Alice Billon-Galland, associée de recherche au programme Europe de Chatham House, fait dialoguer Thanos Dokos, conseiller adjoint à la sécurité nationale grecque, Lord Peter Ricketts, conseiller à la sécurité nationale du Royaume-Uni de 2010 à 2012 et ancien ambassadeur et Clare Wenham, professeure assistante de santé mondiale à l’Ecole d’économie de Londres. Résumé en français par Antonin Dacos pour Diploweb.com
Le coronavirus a bouleversé les schémas d’adaptation aux crises de nombreux pays européens. Le think tank britannique Chatham House réunit plusieurs experts pour étudier ces changements et leurs conséquences lors d’une visioconférence intitulée "Rethinking European National Security Strategies". Alice Billon-Galland, associée de recherche au programme Europe de Chatham House, fait dialoguer Thanos Dokos, conseiller adjoint à la sécurité nationale grecque, Lord Peter Ricketts, conseiller à la sécurité national du Royaume-Uni de 2010 à 2012 et ancien ambassadeur et Clare Wenham, professeure assistante de santé mondiale à l’Ecole d’économie de Londres. Cette visioconférence en anglais a été réalisée le 29 mai 2020. Elle est suivi d’un résumé en français par Antonin Dacos pour Diploweb.com
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Résumé en français par Antonin Dacos pour Diploweb.com
Les pays européens n’ont pas tous eu la même réaction face au coronavirus. Thanos Dokos souligne que la réaction rapide du gouvernement grec a permis de réduire les potentiels dégâts de la pandémie. Les événements publics ont été annulé avant même que le premier cas de coronavirus ne soit signalé sur le sol grec. La faiblesse du système de santé grec a conduit les autorités à une grande prudence. Le gouvernement a rassemblée un groupement temporaire (task force) d’experts afin de conseiller le gouvernement.
Cette décision a été douloureuse à prendre pour la Grèce qui – après de longues années de crise - anticipait 2020 comme une année avec de bons résultats économiques. Pourtant, le conseiller à la sécurité nationale grecque souligne l’absence de protestation contre les mesures de prévention et l’explique par une bonne compréhension par l’opinion des décisions du gouvernement. Pour Thanos Dokos, la clarté et la continuité du discours gouvernemental ont participé à cette réussite. À l’inverse, d’autres pays comme le Royaume-Uni ont davantage tardé à mettre en place le confinement ou ont, comme en France, commencé par minimiser l’ampleur du danger.
Même si des gouvernements, à l’instar de la Grèce, ont su réagir efficacement à l’épidémie, on peut souligner un déficit de coordination entre les différents états européens. Pour Lord Peter Ricketts, la plupart des États européens ont agi à court terme et souvent trop tard. En l’absence de stratégie planifiée et pensée à l’avance pour une situation de pandémie mondiale, le confinement a été une solution improvisée. Si des moyens ont été investis a posteriori contre la pandémie, cela masque le fait que peu de ressources étaient destinées à la gestion de ce type de crise a priori.
De façon générale, la pandémie a amené dans un premier temps un repli des États sur leurs problèmes internes, au détriment d’une action internationale multilatérale et cohérente. Cela malgré l’existence d’espaces de discussions (Conseil de Sécurité à l’ONU, Union européenne) dont le potentiel n’a pas été pleinement utilisé. Pour l’ancien conseiller à la sécurité nationale du Royaume-Uni, cela révèle un manque de vision stratégique de la part de gouvernements plongés dans la gestion des affaires courantes pour anticiper de possibles défis futurs et pour agir efficacement une fois la crise concrétisée.
Le plus fort de la crise passé, la question se pose de la réponse des gouvernants européens afin de parer aux effets à moyen et long termes de l’épidémie, alors que l’hypothèse d’une seconde vague est toujours possible. La relance économique est particulièrement importante dans le cas de plusieurs pays qui, comme la Grèce, dépendent de leur activité touristique ou de leurs exportations. De même, le Royaume-Uni serait très vulnérable à une situation prolongée de pandémie, notamment du fait de la faiblesse de ses services publics et de sa sortie de l’Union européenne engagée le 1er février 2020.
Mis à part leur situation intérieure, les États ne doivent pas perdre de vue que la situation géopolitique mondiale continue d’évoluer. Certains acteurs continuent d’avancer leurs pions, comme la Chine à Hong Kong. Comment les gouvernements européens peuvent-ils parer aux crises conjoncturelles tout en préservant leur vision de long-terme ?
La crise du coronavirus a vu apparaître des réponses nationales et westphaliennes. Le manque de coordination entre les États a empêché une limitation optimale de la propagation du virus. Quant à la société civile, celle-ci a peu été sollicitée et s’est retrouvée, pour sa plus grande part, réduite au rôle de spectatrice. Pourtant, celle-ci peut apporter une aide précieuse de plusieurs façons, par exemple en apportant des moyens assouplissant les contraintes budgétaires qui pèsent sur l’action des gouvernements.
La pandémie a montré la nécessité d’une coopération internationale. Si l’un des pays du globe présente une faille, qu’importe laquelle, il constitue un maillon faible qui accroît les vulnérabilités de tout le système international. Il apparaît pourtant impossible de créer une nouvelle organisation mondiale. La seule solution est donc de s’appuyer sur l’ONU en rendant son action plus efficace. Ainsi, au-delà de la simple pratique du name and shame (forme de mise au pilori symbolique visant à dénoncer des comportements inacceptables), la question se pose de contraindre et sanctionner des États déstabilisant le système international. L’attitude de la Chine durant la crise a ainsi questionné de nombreux observateurs.
La question de la création de mécanismes flexibles permettant de s’adapter aux caractéristiques de chaque crise se pose également. Ainsi, la création d’une sorte de task force permanente regroupant une masse critique de professionnels permettrait une expertise à 360 degrés donc polyvalente et capable de prendre en charge des crises nouvelles.
Enfin, la résilience des territoires européens peut également être améliorée. Les intervenants évoquent l’exemple des préfets français, très utiles pour permettre au gouvernement central d’agir sur les territoires en cas de crise. Leur efficacité, décrite par plusieurs intervenants, montre que les pays européens peuvent progresser en ce sens. La mise en place d’un réseau d’outils de gouvernance locale permettrait ainsi d’augmenter la capacité de nos territoires à réagir aux menaces potentielles.
Le nombre de menaces auxquelles les gouvernements doivent se préparer est important. Des catastrophes environnementales ou industrielles jusqu’aux cyberattaques et l’usage d’armes de destructions massives, les scénarios à anticiper sont nombreux. Les gouvernements, plongés dans les affaires courantes, ne parviennent pas toujours à maintenir une vision de long terme tout en gérant les crises lorsque celles-ci apparaissent.
Il y a donc un intérêt certain à augmenter la résilience de nos sociétés à ces risques potentiels. Plusieurs pistes de réponses sont possibles. La coordination internationale, au niveau régional comme au niveau mondial, peut être améliorée. Il est possible d’agir sur l’organisation des territoires afin d’augmenter leur résilience. La mise à contribution d’acteurs non-étatiques, notamment au sein de la société civile, permettrait de mettre en œuvre plus de moyens intellectuels et matériels afin de faire face aux crises. Enfin, il est nécessaire de créer des outils permettant aux gouvernements de penser des politiques de long-terme et d’apporter des solutions aux menaces non-conventionnelles.
Juillet 2020-Dacos/Diploweb.com
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