Thierry Garcin, docteur en science politique habilité à diriger des recherches, est chercheur associé à Paris Descartes. Professeur invité à l’Université Paris-Sorbonne Abou Dhabi, il est maître de conférences à HEC. Il a longtemps enseigné à Sciences Po Paris. De 1984 à 2017, il a été producteur délégué de l’émission quotidienne « Les Enjeux internationaux » (Radio-France). Membre du Conseil scientifique du Diploweb.com
A une époque de post-vérité marquée par l’essor de nouveaux vecteurs d’information et désinformation, comment (re)trouver des pratiques consolidées ? Le Diploweb.com a posé la question à celui qui a produit durant trois décennies l’une des meilleures émissions sur l’international, Thierry Garcin, producteur sur France Culture des « Enjeux internationaux ». Il répond de façon très maîtrisée, non sans quelques piques justifiées mais délicieuses.
Bonus, en pied de page, quelques comptes twitter recommandés par la rédaction du Diploweb.com.
LA RECHERCHE de l’information, pertinente et vérifiée, n’est pas un travail mais une quasi-discipline. Nous avons tous connu ce moment étrange où le sol se dérobait sous nos pas, parce que nous faisions face à des données essentielles, mais contradictoires ou divergentes, au point de ne pas pouvoir les utiliser ou de les écarter momentanément. Et cela qu’il s’agît de dates, de chiffres, de déclarations, etc. Bref, où et comment s’informer aujourd’hui sur l’international ?
Avant Internet, la situation était d’autant plus préoccupante dans notre domaine des relations internationales que la France accusait trois déficits sérieux en la matière : l’absence de bibliothèques spécialisées aisément accessibles par le commun des mortels (et encore, on ne parle ici que de la situation à Paris [1]…), le peu de banques de données organisées par des experts reconnus et la rareté des centres de recherches (« Think tanks »). Cela était d’autant plus dommageable que la France revendiquait à juste titre un rang singulier dans le monde et une place à part ou différente dans le concert des nations (politique étrangère, défense…). En fait, nous n’avions pas les outils pour nous informer facilement et rapidement : il fallait remuer des tonnes de papier ou exploiter des dizaines de fiches de bibliothèque pour trouver le bon résultat. Dès lors, la tentation était bien forte de s’en remettre aux prolixes chercheurs américains : d’ailleurs, le recours paresseux à la recherche anglo-saxonne reste une tendance lourde de la communauté scientifique française. Bien sûr, l’avènement de l’électronique et de l’informatique a tout changé, pour le meilleur (on ne s’en plaindra pas) et pour le pire, pour le très médiocre aussi.
Faute d’être pratiquant des réseaux sociaux (Facebook, Twitter…), on ne commentera pas l’apport de ceux-ci en la matière.
NDLR : Par son usage singulier, le président des Etats-Unis D. Trump ( janvier 2017- janvier 2021) a considérablement dégradé l’image de Twitter… tout en lui faisant de la « publicité ». Il s’agit cependant d’un réseau social potentiellement utile pour qui essaie identifier les comptes de qualité. S’abonner ainsi aux comptes des think tanks, revues et institutions de référence, dans plusieurs langues, peut permettre d’avoir accès à des documents intéressants.
Le compte twitter de veille géopolitique du Diploweb @diploweb se différencie de nombres de comptes twitter caractérisés par un esprit de chapelle réduit à leurs seules publications. En effet, le compte twitter @diploweb répercute volontiers les pépites produites par d’autres.
Comment trouver des comptes twitter de qualité ? Une bonne manière d’identifier des sites de qualité est de regarder les comptes auxquels sont abonnés des experts que vous avez connus, lus, évalués. Vous trouverez en pied de page quelques comptes twitter conseillés gracieusement par Diploweb.
Pour sortir de votre bulle, il peut aussi être utile de vous abonner à des comptes d’entités dont vous ne partagez les vues, pour les connaitre et, éventuellement, déconstruire leur argumentation. D’un clic vous pouvez vous abonner… ou vous désabonner.
Quant aux blogs, quand ils ne proposent pas des platées de considérations vagues ou personnelles, ils ne constituent pas un véritable outil de recherche, malgré leur nombre (explicable en partie par la grande faiblesse de la presse quotidienne dans la couverture de l’actualité internationale). Les remarques qui suivront ne seront donc qu’apéritives et basiques, tant l’état des lieux de la documentation serait surhumain à entreprendre, compte tenu du foisonnement des sources disponibles sur Internet. Elles se veulent d’abord utiles au jeune chercheur. Un étudiant, un journaliste ou un honnête homme sont d’abord des explorateurs perdus dans la jungle. On remarquera aussi que tout dépend de l’objet de l’étude, du niveau de précision auquel on veut accéder et des langues lues par chacun (le recours aux sources anglophones, omniprésentes, pouvant être paradoxalement réducteur).
Le premier risque est celui de la dispersion, d’autant plus grand qu’il est souvent difficile dans un premier temps, voire impossible, d’accorder un taux de fiabilité à tel auteur. Raison de plus pour commencer par perdre du temps, utilement : à savoir, repérer les ouvrages ou textes de référence, même et surtout s’ils semblent un peu anciens ou obsolètes. Rien de pire, à la fin d’une recherche (et ce sont des navigations au long cours), quand on découvre qu’un expert avait fort bien traité il y a dix ans un sous-thème qu’on avait dû défricher par soi-même, au cours de longues journées d’enquête, devenues inutiles. C’est l’une des raisons pour lesquelles il vaut mieux privilégier d’abord la synthèse plutôt que l’analyse, afin de ne pas manquer des aperçus fondamentaux et de ne pas se noyer d’emblée dans des détails subalternes. On aura tout le temps par la suite d’actionner l’essuie-glace entre la synthèse et l’analyse.
Pour le chercheur, la quête des sources primaires est donc indispensable, à commencer par l’immense champ des archives. La consultation des sites officiels, la lecture in extenso des discours (comment le raisonnement se développe-t-il, quels liens entre les différents paragraphes, quels thèmes volontairement écartés, quel agencement de quels arguments, etc. ?), l’étude des communiqués de presse (quel poids du contexte interne et/ou international ?), la lecture de certains articles de traités internationaux (la question kurde est incompréhensible sans avoir en tête quelques éléments-clés des traités de Sèvres et de Lausanne), tout ce travail ingrat doit être entrepris en amont. De même, l’intégration de la géographie est un prérequis. À ce sujet, la rareté des cartes orographiques (nécessaires pour comprendre par exemple le Liban d’aujourd’hui) est d’autant plus surprenante que depuis une quarantaine d’années, paraissent quantité d’atlas peu coûteux ou des revues très illustrées [2], le pionnier incontesté du genre restant l’ami Gérard Chaliand, en compagnie de Jean-Pierre Rageau [3].
Par-delà la variété des sujets traités en science politique (mais aussi dans des disciplines voisines), des sources non pas annexes mais complémentaires doivent être convoquées. Par exemple, le monde francophone (Suisse romande, Wallonie belge, Québec canadien) est largement sous-utilisé (centres de recherche, universités, revues…), il n’y a qu’à se baisser pour les exploiter sur Internet. Force est de constater que le Maghreb et l’Afrique subsaharienne francophone sont beaucoup moins utiles sur le plan scientifique.
À ce propos, on n’insistera jamais assez sur la richesse des revues, en particulier de leur numéros spéciaux sur tel thème particulier, dont les experts invités peuvent ouvrir des perspectives inhabituelles, en particulier s’ils relèvent de domaines périphériques [4]. Profitons-en, car ce n’est pas un hasard si la revue Le Débat a malheureusement décidé de sa propre disparition en septembre 2020. Surtout, certaines d’entre elles, trop peu, proposent avec bonheur des recensions d’ouvrages [5] , d’autant plus utiles que celles-ci veuillent bien présenter le contenu du livre avant de le commenter.
Par définition, les thèses et leurs bibliographies constituent un apport exceptionnel.
En France, le manque de curiosité élémentaire pour les questions démographiques est bien connu. Or, les rapports de force internationaux en dépendent beaucoup (poids spécifique des États, droit des minorités, mouvements de population, immigration, facteurs ethniques et/ou religieux, aménagement du territoire, conséquences économiques…). Les diverses données de l’Institut national d’études démographiques (INED), mais aussi de la Division de la population des Nations unies [6] et celles du Census Bureau américain [7] et bien sûr de la revue Population et Avenir [8], sont essentielles. Quant aux études de nos amis géographes, elles constituent de véritables mines, quasi inépuisables. Avec la géographie, l’histoire et le droit bien sûr, la démographie devrait être l’un des soucis prioritaires du chercheur internationaliste en science politique, tout autant sinon plus que la sociologie.
Par définition, les thèses et leurs bibliographies constituent un apport exceptionnel (y compris pour consulter des développements spécifiques dans des disciplines périphériques), une note infrapaginale pouvant éventuellement dévoiler tout un champ de recherche. Pour une fois, le site dédié (« thèses.fr ») est simple, clair et ergonomique. En novembre 2020, il recense plus de 1000 thèses avec le mot géopolitique, en préparation ou soutenues.
Même si la consultation sur Internet peut en être coûteuse, il est souvent confortable d’aller puiser dans les encyclopédies (la francophone Encyclopaedia Universalis, l’anglophone Encyclopaedia Britannica), surtout pour acquérir des notions minimales sur des sujets qui ne sont pas de son ressort (géologie, techniques…), car les notices sont rédigées par des spécialistes incontestés : au moins, on ne dira pas de bêtises… On se gardera par-dessus tout d’ouvrir Wikipedia, qui n’est pas une vraie encyclopédie raisonnée, mais se présente comme un amas de textes d’une fiabilité fort discutable (que d’erreurs dans un domaine qu’on croit connaître !).
Source également importante, les conférences et les colloques [9], les tables rondes encore, même si les pratiquer physiquement s’apparente à une occupation pour étudiants et retraités. On observera qu’en France, ces manifestations seraient plus courues si les horaires et le temps dévolu à chacun étaient vraiment respectés par les organisateurs et les participants. Pris par les obligations de la vie active, on peut traverser Paris pour aller écouter tel expert sur un aspect précis à 15h 30, qui n’interviendra finalement qu’à 17h, bel exploit. Ces apports sont loin d’être négligeables, offrant des éclairages singuliers ou de précieux effets de loupe. Depuis la pandémie du coronavirus, les visioconférences, colloques et réunions diffusés à distance plus ou moins gratuitement (Jitsi, Zoom, Google Meet, Microsoft Teams…) ajoutent heureusement à cette offre centralisée gracieusement par Diploweb.com dans sa rubrique conférences, tout en ne remplaçant pas l’interactivité physique. Certainement - mais ce sont l’expérience et l’âge qui facilitent le recours à ces sources -, des liens personnels avec les experts de la question facilitent grandement les choses.
Parallèlement, sans vouloir cultiver une méfiance stérile, il est toujours utile de ne rien prendre pour argent comptant dans la littérature non spécialisée : comparaison des données et vérification croisée sont la règle. Les fondations, instituts, etc., publient sur Internet quantité d’études de niveau très inégal ; il arrive même que certains d’entre elles soient largement fautives. Pour un chercheur, tout document qui contient au moins une erreur grossière doit être éliminé d’office.
Les chronologies express (quatre ou cinq dates supposées clés) doivent être utilisées avec précaution, car elles servent souvent le propos orienté du rédacteur : non seulement elles sont lacunaires, mais elles sont partisanes. Ou plutôt : lacunaires, parce que partisanes. De toute façon, une bonne chronologie, même courte, doit être raisonnée et hiérarchisée : par thèmes (politique, défense, économie, etc.), ou autrement. Désormais, grâce aux astuces de mise en page et à la couleur, la présentation n’en est que plus dynamique et pédagogique. Il était un temps où Le Monde publiait en janvier, sur quatre pages, avec des focus sur tel événement, une chronologie internationale de l’année passée. D’autres chronologies, dopées par les bouleversements internationaux de 1989-1991, avaient fait florès à l’époque. Elles sont toujours fort utiles, raison pour laquelle nous y faisons référence ci-dessous [10]. Des chronologies commentées sont d’un grand intérêt, à commencer par celles (depuis 2012 et mensuelles) d’Axelle Degans sur Diploweb [11], outre celles (annuelles) que l’auteur de ces lignes a tenues de 2004 à 2019 dans Enjeux diplomatiques et stratégiques [12]. Les chronologies internationales de l’Annuaire français de relations internationales (centre Thucydide) sont fort commodes à consulter, pour les années 2000 à 2019 [13]. Bien sûr, The World Almanac and Book of Facts reste la bible en la matière [14], véritable banque de données à lui tout seul, le CIA World Factbook [15], intéressant et complémentaire, gratuit sur Internet, n’ayant pas la même vocation encyclopédique et offrant des données économiques moins actualisées.
Pour le non-économiste, le recours à des chiffres avérés reste un parcours du combattant et le mieux est alors de ne tabler que sur une seule source (Banque mondiale, Fonds monétaire international, OCDE, Eurostat, INSEE …), car le PIB, les taux d’inflation ou de chômage, etc., varient sensiblement d’une organisation à l’autre pour un même pays. Cela dit (le cas est évident pour les organisations économiques régionales), il est souvent impossible d’étalonner et de comparer des données équivalentes sur plusieurs années. Réactualiser cinq ans plus tard, et point à point, des données chiffrées, peut relever du défi statistique. On reconnaîtra au passage qu’utiliser les sites de la Banque mondiale et du FMI, à moins d’en avoir une grande habitude, revient à traverser une succession de grilles de fils de fer barbelés. Ceux-ci s’acharnent souvent à publier des statistiques inutilisables pour le commun des mortels, les graphiques étant souvent placés à un même niveau élevé d’accessibilité scientifique, d’où une perte de temps appréciable. Il est vrai que la matière-même et les inévitables arborescences en cascade l’expliquent.
Il est admis que la presse française grand public est bien moins rigoureuse que ses homologues allemandes, britanniques ou américaines - c’est même une gentillesse de le dire ainsi.
Il est admis que la presse française grand public est bien moins rigoureuse que ses homologues allemandes, britanniques ou américaines - c’est même une gentillesse de le dire ainsi. À cela, certes, un facteur culturel lourd : tropisme littéraire historique, propension à un militantisme souvent laborieux et excluant, tendance à moraliser son propre point de vue renforcée par le rôle des dits « intellectuels » qui ne sont pas avares de dérives idéologiques complaisantes… Il est aussi reconnu que le journaliste français, sauf exceptions méritoires, ne sépare pas de bon gré le fait du commentaire. Au début des années 1990, Le Monde s’y était officiellement employé, avec une réussite très momentanée et peu évidente. D’un quotidien à l’autre, on formate dans le « chapeau » la lecture que le lecteur doit entreprendre du reste du texte : quelques jours après leur publication, les articles de la presse nationale sont peu utilisables comme outils de travail, hormis les grands entretiens ou autres apports originaux. Tout dépendant en dernier ressort des langues lues par chacun, on remarquera quand même qu’il faut souvent rechercher les entretiens de fond dans les publications allemandes en ligne (en anglais pour les non-germanophones), Der Spiegel étant par exemple fort utile en la matière [16]. En fait, le travail de fond préalable au traitement d’un sujet n’est guère pris en compte par le journaliste, rivé sur l’instant, qui s’appuiera ab initio et in fine sur la dépêche d’agence, laquelle est reine. Sur un autre plan, on peut regretter que la plupart des hebdomadaires français, pourtant condamnés à prendre du recul à cause des délais de fabrication et de distribution, ne fassent souvent qu’élégamment survoler les thèmes en vogue. Il est vrai que les fameux quotidiens américains (le New York Times, le Washington Post, le Los Angeles Times…), qui truffent l’article (un chapelet de paragraphes d’une phrase) de rappels de faits éparpillés et entre crochets, proposent de leur côté un magma peu convaincant et souvent orienté.
Les agenciers sont les vrais informateurs de notre époque.
Dans notre domaine international, le faible contenu des articles s’explique aussi par le fait que les correspondants de presse à l’étranger sont en nombre plus que réduit depuis une quarantaine d’années (même observation cruelle pour la radio de service public). Au motif officiellement économique, mais l’économie a bon dos. Autrefois (c’était d’ailleurs la voie royale pour accéder à de hauts niveaux de direction), le correspondant à l’étranger ne restait pas coincé dans la capitale et proposait - souvent plusieurs jours de suite - des enquêtes panoramiques sur le pays considéré, ne se limitant pas au traitement ad nauseam de l’actualité politique immédiate, comme s’il voulait rivaliser avec les agences de presse dont le travail, lui, reste remarquable et unique (profitons d’avoir à domicile l’AFP, l’une des meilleures agences mondiales). Les agenciers sont les vrais informateurs de notre époque. On remarquera enfin le volontaire affaissement du contenu dans de grands quotidiens parisiens, envahis par des photos en couleurs puériles, mangeant la moitié de la page : une seringue pour parler du sida, un camion renversé pour évoquer la sécurité routière, un masque pour le coronavirus. La poignée de mains Donald-Trump-Kim Jong-un (ou autres…) dévastera le peu de texte qui reste disponible pour le rédacteur.
Le monde change, tous les jours, peut-être plus vite que jamais, mais la puissance reste. La puissance reste, mais elle change elle aussi, tous les jours, dans ses modalités. Pourtant, il y a des fondamentaux. Lesquels ? C’est ce que vous allez découvrir et comprendre. Ainsi, vous marquerez des points. Des points décisifs à un moment clé.
Les sites institutionnels (y compris lorsqu’ils délivrent de la propagande) ne doivent pas être délaissés. Et cela, malgré des architectures souvent biscornues, qui peuvent être d’une rare complexité. Europa.eu (Union européenne) n’est pas un modèle d’ergonomie, à l’image des institutions communautaires elles-mêmes. L’ONU n’étant une communauté internationale que le temps de le dire, on voit mal comment son site pourrait être simplifié ; les sites de la « famille ONU » (une centaine d’entités : CNUCED, FAO, PNUD…) sont souvent plus pratiques. Pour l’ensemble de ces organisations à vocation internationale ou à vocation régionale, mais également pour des chronologies ou synthèses de sites ministériels, nombre de textes ne sont malheureusement pas datés, encore moins mis à jour (y compris ceux du ministère français de l’Europe et des affaires étrangères, l’Europe devenant de plus en plus des affaires étrangères…), souci aggravé quand on veut citer leurs chiffres et leurs données économiques ou militaires. Car, même un aperçu ancien peut être utile, ne fût-ce que par comparaison. De son côté, le chercheur prendra garde de noter à mesure les dates de consultations, notamment pour des sujets évolutifs en science politique (guerres, conflits armés, crises diplomatiques, etc.).
Dans le domaine international, des sites français grand public devraient être beaucoup plus labourés : ceux des revues spécialisées en relations internationales, mais aussi ceux de l’Institut national d’études démographiques (INED), de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM), de la Documentation française (qui présente l’avantage de marier les analyses et les synthèses, elles-mêmes rédigées par des experts qualifiés), de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (l’IFREMER), de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), de la direction générale des douanes et droits indirects (notamment pour les importations et exportations), etc. Parallèlement, les sites professionnels sont beaucoup plus stimulants qu’on ne l’imagine à première vue (armateurs, assureurs, entreprises, fédérations…). En revanche, l’expérience montre que les sites des ONG, caritatives ou non, spécialisées ou non (secours d’urgence, droits de l’homme, développement, écologie…) publient des textes militants, souvent peu fiables pour les précisions qu’ils contiennent (chiffres exagérés, absence de sources, chronologies fautives ou biaisées, citations sorties de leur contexte).
Reste que la couverture internationale par la presse française, compte tenu du rang du pays et de ses responsabilités mondiales (au moins, il y aspire), est globalement très « petit bras ».
Les sites des télévisions et des radios françaises, la plupart centrées sur l’actualité politique immédiate et l’information brute, sont faibles de contenu dans notre domaine international. Même les stations de radio thématiques se veulent d’abord généralistes, favorisant une politique de la demande au lieu de privilégier une ambitieuse politique de l’offre (ce que les fonds publics octroyés seraient d’ailleurs en droit de leur exiger), et sciant tranquillement la branche sur laquelle elles sont assises. Trop de stations généralistes tuent… le « généralisme ». Or, tout n’est pas politique et la politique n’est pas tout. Même des sites de grandes radios nationales européennes consacraient, lors de la période du déconfinement, la quasi-totalité de leurs sujets au… coronavirus. À force de vouloir plaire à tout prix, on finit par dégoûter. En revanche, mais c’est une vieille antienne, le site de la BBC est conçu, constitué et illustré comme une véritable banque de données internationale et comme un objet en soi (sans mentionner la trentaine de langues disponible, dont plusieurs vernaculaires). Il est vrai que nos amis de Radio France internationale (RFI) et de France 24 n’ont pas les mêmes moyens et qu’on ne saurait leur intenter un procès d’intention en la matière… Reste que la couverture internationale par la presse française, compte tenu du rang du pays et de ses responsabilités mondiales (au moins, il y aspire), est globalement très « petit bras ». Cela permet surtout aux responsables de se glorifier de « faire de l’audience ». Apparemment, c’est souvent le but principal et - horresco referens - dans le service public.
Tout n’était pas mieux avant, loin de là. Mais il y a aujourd’hui, fréquemment, moins et pire.
En matière d’information, des bonds de géant ont été effectués depuis une trentaine d’années, voire plus : rapidité de la transmission des nouvelles, ubiquité, information dite continue, variété des supports (image, Internet, réseaux sociaux…), etc. Mais ces progrès n’ont pas été accompagnés en France, sauf exceptions, par une amélioration patente de la qualité : à grand public, information de masse [17]. Il est symptomatique de constater qu’à part l’abonnement coûteux au fil de l’AFP, le lecteur, l’auditeur et le téléspectateur français sont en mal d’assurer quotidiennement une veille de l’actualité internationale. Et la consultation régulière d’une agence de presse amènerait l’homme de la rue à se transformer en journaliste, ce qui n’est pas le but.
Tout n’était pas mieux avant, loin de là. Mais il y a aujourd’hui, fréquemment, moins et pire [18]. À cela, des raisons génériques que nous connaissons tous, qui renvoient à d’autres dossiers : les cruels manques de l’école primaire (comment se fait-il que nombre de journalistes de base ne sachent plus prononcer les liaisons des adjectifs numéraux et cardinaux, se réfugiant dans une absence de liaisons cacophonique ?), l’enseignement raréfié de la géographie et de l’histoire, l’érosion d’une culture générale minimale, la formation des journalistes, etc. En conséquence, on ne saurait nourrir d’espoirs d’amélioration que pour la génération suivante. Aujourd’hui, l’impatience légitime n’a pas lieu d’être : elle ne servirait à rien. Raison de plus pour commencer maintenant.
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[1] La bibliothèque François Mitterrand ne date que de 1995.
[2] Entre autres, Carto, Diplomatie, Questions internationales.
[3] Gérard Chaliand, Jean-Pierre Rageau, Atlas stratégique. Géopolitique des rapports de force dans le monde, Paris, Fayard, 1983, 224 p.
On notera au passage que ces atlas font souvent défaut dans les bibliothèques universitaires. Même remarque désolée pour les revues françaises de politique étrangère, outre leurs homologues suisses, belges et québécoises. Et l’on sait qu’acheter sur Internet un article de revue peut être onéreux (encore plus, pour les chapitres de livres collectifs). Les cartes sur les sites Internet des radios, bien commodes assurément, ne procurent pas du tout le même service à l’auditeur : elles éveillent plus qu’elles n’informent.
[4] Politique internationale, Politique étrangère, Hérodote, Revue internationale et stratégique, Défense nationale, Questions internationales…, on ne saurait les citer toutes. Ne pas négliger celles qui sont plus confidentielles. Durant des années, elles avaient été répertoriées (ainsi que les centres de recherche) sur le site de l’émission « Les Enjeux internationaux » dont j’avais la charge (France-Culture, Radio-France), avant qu’on ne les supprimât sans autre forme de procès (il faut toujours garder des doubles, ce qui - amende honorable - ne fut malheureusement pas le cas).
[5] NDLR : Le blog de la revue Politique étrangère (IFRI) met en ligne ses recensions d’ouvrages http://politique-etrangere.com/category/revue-des-livres/
[9] Colloques dont les actes sont désormais publiés plus rapidement, grâce à Internet, ce qui ne peut que dynamiser la recherche.
[10] Entre autres, à titre d’exemples : la collection « Que Sais-je ? » des Presses universitaires de France (Les grandes dates du XXe siècle, Le monde depuis 1945, Chronologie internationale. 1945-1977, etc.). Le Journal de l’année, chez Larousse. L’Année internationale, au Seuil. L’Année internationale. Bilan et analyses, annuaire géopolitique de la revue Politique internationale, sous la direction de François Joyaux, lancé en 1989, Hachette. Jean-Jacques Roche, Chronologies thématiques des Relations internationales. De 1945 à fin 2006, Paris, Gualino éd., 2007, 200 p. Charles Zorgbibe, Chronologie des relations internationales depuis 1945, Paris, PUF, 513 p. François Sirel, Serge Cordellier et alii, Chronologie du monde au XXe siècle. Huit actes. 1000 dates, Paris, La Découverte/Poche, 2004, 153 p.
[12] Paris, Economica, de 2004 à 2014 ; Paris, Les Points sur les i, de 2016 à 2019.
[13] <https://www.afri-ct.org/category/pu...> . Une trentaine de dates par mois.
[14] Sarah Janssen (dir.), New York, World Almanac, annuel (le dernier en date : novembre 2019, 1008 p.).
[15] The CIA World Factbook 2019-2020, New York, éd. Skyhorse, 2020, 1176 p.
[16] Parallèlement, les recensions de livres, si bénéfiques, ne sont plus de mise dans la presse grand public, sauf exception (ouvrage à la mode) ou parce qu’il faut servir un copain. Ce travail ingrat, qui permet de discerner les courants de pensée du moment, reste le lot des revues françaises de politique étrangère et de défense, mais en nombre très limité.
[17] Du même auteur, on se reportera à « L’internationaliste et la médiatisation des RI », in Thierry Balzacq et Frédéric Ramel (dir.), Traité de relations internationales, Paris, SciencesPo Les Presses, 2013, 1228 p., p. 1199-1214.
[18] Lire, de Xaxier Guilhou, sur Diploweb : « Géopolitique : quelle pédagogie pour des dirigeants privés et publics de plus en plus incultes ? », https://www.diploweb.com/Geopolitique-quelle-pedagogie-pour-des-dirigeants-prives-et-publics-de-plus-en-plus-incultes.html, 6 septembre 2020.
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