pour la postérité critique de Liddell Hart, il faut remarquer que la forme d’esprit de John Mearsheimer n’est pas extrêmement éloignée de celle de sa victime : l’Américain, chantre du « réalisme offensif » dans la théorie des relations internationales [76], goûte les formules tranchées et polémiques. Certains critiques, peu suspects d’une quelconque complaisance pour Liddell Hart, souligneront les faiblesses de certaines des remises en question de the Weight of History [77].
La considérable brèche ouverte par Mearsheimer en 1988 n’en sera pas moins élargie par d’autres auteurs. Hervé Coutau-Bégarie a durement critiqué la « stratégie indirecte » telle que la systématise Liddell Hart, en s’étonnant de la définition extrêmement peu structurée que le Britannique en donne : « À ce compte-là, observe l’auteur du « Traité de Stratégie », tout plan comportant ne serait-ce qu’un embryon de manœuvre relève de la stratégie indirecte. On ne peut accepter une distinction aussi grossière, fondée, au surplus, sur une interprétation plutôt unilatérale de l’histoire. (…) le dogmatisme de l’auteur n’a d’égal que la fragilité des bases de sa démonstration » [78]. Dans un autre domaine, les travaux historiques de David French sur le renouveau de la doctrine militaire britannique dans l’entre-deux guerres pointent le fait que les idées nouvelles concernant l’arme blindée et la mécanisation ont pu être considérées avec suspicion par certains officiers, et leur application ralentie d’autant, en raison du manque de tact et de la brutalité des écrits et des critiques publiques des théoriciens « semi-officiels » de la mécanisation qu’étaient Liddell Hart ou Fuller [79]. Sur le plan de l’inspiration, Alex Danchev juge en 1999 que Liddell Hart a « pillé » non seulement Churchill, Corbett, Lawrence, Richmond et Sun Tzu [80], mais aussi tout un groupe de penseurs stratégiques français, comme Boucher, Camon et Colin [81]. En ce qui concerne la postérité doctrinale, William F. Owen critique avec dureté le dualisme de Liddell Hart concernant l’opposition entre manœuvre et attrition. Pour lui, l’autorité du Britannique, invoquée par les partisans américains de la Manoeuvre Warfare [Swain, 1986] repose sur des prémisses intellectuelles faussées [82]. Selon Owen, l’expérience traumatisante de Liddell Hart durant la Première Guerre mondiale l’a conduit à considérer à tort les grands généraux de ce conflit (et particulièrement les Français) comme des incapables et des bouchers, que le manque d’imagination et une culture stratégique supposée déficiente menèrent à accepter la logique statique et « directe » de la guerre de tranchée. Cette vision, popularisée avec complaisance dans le monde anglo-saxon [83], a largement contribué à une image négative de la pensée stratégique et militaire française jusqu’à nos jours. Le paradoxe est d’autant plus grand que, selon Owen, la plupart des intuitions de Liddell Hart dans les années 20 – en particulier sa vision du combat dans la profondeur comme « expanding torrent system of the attack » - proviendraient de sa lecture de Foch, dont il aurait réutilisé les principes et les leçons en les transformant. La traduction des Principes de la Guerre de Foch en anglais date de 1918. Trois ans après, Liddell Hart promeut sa théorie tactique de « L’homme dans le noir », dans laquelle Owen distingue une réinterprétation des cinq fonctions de Foch. Quoi qu’il en soit de ces éventuels emprunts, ils n’empêcheront pas le capitaine britannique d’attaquer avec violence le maréchal français dans la biographie à charge qu’il lui consacrera en 1929. La conclusion d’Owen est claire : les partisans de la Manœuvre Warfare, généralement critiques de Foch comme la lecture de Liddell Hart les y encourage, doivent en réalité beaucoup au Français : « (…) s’il est entièrement possible que les théoriciens modernes de la Manœuvre Warfare n’aient pas lu Foch, Liddell Hart l’a certainement fait » [84]. Les attaques de Liddell Hart contre son autre bête noire, Douglas Haig, ont également été critiquées par des études récentes [85], qui conviennent à la suite de Mearsheimer que si les généraux de cette guerre n’étaient pas forcément tous des génies stratégiques, ils étaient dans l’ensemble professionnels et, pour beaucoup, conscients des enjeux opérationnels, des paradoxes et des blocages engendrés par la situation sur le front de l’ouest.
Quant aux jugements du « sage de Medmenham » sur Clausewitz, qui ont lourdement pesé en ce qui concerne la mauvaise réputation du Prussien dans la sphère des études stratégiques anglo-saxonnes, l’opinion commune est aujourd’hui qu’ils relèvent d’une lecture pour le moins déficiente. Christopher Bassford, en se penchant sur The Ghost of Napoleon, Strategy : the Indirect Approach ou d’autres écrits de Liddell Hart, a montré que tenir Clausewitz responsable des errements de ceux qui l’auraient éventuellement mal lu relève de la simple malhonnêteté intellectuelle. On pourrait ajouter que sur le plan historique, c’est un non-sens [86]. Le fait est que Liddell Hart s’est assez tôt rendu compte de son erreur, puisqu’il cherche à de nombreuses reprises à corriger à la marge son jugement, afin de suggérer qu’il a bien pris en compte la complexité de Clausewitz. Mais il semblait psychologiquement inconcevable pour lui de reconnaître qu’il s’était trompé [87] : il ne se dédira jamais entièrement, et maintiendra son anathème anti-clausewitzien jusqu’à sa mort.
Conclusion : contextualiser Liddell Hart pour mieux le relire
Comment considérer Liddell Hart en 2018, plus de quarante ans après sa mort ? Quoi qu’il en soit de son immense vanité, de ses forgeries historiques, de son chauvinisme peu dissimulé [88] et de son obstination à défendre jusqu’au bout ses erreurs les plus manifestes, il n’en reste pas moins un auteur important. Par le nombre et la variété des sujets qu’elle aborde, son œuvre demeure une incitation permanente à repenser la stratégie. Ses livres sont stimulants, pénétrants et agréables à lire, ne serait-ce que parce qu’ils échappent au volapük des néo-stratégistes traducteurs systématiques des bullets points cursifs recopiés des powerpoints du Pentagone ou des manuels de l’OTAN. Sa réflexion des années 1960 sur le fait nucléaire, la stratégie navale ou la guerre limitée équilibre de manière relative ses errements autocentrés des années 1930. Le bilan peu convaincant de 14 années de contre-insurrection « attritionnelle » en Irak et en Afghanistan ranime aujourd’hui l’intérêt pour son approche indirecte : en 2011, sans rien occulter de ses zones d’ombre, Tony Corn s’est livré à une défense passionnée et vibrante de l’œuvre de Liddell Hart, émettant le vœu qu’il remplace au plus vite un Clausewitz « dépassé » dans les écoles de guerre américaines [89]. On regrettera que, pour mieux accuser le contraste avec Clausewitz, les thuriféraires du Britannique tendent parfois à dresser a posteriori de lui un portrait hagiographique peu ressemblant à sa personnalité réelle, bien plus contrastée.
Plus fondamentalement, Basil Liddell Hart représente un cas intéressant pour l’historien des idées du XXe siècle. Le « capitaine qui enseignait les généraux » symbolise avant tout les valeurs profondément pacifistes d’une partie de la génération des tranchées. Sur le plan philosophique, il est, littéralement, un anti-Jünger. L’un des grands connaisseurs de Liddell Hart, Alex Danchev [90], a bien résumé cet aspect du personnage : « En Liddell Hart, la sensibilité pacifiste n’était pas éradicable. Avec le temps, sa conviction se fit de plus en plus forte. Au milieu des années 30, il était convaincu que, loin d’être une délivrance, la guerre était une absurdité (et la guerre totale un non-sens), la victoire une apparence, et la bataille une excroissance [anormale] » [91].
Davantage que dans une passion incandescente de reconnaissance intellectuelle soutenue par un orgueil buté et le génie de la manipulation critique, la justification de cette œuvre fascinante trouve son origine dans la peur hideuse des gaz de l’été 1916, ressentie par un jeune volontaire britannique au milieu de l’enfer de la Somme, hanté par les cris des mourants. Ce qui suivit, les 60 ans de carrière du capitaine Liddell Hart, les combats politiques, la lutte fébrile pour contrôler le jugement de la postérité, ne furent qu’une série d’épilogues à cette « nuit » de Picardie, révélation pascalienne sur l’absurdité de la condition humaine, dont le fils du pasteur méthodiste resta à jamais marqué.
Copyright Septembre 2018-Zajec/Diploweb.com
Bibliographie
Sélection d’ouvrages de Basil Liddell Hart
Pâris, or the future of war, Londres, Kegan Paul and Co, 1925.
A greater than Napoleon - Scipio Africanus, Londres, W. Blackwood and Sons, 1926.
Reputations , London, John Murray, 1928.
Reputations - ten years after , London, Little, Brown and Co, 1938.
The decisive wars of history , London, G Bell and Sons, 1929) réédité sous le titre The strategy of indirect approach , London, Faber and Faber, 1941, 1946.
Strategy - the indirect approach, London, Faber and Faber, 1954, 1967.
Sherman, New York, Dodd, Mead and Co, 1929 ; London, Ernest Benn, 1930.
Foch, The Man of Orleans, London, Eyre and Spottiswoode, 1931.
The British way in warfare, London, Faber and Faber, 1932.
The ghost of Napoleon, London, Faber and Faber, 1933.
T E Lawrence - in Arabia and after, London, Jonathan Cape, 1934.
Dynamic defence , London, Faber and Faber, 1940.
The other side of the hill, London, Cassell and Co, 1948 (puis 1951, 1956 et 1973).
The tanks - the history of the Royal Tank Regiment, London, Cassell, 1959.
Deterrent or defence, London, Stevens and Sons, 1960.
Memoirs of Captain Liddell Hart, London, Cassell, 1965.
History of the Second World War, London, Cassell, 1970.
Archives manuscrites
Papers of Capt Sir Basil Henry Liddell Hart (1895-1970), GB99 KCLMA Liddell Hart, King’s College London, Liddell Hart Centre for Military Archives.
Articles et ouvrages critiques sur la pensée de Liddell Hart
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Articles et ouvrages divers
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COUTAU-BÉGARIE Hervé, Traité de Stratégie, 6ème édition Paris, Economica, 2007.
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MOTTE Martin, de LESPINOIS Jérôme, SOUTOU Georges-Henri, ZAJEC Olivier, La mesure de la force. Traité de stratégie de l’Ecole de Guerre, Paris, Tallandier, 2018.
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ROMMEL Erwin, La guerre sans haine, présenté par Liddell Hart, Paris, Amiot-Dumont, "Archives d’Histoire Contemporaine", Traduction de Jacques Mordal, Collin Delavaud, Henri Daussy et Robert Jouan, 1953.
WASINSKI Christophe, Rendre la guerre possible : la construction du sens commun stratégique, Peter Lang, 2010.
WILKINSON Spencer, « Killing No Murder : An examination of some new theories of War », Army Quaterly 15, janvier 1928, p. 14-27.
Plus
Basil H. Liddell Hart, Stratégie, Coll. Tempus, Paris, éd. Perrin, 2015.
4e de couverture
Un ouvrage de référence devenu un classique, par un spécialiste incontestable.
« En vérité, renoncer à un jeu qui n’en vaut pas la chandelle, voilà ce qui distingue la grande stratégie de la grandiose stupidité. »
« Dans toute campagne, la stratégie la plus saine consiste à différer la bataille, et la plus saine tactique à différer l’attaque, jusqu’à ce que la dislocation morale de l’adversaire permette d’asséner le coup décisif. »
Encore plus
La pensée stratégique française contemporaine, une série de cinq études
. François Géré, Au Commencement était de Lattre
. François Géré, André Beaufre et l’Institut Français d’Etudes Stratégiques 1902-1975
. François Géré Charles Ailleret, stratège français
. François Géré, Général Lucien Poirier : une oeuvre stratégique majeure
. François Géré, P. M. Gallois, stratège et pédagogue de la dissuasion nucléaire
Olivier Zajec est maître de conférences en science politique et relations internationales à l’université Jean Moulin - Lyon III (Laboratoire de recherche EA 4586). Agrégé et docteur en Histoire des relations internationales (Paris-IV Sorbonne), diplômé de l’École Spéciale Militaire de Saint Cyr et de Sciences-Po Paris, il est chef du cours de géopolitique de l’École de Guerre (Paris) depuis 2015.
[1] B.H. Liddell Hart, Why don’t we learn from history ?, London, George Allen & Unwin, 1972.
[2] La recension est en réalité l’occasion pour Kennedy de décrédibiliser les opinions stratégiques du vice-président Richard Nixon, à partir de certaines citations de Liddell Hart. Lors de la campagne présidentielle de 1960, Kennedy accuse ainsi le programme républicain d’être « faible sur la défense », en mettant en avant un missile gap supposé avec les Soviétiques. Le premier débat télévisé de la campagne entre Kennedy et Nixon a lieu le 26 septembre 1960. Cf. Senator John F. Kennedy, compte rendu de B.H. Liddell Hart, Deterrent or Defense, in Saturday Review of Literature, 3 septembre 1960.
[3] Ronald Lewin, « Sir Basil Liddell Hart : The Captain who Taught Generals », RUSI Journal, vol. 47, n°1, janvier 1971, p. 79-86.
[4] Brian Bond, Liddell Hart : A Study of His Military Thought, London, Cassell, 1977.
[5] John J. Mearsheimer, Liddell Hart and the Weight of History, Ithaca/London, Cornell University Press, 1988.
[6] La présence au combat de première ligne de Liddell Hart durant la Première Guerre mondiale a duré trois semaines exactement, de juin à juillet 1916.
[7] André Beaufre, préface à Basil Liddell Hart, Histoire de la 2ème guerre mondiale, trad. Jean-Paul Constantin, Paris, Fayard, 1976.
[8] B. H. Liddell Hart, New methods in infantry training, Cambridge, Cambridge University Press, 1918.
[9] Sur son influence réelle dans ce domaine, voir David French, « Doctrine and Organization in the British Army, 1919-1932 », The Historical Journal, vol. 44, n°2, juin 2001, p. 497-515.
[10] David French, 2001, op. cit., p. 502.
[11] Il avait été sélectionné pour servir dans le Royal Tank Corps en 1924, mais les effets de son gazage conduisent les médecins à le réformer. Il démissionne définitivement de l’armée en 1927.
[12] John Vereker Gort (1886-1946) sera commandant de l’École de guerre de Camberley (1936-37), chef de l’état-major impérial (1937-39) avant de se voir confier le commandement du British Expeditionary Force en France en 1939. Il supervise le rembarquement précipité de Dunkerque en 1940.
[13] Concernant la correspondance de Liddell Hart avec les périodiques militaires anglais, voir Papers of Capt Sir Basil Henry Liddell Hart (1895-1970), GB99 KCLMA Liddell Hart, « 3/58-66, British and Irish military journals : correspondence with Liddell Hart, 1921-1970 », King’s College London, Liddell Hart Centre for Military Archives.
[14] B. H. Liddell Hart, Pâris, or the Future of war, London, Kegan Paul, New York, Dutton, 1925.
[15] B. H. Liddell Hart, The Decisive Wars of History, London, Bell, Boston, Little Brown, 1929.
[16] Comme le fait remarquer (entre autres) le général Poirier, Liddell Hart n’a jamais vraiment expliqué la différence qu’il établissait entre « stratégie » et « approche » indirecte. C’est un des points faibles les plus communément mentionnés le concernant : si la stratégie indirecte peut éventuellement apparaître comme un choix préférentiel dans le cadre de la vision politico-militaire globale d’un État (ce que Liddell Hart baptise du nom de Grande Stratégie), en revanche sa défense consécutive et systématique de « l’approche indirecte » aux niveaux tactique et opératif laisse dubitatifs les praticiens : les opérations peuvent en effet – et doivent – alterner modes d’action directs et indirects, en fonction du terrain, de l’adversaire, ou de la physionomie de la manœuvre.
[17] B. H. Liddell Hart, The British Way in Warfare, London, Faber, 1932. Alex Danchev résume la théorie de Liddell Hart d’une formule brillante : « Britishness was indirectness nationalized ». Cf. Alex Danchev, « Liddell Hart’s Big Idea », Review of International Studies, vol. 25, n°1, janv. 1999 , p. 40.
[18] Christopher Bassford, Clausewitz in English : The Reception of Clausewitz in Britain and America, 1815-1945, ch. 15 : « J.F.C. Fuller and Basil Liddell Hart », New York, Oxford University Press, 1994.
[19] B. H. Liddell Hart, The ghost of Napoleon, London, Faber and Faber, 1933, p. 125-126.
[20] Il n’est pas le seul dans l’Angleterre de l’immédiat après-guerre à exprimer ses critiques sur les généraux de la Première Guerre mondiale. L’ancien ministre de l’amirauté Churchill fait de même, en sous-pondérant ses propres responsabilités dans le désastre de Gallipoli de 1915. Cf. W.S. Churchill, The World Crisis, 1916–18, part II, London, Thornton Butterworth Ltd, 1927, p. 348.
[21] B. H. Liddell Hart, Reputations, London, John Murray, 1928.
[22] B. H. Liddell Hart, Reputations - ten years after, Boston, Little, Brown and Co, 1938. Le général Beaufre, qui nouera des relations d’amitiés avec Liddell Hart à partir de 1935, dira de Reputations que, du point de vue français, ce livre était un « blasphème ».
[23] B. H. Liddell Hart, Foch, the Man of Orleans, London, Eyre and Spottiswoode, 1931.
[24] B. H. Liddell Hart, T. E. Lawrence - in Arabia and after, London, Jonathan Cape, 1934.
[25] Spencer Wilkinson, « Killing No Murder : An examination of some new theories of War », Army Quaterly 15, janvier 1928, p. 14-27.
[26] Cité dans John J. Mearsheimer, Liddell Hart and the Weight of History, Cornell University Press, 1988, p. 3. Sur la correspondance entre House et Liddell Hart de 1930 à 1936, voir King’s College London : Liddell Hart Centre for Military Archives, KCLMA Liddell Hart B H - NRA 19291.
[27] Concernant l’ensemble de la correspondance étrangère de Liddell Hart, voir Papers of Capt Sir Basil Henry Liddell Hart (1895-1970), GB99 KCLMA Liddell Hart, « 3/54-57 Overseas publishers : correspondence with Liddell Hart, 1932-1971 », King’s College London, Liddell Hart Centre for Military Archives,
[28] Cf. Papers of Capt Sir Basil Henry Liddell Hart (1895-1970), King’s College London, Liddell Hart Centre for Military Archives. Cette polygraphie militaro-stratégique, d’un débit un peu monstrueux, ne l’empêche pas d’explorer d’autres champs de « bataille », et de publier en 1926 un ouvrage sur les champions de tennis. Voir B. H. Liddell Hart, The lawn tennis masters unveiled, London, Arrowsmith, 1926.
[29] J.F.C. Fuller, Tanks in the Great War, 1914-1918, London, John Murray, 1920.
[30] Le général Poirier, dans la préface très positive qu’il donne à sa traduction française de Strategy : the indirect approach, résume bien la problématique de Liddell Hart : « (…) le trop jeune Liddell Hart n’a en rien participé à l’expérience des précurseurs : Fuller, Martel, etc. Venant après eux, comment s’imposer ? ». Cf Lucien Poirier, préface à Basil Liddell Hart, Stratégie, Paris, Perrin, 2007 [1998], p. 55.
[31] Fuller était le parrain du fils unique de Liddell Hart, Adrian.
[32] Dans sa thèse de doctorat (Paris IV Sorbonne – King’s College de Londres), le premier travail complet présenté en français sur la vie et la pensée de Fuller, Olivier Entraygues rappelle à quel point la pensée de Liddell Hart est tributaire des cours dispensés par Fuller de 1921 à 1927. Voir Olivier Entraygues, Le stratège oublié : J.F.C. Fuller, 1913-1933, Paris, Brèches éditions, 2012, p. 355. J. Murdoch a également insisté sur les points communs pour le moins troublants entre The Reformation of War de Fuller et Pâris, or the Future of War de Liddell Hart. Cf. J. Murdoch, « Original Thinker or Synthesist ? », The British Army Review, Fiftieth Anniversary Issue, n°21, 1999, p. 42.
[33] Malgré son intérêt reconnu pour Liddell Hart, avec qui il échange régulièrement, Alfred Duff Cooper (1890-1954) se révèlera un adversaire acharné de la politique d’appeasement de Chamberlain, que soutient au contraire le journaliste. Cooper démissionne en 1938, après les accords de Munich. Mais la plus grande différence entre les deux était le respect de Cooper pour Douglas Haig, dont il publiera une biographie en 1935-36. Un choix que Liddell Hart ne pouvait certainement pas approuver.
[34] Son influence sur les doctrines militaires à proprement parler est beaucoup plus légère. Liddell Hart agace prodigieusement la plupart des responsables militaires anglais de la fin des années 20 et des années 30, même si certains deviennent ses familiers, ce qui ne nuit pas à leur carrière, au moins entre 1935 et 1938.
[35] B.H. Liddell Hart, « The Field Force question », The Times, 8 juin 1938, p. 17-18. Fuller, plus clairvoyant, pense exactement le contraire, appelant en 1937 la Ligne Maginot « la pierre tombale de l’armée française ». Il faut néanmoins rappeler que l’ensemble de ces analyses anglo-saxonnes sur la sécurité française, que ce soit celles de Liddell Hart, de Fuller ou d’autres penseurs militaires britanniques des années 30, étaient écrites du « bon » côté d’un bras de mer de 25 kilomètres de largeur. La même remarque peut être faite concernant bien des analyses américaines de la même époque, sur le même sujet.
[36] B.H. Liddell Hart, Europe in arms, London, Faber and Faber, 1937.
[37] B.H. Liddell Hart, Through the fog of war, London, Faber and Faber, 1938.
[38] En 1938, à la lecture d’un article donné au Times par Liddell Hart et intitulé « Defence or Attack ? », le général français Baratier écrit une réponse dans la revue britannique Army Quarterly, en reprochant à Londres une stratégie qui consiste à « faire peser le poids de la guerre sur ses alliés ». Voir Général Baratier, Army Quarterly, XXXVI, 1938, p. 200-202, cité dans Olivier Sevaistre, « Liddell Hart et la mer », Stratégique, n°1, 1979. On ne rappelle pas assez que la réaction de Baratier était non pas épidermique, mais documentée : la SDN l’avait appointé en 1927 comme responsable de la commission d’investigation en Allemagne. Il avait par ailleurs déjà écrit un article précédent sur ce sujet pour influencer l’opinion stratégique britannique : voir Gal Baratier, « France and Disarmament », Army Quarterly, XXVI, April 1933 p. 22-25.
[39] C’est le titre d’un article qu’il publie le 21 octobre 1939 dans The Star Weekly de Toronto. Cf. King’s College London, Archive Catalogues, Liddell Hart, Published articles, including book reviews, with related papers, 1936-1939. Ref : LIDDELL HART : 10/1936-1939.
[40] B.H. Liddell Hart, Dynamic defence, London, Faber and Faber, 1940.
[41] B.H. Liddell Hart, The strategy of indirect approach, London, Faber and Faber, 1941.
[42] Ian Speller, « Corbett, Liddell Hart and the « British Way of Warfare » in the 1960s », Defense Studies, vol. 8, n°2, June 2008, p. 229.
[43] L’expression est de Wellington, qui désigne ainsi le Graal de tout stratège : deviner et visualiser par anticipation la position et les intentions cachées de l’adversaire. « Toute ma vie, énonce le vainqueur de Mont-Saint-Jean, a été passée à deviner ce qu’il y avait derrière la colline ».
[44] B.H. Liddell Hart, The other side of the hill, London, Cassell and Co, 1948. La citation est ici tirée de la traduction française, qui suit immédiatement : B.H. Liddell Hart, Les généraux allemands parlent. Ascension et chute des généraux allemands. Leurs récits des événements militaires de 1939-1945, trad. Lola Tranec, Paris, Stock, Delamain et Boutelleau, 1949, p. 9.
[45] Voir Alaric Searle, « A Very Special Relationship : Basil Liddell Hart, Wehrmacht Generals and the Debate on West German Rearmament, 1945–1953 », War in History, vol. 5, Issue 3, juillet 1998. Dans cet article, Searle fait le lien entre la réinterprétation par Liddell Hart des relations entre Hitler et ses généraux, et la nécessité pour l’Occident de réarmer l’Allemagne de l’Ouest dans le cadre de l’OTAN. L’auteur met aussi en avant la conviction du stratégiste britannique selon laquelle la paix ne doit pas être trop dure pour la RFA, de manière à ce que cette dernière soit incitée à rejoindre sans arrière-pensée le camp du monde libre.
[46] Wilhelm von Thoma (1891- 1948) combat pendant la Première Guerre mondiale, d’abord sur le front russe, puis en France à Verdun, avant d’être envoyé en Roumanie. De retour sur le front ouest, il est blessé et capturé par les troupes américaines en juillet 1918. Intégré dans la Reichswehr après l’armistice, il participe dans les années 20 à la mise sur pieds des forces motorisées de l’armée allemande renaissante, en particulier dans la 7e division d’infanterie. En 1934, il prend part à la mise sur pieds du Kraftfahr-Lehrkommando, la première unité de démonstration et de formation blindée de la Wehrmacht. En 1935, il commande le deuxième bataillon du 4e régiment de Panzers de la IIème Panzerdivizion du colonel Heinz Guderian. De 1936 à 1939, il prend en main les éléments terrestres de la division Condor envoyée par l’Allemagne en soutien des troupes du général Franco. Pendant la Seconde guerre mondiale, il combat en Pologne, puis participe à l’opération Barbarossa où il commande par interim la 17e Panzerdivizion, avant de prendre le commandement plein de la 20e Panzerdivizion sur le front Est. Il est ensuite envoyé en Afrique du Nord, et fait partie des principaux chefs de l’Afrikakorps. Il est capturé par les Britanniques en novembre 1942 près d’El Alamein. Prisonnier en Grande-Bretagne, il sera libéré en 1947.
[47] Les généraux allemands parlent, op. cit., p. 105.
[48] Plus loin, von Thoma renchérit : « J’ai lu, traduits, plusieurs de vos livres parus avant-guerre, et je sais l’importance que vous accordez au développement de l’aviation de service dans la guerre des blindés ». Cf. Les généraux allemands parlent, op. cit., p. 115.
[49] Charles de Gaulle, Vers l’Armée de métier, Paris, Berger-Levrault, 1934.
[50] Jean-Baptiste Estienne (1860-1936). Colonel d’artillerie, il propose dès 1915 au général Janin, chef d’état-major de Joffre, la création d’unités de char d’assaut. Voir Arlette Estienne Mondet, Le général J.B.E Estienne - père des chars : Des chenilles et des ailes, Paris, L’Harmattan, 2011. Estienne participe au Comité interallié des chars d’assaut mis en place par Foch en avril 1918.
[51] Ernest Swinton, premier chef des unités de blindés britanniques. Voir ses mémoires : Ernest Dunlop Swinton, Eyewitness, NewYork, ArnoPress, 1972.
[52] Sur ce thème, voir Manfred Zeidler, Reichswehr und Rote Armee 1920-1933 : Wege und Stationen einer ungewiihnlichen Zusammenarbeit, Munich, R. Oldenbourg Verlag, 1993.
[53] Professor Robert O’Neill, Chichele Professor of the History of War, University of Oxford, « Liddell Hart and His Legacy », Annual Lecture, King’s College London, Liddell Hart Centre for Military Archives, Tuesday, 19th May 1988.
[54] Dans ce dernier pays, les Lectures on FSR III de Fuller (London, Sifton Praed, 1932) ont été largement distribuées aux officiers de blindés.
[55] B. H. Liddell Hart, The Rommel papers, London, Collins, 1953. Pour l’édition français : Erwin Rommel, La guerre sans haine, présenté par Liddell-Hart, Paris, Amiot-Dumont, "Archives d’Histoire Contemporaine", Tradution de Jacques Mordal, Collin Delavaud, Henri Daussy et Robert Jouan, 1953. Le livre contient les carnets de Rommel lui-même, essentiellement sur les campagnes d’Afrique et sur la campagne de France ; les notes et lettres rassemblées par le général Fritz Bayerlein sur la campagne de Normandie ; et enfin le récit de la mort d’Erwin Rommel par son fils, Manfred.
[56] B. H. Liddell Hart, Memoirs of Captain Liddell Hart, London, Cassell, 1965.
[57] Son ouvrage de 1929, The Decisive Wars of History, qu’il réédite de nombreuses fois sous le titre Strategy : the Indirect Approach, se voit traduit en français en 1962 par le général Lucien Poirier, sous le titre Histoire mondiale de la stratégie.
[58] B.H. Liddell Hart, Strategy, the Indirect Approach, London, Faber, New York, Praeger, 1967.
[59] Capitaine B.H. Liddell Hart, préface à André Beaufre, Introduction à la stratégie, Paris, 1963. Beaufre le cite à son tour dès son premier chapitre. Plus tard, Beaufre préfacera le livre posthume de Liddell Hart, Histoire de la 2ème guerre mondiale, qui paraît en 1970 en anglais (Cassell, London). Tout en rendant hommage au « grand penseur militaire qui fut l’un des principaux promoteurs de la guerre des blindés », Beaufre ne peut éviter de corriger certaines des affirmations à l’emporte-pièce de Liddell Hart. Ce dernier souligne en effet dans son ouvrage les fautes françaises sans s’interroger un instant sur les responsabilités des puissances anglo-saxonnes, et singulièrement de l’Angleterre, dans la montée en puissance allemande dans l’entre-deux guerres, qui vont du refus de garantir la sécurité de la France en 1919-1921 au mépris des engagements donnés, jusqu’à l’aveuglement de la politique d’appeasement des années 30, dont l’un des avocats les plus bruyants est justement Liddell Hart lui-même. Sur cette période, voir R. A. C. Parker, Chamberlain and Appeasement : British Policy and the Coming of the Second World War, Basingstoke, Macmillan, 1993. Également : G. Bruce Strang, « The Spirit of Ulysses ? Ideology and British Appeasement in the 1930s », Diplomacy and Statecraft, vol. 19, 2008, p. 481-526..Il existe malheureusement peu d’études françaises d’ensemble de la politique d’apaisement de l’entre-deux guerres.
[60] Ian Speller, « Corbett, Liddell Hart and the « British Way of Warfare » in the 1960s », Defense Studies, vol. 8, n°2, June 2008, p. 227-239.
[61] Basil Liddell Hart, « The value of amphibious flexibility », Journal of the Royal United Service Institution 105, nov. 1960, p. 492. L’existence et la pertinence d’un « style stratégique britannique », qui reposerait sur l’exploitation de la domination navale en vue d’acquérir un bénéfice maximum à partir de ressources militaires limitées, le tout à un coût bien inférieur à ce qu’aurait coûté une campagne continentale, ont été illustrées avec mesure et pertinence avant Liddell Hart par le stratégiste britannique – et clausewitzien raisonné - Julian Corbett, conseiller du First Lord of the Sea John Fischer. Son approche et sa démonstration, qui plaident pour une interopérabilité renforcées entre forces navales et terrestres, ont eu une grande influence sur la stratégie maritime britannique, en distinguant cette dernière des conceptions plus unilatérales de l’Américain Mahan (Voir Joseph Henrotin, Julian Corbett, Penser la stratégie maritime, Paris, Argos, 2013). Par ailleurs, Liddell Hart avait déjà repris Corbett mais aussi Richmond dans The British Way in Warfare en 1932.
[62] Dans les années 70 et 80, Liddell Hart disparu, cette vision s’affaiblira, cédant à nouveau la place à une approche continentaliste, avec la perception d’un regain de la menace soviétique. Ce sont les Malouines qui, en 1982, rappelleront douloureusement à Londres le rôle cardinal d’une force expéditionnaire navale pour une puissance qui, comme la Grande-Bretagne, conserve des intérêts et des possessions mondiales.
[63] Carl von Clausewitz, On War, Michael Howard and Peter Paret, eds. and trans., Princeton, Princeton University Press, 1976.
[64] Richard M. Swain, B.H. Liddell Hart ; Theorist for the 21st Century, Advanced Operational Studies, School for Advanced Military Studies, US Command and General Staff College, Fort Leavenworth, Kansas, 20 may 1986, p. 121. La Manœuvre Warfare (MW) est une théorie qui a commencé d’être défendue au début des années 80 aux États-Unis, comme une réponse adaptée à la « supériorité » conventionnelle supposée de l’ordre de bataille soviétique. La MW, développée par la suite dans les années 1990 et 2000 par de nombreux théoriciens (Leonhard, Richard D Hooker Jr, J. Boyd) devient à la fois un concept d’opérations et un style stratégique. Le Corps des Marines, sous l’impulsion du général Alfred Gray, a particulièrement promu la MW, par exemple dans son manuel FMFM-1, auquel a succédé le MCDP-1 (1997). On notera que le premier chapitre du MCDP-1, intitulé « The Nature of War », est précédé d’une épigraphe de Clausewitz, immédiatement suivie d’une autre de Liddell Hart. Ce qui est singulier, compte tenu de l’opinion qu’avait le second du premier, mais ce qui montre que tout en continuant à considérer le Britannique comme une source d’inspiration, les militaires américains ne l’ont pas suivi dans son rejet passionné du théoricien prussien, rentré en grâce aux États-Unis à partir de la fin des années 70 et de la traduction en anglais de Vom Kriege par Peter Paret. Cf. MCDP-1, p. 1. À noter, dans l’US Army War College Guide to National Security Policy and Strategy de juin 2006, une « réconciliation » significative de Liddell Hart et de Clausewitz. Cf. US Army War College Guide to National Security Policy and Strategy, 2nd Edition, revised and expanded, edited by J. Boone Bartholomees, Jr., Department of National Security and Strategy, June 2006, p. 88.
[65] « Liddell Hart and His Legacy », Annual Lecture, King’s College London, Liddell Hart Centre for Military Archives, by Professor Robert O’Neill, Chichele Professor of the History of War, University of Oxford, Tuesday, 19th May 1988.
[66] « Liddell Hart and His Legacy », op. cit.
[67] Ibid.
[68] Ibid.
[69] Voir Michael Howard, « The British Way in Warfare : a Reappraisal », in Michael Howard (dir.), The Causes of War, London, 1983.
[70] John J. Mearsheimer, Liddell Hart and the Weight of History, Cornell University Press, 1988.
[71] Jay Luvaas, « Liddell Hart and the Mearsheimer Critique : A « Pupil’s » retrospective », A review Essay on Liddell Hart and the Weight of History, in Parameters, 1990.
[72] B.H. Liddell Hart, The Other Side of the Hill : Germany’s Generals Their Rise and Fall, with their Own Account of Military Events, 1939-1945, édition revue et augmentée, London, Cassell and Company Ltd., 1951.
[73] Heinz Guderian, Panzer Leader, New York, Dutton, 1952, p. 20.
[74] Kenneth Macksey, Guderian : Panzer General, with new introduction, London, Greenhill Books, 1992. La première édition de cette biographie date de 1975. Macksey l’a une nouvelle fois révisée en 2003. Il confie lui-même que cette ultime révision lui a parue nécessaire, compte tenu de son propre changement de point de vue sur la valeur des analyses de Liddell Hart, qu’il utilisait largement en 1975, mais qu’il considère désormais ruinées par la manipulation des sources du stratégiste britannique.
[75] Liddell Hart and the Weight of History, op. cit., p. 139.
[76] Voir John J. Mearsheimer, Tragedy of Great Power Politics, New York, W.W. Norton, 2001.
[77] Cf. J. R. Ferris, compte rendu de John J. Mearsheimer, Liddell Hart and the Weight of History, in The International History Review, vol. 11, n°3 (Aug., 1989), pp. 572-576.
[78] Hervé Coutau-Bégarie, Traité de Stratégie, Paris, Economica, 6ème édition, p. 385. Ici, c’est moins la pertinence relative de l’approche indirecte (part intrinsèque et légitime de toute stratégie d’ensemble) que le systématisme de Liddell Hart qui est mis en cause. L’auteur de cet article, qui a pu longuement évoquer ce sujet avec Hervé Coutau-Bégarie avant son décès en 2012, peut témoigner de l’intérêt que ce dernier portait à l’auteur de Stratégie.
[79] David French, « Doctrine and Organization in the British Army, 1919-1932 », The Historical Journal, vol. 44, n°2, juin 2001, p. 513. Ce n’est évidemment pas la seule explication que met en avant l’auteur pour comprendre la raison du retard anglais en la matière, sensible selon lui jusqu’en 1942 environ, mais il est significatif qu’il la mentionne.
[80] La première traduction anglaise de Sun Tzu date de 1910. Cf. Sun Tzu, On the Art of War, The oldest military treatise in the world, translated from the chinese with introduction and notes by Lionel Giles, London, Luzac & co., 1910.
[81] Général Arthur Boucher, L’Art de vaincre, Paris, Berger-Levrault, 1928 (Boucher est également l’auteur d’un commentaire historique et militaire de L’Anabase de Xénophon en 1913) ; Hubert Camon, Le système de guerre de Napoléon, Paris, 1923. Quant à Jean Colin (1864-1917), professeur à l’École supérieure de Guerre dont les livres ont été traduits en anglais dès 1912, on remarquera que leurs titres correspondent bien aux thèmes de prédilection de Liddell Hart : Cf. Jean Colin, The Great Battles of History, traduit sous la supervision de Spencer Wilkinson, 1912 ; et Jean Colin, The Transformations of War, traduction de L. H. R. Pope-Hennesy, London, Hugh Rees, 1912 [1ère édition française en 1911]. Pour l’ensemble de ces jugements sur les inspirations de Liddell Hart, voir Alex Danchev, « Liddell Hart’s Big Idea », Review of International Studies, vol. 25, n°1, janv. 1999, p. 41. Rappelons enfin que Liddell Hart, né à Paris, lisait couramment le français.
[82] William F. Owen, « The Manœuvre Warfare Fraud », Royal United Services Institute Journal, Vol 153, n°4. August 2008. L’article a été republié dans le Small Wars Journal
Cf. http://smallwarsjournal.com/blog/journal/docs-temp/95-owen.pdf?q=mag/docs-temp/95-owen.pdf.
La vision d’Owen n’a pas manqué d’être critiquée sur le fond et la forme : voir Eric Walters, « Fraud or Fuzziness ? Dissecting William Owen’s Critique of Maneuver Warfare », Small Wars Journal, 15 septembre 2008 :http://smallwarsjournal.com/blog/fraud-or-fuzziness-dissecting-william-owens-critique-of maneuver-warfare
[83] Voir le débat historique sur les responsabilités dans l’offensive de la Somme, qui aurait été conduite à contre-cœur par le B.E.F, sous la pression directe des Français [Bond, 1996]. Ce mythe a été disséqué et contredit par Elizabeth Greenhalgh. Cf. E. Greenhalgh, « Why the British Were on the Somme in 1916 », War in History, vol. 6, n°147, 1999. Chez les stratèges américains, John Boyd fait siennes les critiques de Liddell Hart sur « The French Neo-Napoleonic School » : voir Frans P.B. Osinga, Science, Strategy and War : The Strategic Theory of John Boyd, Routledge, 2007, p. 33.
[84] William F. Owen, op.cit.
[85] Voir Paul Harris et Sanders Marble, « The `Step-by-Step’ Approach : British Military Thought and Operational Method on the Western Front, 1915 –1917 », War in History, vol. 15, n°17, 2008.
[86] Christopher Bassford, Clausewitz in English : The Reception of Clausewitz in Britain and America, 1815-1945, New York, Oxford University Press, 1994.
[87] Brian Bond, Liddell Hart : A Study of His Military Thought, New Brunswick, N.J., Rutgers University Press, 1977, p. 113. Pour Christophe Wasinski, en réalité, « Liddell Hart en veut nettement plus à la filiation [clausewitzienne] qu’à Clausewitz lui-même » (voir C. Wasinski, Clausewitz et le discours stratégique américain de la fin de la deuxième guerre mondiale à nos jours, Namur, thèse de licence, Partie I, ch. 4, note 4, 1999).
[88] Cf Lucien Poirier, préface à Basil Liddell Hart, Stratégie, Paris, Perrin, 2007 [1998], p. 81.
[89] Ce plaidoyer montre que la « légende noire » de Clausewitz propagée avec légèreté par Liddell Hart a la vie dure. Tony Corn, « From Mars to Minerva : Clausewitz, Liddell Hart and the two Western Ways of War », Small Wars Journal, May 21, 2011, Small Wars Foundation, http://smallwarsjournal.com/blog/journal/docs-temp/767-corn.pdf
[90] Alex Danchev, Liddell Hart, Alchemist of War, London, 1998.
[91] Alex Danchev, « Liddell Hart’s Big Idea », Review of International Studies, vol. 25, n°1, janvier 1999, p. 38.
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Date de publication / Date of publication : 9 septembre 2018
Titre de l'article / Article title : Stratégie. Liddell Hart : les paradoxes d’une carrière stratégique
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Comment considérer le stratègiste anglais Liddell Hart (1895 – 1970) plus de quarante ans après sa mort ? Quoi qu’il en soit de son immense vanité, de son chauvinisme peu dissimulé et de son obstination à défendre jusqu’au bout ses erreurs les plus manifestes, il n’en reste pas moins un auteur important. Par le nombre et la variété des sujets qu’elle aborde, son œuvre demeure une incitation permanente à repenser la stratégie. Ses livres sont stimulants, pénétrants et agréables à lire.
Avec ce texte de référence d’Olivier Zajec, le Diploweb.com poursuit sa présentation des grands stratèges et stratégistes afin de contribuer à une meilleure connaissance des auteurs classiques. Une connaissance nécessaire pour faire la différence et penser le monde d’aujourd’hui, voire de demain.
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