Alexandre Taithe, chargé de recherche à la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS). Propos recueillis par Pierre Verluise, docteur en géopolitique, fondateur du Diploweb.com. Images, son et montage : Fabien Herbert. Résumé : Estelle Ménard, Diploweb.com.
Chargé de recherche à la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS) Alexandre Taithe présente très clairement la géopolitique de l’Arctique, un enjeu majeur de la planète dans le contexte du changement climatique. Il répond aux questions de Pierre Verluise, docteur en géopolitique, fondateur du Diploweb.com.
QUESTIONS :
. Quelles sont les idées fausses à propos de l’Arctique ?
. Quelles sont les notions incontournables à connaître sur l’Arctique ?
. Quels sontles enjeux autours de l’Arctique ?
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Résumé par Estelle Ménard pour Diploweb.com
L’Arctique est une aire dont le réchauffement dépasse la moyenne mondiale. Elle traverse ainsi des changements brutaux. Les conséquences sont visibles, notamment par leur impact sur la banquise, en perte de surface et d’épaisseur, faisant craindre sa disparition saisonnière dans les dix prochaines années. Alexandre Taithe, chargé de recherche à la Fondation pour la Recherche Stratégique, nous explique ce qu’il faut retenir de la situation géopolitique de l’Arctique à l’heure actuelle.
Il existe trois idées répandues, bien que fausses, sur la région. A. Taithe conteste l’idée selon laquelle l’Arctique serait un el dorado d’hydrocarbures et de terres rares. Certes, une exploitation des sols existe déjà et une étude américaine de 2008 voudrait qu’un tiers des ressources en hydrocarbures se trouve dans l’Arctique. Or, plusieurs forages se sont avérés peu probants, sans compter les difficultés que le climat pose pour l’exploitation des ressources. Ensuite, si l’Arctique est une aire militarisée, elle l’est par défaut, car les militaires sont les seuls à avoir des forces et des équipements suffisamment adaptés pour protéger la région, étant donné les rudes conditions climatiques. La situation militaire pourrait néanmoins évoluer en raison du regain d’intérêt stratégique pour la région, notamment de la part de la Russie. Finalement, certains croient, à tort, que l’on peut trouver un statut de protection de l’Arctique analogue au traité de l’Antarctique, signé durant la Guerre froide, un symbole d’entente pacifique et de promotion de la science. Ce serait toutefois de confondre un pôle sud continent non approprié, entouré par tous les océans, avec un pôle nord bordé de terres et de mers appropriées par des États disposant de droits souverains. S’il existe certaines revendications, elles sont exemptes de graves différends territoriaux, les potentielles ressources d’hydrocarbures étant situées dans des zones économiques exclusives.
Pour mieux comprendre et définir l’espace arctique, A. Taithe identifie les acteurs qui le régulent. Il y a un premier cercle composé des riverains (États-Unis, Canada, Danemark, Norvège et Russie) qu’on appelle « l’Arctic 5 ». Il devient « l’Arctic 8 » si l’on ajoute les pays de l’aire arctique (Suède, Finlande, Islande). Enfin, il y a tous les pays dont l’intérêt pour l’Arctique dépasse les intérêts nationaux. C’est le cas de la France, dont les scientifiques considèrent que les changements de l’Arctique ont un impact sur le climat des deux hémisphères. Aujourd’hui, on s’inquiète d’une appropriation politique de la région par le conseil de l’Arctique, un acteur informel composé de « l’Arctic 8 » et d’observateurs sans droit de parole. En découle le risque d’une appropriation juridique à travers un droit mou qui s’impose à certains États par des pratiques actuelles, devenant modèles de référence, comme la régulation de la pêche par « l’Arctic 5 ». En contrepartie, des débats existent, comme au sujet du statut des passages maritimes. Si le Canada et la Russie revendiquent un statut archipélagique (accord préalable pour le passage des bateaux), les États-Unis, la France et la Chine veulent un libre passage, tel que garanti par la convention de Montego Bay. Enfin, il y a le risque d’appropriation économique. Par exemple, les Russes font actuellement payer un droit d’accompagnement par brise-glace, peu importe la saison, plus cher encore que les péages des canaux de Panama et de Suez.
Le grand enjeu aujourd’hui est celui de la connaissance scientifique. La climatologie, mais aussi les sciences sociales (posant la question qu’est-ce que l’autochtonie ?) sont des connaissances essentielles pour la gouvernance et la diplomatie. La France doit pouvoir coordonner ses moyens de recherche, exercer sa liberté de navigation, et bien sûr avoir les moyens de circuler, communiquer et observer, pour s’affranchir d’une dépendance des autres États comme la Russie, très secrète sur ses données océanographiques. A. Taithe relève de nombreuses lacunes dans la cartographie de l’archipel arctique canadien, et si les fonds marins russes sont cartographiés, ils bougent et nécessitent un suivi constant, nécessaire à la pratique de routes qui seront de plus en plus utilisées ainsi qu’à l’anticipation des changements des usages du territoire. Par ailleurs, il faut penser l’Arctique dans sa relation avec le reste du monde et non comme une entité séparée. L’Union européenne pourrait s’imposer en toute légitimité dans le dialogue des pays arctiques à travers sa politique nordique. La France gagnerait quant à elle à renforcer la coopération entre ses scientifiques, son secteur public et ses entreprises aéronautiques, pétrolières, touristiques pour avoir une vision cohérente de l’espace arctique et garantir son libre-accès.
Copyright pour le résumé Novembre 2017-Ménard/Diploweb.com
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