Ukraine. Comment lire et conduire la guerre économique ?

Par Bernard BESSON, le 4 mai 2022  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Directeur scientifique de la Commission intelligence économique des Ingénieurs et scientifiques de France (IESF), Bernard Besson est aussi membre de la Commission intelligence économique du MEDEF Ile-de-France. Formateur, consultant et écrivain.

Dans le contexte de la guerre russe en Ukraine, B. Besson éclaire les fondamentaux d’un conflit économique, aujourd’hui d’actualité via les sanctions pour violation du droit international et des frontières d’un Etat souverain.

La guerre économique accompagne toujours la guerre ordinaire. De la guerre du feu à la mobilisation des consommateurs tous les conflits sont économiques dans leurs causes ou conséquences. Au-delà des narratifs réducteurs, il faut accéder à une part significative du réel. Lire la guerre implique une analyse systémique partagée entre des acteurs qui s’ignorent mais que le conflit rapproche. Les stratèges de la guerre économique ont à leurs disposition des outils efficaces. Mais ces armes ne valent rien sans une doctrine d’emploi. Le protectionnisme intelligent a fait ses preuves. Il est opérationnel. Entre destruction et créativité, la guerre découvre des réalités inattendues. Elle est fille des guerres précédentes et grosse d’affrontements futurs. La paix est un intermède. Le pire peut arriver. Le monde d’après est déjà dans les tiroirs. Ouvrons-les.

Une actualité séculaire

DEPUIS 1945 l’Europe vivait dans une paix relative. 77 ans de tranquillité nous ont incité à mettre au grenier les concepts de guerre économique ou d’économie de guerre. Or l’Histoire recommence malgré sa fin annoncée. [1] La mondialisation heureuse promettait une ère nouvelle. Le 24 février 2022 la Russie intervient militairement en Ukraine. [2]

Le 1er mars 2022, Bruno Le Maire ministre de l’économie et des finances déclare sur France info que la France et l’Union européenne « livrent une guerre économique et financière totale à la Russie dans l’objectif assumé de provoquer l’effondrement de l’économie russe.  » Cette déclaration entrainait une réplique de Dimitri Medvedev, vice-président du Conseil de sécurité de Russie : « Faites attention à votre discours ! N’oubliez pas que les guerres économiques dans l’histoire de l’humanité se sont souvent transformées en guerres réelles. »

La mise en alerte des forces nucléaires russes par le président Vladimir Poutine éclairait aussitôt l’opinion sur les conséquences possibles d’une guerre économique. Quelques heures plus tard Bruno Le Maire revenait sur ses propos faisant savoir que le terme de guerre était inapproprié. « Nous ne sommes pas en conflit contre le peuple russe », tenait-il à rectifier.

Il est désormais questions de sanctions économiques lourdes, destinées à peser sur l’issue d’une guerre militaire. Les termes, repris par les décideurs politiques, les média, les analystes, justifient le titre de cet article. De quoi parlons-nous ?

La guerre économique déclenchée le 24 février 2022 est multiforme, insaisissable, planétaire car héritière de la défunte mondialisation. Jadis, les choses étaient plus simples, plus resserrées. Louis XI interdisait aux marchands français de se rendre à Gênes ou suspendait le paiement de l’annate au Pape. La création de la Compagnie des Indes Orientales en 1664 est une réponse française, bien tardive, aux initiatives anglaises et hollandaises. On ne parle pas à l’époque de matières premières ou de semi-conducteurs mais d’épices. Au-delà des mots l’économique et le militaire voisinent.

Plus près de nous le Blocus Continental fut une guerre économique et militaire plus intense dans le conflit que la France et l’Angleterre se livraient depuis des siècles. Ce blocus décrété en novembre 1806 dura jusqu’en 1814. Très dur et systématique, il obligeait les nations européennes soumises à la France à ne plus recevoir les navires et les marchandises venues des îles Britanniques. Ces sanctions économiques appauvrirent à la fois l’Angleterre et les alliés de la France. Contourné de différentes façons et de manière astucieuse, il n’eut pas les effets escomptés.

En 1839 la Chine décide pour des raisons de souveraineté sanitaire de mettre fin au trafic de l’opium qui fait des ravages dans la population. L’Angleterre au nom du libre-échange déclare une guerre militaire à la Chine pour la forcer à consommer l’opium des Indes. A l’occasion les Anglais capturent Hong Kong. En 1856 la France se joint aux États-Unis et bientôt à la Russie pour mener une seconde guerre de l’opium. Ce fut l’origine de ce que les gouvernements chinois appelèrent les Traités inégaux. Époque dont ils se souviennent encore. Le 18 octobre 1860 les armées françaises et anglaises pillent et brûlent le Palais d’été près de Pékin. La guerre économique rejoint une nouvelle fois la guerre militaire.

Dans une guerre économique, les premières lignes sont composées de ménagères, d’enfants, de vieillards, de personnes handicapées.

Quelles connaissances utilisables avons-nous de la guerre économique ? Quels sont les auteurs connaissant le sujet pour en avoir été les acteurs ou les témoins. Citons-en quelques-uns, Frédéric Chapier, Éric Denécé, Claude Revel, Christian Harbulot, Olivier Lahaie, Alain Juillet, Pierre Verluise, Axelle Degans. Nos stratèges puiseront chez ces auteurs et quelques autres des solutions pour s’adapter aux circonstances ou mieux encore, lire et conduire la guerre économique. L’étude est urgente pour des gouvernants confrontés à une réalité complexe. Elle ne l’est pas moins pour les consommateurs, les contribuables, les épargnants.

Dans une guerre économique, les premières lignes sont composées de ménagères, d’enfants, de vieillards, de personnes handicapées. Leur capacité de privation, la résilience des populations, deviennent des avantages stratégiques. Ajoutons les automobilistes, les agriculteurs, les producteurs de savoirs ou de richesses. Ceux qui entreprennent et ceux qui refuseront d’investir sur un continent à risques. On perçoit déjà qu’une partie des pertes est invisible. Il faudra les éclairer. Qui a le plus à perdre dans une guerre économique ? Le riche ou le pauvre ?

Aujourd’hui les entreprises, leurs fournisseurs, leurs clients, les banques sont appelées sous les drapeaux. Le moral de ces combattants est primordial. Il faut parler avec eux du prix de l’essence, du coût du crédit, des matières premières, de l’inflation, de la récession, etc. En face quelle est la détermination de l’ennemi ? Quelles sont ses capacités à supporter la souffrance ? Et surtout quelles sont ses finalités, ses buts de guerre ? Quels sont les nôtres dans une Europe à vingt-sept ? Personne ne voit la même guerre que l’autre.

Qui sont nos stratèges, nos chefs de guerre ? Où est leur pouvoir de décision ? Pour l’instant les émotions commandent. De manière plus ou moins innocente et programmée. La force des images est une dictature devant laquelle il est difficile de garder la tête froide. La guerre est aussi un business médiatique, elle se vend. Nos stratèges doivent lire les silences autant que les discours. Ce qui n’est pas dit est généralement plus important que ce qui est proclamé. A la guerre, la vérité est la première perte disait Eschyle dès l’époque de la Grèce Antique.

 Ukraine. Comment lire et conduire la guerre économique ?
Bernard Besson, consultant, formateur, écrivain
En 2022, Directeur scientifique de la Commission intelligence économique des Ingénieurs et scientifiques de France (IESF), Bernard Besson est aussi membre de la Commission intelligence économique du MEDEF Ile-de-France.
Bernard Besson

Comment lire la guerre ?

Pour lire la guerre il faut sortir de la tyrannie du présent. Que sait-on de l’entrelacement des causes qui relient guerre économique, économie de guerre et conflit armé ? Lesquelles précèdent les autres ? Prendre la mesure de nos ignorances et poser les bonnes questions est la première phrase écrite sur la première page du manuel de guerre économique.

Depuis la guerre du feu, les affrontements économiques sont une lutte pour la connaissance. Le jeune guerrier qui vient de voler un savoir-faire explique au plus ancien comment frotter un bâton sur une surface empaillée pour faire naître le foyer. Le dieu de l’âtre, fondement de toutes nos institutions est une prise de guerre ! Fustel de Coulanges [3] en a admirablement décrit le processus et les conséquences. Les polytechniciens du néolithique ne faisaient pas la différence entre guerre économique, religion et politique. En témoignent les peintures rupestres.

Plus tard en Égypte, au Moyen-Orient, en Chine ils perfectionneront la plus formidable innovation de tous les temps. L’écriture permet de transporter la parole au-delà des mers. Elle est fondatrice de nos mémoires. Le chiffre depuis Pythagore permet de lire le monde. Les nombres et les lettres sont au cœur de la guerre économique. Notre Internet n’est que le dernier vecteur de ces prouesses. A l’heure où l’illettrisme gagne du terrain en France…

Les chiffrements, chers aux Lundi de la Cybersécurité [4] sont au cœur nos différentes guerres. Les algorithmes servent d’auxiliaires dans les Offres publiques d’achat (OPA) hostiles contre nos fleurons industriels. Le vol des données, leur destruction ou leur captation de manière légale ou illégale par une multinationale, un État ou le crime organisé [5] font partie d’une guerre invisible jusqu’à aujourd’hui. [6]

L’information ou l’absence d’information sont consubstantielles à toutes les catégories de conflits. J’ignore que je suis en guerre alors que mon concurrent agit contre mes intérêts sur des échiquiers dont je n’ai aucune idée. Il y a asymétrie dans la perception du réel. Comme dans la guerre militaire, j’ignore que l’ennemi va m’attaquer. J’ignore qu’un allié prépare une offensive contre un pays neutre.

Dans tous les cas de figure je découvre la réalité trop tard. Ou je feins de la découvrir. L’auto-censure est la pire de toutes les désinformations. Prendre la mesure de ses biais cognitifs, est un également un prérequis : « L’ennemi ne passera jamais par les Ardennes ». « L’industrie nucléaire est condamnée ». « Les crypto monnaies sont sans avenir ». « Une guerre atomique est impossible », etc. Que de certitudes mises à mal…

La confiance est le nerf invisible de la guerre qui vient.

La guerre économique n’est lisible qu’à la condition d’embrasser tous les échiquiers où se joue la partie. Les acteurs évoqués plus haut agissent de différentes manières sur des plans distincts. Il n’y a aucun complot d’ensemble mais une immense pagaille, source d’évènements improbables, de coup fourrés. De panique lorsque surgit l’imprévu ou une mauvaise statistique. L’émotion n’épargne pas les marchés. Les algorithmes amplifient l’irrationnel. Qui décide de la confiance ? Cette confiance est le nerf invisible de la guerre qui vient. Comment l’évaluer, la mesurer ?

Les entreprises françaises consommatrices de matières premières s’aperçoivent que ces dernières ne manquent pas vraiment. La peur plus que la pénurie fait monter les prix. Le Covid-19 ou le risque d’un affrontement en Asie entre la Chine et Taïwan désorganisent les échanges économiques par anticipation du risque. Qui dit guerre dit aussi spéculation, marché noir à l’échelle planétaire. Pour contourner les différents blocus, des mafias dont le risque est le métier vendent des solutions. Le crime organisé entre en force dans la bataille. Son rôle va grandir. La corruption des élites est un sujet de guerre économique. Les services de renseignements s’en occupent.

La guerre révèle des réalités étonnantes : l’absence de chauffeurs routiers russes ou ukrainiens fait grimper le coût des transports. L’arrivé de jeune ukrainiens dans nos écoles révèle le niveau très médiocre de nos élèves. Notamment en sciences, en mathématique.

L’indépendance sanitaire est devenue « grâce » à la pandémie, un sujet de souveraineté qui concerne le moral des salariés, les chefs d’entreprise, les mères de famille. La fabrication ou la non-fabrication de vaccins, leurs utilisations dans différents protocoles sont des décisions où se mêlent les échiquiers, financiers, scientifiques et politiques. Il faut oser lire cette guerre, mesurer des défiances, des complicités. Lire ne suffit pas, il faut être entendu.

La souveraineté technologique est désormais une école de pensée [7]. Elle le doit à une perception des enjeux qui existait moins avant la crise de la Covid-19 et l’intervention russe en Ukraine. Il en va de même de la souveraineté alimentaire dans un pays qui autrefois était la première puissance agricole européenne, aujourd’hui dépassée par la Russie et l’Ukraine. Dans un conflit de cette ampleur l’alimentation est la première ligne. Certaines denrées s’achètent au marché noir.

L’identité culturelle renvoie à des capacités de privation qui permettent à des populations de se serrer la ceinture plus facilement que d’autres. Celui dont le PIB est largement supérieur à l’ennemi a plus à perdre. Les sociétés complexes et fracturées sont fragiles [8]. La croissance et le crédit qui les font tenir sont incompatibles avec la peur.

La souveraineté énergétique nous rappelle que l’Europe est un continent « pauvre ». Il n’y a ici que du granit et de la neige l’hiver. Le charbon qui n’était plus d’actualité remplace le nucléaire délaissé. Zola serait-il de retour ? La crainte des atomes nous apporte la peur devant la facture d’électricité. Or c’est le doute scientifique et la concurrence entre des nations dotées d’élites entreprenantes qui ont créé l’Europe. Le goût des sciences et du risque diminue. Le Vieux continent est devenu un État de droit [9], réglementé, normalisé. Il en est même fier…

Le conflit appelle la mise en place d’une intelligence systémique, diplomatique, démocratique, imaginative.

Nous voyons bien que la variété des échiquiers, la multiplication des interactions exige la création d’un tableau de bord qui n’existe pas encore. L’intelligence artificielle sera l’une des gagnantes de cette guerre. Au-delà des robots et des algorithmes le conflit appelle la mise en place d’une intelligence systémique, diplomatique, démocratique, imaginative.

La pandémie de la Covid-19 a inauguré en France une politique fondée sur l’état d’urgence sanitaire. Le 26 mars 2020, 25 ordonnances du gouvernement d’Édouard Philippe permettaient de prendre des mesures exceptionnelles dans les champs de l’économie, de la finance, du droit du travail, de la santé. Avant la guerre en Ukraine, celle contre le virus annonçait le pilotage du conflit économique.

Conduire la guerre

Il existe une loi du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret dans les entreprises. Plus tard la loi Pacte [10] de 2019 reprend sur les investissements étrangers une disposition permettant d’écarter des prédateurs. Un décret du 20 mars 2019 instituait déjà une politique de « sécurité économique visant à assurer la défense et la promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques de la Nation, constitués notamment des actifs matériels et immatériels stratégiques pour l’économie française ». Elle inclut la défense de la souveraineté numérique.

La cybersécurité a enfin droit de cité dans l’arsenal de l’économie de guerre. Il était temps ! Tout le monde voit dans les opérations en cours l’importance d’une cyber défense à la hauteur des enjeux. Le décret du 20 mars 2019 a le mérite de nommer les administrations et les ministères chargés de la guerre économique et d’en coordonner l’action. Il s’agit enfin d’une vision systémique adaptée aux réalités que nous vivons. Mais notre arsenal réglementaire, si complet soit-il, est défensif. Or dans une guerre il faut attaquer pour gagner. C’est ce que l’Union européenne entreprend par délégation des États membres.

Mais textes et délégations de pouvoirs ne valent qu’à travers les hommes et les femmes qui les mettent en œuvre. La qualité de la gouvernance est essentielle. Les investissements, notamment ceux du plan de réindustrialisation n’auront d’effets qu’à travers des compétences, des savoir-faire, des enthousiasmes. Il faut définir une politique, un mode d’emploi de la guerre économique. C’est ce que vient de faire la Haute Assemblée.

Dans son projet de loi du 25 mars 2021, le Sénat commence son exposé des motifs par la phrase suivante : « Nous sommes en guerre économique et pourtant ni notre pays ni les institutions européennes n’en tirent les conséquences. Dans cet hyper-affrontement économique, nous sommes les spectateurs pas même engagés d’une bataille mondiale dont l’un des enjeux majeurs est de capter les richesses du Vieux Continent. L’Union européenne a beau qualifier la Chine de « rival systémique », elle peine à mettre en place les outils pour défendre ses intérêts. D’autant qu’elle affronte également son vieil allié transatlantique qui ne cesse de la harceler avec son droit extraterritorial et ses menaces de guerres commerciales.  »

Dans ce contexte international, la France doit trouver sa place, celle d’une puissance maîtrisant son destin. Et pour ce faire, elle doit, au sein d’une Europe puissance jusqu’alors absente, élaborer une doctrine nationale de sécurité économique articulée au niveau national et dans les territoires. C’est l’objectif de cette proposition de loi : instaurer un programme national d’intelligence économique.

Il va de soi que l’intervention de la Russie en Ukraine ajoute un ennemi puissant à cette liste et justifie plus que jamais l’existence d’un État-stratège. Son rôle apparait déterminant. Surtout dans un pays où il est consubstantiel à la Nation. Pour les ménages et l’ensemble des acteurs économique l’État doit d’abord protéger. Le protectionnisme a cependant mauvaise presse car il renvoie à des complications inutiles, des barrières douanières et réglementaires qui pénalisent les échanges et brident la croissance.

Les nations adonnées officiellement aux vertus du libre-échange pratiquent cependant un protectionnisme souvent brutal. La vision française, prisonnière d’un mental théologique comprend mal que l’on puisse être protectionniste et libéral « en même temps ». Le pragmatisme anglo-saxon ou asiatique, les stratégies latérales de certains acteurs russes, scandinaves ou allemands heurtent nos schémas. La guerre économique bouscule nos théories. Un jour libéral, un jour protectionniste. Où est le mal ?

Le protectionnisme peut être visible ou invisible. Il existe un protectionnisme ordinaire et un protectionnisme intelligent. La mise en place en 2003 par le Premier ministre, Jean Pierre Raffarin d’une politique d’intelligence économique incarnée par des Hauts responsables fut riche d’enseignements. [11]Ce fut un protectionnisme intelligent. Qui perdure. Nous y reviendrons.

L’anticipation est la clé de l’économie de guerre.

Le projet de loi du Sénat, reprend les grandes lignes de cette expérience en la hissant à un niveau encore plus stratégique. Nous avons donc le cadre institutionnel. Grâce au travail réalisé par les Haut responsables, notamment Alain Juillet et Claude Revel nous avons aussi une doctrine d’emploi. La conduite de la guerre économique a fait ses preuves. Sans abandonner le protectionnisme ordinaire lorsque « quoiqu’il en coûte » la France a recourt au « protectionnisme intelligent ». [12]

Celui-ci ne coûte rien mais oblige les différents acteurs à s’écouter à partager des données sensibles. Il est gratuit, insaisissable budgétairement. Ce qui suscite méfiance et incompréhension. Il est très facile à comprendre mais compliqué à mettre en mouvement. Car c’est une dynamique, un fluide. En perpétuel mouvement, il ressemble plus à un forum qu’à un bunker juridique et douanier.

Dans un monde où les technologies bouleversent les modèles économiques le protectionnisme intelligent est une grille de lecture. Il éclaire, donne du sens. L’anticipation est la clé de l’économie de guerre. [13] Comme de la guerre tout court. Parce qu’il embrasse d’un seul regard l’économique, le technologique, le diplomatique, le psychologique, il indique où se trouve l’intérêt de la nation. Il voit large et loin. Il croise ce qui est séparé entre différents ministères et territoires. Il fait de la politique. C’est le premier outil de conduite de la guerre.

Il ne construit pas de nouvelles administrations, il connecte celles qui existent. Il les oblige à s’interroger. Il croise les réseaux d’alerte, les compétences et les savoir-faire délaissés. Instrument de souveraineté, il est une manière de penser, un mode d’action. Des pays comme la Chine, les États-Unis, le Japon pratiquent à la fois le protectionnisme ordinaire et le protectionnisme intelligent par des échanges informationnels discrets entre acteurs politiques et économiques.

Lorsque la Chine décide de contrôler le marché des terres rares, elle anticipe une situation. Elle imagine une multitude de réseaux d’alertes et de connivences. Lorsque la Russie utilise le savoir-faire militaire de ses entreprises pour tisser des partenariats avec des pays riches en matières premières, elle anticipe des évolutions. Si la France a pu pendant des années emprunter à des taux négatifs c’est parce que son armée et son système fiscal rassuraient les créanciers qui acceptaient de payer pour nous prêter. Nous étions un coffre-fort. Le serons-nous encore dans un continent en guerre ?

Tout est dans la capacité à inventer ces fameuses questions.

Le pilotage de la guerre économique n’est efficace qu’à la condition d’apporter des réponses à des questions stratégiques. Tout est dans la capacité à inventer ces fameuses questions. L’État stratège est celui qui organise l’Ignorance de la Nation, c’est-à-dire les bonnes questions qu’elle se pose. C’est lui qui valide les problèmes grâce aux innombrables expertises qu’il convoque. Il transforme les réponses en connaissances stratégiques, en arguments diplomatiques.

Pour relever ce défi il doit être à la fois centralisé et dispersé. L’État stratège dynamite les cloisonnements entre les secteurs privés et publics car les expertises sont partout. Il existe là où se trouvent les compétences. Nos ingénieurs et scientifiques, en France ou à l’étranger font partie de cet État. La société des Ingénieurs et Scientifiques de France [14] (IESF) convoque aujourd’hui sur un projet de diffusion de l’intelligence économique c’est-à-dire de protectionnisme intelligent, les savoir-faire de ses membres où qu’ils se trouvent dans le monde.

L’État stratège existe à travers ses pôles de compétitivité, ses filières professionnelles, ses corps intermédiaires, ses syndicats de salariés, d’entrepreneurs. Il est inutile d’inventer une nouvelle usine à gaz. Il faut voir d’un seul tenant ceux qui s’ignorent et les faire s’interroger. C’est un art épuisant, qui demande des nerfs d’acier et un sens aigu de la diplomatie. L’auteur de cet article en fut le témoin. Ce travail commence modestement par l’interrogation de la mémoire nationale. Nos administrations et nos entreprises contiennent d’innombrables exemples de guerre économique pouvant inspirer des solutions. Inutile d’inventer ce qui existe déjà. [15]

L’économie de guerre concerne aussi bien le tourisme, l’agriculture, les musées, les associations caritatives, les ONG que l’industrie pharmaceutique ou pétrochimique. L’État devient souple et agile (enfin !). Il transfère d’un problème à l’autre les solutions qui existent. Pour être gagnée, si tant qu’on puisse la gagner, la guerre économique doit se mener sur le terrain des réalités. [16] Multiple, elle se conduit de façon décentralisée avec des intensités variables selon les personnes. On n’obligera pas de la même manière un opérateur téléphonique et un cultivateur nivernais.

Savoir qui parle de la guerre ou qui n’en parle pas est un champ de bataille dans la bataille.

Une guerre cognitive

La situation politique à l’origine du conflit entre la Russie et l’Ukraine ne date pas de février 2022. Elle remonte au moins à la chute du mur de Berlin en 1989. Il n’est pas inutile d’en revisiter les causes. D’autres pays, d’autres opinions publiques le font à commencer par les belligérants et leurs alliés. La ménagère chinoise, africaine, indienne ou brésilienne ne partage peut être pas la vision de la ménagère américaine ou européenne. Revenir sur les faits permettra de mieux comprendre la variété des narratifs. [17]

Les privations et les appauvrissements générés par le conflit obligent à connaître les aptitudes à la souffrance, à la débrouillardise. Le système « D »français est loin d’être négligeable. L’inventivité du pays est mondialement reconnue. Depuis la Gaule nous sommes un peuple de bricoleurs géniaux. Sommes-nous encore un peuple ? Il existe aussi un système « D » russe redoutable et de longue tradition. [18]L’adaptation des systèmes de paiement et de communication face aux sanctions occidentales est un sujet à l’étude au sein de nos services de renseignement et de notre diplomatie.

La guerre économique élargit en permanence son champ de bataille. Il faut attaquer l’ennemi sur le plan artistique, culturel, sportif, monétaire, etc. La variété des fronts favorise une escalade dont les effet boomerang ne sont pas toujours anticipés. La guerre est pédagogique. Elle nous apprend que l’ennemi menacé depuis longtemps s’est préparé. Des nations profitent de l’évolution du rapport des forces et occupent des positions abandonnées. Des pertes apparaissent tous les jours. Gel des investissements, effritement de la confiance dans la monnaie, dégradation de l’image d’une Europe géographique en guerre civile. Car il s’agit d’une guerre intra-européenne.

La guerre économique qui oppose le bloc atlantique à ce qui devient sous nos yeux le bloc euro-asiatique est un drame. Celui-ci ne doit pas occulter d’autres affrontements comme ceux de l’industrie automobile américaine contre l’industrie allemande ou l’emprise économique tentaculaire des nouvelles routes de la Soie chinoises. Des phénomènes climatiques comme la fonte de l’Arctique ou la progression de l’islamisme au Sahel cachent des observateurs attentifs, de futurs acteurs.

Lors de la Seconde Guerre mondiale, Eve Curie, alors agent d’influence de Charles de Gaulle, relatait l’opinion des leaders indiens et chinois des révoltes nationalistes. [19]Pour eux le conflit était une guerre civile européenne. Ils étaient bien décidés à en tirer profit. Aujourd’hui les Nord-Américains et les Européens ne représentent plus que 12% de la population mondiale. La vision de la guerre par 88% des habitants de la planète mérite attention. Songeons aux épargnants singapouriens ou émiratis qui s’interrogent sur la fermeture de comptes bancaires détenus en France ou en Allemagne par des étrangers. Tous les oligarques ne sont pas russes ou ukrainiens. La défiance est une perte invisible mais bien réelle. La Suisse, émue à juste titre, a perdu sa neutralité proverbiale. Elle court le risque d’être remplacée sur le plan diplomatique.

C’est par le jeu de l’information mise sous le regard d’autrui ou soustraite à sa connaissance que les belligérants entrainent des consentements, façonnent des opinions.

Dans sa guerre économique contre la Russie, l’UE veut des « sanctions intelligentes ». c’est ce qu’affirme Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission européenne, lors de propos rapportés par le Times du 25 avril 2022. Il apparaît en effet que des filiales norvégiennes - hors UE mais membre de l’AELE qui a des accords commerciaux avec l’UE - de compagnies pétrolières américaines négocient avec les compagnies russes des exportations de pétrole contrairement aux déclarations politiques. Cela nous rappelle maints épisodes du Blocus continental. De telles péripéties seront légions. Ce qui importe est l’adjectif « intelligentes ». Le mot est lâché.

Cette guerre est une guerre cognitive [20]où la connaissance est une arme au service des stratégies. C’est par le jeu de l’information mise sous le regard d’autrui ou soustraite à sa connaissance que les belligérants entrainent des consentements, façonnent des opinions. La guerre cognitive n’est pas nouvelle. Elle fait appel aujourd’hui aux neurosciences et à l’intelligence artificielle qui jouent un rôle croissant puisqu’il s’agit d’influencer le cerveau de l’autre. Nous nous battons de cerveaux à cerveaux !

Des entreprises de dimension mondiale pratiquent depuis longtemps ce que l’on appelle le « perception management ». [21] Dans ce genre de guerre l’agresseur commence par étudier quels sont les réseaux d’information orales et écrites de l’adversaire. Il étudie ses capacités d’analyse, de validation de l’information. C’est l’architecture de l’intelligence collective ennemie qui est disséquée. Avant d’être autopsiée !

Quels sont ses biais cognitifs, son éthique, sa déontologie, ses capacités d’influence. Le processus décisionnel de l’adversaire sera testé par émission ou soustraction d’informations. La culture des dirigeants, leur formation, les cercles auxquels ils appartiennent sont pris en compte. Pratiqué contre des entreprises, le « perception management » prépare des OPA hostiles, des déstabilisations de toutes sortes. Il amènera une industrie concurrente vers des impasses technologiques, sociales ou politiques sans que la victime réalise ce qui lui arrive.

La guerre cognitive ne se joue pas seulement entre acteurs économiques. L’image fait office de détonateur en amont de processus longs et coûteux. On se souviendra, lors de la première guerre en Irak, de la « fake news » des soldats irakiens massacrant des bébés dans des maternités. Ce mensonge accompagné de « témoignages » fut porté par un système d’agences publicitaires et de communicants. Ce puissant réseau soutenait alors une guerre économique et militaire au Moyen-Orient. Les belligérants fabriquent des représentations à usages budgétaires et médiatiques. Ces belligérants ne vivent pas forcément hors de nos frontières. Lors de son discours d’adieu à la nation américaine, en 1960, le président Dwight Eisenhower qualifiait le complexe militaro-industriel de principal danger pour le peuple américain [22].

Comme la conquête spatiale, la guerre économique est duale par essence. Les pénuries, les destructions physiques et psychologiques appellent de multiples solutions et thérapies. Des ingénieurs, partout sur la planète, sont à l’œuvre. Certains organisent en amont de la veille technologique, une intelligence inventive capable d’anticiper le monde qui vient. Il faudra réparer bien des blessures.

Les scientifiques, notamment ceux de la Commission intelligence économique d’IESF savent qu’en amont du brevet, l’inventeur écrit et publie. Grâce à la bibliométrie [23] et à la scientométrie [24] apparaitront les collèges invisibles de ceux qui changent le monde plus sûrement que les politiciens. Car cette guerre comme les autres va changer notre univers. Les parcours de ces professionnels chez Gazprom, Esso, Siemens ou Huawei permettent, mieux encore que le « perception management » de lire l’après-guerre qui vient. [25]

Puisque nous demandons à l’État stratège d’anticiper les conséquences, imaginons le pire. Prenons un exemple aux enchaînements systémiques. L’un des belligérants, par exemple la Russie, économiquement à genoux ne supporte plus de voir sa population affamée et démoralisée. Face aux sanctions, l’adversaire monte d’un cran dans la réplique et coupe tout ou partie des câbles d’Internet reliant les États-Unis à l’Europe. 98% des données nécessaires à la vie économique et financière de l’Ouest européen passent par ces câbles. Les « data centers » s’éteignent les uns après les autres…

La Russie dispose des moyens maritimes pour détruire ces communications. Tous les services de renseignement et les opérateurs d’importance vitale (OIV) travaillent sur le sujet depuis des mois. La reconstruction de nos communications, de notre système bancaire, le pilotage de nos usines, de nos avions, justifient de nombreuses recherches. Des solutions apparaissent. Des innovations également. La guerre invente.

Nous devrons refaire un nouvel Internet. Il existe déjà ! [26] Il sera beaucoup plus sécurisé. Des ingénieurs français dont Louis Pouzin et des Américains l’ont conçu. Par ailleurs face à un euro affaibli, la technologie de la blokchain [27] donnera aux cryptomonnaies européennes les avantages que l’on connait en termes de confiance et de solidité. Il y aura cependant un prix à payer. Des institutions disparaitront. La destruction créatrice [28]n’ira pas sans révolution douloureuse.

Si les diplomates ne sont pas convoqués la poursuite du jeu aboutira à l’anéantissement de la civilisation occidentale...

Les organisations qui travaillent sur ces scénarii inventent déjà une nouvelle économie. Ce faisant ils découvrent, seule ombre au tableau, que « l’ennemi » prévenu et informé par des années de menaces y pense également. Il se dote lui aussi de réseaux, de technologies de substitutions. Nous arrivons au terme de l’exercice. Il s’agit maintenant d’ inventer la paix. Si les diplomates ne sont pas convoqués la poursuite du jeu aboutira à l’anéantissement de la civilisation occidentale par l’arme atomique. [29]On sait d’expérience que ce genre de décision dépendra d’une lecture pertinente ou erronée de la réalité. Le « perception management » est né à l’origine des méthodes du « player tracking » dans le monde des jeux de Las Vegas pour anticiper les décisions balistiques de l’ennemi.

Qu’elle éclate ou non la guerre nucléaire est dans les têtes. Elle fait les titres des media. Elle impacte le moral des combattants, celui des familles. La construction d’abris anti-atomiques en Russie obéit à un programme renouvelé depuis quelques années. La Suisse dispose quasiment d’un abri pour chaque citoyen. En Suède 65 000 abris peuvent accueillir 7 millions de personnes. L’opinion s’émeut des 3 millions qui n’ont pas encore de place. L’Allemagne lance un inventaire, prépare d’urgence un vaste programme pour mettre sa population à l’abri.

Nous sommes devenus périphériques.

Lors du dernier conflit de haute intensité, la France disposait de la ligne Maginot. Contrairement à la légende, elle fut particulièrement efficace. [30] C’est bien pour cela que l’ennemi l’a contournée. Demain les Français regarderont leur trousseau de clé, ils chercheront celle de l’abri. [31] Il est temps pour nous que la diplomatie réinvente la paix. La récente initiative de l’Indonésie d’inviter en novembre 2022 à Bali les présidents russes et ukrainiens pour le sommet du G20 est un signal diplomatique fort.

Elle pose la question de savoir qui est vraiment isolé sur la scène internationale. Elle montre aussi le poids de l’Asie et de son économie. Quelle que soit l’issue de cette initiative diplomatique, elle poursuit une tendance. Nous sommes devenus périphériques.

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[1« The end of History and the Last man » du politologue américain Francis Fukuyama, 1992. Le célèbre auteur envisageait en fait une extension de la démocratie rendant impossible les affrontements entre sociétés du même type dans un univers mondialisé, pacifié.

[2Les raisons de cette intervention mériteraient de longs développements qui n’entrent pas dans le cadre de cet article. Ceux qui conduisent la guerre ne sauraient cependant faire l’impasse sur certaines causes.

[3« La Cité antique », 1864.

[4Initiative mondiale pilotée par Gérard Péliks et Béatrice Laurent en partenariat avec Université de Paris et l’Association des Réservistes du Chiffre et de la Sécurité de l’Information (ARCSI).

[5La guerre russe en Ukraine favorise la prégnance du crime organisé sur tous les marchés parallèles qui se mettent en place. Cette intervention des mafias va accentuer une tendance à l’inflation déjà perceptible avant la guerre et aggraver un risque de récession en éloignant l’économie honnête de plusieurs secteurs. Les indicateurs économiques classiques risquent de devenir obsolètes.

[6Le 25 mars 2022 la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et Joe Biden président des États-Unis ont conclu un accord de principe sur le transfert des données personnelles des citoyens européens vers les États-Unis. Or à deux reprises la Cour de Justice européenne s’était opposée à ce transfert, les lois étatsuniennes sur le renseignement, « Cloud Act » et « Patriot Act » étant jugées trop intrusives.

[7https://www.getrevue.co/profile/souverainetech.
Alim’agri la revue du ministère de l’agriculture et de l’alimentation dans son sixième numéro affiche une belle photo de tournesol…

[8« L’archipel français » de Jérôme Fourquet, Seuil, 2019.

[9NDLR : En 2021, sept des vingt-sept États membres de l’Union européenne seraient en difficulté avec le respect de certains principes de l’État de droit, selon « L’État de droit dans l’Union européenne », Rapport d’information de MM. Philippe Bonnecarrère et Jean-Yves Leconte, fait au nom de la commission des affaires européennes (du Sénat, France), n° 457 (2020-2021) - 18 mars 2021. Voir aussi Jean-Yves Leconte, Pierre Verluise, « Quelles variations de l’État de droit dans l’Union européenne ? Entretien avec Jean-Yves Leconte », publié sur Diploweb.com le 30 mai 2021 à l’adresse https://www.diploweb.com/Quelles-variations-de-l-Etat-de-droit-dans-l-Union-europeenne-Entretien-avec-Jean-Yves-Lecomte.html

[10Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises promulgué par la loi le 22 mai 2019.

[11Aujourd’hui la conduite interministérielle de l’intelligence économique est coordonnée par le SISSE, le Service d’Information Stratégique et de Sécurité Économique, rattaché à la direction générale des entreprises au ministère de l’Économie et des finances.

[12Il est intéressant de noter que les deux candidats du deuxième tour de l’élection présidentielle de 2022 utilisent le vocabulaire de la guerre économique.

[13Le protectionnisme intelligent page 157 et suivantes Intelligence politique et État stratège, De Bernard Besson & Jean Claude Possin, Amazon et Amazon Kindle mars 2022. Une relation détaillée sur une politique d’économie de guerre.

[14IESF, 7, rue Lamenais Paris 75008 https://www.iesf.fr La Société nourrit à partir de témoignages concrets et pratiques le contenu d’un MOOC dédié à l’intelligence économique articulé autour des cinq piliers que sont l’éthique, l’intelligence collective, l’intelligence des risques, l’influence et l’intelligence inventive.

[15Nos amis japonais ont coutume de dire qu’en France chaque gouvernement refait ce que le précédent avait déjà fait. Combien de fois n’avons-nous pas entendu cette parole ministérielle : « Faîtes-moi un rapport. »

[16Réalités dont n’avons que des représentations, des images détournées, des évaluations provisoires, partisanes.

[17Tout conflit qu’il soit économique ou militaire suscite une narration dont la construction est un exercice complexe faisant intervenir des médias, des influenceurs, des perceptions culturelles différentes, des émotions. Savoir qui parle de la guerre ou qui n’en parle pas est un champ de bataille dans la bataille.

[18La Russie a souvent connu une économie de semi-pénurie due à son histoire et à son climat. C’est aussi le pays de la TRIZ (acronyme russe de la Théorie de Résolution des Problèmes Inventifs, Teorija Reshenija Izobretateliskih Zadatch C’est une approche heuristique destinée à résoudre des problèmes d’innovation, principalement techniques. Elle est élaborée à partir de 1946 par l’ingénieur soviétique Genrich Altshuller, lorsqu’il constata que le progrès technologique suit de façon générale un cours descriptible par des lois. Ces lois suggèrent une procédure à suivre pour innover en matière de technologies, notamment en explorant des solutions génériques, empruntées à d’autres domaines, qui n’ont pas encore été appliquées au problème particulier à l’étude.

[19Eve Curie, l’autre fille de Pierre et Marie Curie, Claudine Monteil , Odile Jacob, 2016 dans « Voyage chez les guerriers » la journaliste de la France Libre décrit l’affaiblissement de l’image des Européens du fait du conflit. Les guerres d’indépendance sortiront de cet affrontement entre nations européennes.

[20« La guerre cognitive » de Christian Harbulot et Didier Lucas Lavauzelle 2005.

[21La gestion de la perception, connue sous le vocable anglais perception management, est, selon le département de la Défense des États-Unis une technique qui « recouvre les actions consistant à fournir et/ou à camoufler une information sélectionnée et des indices à des audiences étrangères de façon à influencer leurs émotions, leurs motivations et leurs raisonnements objectifs »

[22Ce texte est disponible sur plusieurs sites, notamment en langue française sur https://www.les-crises.fr/eisenhower-1961/

[23La bibliométrie peut être définie comme « l’application des mathématiques et des méthodes statistiques aux livres, articles et autres moyens de communication » (Beauvens, 1969).

[24La scientométrie est la science de la mesure et l’analyse de la science. Elle est souvent en partie liée avec la bibliométrie et peut être considérée à la fois comme une réduction et une extension de celle-ci.

[25La détection des collèges invisibles par la scientométrie et la bibliométrie, arme de guerre économique, fut mise au point par le CEDOCAR, centre de documentation de l’armement. Là encore, la France fut pionnière.

[26https://fr.wikipedia.org/wiki/Recursive_Internetwork_Architecture. Il est de notoriété publique que l’Internet que nous utilisons aujourd’hui est fragile et n’avait pas été pensé dans le cadre d’une guerre économique de haute intensité.

[28Chère à Joseph Schumpeter la destruction créatrice accompagne toutes les guerres.

[29Lors de la précédente Guerre froide, la confrontation entre les États-Unis et l’URSS avait conduit le monde au bord de l’autodestruction. Sur le processus décisionnel d’un conflit atomique l’auteur de cet article a publié une fiction, «  1962 », aux éditions Odile Jacob, 2015. Le scénario fut tiré de son expérience au sein du contre-espionnage français. La même maison a eu l’audace de publier plusieurs fictions sur la guerre économique et ses conséquences signées du même auteur. A une époque où le sujet paraissait anecdotique.

[30Il suffit de se rendre sur place pour voir ce qu’il est advenu des blindés allemands qui s’approchèrent.

[31Certains stratèges avancent l’idée que la France n’a pas besoin d’abris anti atomiques puisque nous disposons de la force nucléaire. Lors de la chute de l’URRS, l’auteur a eu connaissance en 1989 des initiatives adverses face à cette affirmation. La chaîne décisionnelle française était visée de manière astucieuse. Il n’est nul besoin d’introduire un logiciel espion ou une taupe humaine à l’Elysée pour paralyser la force de dissuasion : voire « Les Vierges de Kotelnikovo » aux éditions Calmann-Lévy, 1999. Toute guerre est une ruse.

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