Professeur de géographie (Sorbonne Université) et chercheur au CNRS (laboratoire SIRICE). Gilles Fumey vient de publier « Feu sur le breakfast ! »(éd. Terre Urbaine, 2020) et « Manger local, manger global » (CNRS-Éditions, 2021).
Les sciences sociales sont de plus en plus présentes dans les études sur l’alimentation. Après les historiens et les anthropologues, les géographes ont réactivé les études esquissées par Jean Bruhnes, auteur de la célèbre formule (« Manger, c’est incorporer un territoire ») et poursuivies par Max. Sorre, analyste des « systèmes alimentaires » qui ont inspiré dans les années 1950 les premières politiques de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Pourquoi la géographie s’impose-t-elle comme une science de l’alimentation pour l’avenir ? Gilles Fumey apporte des réponses innovantes. Illustré de deux cartes.
ET SI nos nourritures n’étaient qu’une manière de nous relier au monde ? Nous sommes des êtres « sur terre » [1] qui, éparpillés sur toutes les régions de la planète, ont un besoin physique de ce lien pour leur survie physique. Mais ces nourritures sont, à elles seules, une géographie qui est le résultat d’un gigantesque et constant brassage de plantes, de plats et de boissons destinés à satisfaire tous les appétits partout où que nous soyons. Néanmoins, les dernières crises, celle de 2008 et de 2020, ont brisé ce rêve et la géographie est revenue dans le débat. Non pas tant pour amplifier la mondialisation en cours que pour trouver des solutions à toutes les inquiétudes qu’elle suscite. Dans « Famine au Sud, malbouffe au Nord » (Nils, 2012), l’agronome Marc Dufumier avait tissé un lien géopolitique entre ces deux catastrophes alimentaires. Une prise de conscience salutaire – au moins dans l’opinion - a permis une hauteur de vues sur l’ensemble des questions. Les politiques évoquèrent l’agroécologie comme une piste contre la violente crise qui frappe certains pans de l’agriculture française. Mais les politiques passent, oublient, évoluent, d’autres plaident pour plus de régulation par le marché… Ce serait donc encore une autre géopolitique entre pays riches à l’échelle mondiale cette fois : le lait néozélandais contre celui de la Normandie, et la viande bovine argentine contre celle du Limousin. Un feuilleton qui n’est pas près de se terminer, le pilotage de ce grand désordre se pratiquant à des niveaux supranationaux.
La géographie, donc, permet à la fois de saisir les enjeux planétaires et locaux des productions et des consommations alimentaires. Mais pour dépasser les simples chiffres et voir plus loin qu’une politique, par définition, conjoncturelle, il faut faire de l’histoire, traquer les routes anciennes de tous les grands produits alimentaires, tels que l’humanité les a adoptés avant même le néolithique. Cela veut dire aussi connaître, produit par produit, l’origine des grandes catégories d’aliments, du végétal à l’animal, et dans chacune de ces catégories, des classes de produits comme les céréales, les légumineuses et les protéagineux, les fruits et les légumes pour le végétal, et pour les produits carnés, de la viande à la volaille, des poissons jusqu’aux insectes – très présents dans l’alimentation des sociétés tropicales. Cette connaissance consiste à connaître la manière avec laquelle ces produits ont été sélectionnés, comment les humains les ont enrichis, en exploitant toutes leurs ressources biologiques et culturelles, comment ils ont voyagé et se sont transformés dans leurs pays d’accueil, comment ils sont, à leur tour, transplantés dans d’autres cultures. Parmi les milliers d’exemples que nous pourrions citer, on en fera émerger un, celui d’une viande vendue comme « brésilienne » en Indonésie alors que la manière de la cuire est d’origine… libanaise ! La majorité de ce que nous mangeons aujourd’hui est passé par des circuits complexes, de hasard ou non, qui donnent une diversité de bon aloi à notre alimentation.
Pourtant, une révolution scientifique entamée à la fin du XVIIIe siècle, avec la chimie de Lavoisier a permis de désigner les aliments comme des molécules et elle a dissous la connaissance spatio-temporelle que les humains avaient de leur nourriture depuis des millénaires. Mais au moment où s’est banalisée la manière de les nommer comme des nutriments, les technologies ont permis de les copier de plus en plus facilement. Le droit s’est emparé de la question et le système des appellations contrôlées par la puissance publique a limité les dérives. Du coup, la géographie est devenue un instrument qui fabrique un zonage dont les frontières mouvantes ont été instrumentalisées par des juristes et des agronomes qui écrivent des cahiers des charges. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) a été chargée de veiller au respect des règles de propriété culturelle, empêchant ceux qui voudraient désigner des produits alimentaires avec un toponyme qui ne leur appartient pas.
On se vante parfois d’avoir des nourritures abondantes et variées. Ce n’est pas l’avis de nombreux préhistoriens qui pensent que la biodiversité alimentaire s’est appauvrie avec l’invention de l’agriculture au néolithique. Certes, les céréales ont garanti des stockages impossibles pour de multiples produits périssables. Mais elles ont rétréci la palette de produits agricoles, oublié des milliers de plantes dont les apports nutritionnels étaient décisifs pour la survie de l’humanité. Pire, la concentration dans les villes a concentré aussi les pathologies pouvant faucher des populations en très grand nombre et rapidement, comme le montrent les épisodes de pestes très documentés. Selon la FAO, il existerait 10 000 à 50 000 plantes comestibles alors que moins de 200 d’entre elles sont utilisées pour l’alimentation. Est-il prudent que seulement trois céréales, le blé, le maïs et le riz fournissent près de 60% des calories et des protéines provenant d’aliments d’origine végétale ? N’est-il pas temps, comme l’a fait le Suédois Linné au XVIIIe siècle, de procéder à une révision de nos choix alimentaires, d’en explorer toutes les pistes pour les diversifier plutôt que continuer la course à l’intensification par les artifices de la chimie et de la biologie moléculaire ? Une cartographie des ressources génétiques des végétaux et des animaux reste la clé d’une plus grande sécurité alimentaire. Les monocultures ont beau être améliorées par les technologies (irrigations sélectives, drones), rien ne vaut les prédateurs naturels aidant à combattre les ravageurs. Pire, l’uniformité génétique contribue à la propagation foudroyante de maladies, comme ce fut le cas lors de la grande famine en Irlande en 1840 qui a coûté la vie à plus d’un million de personnes et poussé à l’émigration un autre million. D’autres crises sur le maïs aux Etats-Unis ont pu être maîtrisées, mais rien ne garantit qu’à l’avenir, il en sera toujours de même.
Sur le versant animal, l’arche est plutôt sombre : la moitié des races européennes se sont éteintes au XXe siècle. Et un tiers sur les 770 restantes sont en danger, notamment celles des pays en développement, pourtant mieux pourvus en biodiversité animale. Près du tiers des bovins africains menacés par la trypanosomiase compromettent l’agriculture dans une région où la démographie explose et où les sols ne seraient plus amendés. Pire, les races commerciales dans les pays riches nécessitent des systèmes d’exploitation intensifs, des aliments artificiels à haute teneur en protéines et des médicaments que ne pourraient pas se payer les éleveurs des pays du Sud. Le matériel héréditaire des espèces sauvages terrestres devenues commerciales est inexploitable. Dans les océans, les lacs et les cours d’eau (soit les quatre cinquièmes de la planète), les ressources sont mal décrites, la biodiversité est sans doute très importante, mais néanmoins menacée pour certaines espèces surexploitées dans l’océan mondial et les mers presque fermées comme la Méditerranée et la Baltique. Dans un futur proche, la FAO devrait créer, comme cela existe pour les plantes, un centre mondial pour la diversité génétique. Cette géographie d’une catastrophe annoncée de la diversité zoogénétique est nécessaire pour la sécurité alimentaire de la planète.
Par où qu’on la prenne, l’alimentation a une composante géographique forte parce que sa principale fonction symbolique est de fabriquer notre lien au monde. La puissance de ce qu’on appelle les « traditions » culinaires témoigne du rôle identitaire de l’alimentation. Ce qui signifie une élaboration savante des connaissances, d’abord par la médecine, depuis l’époque des Grecs et des Han en Chine jusqu’aux derniers développements de la biologie moléculaire. Ce qui veut dire, ensuite, que l’anthropologie et la sociologie aident à repérer des régions dans lesquelles on patrimonialise certaines pratiques culinaires pour éviter qu’elles ne soient détruites par l’industrie. Cette patrimonialisation est vue comme une transmission désormais assurée par des collectifs extérieurs puisque les familles n’assurent peu – ou plus – cette tâche. A l’échelle mondiale, l’Unesco collectionne les meilleures techniques au titre d’un patrimoine immatériel pour l’Humanité.
Il n’en demeure pas moins que l’évolution de nos modes de vie, l’urbanisation, la déconnexion spatiale entre les lieux de résidence et de travail, la plus grande mobilité liée au tourisme, aux études, à la recherche d’un travail ou, plus tragiquement, de conditions de vie décentes contribue à modifier profondément nos manières de manger. L’industrie tire parti de cette turbulence en offrant mille occasions de manger partout où il est possible de mettre à disposition des produits dits de « snacking ». Qu’on le veuille ou non, cette mutation accélérée par les nouvelles technologies numériques va imposer de nouveaux standards alimentaires qui n’échappent pas à la géographie. La disparition programmée de millions de restaurants, tels qu’ils ont été conçus en France à la Révolution, développe de nouvelles niches économiques pour l’agroalimentaire qui ne s’appuiera pas forcément sur du patrimoine. Comme les grandes migrations du XVIe siècle ont chamboulé le régime alimentaire des Européens et des peuples avec lesquels ils ont été en contact, la mondialisation actuelle ouvre grand les perspectives d’une nouvelle alimentation, moins protéinée, usant moins des ressources animales, développant le végétal jusque dans les fermes urbaines qui semblent être l’une des pistes les plus urgentes aujourd’hui, compte tenu des défis écologiques posés par le modèle industriel actuel.
Le retour de la géographie au moment où on pensait s’en affranchir est vu, par certains, comme une contrainte. Pour d’autres qui sont sans doute la très grande majorité, il rappelle qu’il ne saurait y avoir d’humanité sans lien fort avec la planète. Des liens construits sur la diversité des sociétés et le respect du vivant. Cela étant, de grandes forces sont en jeu dans la recomposition alimentaire en cours de la planète. Nul doute que les grandes cultures culinaires nées dans les zones céréalières de l’Asie de l’Est et de la Méditerranée et ses espaces voisins restent appuyées sur les socles céréaliers n’ayant pas brouillé l’ancienne trilogie blé/riz/maïs. Les contraintes foncières et culturelles sont telles que cette trilogie continentale (le blé pour l’Europe, le riz pour l’Asie, le maïs pour l’Amérique) résistera à tout changement profond. Mais les modes de vie liés à l’urbanisation créent des cultures originales, de moins en moins en phase avec des rituels journaliers et collectifs.
Un des moyens de rendre compte du statut dont chaque mangeur dote ce qu’il mange pour l’incorporer, c’est faire l’inventaire des pratiques corporelles : manger assis en tailleur autour d’un plat familial commun crée un rapport physique et symbolique à l’aliment qui n’a rien à voir avec une prise alimentaire debout dans un lieu public. Ainsi, on a pu identifier quatre grandes pratiques alimentaires ayant des origines géographiques bien identifiables. Du bas en haut, cela donne le repas assis par terre, dans les pays d’Asie et de l’Afrique subsaharienne qui constitue le moment fort d’un collectif plus ou moins étendu, donnant à manger des nourritures souvent préparées par les femmes avec un outillage technique plus ou moins rudimentaire, mais un arsenal symbolique très codifié, notamment en Inde. A quelques centimètres du sol, les Chinois et toute l’aire est-asiatique mangent souvent sur de petites tables à hauteur du feu domestique, tandis qu’au Maghreb, le canapé, hérité du lit romain, tient lieu de siège autour de tables où les plats offrent des nourritures généralement solides, et pas toujours prises à l’assiette. Ce dernier modèle donne un type de nourriture qui a essentiellement une fonction sociale festive. Plus haut encore, une très grande majorité des humains prend ses repas assis une chaise ou un banc devant une table qui peut être très simplement équipée d’assiettes et de couverts rudimentaires jusqu’à un ensemble sophistiqué de vaisselle et verrerie pour des pratiques quasi-cérémonielles. Les tenues sont guidées par des règles de savoir-vivre plus ou moins appliquées, les fautes de goût peuvent être culturellement mal appréciées (usages de couverts en Europe mais très minimal aux Etats-Unis), les rituels et l’étiquette parfois pesants. Des repas très simples jusqu’aux cérémonies des fêtes calendaires, la table offre une grande diversité de pratiques collectives, tels les banquets, souvent valorisées socialement : toasts dans les aires chinoise et russe et en Europe orientale, présentations synchronique (en Chine) ou diachronique (en Europe), toutes orientées vers des fonctions sociales fortement inspirées des religions (sacrifices, offrandes, autels domestiques des morts, etc.). Les prises alimentaires alternent entre du collectif (plats) et de l’individuel (service à l’assiette, self services). Enfin, manger debout, adossé à un bar ou non, est une pratique d’origine nord-européenne et américaine qui s’accroît au fur et à mesure que les mobilités se multiplient. Le snacking, initialement confiné aux espaces publics ou à certains événements collectifs festifs, est en train de devenir une norme, d’autant plus facilement que l’industrie de la conservation et de l’emballage mettent à disposition des mangeurs toutes les formes de nourritures disponibles instantanément ou presque. Des facilités qui passent, d’ailleurs, dans la restauration commerciale tentée par la praticité de ces produits conçus par l’industrie.
Au terme de trois siècles de mondialisation intensive, la géographie apparaît comme une solution concrète adoptée par de plus en plus de sociétés souhaitant maîtriser la qualité de leur alimentation. Elle donne par des certifications locales pilotées par les pouvoirs publics locaux, étatiques ou internationaux, des informations jugées parmi les plus fiables. Car les dysfonctionnements qui ont touché et touchent encore l’élevage (l’encéphalite spongiforme bovine, la tremblante du mouton, les œufs au fipronil, les contaminations des poissons et les très nombreuses grippes aviaires toujours actives) et le secteur du végétal (particulièrement menacé par les pesticides et les biotechnologies) ne seront pas réglées par les multinationales de l’agrochimie, notamment celles qui tentent de pratiquer la confiscation du vivant.
Les capacités qu’ont les humains à créer du lien social sont aujourd’hui réactivées dans les nouvelles chaînes alimentaires en cours de construction. La suppression d’intermédiaires qui étaient des filtres coûteux assure désormais des niveaux de rémunération satisfaisants pour les producteurs. Ainsi, les plateformes de service de distribution par internet (tels La Ruche qui dit oui, ou Kelbongoo) retiennent un taux de commission 20% alors que la grande distribution exige des marges pouvant aller jusqu’à 50% pour les viandes et les fromages. Mieux, ces nouveaux modes de production et de distribution œuvrent aussi dans la lutte contre le gaspillage tant ils sensibilisent les mangeurs à l’aspect des produits, leur maturité, leurs formes et à la qualité de la transformation artisanale. Plus encore, la diversité des produits liée à la redécouverte d’anciennes variétés de végétaux et au développement de races locales de viande permet à l’ensemble des producteurs, une fois passée la phase d’opportunisme économique, d’écologiser leurs méthodes de travail. Toutefois, pour Yuna Chiffoleau, spécialiste des circuits courts à l’Institut national de la recherche agronomique, la question du local pour les produits carnés est autrement plus compliquée que pour le végétal, car en raison de l’abondance de normes européennes, la concentration des entreprises d’abattage est très forte en France. Une situation d’autant plus étonnante que les pays voisins ont su résister aux lobbies et préserver leur outil local…
Cela étant, les pouvoirs publics soutiennent parfois ces reconversions, en aidant les magasins de producteurs et en encourageant la restauration collective, notamment en milieu scolaire, à utiliser les produits locaux. La problématique du local intéresse de plus en plus les viticulteurs et les céréaliculteurs, très gros consommateurs d’intrants chimiques, aiguillonnés, là encore, par les opinions publiques éclairées. Mais l’accès à la terre reste encore problématique, notamment autour des villes où la concurrence est forte : c’est pourquoi des collectivités territoriales et des associations comme Terre de liens en France rachètent des surfaces agricoles pour les louer à des fermiers, tentant de drainer de plus en plus une épargne citoyenne.
A l’échelle internationale, c’est un autre grand jeu qui se déroule dans une tension qui ne faiblit pas. Des géants de l’industrie et du commerce ont bâti des chaînes de production et de distribution très efficaces, accompagnant l’évolution des modes de vie, l’extension des villes vers les banlieues où la grande distribution dicte sa loi. A l’amont de la production alimentaire, une poignée de multinationales contrôlent plus des quatre-cinquièmes des semences. Un accaparement qui a eu lieu grâce à la Révolution verte des années 1970 et son cortège de servitudes en intrants. Ces multinationales ont, ensuite, développé des biotech, avec les organismes génétiquement modifiés, l’usage de la mutagénèse et de la cisgénèse (transfert de gènes entre organismes pouvant être croisés naturellement). La mise au point des alicaments et des nanoaliments, le clonage de la viande et l’agriculture sans élevage semblent être des projets d’avenir qui conduisent certains à imaginer une alimentation sans agriculture. En Europe, en Amérique et en Asie du Nord, des milliers de startups s’activent depuis le milieu des années 2010 dans l’agritech (élevage ou culture agricole assistée par les outils numériques), la food science (transformation alimentaire, création de produits nouveaux), l’e-commerce alimentaire, les services à la restauration, la livraison à domicile depuis les restaurants ou les dark kitchen, notamment avec la pandémie depuis 2020 qui a vu les restaurants fermés plusieurs mois, les services d’intermédiation entre consommateurs, le coaching alimentaire. En France, un écosystème foodtech tente de réunir l’ensemble des acteurs, PME et grands groupes sur des territoires labellisés à Dijon, Lyon, Montpellier, Rennes, Brest et Saint-Malo.
Quels fruits ces investissements de la nouvelle économie numérique porteront-ils ? Il est trop tôt pour le dire, mais ils accompagnent des mouvements de fond dans les comportements sociaux remettant en cause l’ancien systèmes des restaurants tel qu’il fut mis au point à la Révolution française et durant le XIXe siècle. Les cuisines pourraient devenir des lieux d’assemblages pour les nourritures rapides imposées par nos rythmes sociaux en semaine, et se transformer en ateliers de découverte du local lors de festivités de fin de semaine ou de vacances.
Enfin, il reste une dimension géopolitique planétaire qui demeure comme une épée de Damoclès sur l’humanité : la faim d’un côté, la surabondance de l’autre. Les vases communiquent de plus en plus entre les différentes parties du monde. Les murs dressés sont impuissants à freiner les mouvements de population largement liés à la pauvreté et, pauvreté suprême, à la peur de ne plus pouvoir se nourrir.
Par où qu’on les prenne, les questions alimentaires restent fortement instrumentalisées par la géographie. Depuis la Renaissance, les atlas sont des collections thématiques de cartes. Celles qui décrivent la géographie comme un puissant savoir alimentaire agissent telles les mappemondes portugaises du XVIe siècle au temps de la course des épices. Elles remodèlent notre vision du monde car elles donnent à voir ce qu’on n’avait pas imaginé : la puissance de l’alimentation géographique dans la construction de notre être au monde.
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Plus
. Gilles Fumey, « Feu sur le breakfast ! »(éd. Terre Urbaine, 2020), sur Amazon
4e de couverture
Que disent la géographie et l’histoire culturelles sur le petit-déjeuner ? Que ce repas matinal en Europe et à l’international résulte grandement de l’urbanisation des sociétés contemporaines ; mais qu’il n’est peut-être pas si essentiel que l’opinion publique semble le laisser entendre…
. Gille Fumey, « Manger local, manger global » (CNRS-Éditions, 2021), sur Amazon
4e de couverture
La science a lancé l’alerte. L’alimentation « globale », d’origine industrielle, est responsable d’une part considérable des gaz à effet de serre. Chacun est sommé de se convertir aux vertus du local, aux circuits les plus courts possibles, issus de réseaux identifiés, porteurs de culture. Sans compter le gain qualitatif : les produits frais sont plus riches en nutriments que ceux qui ont traversé les océans.
Pourtant, manger local est-il encore possible aujourd’hui ? Peut-on vraiment se priver des aliments ou des plats qui nous connectent symboliquement au monde ? Car, à l’échelle locale, le monde est riche de diversité : sushi, pizza, nems, couscous, bretzel, cappuccino, paella, kimchi, bortch, tandoori, ceviche, tortilla et mille autres mots étrangers nous sont devenus familiers.
C’est ce nœud local/global que l’on défait ici pour comprendre ce que manger veut dire.
[1] B. Latour, Où atterrir ? Paris, La Découverte, 2021.
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