Nicole Gnesotto, Vice-présidente de l’Institut Jacques Delors et Professeur émérite au CNAM. Spécialiste des questions stratégiques, elle a été le premier directeur de l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne. Nicole Gnesotto publie : Choisir l’avenir. 10 réponses pour le monde qui vient, chez CNRS éditions.
Interview organisée et conduite par Pierre Verluise, docteur en Géopolitique, fondateur du Diploweb.com, il anime Planisphère sur Radio Notre Dame et RCF depuis septembre 2024. Cette émission a été diffusée en direct le 22 octobre 2024.
Synthèse par Emilie Bourgoin, étudiante en quatrième année au BBA de l’EDHEC et alternante au sein de la cellule sûreté d’un grand groupe. Elle est en charge depuis septembre 2024 du suivi hebdomadaire de l’actualité des livres, revues et conférences géopolitiques comme de la rédaction des synthèses des épisodes de l’émission Planisphère pour Diploweb.com.
Pouvons-nous choisir - au moins en partie - l’avenir du monde qui vient ? Et d’abord, quels diagnostics sur l’état présent de la planète ? Quels scénarios possibles sur les grands sujets géopolitiques ? Un chaos mondial, mais jusqu’où ? Devons-nous voir dans les relations Chine-Etats-Unis la confrontation du XXIe siècle ? Et l’Union européenne dans tout ça, puissante ou misérable, voire effacée ? Et bien sûr, quid du Sud ? Faut-il céder au pessimisme voire au catastrophisme, ou se relever les manches avec intelligence et pugnacité ? Pour répondre, nous avons l’honneur de recevoir Nicole Gnesotto.
Podcast, vidéo et synthèse rédigée, validée par N. Gnesotto.
Cette émission, Planisphère, Pouvons-nous choisir l’avenir du monde qui vient ? Avec N. Gnesotto, sur RND
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Synthèse de cette émission, Pouvons-nous choisir l’avenir du monde qui vient ? Avec N. Gnesotto. Rédigée par Emilie Bourgoin pour Diploweb.com, relue et validée par N. Gnesotto
DANS un monde en pleine mutation, marqué par des crises successives et des incertitudes croissantes, se pose la question de l’avenir de notre société et de la place que les gouvernements peuvent encore occuper pour influencer le cours des événements. Loin d’être fataliste, la discussion explore les possibilités d’action politique et les grands choix stratégiques qui s’offrent aux décideurs pour améliorer le sort de tous, au-delà des intérêts des nations occidentales. Nicole Gnesotto livre une analyse des scénarios envisageables pour le monde de demain, en tenant compte des défis géopolitiques, économiques et sociaux actuels.
Le sentiment de chaos mondial est omniprésent. Contrairement à un simple désordre, le terme "chaos" sous-entend qu’il n’y a pas de modèle de référence auquel revenir, comme durant la Guerre froide. Aujourd’hui, le monde évolue sans règles fixes ni "gendarme" pour l’encadrer, ce qui rend l’anticipation particulièrement fragile. Les événements géopolitiques, comme la relance de l’invasion de l’Ukraine par la Russie (2022) ou le retour de l’isolationnisme américain, témoignent d’une grande incertitude quant aux scénarios futurs. Cette situation est exacerbée par la manipulation des émotions au sein des sociétés, alimentant les clivages et renforçant l’imprévisibilité des évolutions mondiales.
Trois scénarios pour l’avenir
Trois scénarios principaux se dessinent pour l’avenir de l’ordre mondial :
1. Restauration de la puissance occidentale : Ce scénario envisage un retour à un monde dominé par les principes et l’influence des pays occidentaux. Cependant, il apparaît peu réaliste, car la majorité de l’humanité (l’Occident ne représente plus que 10 % de la population mondiale) ne soutient plus cette domination.
2. Confrontation entre démocraties et autoritarismes : Dans ce scénario, le monde serait divisé en deux blocs idéologiques : les démocraties occidentales et les régimes autoritaires menés par la Chine. Bien que populaire en Occident, ce scénario est simpliste et ne tient pas compte de l’interdépendance économique et des besoins de collaboration, notamment sur des enjeux mondiaux comme le changement climatique.
3. Désordre différencié : Le scénario le plus probable, où différents systèmes et structures coexisteraient à travers le monde. Par exemple, en Europe, l’affrontement entre démocratie et totalitarisme peut avoir du sens, mais pas à l’échelle mondiale. Le seul fil conducteur reste la mondialisation économique, qui continue malgré les rivalités politiques et idéologiques.
Bonus. Vidéo de cette émission Planisphère, Pouvons-nous choisir l’avenir du monde qui vient ? Avec N. Gnesotto
Les relations entre la Chine et les États-Unis semblent destinées à une confrontation continue, mais de quelle nature et de quel degré ? Deux scénarios extrêmes paraissent peu probables : une guerre mondiale directe en raison de la dissuasion nucléaire, et une coopération bienveillante sur des enjeux globaux. Le scénario le plus probable est celui d’un affrontement stratégique et technologique, nécessitant des mécanismes de prévention de crise encore inexistants. L’Europe devra définir sa position face à cette rivalité.
L’Union européenne (UE) se trouve à un tournant critique. Si elle a démontré une résilience notable face aux crises récentes (économique, terroriste, migratoire, sanitaire), la question demeure de savoir si les forces d’intégration économique suffiront à éviter une désintégration politique. Deux scénarios sont envisagés : une déliquescence insidieuse sous la pression du populisme et des divisions internes, ou l’émergence d’une puissance européenne autonome, capable de définir ses propres stratégies en matière de défense, d’économie et de souveraineté.
Le Sud Global est souvent perçu comme un bloc homogène dans la vision occidentale, mais la réalité est tout autre. Les pays du Sud sont divisés et hétérogènes, avec des ambitions et des intérêts variés. Leur seule cohésion réside dans une critique commune de l’Occident, perçu comme accaparant le pouvoir mondial sans partage équitable. Pour éviter que ces pays ne tombent sous la coupe de régimes autoritaires, il est essentiel que l’Europe développe une stratégie de respect et de partenariat, plutôt que de simple séduction.
Pour approfondir ces questions stratégiques et géopolitiques, plusieurs ressources sont recommandées :
. Institut Jacques Delors : Pour les questions européennes.
. Diploweb.com : Un lieu de débat et de ressources incontournables pour l’analyse stratégique.
. IFRI : Une expertise reconnue sur les questions stratégiques internationales.
. Institut d’études de sécurité de l’Union européenne, European Union Institute for Security Studies (EUISS) : Une institution clé pour les analyses de sécurité en Europe.
Copyright pour la synthèse Octobre 2024-Bourgoin/Diploweb.com
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Nicole Gnesotto : Choisir l’avenir. 10 réponses pour le monde qui vient, chez CNRS éditions
4e de couverture
Comment agir dans un brouillard tenace ? La confusion, l’incertitude, le désordre, le n’importe quoi, le chaos, tels sont les termes qui dominent dans les analyses contemporaines du monde. Beaucoup partagent en effet ce sentiment étrange que tout va de plus en plus vite, de plus en plus mal, sans que personne ne contrôle quoi que ce soit. Force est de reconnaître que nos sociétés ne manquent pas de raisons de redouter l’avenir, et que les scénarios du futur ne riment pas toujours avec le meilleur des mondes.
Comment penser ce nouveau chaos mondial ? La démocratie est-elle en danger ? La guerre est-elle inévitable, en Europe notamment ? La mondialisation économique est-elle menacée ? Les innovations technologiques sont-elles destructrices de notre modèle de société ? L’Europe est-elle condamnée à l’impuissance ? Quid du Sud dans ce nouvel échiquier mondial ? Telles sont, entre autres, les questions qui structurent cet essai. Elles n’impliquent aucune fatalité, aucun destin.
Tous les scénarios sont en effet possibles, du pire au meilleur, du plus conflictuel au plus serein. C’est même la seule vertu des périodes de transition historique que d’être modelables par l’action des hommes. Selon les choix politiques qui seront faits, selon que les démocraties sauront être plus fortes et l’Occident moins obsédé de lui-même, selon les principes qui seront au cœur de l’action internationale – le monopole ou le partage, la discrimination ou l’inclusion, l’individu ou le bien commun, le nationalisme ou l’intégration, la démocratie ou la contrainte, etc. -, des futurs bien différents sont à portée de main.
Libre à nous, donc.
Nicole Gnesotto est vice-présidente de l’Institut Jacques Delors et professeure émérite au CNAM. Elle est l’auteure de L’Europe : Changer ou périr (Tallandier, 2022), L’Europe indispensable (CNRS Éditions, 2019),
et Où va le monde ? avec Pascal Lamy (Odile Jacob, 2017).
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