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" Quelle France dans le monde au XXI e siècle ?
", par Pierre
Verluise 4. QUELLE POLITIQUE ETRANGERE ? Partie 4.1. La France fait volontiers référence aux droits de l'homme, mais d'autres facteurs contradictoires n'orientent-ils pas parfois sa politique étrangère ?
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Introduction - 1. Comment les Français voient-ils le monde ? - 2. Quelles sont les images de la France à l'étranger ? - 3. Quels sont les outils disponibles ? - 4. Quelle politique étrangère ? - 5. Quelle mondialisation construire ? - Conclusion - Postface de Gérard Chaliand : Stratégie d'influence |
Mots clés - key words : pierre verluise, claude cheysson, françois mitterrand, jacques tiné, jean-pierre lacroix, france, monde, politique étrangère, diplomatie, géopolitique, droits de l'homme, valeurs universelles, discours, nations unies, politique intérieur, élections, électoralisme, ventes d'armes, armement, exportations, balance commerciale, complexe militaro-industriel, intermédiaires, accords de défense, alliances diplomatiques, coface, irak, iran, attaque irakienne de l'iran le 22 septembre 1980, états-unis, terrorisme, attentat de la rue de rennes à paris en 1986, commissions sur les marchés à l'exportation, rétro-commissions, financement des partis politiques français, influence, corruption, justice, moyen-orient. | <Partie précédente De manière assez paradoxale, nombre de Français se veulent à la fois réalistes et idéalistes. En effet, la défense des valeurs universelles - particulièrement les droits de l'homme - trouvent aisément des défenseurs en ce pays. Premier ministre des Affaires étrangères des présidences de François Mitterrand, Claude Cheysson n'a t'il pas déclaré en 1981 à la tribune des Nations Unies que la France socialiste serait la "championne des droits de l'homme" ? Rien de glorieux comme politique "engagée". Pourtant, vingt ans après, qu'en reste-t-il ? Ancien directeur d'Europe du Quai d'Orsay, l'ambassadeur Jacques Tiné fait un bilan. "François Mitterrand a fait un usage abusif de l'affirmation selon laquelle, par définition : " La France est le pays des droits de l'homme". Le rabâchage de ce titre, autoproclamé, suscite d'abord le sourire puis, dans bien des capitales, l'agacement. C'est que, sur ce terrain, d'autres pays que la France ne sont pas toujours en reste, sans qu'il leur vienne à l'esprit de nous disputer la bannière dans laquelle nous nous drapons. Une rengaine électorale ? Certes, ce slogan, repris dans l'héritage, peut s'avérer rentable en politique intérieure. Parce que cela flatte des électeurs qui connaissent peu le vaste monde. En revanche, à l'étranger, cette rengaine laisse à penser que la France n'a rien d'autre à dire. Le pli est pris mais l'étoffe s'use. Que le rôle que nous nous attribuons ne nous soit pas contesté devrait d'ailleurs nous inquiéter. En outre, ce jeu d'image électoraliste peut devenir une incommodité à l'égard de la politique à mener, parce que la France finit par devenir esclave de cette attitude. Il arrive que cette pose figée empêche les autorités de prendre des décisions pourtant souhaitables dans l'intérêt bien compris du pays. Enfin, comme la France ne peut généralement pas mettre ses actes en conformité avec ce credo, son crédit international diminue d'autant". Un geste symbolique mais un commerce juteux Un exemple : lors du Salon aéronautique du Bourget de 1981, le Président François Mitterrand fait désarmer pour sa visite les avions militaires exposés. Cependant, la France demeure durant les deux décennies suivantes l'un des premiers marchands d'armes du monde. Durant les années 1990, le chiffre d'affaire annuel de l'armement français à l'exportation avoisine 50 milliards de francs. Chacun sait, pourtant, combien des populations civiles du monde souffrent de ce commerce. Au-delà, une question émerge : dans quelle mesure les ventes d'armes françaises n'orientent-elles pas parfois davantage la diplomatie de Paris que la préoccupation tant affichée pour les droits de l'homme ? Jean-Pierre Lacroix, ancien sous-directeur à la Direction Générale des Affaires Politiques du ministère des Affaires étrangères, observe : " La France est un pays qui aime épouser les causes généreuses, comme la chasse aux tourterelles ou les conditions de transport des animaux destinés à l'abattoir Les Français manifestent, cependant, une indifférence quasi générale à propos des ventes d'armes. Un monde obscur d'intermédiaires De nombreuses personnalités se sont rendues en Irak dans les années 1980, mais qui a entendu ces hommes sensibles alerter aussitôt l'opinion publique à propos des ventes d'armes françaises à cette parfaite dictature ? En dehors des indignations de circonstance sur des thèmes convenus et rebattus, les vraies questions se voient éludées. Si la conscience était vraiment claire à propos de ces exportations, seraient-elles entourées d'un tel secret ? Or, ce domaine se développe à l'abri d'un rideau opaque. A tel point qu'un diplomate en poste dans une capitale étrangère n'est pas informé des éventuelles ventes d'armes de la France à ce pays. Pis, il lui est recommandé de ne pas mettre son nez dans ces affaires, qui restent donc le monopole du complexe militaro-industriel. Ce dernier se compose à la fois d'un système structuré - la Délégation Générale pour l'Armement, la Direction des Relations Internationales, les attachés d'armement - et d'un monde obscur d'intermédiaires en tous genres qui prolifèrent depuis 1973 et la guerre du Kippour. Diplomatie et / ou appât du gain ? Ce dernier milieu ne prend un pays en considération qu'en fonction des ventes d'armement qu'on peut escompter lui livrer. Or, qu'on le veuille ou non, l'histoire enseigne que vendre des armes à un pays créé de facto une connivence, sinon une alliance. Il n'y a donc pas loin de la vente d'armes à l'accord de défense. Le chemin de l'une à l'autre peut être plus ou moins long, mais le passé a montré qu'il finit par s'imposer. Sans que l'on sache le plus souvent les critères retenus autres que l'appât du gain, la vente d'armement devient ainsi un élément décisionnel de la politique étrangère de la France. Qui fait - vraiment - la politique étrangère ? Dès lors, qui décide vraiment de la politique étrangère de la France, le gouvernement ou les marchands de canons ? Le cas des relations franco-irakiennes paraît significatif. Bien avant l'agression irakienne sur l'Iran, le 22 septembre 1980, la France vend des armes à l'Irak. Les livraisons antérieures et postérieures constituent, de fait, une alliance avec ce pays. Le grand silence qui s'étend le 22 septembre 1980 sur l'offensive irakienne résulte de ce que les Américains viennent de se voir humiliés par la prise d'otages de l'ambassade des Etats-Unis en Iran et de ce que la France n'a aucun intérêt à tempêter contre un pays qui représente un marché potentiel extraordinaire. Plus la guerre dure, plus l'Irak a besoin d'armes. Ce qui revient à prendre le parti d'une dictature - l'Irak - contre une autre, l'Iran. Alors que la solution était peut-être de les condamner également, mais les ventes d'armes disparaissaient aussitôt. Les citoyens, eux, paient Il peut, pourtant, arriver qu'à ce jeu dangereux on finisse dupé comme Gribouille, pour se retrouver comme dans le cas irakien avec des milliards de francs d'impayés, finalement remboursés par le contribuable français. Non seulement le citoyen français doit indemniser les entreprises d'armement de leurs impayés, mais il risque de devenir la victime d'attentats - évidemment condamnables - du pays dont les soldats meurent sous les coups des armes françaises. En guerre, les alliés de l'ennemi sont adversaires au même titre que l'adversaire principal. L'Iran n'est-il pas mis en cause pour le terrible attentat qui ravage Paris en 1986, rue de Rennes ? Qui a gagné quoi dans cette affaire ? Les vrais gagnants sont les marchands d'armes, leurs intermédiaires et ceux qui bénéficient de leurs largesses. Des opportunités tentantes En effet, le kilogramme d'armement étant le produit le cher au monde, loin devant l'or, les commissions y sont par définition énormes. Celles-ci peuvent atteindre 5 à 15 % du montant du contrat, voire davantage. En 1997, pour un marché de véhicules blindés passé avec l'Indonésie, les commissions versées par GIAT Industries n'ont-elles pas atteint le taux faramineux de 32 % ? (1). De telles commissions autorisent des retours sur commission conséquents, en France. Dans quelle mesure des partis politiques, de gouvernement ou non, ont-ils pu en tirer bénéfice à travers des financements collectifs et / ou individuels ? Il faut souhaiter que les juges puissent un jour répondre à cette question. Quels intérêts prédominent ? En l'attente, il reste loisible de se demander à l'étude de certaines ventes d'armements sophistiqués à destination du Moyen - Orient dans quelle mesure ces contrats n'ont pas été signés simplement parce que les intermédiaires avaient un besoin d'argent frauduleux. Dans ce cas, une question mérite réflexion : des années 1970 à 1999, la politique française au Moyen-Orient a-t-elle été une diplomatie correspondant aux intérêts généraux et à long terme de la France ou a-t-elle été autant - voire davantage - menée en fonction d'objectifs à court terme correspondant surtout aux intérêts privés des intermédiaires ? Si des partis politiques et des responsables de haut rang s'enrichissent ainsi, ne leur lie-t-on pas les mains ? Le pays n'y perd-il pas, encore, en autonomie diplomatique ?" Les droits de l'homme ne sont-ils pas, finalement, un sujet trop sérieux pour se voir réduit à des fins électorales ou, pis encore, utilisés en cache misère pour de sinistres trafics ? La France fait-elle davantage preuve de cohérence dans la défense de sa langue ? Partie suivante> Note (1) Voir à ce sujet les pièces versées par le GIAT pour les débats devant le Conseil des prud'hommes, pour l'instruction concernant le licenciement de Patrice Lethivillier. (Le Canard enchaîné, 26 mai 1999) Copyright janvier 2001-Pierre Verluise/ www.diploweb.com |
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