Frédéric Ramel, professeur des Universités en science politique à Sciences Po et chercheur au Centre de recherche internationales (CERI) de Sciences Po. Frédéric Ramel co-signe avec Aghiad Ghanem un manuel de référence : « Espace mondial », aux éditions Presses de Sciences Po.
Interview organisée et conduite par Pierre Verluise, docteur en Géopolitique, fondateur du Diploweb, il produit Planisphère sur Radio Notre Dame et RCF depuis septembre 2024. Cette émission a été diffusée en direct le 28 janvier 2025.
Synthèse par Émilie Bourgoin, étudiante en quatrième année au BBA de l’EDHEC et alternante au sein de la cellule sûreté d’un grand groupe. Elle est en charge du suivi hebdomadaire de l’actualité des livres, revues et conférences géopolitiques comme de la rédaction des synthèses des épisodes de l’émission Planisphère pour Diploweb.
A l’heure de la post-vérité, la connaissance peut-elle encore apporter des clés de compréhension de l’espace mondial ? Quand nous sommes soumis à flux continu à des stimulations émotionnelles, est-il encore possible de chercher à saisir le contexte, la structure, la régulation et les tensions qui produisent le monde ? En fait, quelle géopolitique de l’espace mondial ? Pour répondre, nous avons l’honneur de recevoir Frédéric Ramel. Podcast, vidéo et synthèse rédigée par Emilie Bourgoin, relue et validée par F. Ramel.
Cette émission, Planisphère, Quelle géopolitique de l’espace mondial ? Avec F. Ramel, sur RND
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Synthèse de cette émission, Planisphère, Quelle géopolitique de l’espace mondial ? Avec F. Ramel. Rédigée par Émilie Bourgoin pour Diploweb.com . Relue et validée par F. Ramel
La géopolitique de l’espace mondial s’articule autour de nombreuses dynamiques qui influencent la manière dont les nations, les organisations et les individus interagissent. En se penchant sur des exemples variés, tels que le contrôle des ressources naturelles ou les défis de la modernité, il est possible de comprendre comment ces forces façonnent le monde actuel. Frédéric Ramel explore les grandes thématiques de l’interdépendance mondiale, de l’accélération des échanges, des déséquilibres environnementaux, et des interactions entre acteurs étatiques et non-étatiques.
Le pernambouc, arbre d’essence rare des côtes brésiliennes prisée pour la fabrication des archets d’instruments à corde (violons, violoncelles…), incarne les tensions entre exploitation économique et préservation environnementale. Inscrit en 2007 par la Convention internationale sur le commerce des espèces menacées sur une première liste de flore à risque d’extinction, cet arbre est depuis au cœur d’un bras de fer entre le Brésil, fervent défenseur de sa protection, et les pays occidentaux, attachés à son exploitation. Ce cas met en lumière les fractures Nord-Sud et illustre comment même un instrument de musique peut devenir un enjeu de diplomatie environnementale.
Deux dynamiques complémentaires définissent l’accélération dans l’espace mondial. D’une part, la grande accélération, amorcée après 1945, reflète dans le temps court (c’est-à-dire depuis le XXe siècle) l’impact de la Révolution industrielle sur le climat, notamment à travers l’augmentation des transports et de la production économique. En 2019, par exemple, 11 milliards de tonnes ont été acheminées par porte-conteneurs. D’autre part, la modernité, processus initié dès le XVIe siècle et donc dans le temps long, repose sur une quête incessante de progrès et de nouvelles expériences, intensifiant les connexions et les rythmes de vie. Cette double accélération n’est cependant pas uniformément vécue : certains États poursuivent cette dynamique sans s’interroger sur ses conséquences, tandis que d’autres militent pour sa régulation via le développement durable.
L’accélération mondiale exacerbe les déséquilibres écologiques. La surconsommation de ressources, telles que le sable ou les terres rares, engendre des pressions sur leur renouvellement. Par ailleurs, la dégradation des glaciers et l’élévation du niveau des mers soulignent les conséquences directes de ces excès. La dépendance énergétique reste un enjeu majeur, avec une tension constante entre exploitation et préservation, alors même que les sociétés modernes réclament toujours plus de ressources pour leur électrification.
Bonus. Vidéo de l’émission, Planisphère, Quelle géopolitique de l’espace mondial ? Avec F. Ramel
Dans l’espace mondial, les États ne sont pas seuls maîtres du jeu. Les multinationales, comme SpaceX d’Elon Musk, et les ONG, telles qu’Amnesty International, jouent des rôles cruciaux dans les crises contemporaines, de la guerre en Ukraine à la documentation des génocides. Même les individus, comme l’immolation en décembre 2010 d’un jeune tunisien sur un marché à l’origine des printemps arabes (2011), démontrent comment des actions locales peuvent déclencher des dynamiques internationales. En revanche, ces acteurs transnationaux redéfinissent la géopolitique en introduisant des intérêts souvent divergents puisque les firmes multinationales et les ONG ne poursuivent pas forcément les mêmes objectifs.
La guerre informationnelle, ou Sharp power, se manifeste par la diffusion de fausses informations, l’utilisation de bots ou encore des campagnes de désinformation orchestrées par des États comme la Russie et la Chine. Bien qu’elle n’implique ni létalité ni déclaration formelle, elle crée de nouvelles rivalités et s’intègre dans les doctrines stratégiques modernes. Cette guerre silencieuse fragilise les démocraties et accentue les tensions internationales.
La transition du global au planétaire implique une réflexion sur l’entrelacement des enjeux climatiques, économiques et sociaux. La sécurité environnementale, née dans les années 1970, vise à protéger la nature tout en contrôlant les ressources. Cependant, des tensions émergent entre protection environnementale et exploitation économique. Par exemple, l’absence de reconnaissance de l’écocide comme crime international illustre ces contradictions. Par ailleurs, des crises comme la COVID-19 mettent en lumière la fragilité de l’habitabilité mondiale et les inégalités dans les responsabilités partagées.
L’image du « nid », empruntée au philosophe Gaston Bachelard (1884-1962) dans son livre « Poétique de l’espace », suggère une vision positive de l’espace mondial. Ce nid, métaphore d’un milieu à protéger, incite à penser l’humanité comme intendant de la planète. Contrairement aux discours souvent centrés sur la survie et les rapports de force, il invite à cultiver un imaginaire collectif où la préservation de la vie devient centrale. Cette perspective engage non seulement les États, mais aussi les individus, à adopter des actions durables et bienveillantes pour bâtir un espace mondial habitable et harmonieux.
Copyright pour la synthèse Janvier 2025-Bourgoin/Diploweb.com
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. Frédéric Ramel co-signe avec Aghiad Ghanem un manuel de référence : « Espace mondial », aux éditions Presses de Sciences Po
4e de couverture
Liant Relations internationales et condition planétaire, ce manuel invite à cultiver un nouveau regard sur des enjeux mondiaux omniprésents, mais souvent négligés ou simplifiés. Riche d’une centaine de cartes et documents, il donne à comprendre l’interdépendance profonde des faits sociaux, environnementaux, économiques et sécuritaires.
Nos vies sont plus que jamais liées les unes aux autres. Un virus circulant à travers les frontières entraîne des mesures de confinement dans la majorité des pays. Une guerre interétatique expose à des ruptures d’approvisionnement en gaz et en céréales bien au-delà des États belligérants. Le succès d’un objet du quotidien rend les économies dépendantes de terres rares dont l’exploitation se révèle particulièrement polluante sur l’ensemble des continents. Si cette tendance à nous voir exposés à des enjeux qui débordent le cadre national n’est pas forcément nouvelle, elle prend de plus en plus d’ampleur. La coupure entre affaires intérieures et extérieures des sociétés ne tient plus : nous évoluons dans un espace mondial, la plupart du temps sans que nous nous en rendions pleinement compte.
Liant Relations internationales et condition planétaire, ce manuel invite à cultiver un nouveau regard sur des enjeux mondiaux omniprésents, mais souvent négligés ou simplifiés. Riche d’une centaine de cartes et documents, il donne à comprendre l’interdépendance profonde des faits sociaux, environnementaux, économiques et sécuritaires.
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