Vidéo. M. Quessard Où vont les États-Unis ?

Par Alix DELORME, Maud QUESSARD , le 4 juillet 2021  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Maud Quessard, maître de conférences, travaille à l’IRSEM, directrice du domaine euratlantique, spécialiste de la politique étrangère américaine. Ses recherches portent sur les enjeux stratégiques américains, les jeux de puissance, les guerres de l’information et les stratégies d’influence. Synthèse rédigée par Alix Delorme qui étudie la communication multilingue et les Relations Internationales à l’ISIT (Paris).

Visioconférence organisée par l’Institut FMES en partenariat avec l’Université de Toulon le 15 avril 2021 à propos des enjeux qui attendent la nouvelle administration américaine de Joe Biden. Intervenante : Maud Quessard. Synthèse par Alix Delorme pour Diploweb.com

Synthèse par Alix Delorme pour Diploweb.com

Les élections (novembre 2020) ont été un moment historique car elles ont révélé les divisions de la société et notamment la polarisation des opinions. Mais, alors que les États-Unis (EU) ne semblent plus faire figure de modèle dans le monde, la question du déclin est-elle pour autant tranchée ? Un renouvellement du leadership américain est-il encore possible ?

La politique intérieure est déterminante pour orienter les choix en politique étrangère. Joe Biden est porteur du « Nation Building at Home », un projet politique démocrate de long terme qui se caractérise ici par un plan de relance. Grâce à ce plan il souhaite privilégier un patriotisme économique visant à injecter, via un important plan d’infrastructures tout en se concentrant sur les dépenses ne relevant pas toujours de l’état fédéral. Le projet cherche aussi à lutter contre le changement climatique avec un investissement de 174 milliards de dollars. Enfin, il souhaite investir dans l’innovation technologique afin de soutenir la compétition avec la Chine.

Au-delà de tout cela, Joe Biden souhaite tourner la page des années Reagan en ne suivant pas ses orientations sur le plan intérieur, en réformant le capitalisme, en sécurisant les électeurs et surtout en montrant que la démocratie fonctionne mieux que l’autoritarisme. Cette tache reviendra à Kamala Harris, tandis que pour défendre et représenter l’Amérique sur la scène extérieure on retrouve des responsables connus qui seront tenus de négocier le plan intérieur avec le Congrès. Certains problèmes se posent cependant au niveau de la politique intérieure : les relais d’influence et d’opinion et notamment les soutiens de Trump n’ont pas disparu. Le courant chrétien conservateur constitue encore une force majeure au Congrès par exemple. Il se veut d’ailleurs un acteur de la politique étrangère, celle-ci étant source de grande division entre l’opinion publique et les dirigeants.

Vidéo. M. Quessard Où vont les États-Unis ?
Maud Quessard

Quels sont les enjeux politiques pour l’administration Biden ?

L’ambition réformatrice de ce nouveau mandat concerne aussi la relation avec les alliés et les compétiteurs stratégiques. On note d’ailleurs que l’effort de transformation et de rénovation des alliances et bien plus important que durant le mandat Obama. Si la Chine et le numérique sont deux sujets bien connus de l’agenda Biden, les relations avec la Russie, la Turquie ou encore l’Amérique latine en font aussi partie. Joe Biden a en effet tenu une position très ferme à l’encontre de la Russie durant la campagne présidentielle et les rivalités stratégiques ont été réaffirmées. En ce sens, un cadre de « reset » à la Barack Obama semblerait difficile à remettre en place, bien qu’on puisse constater quelques signes de rapprochement sur la question des armements : en janvier 2021 le traité New Start a été reconduit pour 5 ans. Dans le camp démocrate, beaucoup de responsables se méfient de la Russie notamment car elle reste perçue comme l’instigatrice de l’ingérence dans les élections présidentielles de 2016. De plus, les démonstrations de Moscou pour réaffirmer un soutien à la Syrie ont été interprétées comme des actes de provocation vis-à-vis des EU.

Concernant la Turquie, la ligne de l’administration Biden est plus affirmée et ferme que celle de l’ancienne administration. Dans une logique de blocs, il semble important pour Joe Biden de reconstruire un dialogue afin de réussir à briser l’axe rival formé par Ankara, Moscou et Téhéran. Il faut aussi prendre en compte le contexte de permanence de la menace terroriste et des échecs de cette lutte au Proche-Orient. Joe Biden doit, en effet, se retirer d’Afghanistan et du Proche-Orient en sachant que la menace est toujours présente. C’est aussi un objet de discorde au sein même du pays entre les dirigeants politiques, l’administration et le Pentagone.

En Amérique latine, les enjeux migratoires sont toujours présents, d’autant que la Russie et la Chine ont créé des alliances dans cette zone, challengeant ainsi les Américains. L’administration Biden souhaite cependant normaliser les relations avec Cuba, soutenir la démocratie au Venezuela, tendre la main au Mexique sur la question migratoire, mettre en place une aide au développement et renforcer la présence américaine afin de faire le poids face à la Russie et à la Chine.

Avec la Chine, « compétiteur le plus sérieux » selon Joe Biden, les EU entendent bien poursuivre une stratégie multidimensionnelle pour un Indopacifique libre et ouvert. Même si la compétition de puissance continue le but est d’utiliser une méthode différente de Trump. En cela la ligne diplomatique qui s’affirme s’efforce de mettre l’accent sur l’importance des droits internationaux et humains plus que sur des sanctions. Il y a une volonté de continuité dans l’endiguement de la puissance chinoise mais surtout de coordination avec les alliés et notamment les Européens.

Face aux nouvelles menaces de l’ère numérique, nous pouvons aussi nous demander si la primauté américaine est remise en question. La guerre technologique qui se joue, soit l’intersection entre le monde matériel et immatériel, sera au sommet de l’agenda Biden puisqu’il est toujours possible que cette guerre mute en conflit ouvert. C’est un enjeu majeur sur lequel repose le renouvellement du leadership américain. Une politique de cyber-dissuasion, en continuité avec celle de Trump à l’encontre de la Chine, est celle préconisée par l’administration Biden. Il y a donc de nouveaux terrains de conflictualité, l’idée est de ne pas permettre à la Chine d’achever son plan « Made in China 2025 », afin que les EU conservent leur supériorité technologique.

Nous ne nous dirigeons donc pas forcément vers un monde bipolaire mais plutôt multipolaire. Les alliances présentent une nouvelle donne, c’est pourquoi il est important de tirer des leçons des administrations Obama et Trump et de continuer la transformation des outils stratégiques pour les adapter aux nouvelles menaces en privilégiant les patriotismes économiques et non les nationalismes technologiques. Toutes ces évolutions cristallisent des enjeux de politique intérieure et extérieure.

Pour aller plus loin : Géopolitique des États-Unis, Les Grands Dossiers de Diplomatie n° 61, Aréion.


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