Docteur en Histoire contemporaine et Relations internationales. Pascal Le Pautremat est le Président fondateur de la SAS Actiongeos. (Conseils et Aides aux entreprises publiques et privées, tournées vers l’international. (Cf. https://www.actiongeos.com) Chargé de cours dans l’Enseignement supérieur en géopolitique et économie internationale, ainsi qu’en sociologie politique.
Quelle est la situation du Golfe arabo-persique depuis la période des dits « Printemps arabes » ? Pascal Le Pautremat démontre que les antagonismes ethniques et confessionnels sont particulièrement intenses, tandis que les logiques stratégiques du lobbying persistent et s’adaptent à la conjoncture. Celle-ci est, de surcroît, marquée par un jihadisme transversal dont le socle s’est édifié à partir d’un axe syro-irakien. Conjointement, les grandes puissances, notamment occidentales, s’appliquent à perpétuer des jeux d’influence – et de concurrence – tandis que les pétromonarchies, enfin, se projettent pour se positionner de manière convaincante dans une économie des énergies renouvelables.
SEPT ans après les débuts des « Printemps arabes » [1], inquiétudes et interrogations, mêlées de perplexité, restent prégnantes à l’égard de la situation du Golfe arabo-persique. Certes, cette région intercontinentale – et stratégique – de quelque 251 000 km², est au cœur des préoccupations géopolitiques, de manière récurrente, depuis des siècles. Mais elle focalise bien des tensions à la fois politiques, religieuses et économiques.
Le Golfe persique constitue un espace maritime, à la fois comme zone d’échanges maritimes et espace frontaliers, sur fond de richesses gazières et de pétrolières. Les pays du Golfe, conscients de leur atout énergétique si convoité, ont su – malgré leurs différences – s’organiser au sein de l’Organisation des Pays exportateurs de Pétrole (OPEP), née en 1960 [2]. Peut lui être associée l’Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole (OPAEP), créé en 1968, dont le siège est à Koweït et qui tente de coordonner les politiques énergétiques des pays arabes, afin de favoriser leur développement économique [3].
Aux enjeux économiques et sociaux, se superposent les sempiternels – et lassants – antagonismes dogmatiques entre sunnisme et chiisme. Face au constat d’un regrettable bras de fer entre l’Arabie saoudite et la puissance perse, accusée de tous les maux et de toutes les turpitudes du Golfe arabo-persique, les puissances occidentales n’ont de cesse de jouer officiellement une même partition tactique, en s’associant avec des intensités variables, dans la lutte contre le terrorisme. Mais, stratégiquement, la partition est bien diversifiée lorsqu’il s’agit de se positionner économiquement dans la région considérée. Car deux concepts de mises en valeur et d’exploitation commerciale des ressources économiques se font face : d’un côté, le jeu des Anglo-saxons, à partir de l’axe Arabie-saoudite-Turquie, à destination de l’Europe. De l’autre, un axe associant la Russie, l’Iran, l’Irak et la Syrie s’est mis en place, sur fond de concurrence pour un marché acéré des hydrocarbures.
Quelle est la situation du Golfe arabo-persique depuis la période des dits « Printemps arabes » ?
Nous verrons que les antagonismes ethniques et confessionnels sont particulièrement intenses, tandis que les logiques stratégiques du lobbying persistent et s’adaptent à la conjoncture. Celle-ci est, de surcroît, marquée par un jihadisme transversal dont le socle s’est édifié à partir d’un axe syro-irakien. Conjointement, les grandes puissances, notamment occidentales, s’appliquent à perpétuer des jeux d’influence – et de concurrence – tandis que les pétromonarchies, enfin, se projettent pour se positionner de manière convaincante dans une économie des énergies renouvelables.
Sur le plan didactique, lorsque l’on parle des Etats du Golfe, il s’agit de ceux de la péninsule arabique mais aussi ceux disposant d’une bande littorale qui ouvre sur le Golfe arabo-persique. Si bien que l’on y intègre, globalement les pays arabes, majoritairement sunnites, que sont l’Arabie saoudite (2,1 millions de km²) monarchie wahhabite née en 1932 et toujours dirigée par la dynastie séoudienne [4], les Emirats arabes unis (EAU), le Qatar, Oman, le Yémen, le Koweït, ainsi que Bahreïn, monarchie sunnite pour une majorité de chiites, l’Irak et l’Iran, puissance perse et chiite par excellence.
Trois groupes ethniques majoritaires ont façonné l’histoire du Moyen-Orient : les Perses (30% de la population de la région), les Arabes (40%) et, enfin, les Turcs et populations de langues ouralo-altaïques (25%). Conjointement, il y a de fortes diversités ethnico-religieuses dans cette vaste région, puisqu’il faut y ajouter les 30 à 40 millions de Kurdes [5], répartis entre l’Est de la Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran, et, enfin, le peuple israélien (8,5 millions de personnes en 2017 dont 1/5e d’Arabes israéliens [6]). Globalement, selon les prévisions avancées pour 2025, le poids démographique des pays du Golfe arabo-persique pourrait être de l’ordre de 280 à 290 millions de personnes.
Lobbying, jeux d’alliances et rapports de force
Sans remonter trop loin dans le temps, rappelons qu’au XIXème siècle, le Moyen-Orient perpétue son statut de zone relais ou intermédiaire, entre Occident et Asie, au cœur de rivalités et jeux d’influences entre grandes puissances impérialistes. Citons, notamment, la Grande-Bretagne, soucieuse de préserver tant l’accès à son Empire des Indes que son existence même, et de contrôler la région face à la Russie, désireuse, pour sa part, d’élargir son influence en Asie centrale, d’avoir un accès aux mers chaudes, notamment à l’Océan Indien via la Mer Rouge. Les progrès techniques, le développement de la motorisation et la dépendance énergétique aux hydrocarbures n’ont fait qu’attiser, fin XIXème siècle-début XXème siècle, les aspirations au contrôle du Hearthland, au cœur des réflexions géopolitiques, dans le sillage des théories du Britannique Halford John Mackinder (1861-1947), de l’Américain Alfred Mahan (1840-1914) reprises ensuite par tant d’autres.
Gardons à l’esprit qu’en dehors des vicissitudes inhérentes aux conjonctures conflictuelles (Première et Seconde Guerres mondiales), c’est bien la Grande-Bretagne qui, de manière globale, apparaît comme la puissance dominatrice entre la fin du XIXème siècle et les années 1930. Elle perd peu à peu son assise, à la fin de la première moitié du XXème siècle, pour être supplantée par les Etats-Unis. L’historiographie contemporaine retient que l’alliance intéressée entre Washington et l’Arabie saoudite se concrétise par le Pacte du Quincy, le 14 février 1945. Les sujets abordés ne sont d’ailleurs pas ceux auxquels on croit communément, comme le rappelait, en 2016, l’historien Henry Laurens [7].
Le contexte de Guerre froide (1947-1991) fait le reste, dans un processus de tentatives diverses et parfois aléatoires d’alliances sporadiques entre grandes puissances et Etats de la région, avec une constante double : le rapport de force entre Juifs et Arabes, les dissensions entre Arabes et Perses, sur fond de rivalité entre sunnisme et chiisme.
Une nouvelle phase de mutations est apparue en 2011, lorsque les régimes du monde arabo-musulman subissent les mécontentements populaires, longtemps réfrénés.
Au-delà de la montée en puissance puis du jeu spectral du terrorisme islamique à partir des années 1990, des opérations militaires menées en Afghanistan et en Irak, respectivement à partir d’octobre 2001 et mars 2003, une nouvelle phase de mutations est apparue en 2011, lorsque les régimes du monde arabo-musulman subissent les mécontentements populaires, longtemps réfrénés, qui conduisent à des situations hétérogènes, au cœur de bien des supputations et de jeux diplomatiques.
Paradoxalement, les facteurs explicatifs de cette situation ne sont pas nouveaux. Ils sont même au cœur des réalités géopolitiques tout au long du XXème siècle. De surcroît, la sempiternelle – et lassante – guerre entre chiisme et sunnisme, tragique reflet d’une culture d’intolérance pluriséculaire, a conduit des pays, tels l’Arabie saoudite et le Qatar (11 586 km²), à s’impliquer dans des crises régionales qui tournent au désastre pluridimensionnel : humain, politique et économique.
2011-2017 : entre répressions, guerres confessionnelles et interethniques
Les crises tragiques de 2011 conduisent, en effet, à des situations de guerres civiles d’intensité variable en Afrique du Nord, avec des changements de régimes plus ou moins crédibles (Tunisie, Libye et Egypte), au Moyen-Orient (Syrie, Yémen) – nous y reviendrons – et à des processus de négociations afin de maintenir une certaine paix sociale (Maroc, Algérie), sans que les problèmes de fond ne soient réglés pour autant.
En Arabie saoudite, au Koweït comme à Oman, les mouvements de contestation sont rapidement désamorcés. La contre-révolution est nettement plus violente dans le micro-royaume insulaire de Bahreïn (765,3 km²) où 65% des 550 000 habitants nationaux sont chiites [8]. Le 14 mars 2011, l’Arabie saoudite envoie un millier de soldats, renforcé de 500 militaires émiratis et qataris, avec l’accord du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) [9], pour y réprimer, dans la capitale, Manama, la « révolution de la place des Perles », engagée depuis le 14 février 2011 contre le roi Hamad al-Khalifa, sur le trône depuis 2002 [10]. Les régimes sunnites ont tôt fait de légitimer cette répression en agitant le leitmotiv du jeu souterrain de l’Iran, accusé une fois encore – mais sans preuve tangible – d’avoir initié le mouvement de rébellion qui avait pourtant associé chiites et sunnites aux aspirations laïques.
Au Yémen et en Syrie, les évènements ont engendré des guerres confessionnelles, pluriethniques à caractère international compte tenu des jeux d’alliance et des coalitions intervenantes. Dans les deux cas, la tragédie s’est imposée.
Le Yémen subit ainsi, depuis la nuit du 24 au 25 mars 2015, bombardements aériens, destructions d’infrastructures, luttes fratricides et drames humanitaires (plus de 4 500 civils tués par les bombardements aériens) et sanitaires (épidémie de choléra). En juillet 2017, les rapports internationaux font état de plus de 7 800 tués, plus de 44 000 blessés et deux millions de personnes déplacées, des dizaines de milliers de blessés, sans oublier plus de 180 000 exilés.
Le président Ali Abdallah Saleh a dû quitter le pouvoir en février 2012, sous la pression d’une vive opposition populaire et de la communauté internationale. Après des années de guerre intestines, de mutation du pouvoir exécutif sur place, Saleh, qui ne s’était pas résolu à renoncer définitivement, a trouvé en l’Arabie saoudite, un allié de taille et assez opportuniste qui fait valoir son mépris à l’égard des Houthis, zaïdites – le Zaïdisme est dérivé du chiisme – pour lancer une vaste coalition sunnite en mars 2015 (Opération Tempête décisive) en s’associant huit autres Etats : le Maroc, le Soudan, l’Egypte, la Jordanie, le Koweït, Bahreïn et le Qatar et les Emirats arabes unis. Les Etats-Unis apportent aussi leur contribution sur le plan logistique et en matière de renseignement. Une fois de plus, Riyad accuse Téhéran d’être derrière le sursaut houthiste et d’avoir des visées sur sa frontière sud. Et là encore, le soutien de l’Iran n’est pas certain. Et s’il existe, il demeure assez marginal.
Le conflit s’enlise, les négociations en faveur de la paix sont vaines, tout comme les cessez-le-feu qui ne sont pas respectés. La coalition sunnite souffre aujourd’hui d’une image de marque ternie par les crimes de guerre enregistrés et la dimension contre-productive de l’intervention ; même si les médias, occidentaux, ne sont guère prolixes sur ce conflit.
Si la guerre au Yémen est minimisée pour des raisons de stratégies économiques parallèles – il s’agit de ne pas irriter les pétromonarchies parties prenantes – la situation est toute autre pour la crise syrienne.
La Syrie, depuis 2011, voit perdurer une guerre confessionnelle, à la fois civile et internationale, au-delà de multiples trêves sans portée, de tentatives vaines d’accords entre les diverses parties prenantes [11]. Nous ne reviendrons pas ici sur les atermoiements français et américains, notamment entre 2011 et l’été 2013, pour fixer une politique claire vis-à-vis d’une rébellion hétérogène autant que disparate dont le panel « modéré » s’est fait annihiler peu à peu par les mouvances jihadistes, soutenues sur les plans logistiques et financiers par les réseaux saoudiens et qataris.
L’hydre du jihadisme
Il existe bien des mouvances à caractère jihadistes, dont les ambitions sont parfois en concurrence. Nombre d’entre elles s’affrontent depuis 2011. L’Arabie saoudite soutient, en Syrie, la rébellion protéiforme à consonnance wahhabite [12], tandis que le Qatar associé à la Turquie soutiennent les réseaux salafistes [13] et proches des Frères musulmans.
Le tout est couronné par la lutte d’influence entre l’Etat islamique (EI) [14] et ses groupes affiliés, d’une part, et Al Qaeda, d’autre part, représenté par le mouvement Front al-Nosra devenu, au cours de l’été 2016, le Front Fatah al-Cham puis, en janvier 2017, Hayat Tahrir al-Cham (HTS - Organisation de Libération du Levant) à partir d’un agglomérat de diverses factions implantées dans le nord-ouest de la Syrie.
L’EIIL change de nom en 2013 pour devenir l’Etat islamique et proclame, en 2014, l’instauration d’un Califat.
L’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) a profité des troubles occasionnés par les « printemps arabes » de 2011 pour percer dans la région. Véritable hydre régionale, il égrène des réseaux qui souhaitent étendre et généraliser l’implosion des Etats, notamment l’Arabie saoudite et la Jordanie, au nom d’un hypothétique califat.
Fort de ses complicités transfrontalières, en Turquie, de ses capacités à établir des filières d’approvisionnements logistiques, en armes et munitions, tout en vendant du pétrole au marché noir, l’EIIL change de nom en 2013 pour devenir l’Etat islamique et proclame, en 2014, l’instauration d’un Califat destiné à rayonner sur le territoire historique de la Grande Syrie – Bilad el-Cham – qui, historiquement englobe l’Irak et la Syrie. Sa finalité étant, à terme de s’étendre à une large partie de l’Afrique du Nord, de l’Europe méditerranéenne et occidentale.
Sur le sol irakien, l’extension de l’EI n’est stoppée qu’à partir de 2015, au niveau de Tikrit, avant que ne soit engagée, depuis, un long processus de reconquête et de sécurisation des zones que les jihadistes tenaient sous leur joug.
Le Moyen-Orient, et principalement l’arc syro-irakien, demeure donc miné par la toile d’un jihadisme transfrontalier. Les divers jeux d’influence et d’alliance avec des courants islamiques dans plusieurs pays arabo-musulmans, tant au Moyen-Orient que dans certains Etats africains de la zone pansahélienne, sont de notoriété publique, désormais, quoique longtemps minimisés ou niés.
L’Arabie saoudite et le Qatar sont rattrapés par leurs politiques de soutiens polymorphes apportés à une rébellion syrienne hétéroclite. Les deux pays paient le prix fort en matière d’image de marque, victimes à la fois du jeu de certains membres des familles royales, Al Saoud et Al Thani, et de l’ultra conservatisme des régimes en place.
En même temps, cette situation a sans doute contribué à ce que la branche réformiste de la famille régnante, en Arabie saoudite, sorte de l’ombre et se lance dans une nouvelle dynamique, particulièrement osée ; comme en témoigne la politique de purge lancée, début novembre 2017, par le prince héritier Mohammed Ben Salman, âgé de 32 ans – surnommé MBS – fils favori du roi Salman, sur le trône depuis janvier 2015 [15].
La commission de lutte contre la corruption, placée sous la direction de Mohammed Ben Salman, a ainsi fait arrêter 11 princes, dont le milliardaire Al-Walid ben Talal [16], et des dizaines de ministres et hommes d’affaires, reconnus coupables d’abus divers en profitant de leurs statuts. En outre, Mohammed Ben Salman se veut l’architecte d’un islam modéré, loin du rigorisme wahhabite. Il ose ainsi prôner une politique de distanciation à l’égard des personnalités partisanes d’une religiosité ultra-conservatrice et compte bien concrétiser diverses mesures, par étapes, en faveur de l’émancipation des femmes, toujours considérées comme des mineures sur le plan juridique.
Ce bouleversement majeur dans la vie politique et religieuse de l’Arabie saoudite est considéré comme le plus important depuis l’ère médiévale. Il vient aussi rappeler combien rien n’est figé et peut-être l’objet de mutations que l’on souhaite prometteuses et constructives.
Quant aux jeux d’influence en provenance du Qatar, en direction des courants islamistes, Riyad tente désormais de s’en démarquer de manière claire. Le régime a ainsi pris ses distances avec le Qatar accusé de soutenir les groupements paramilitaires rigoristes aux motivations jihadistes, tout en semblant promouvoir une nouvelle phase de rapprochement avec Washington.
La stratégie saoudienne vise à assurer à la monarchie un repositionnement constructif sur l’échiquier mondial. Elle s’applique dès lors à renouer avec les nations les plus influentes, au premier chef desquelles se trouvent les Etats-Unis. La venue à Riyad du président Donald Trump, le 20 mai 2017, témoigne de l’intérêt réciproque des deux pays pour redynamiser une alliance stratégique de laquelle chacun compte tirer profit. Cette visite s’est soldée par la signature d’accords commerciaux dont le montant global annoncé est de 380 milliards de dollars dont plus du tiers en matière d’armement.
Dans cette valse des jeux diplomatiques et économiques, l’Arabie saoudite, comme les Emirats arabes unis – très hostiles au Frères musulmans et au jihadisme [17]- ont décidé d’engager un rapport de force avec le Qatar mis à l’amende, surtout pour faire cavalier seul et peut-être aussi, pour le contraindre à mettre un terme à sa politique d’appui et de soutien aux mouvements jihadistes. L’enchainement des évènements a d’ailleurs de quoi susciter une interrogation dans la mesure où la rupture des relations avec le Qatar intervient près de 15 jours après la visite du président Trump, à Riyad. La démarche des pays du Golfe dénonçant la politique qatarie de financement de réseaux jihadistes témoigne aussi, il est vrai, d’antécédents. En 2014, l’Arabie saoudite, Bahreïn et les EAU avaient ainsi rappelé leurs ambassadeurs.
Le Qatar : le micro-Etat arabe jugé trop proche de l’Iran et de la Russie
À l’été 2017, donc, le ton des sanctions s’est durci. En juin 2017, le Qatar a essuyé un véritable blocus des pays du Golfe, diligenté par l’Arabie saoudite [18] ; démarche facilitée par leur regroupement stratégique au sein du Conseil de Coopération du Golfe. Au point même que non seulement l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et Bahreïn mais aussi le Yémen, les Maldives et l’Egypte ont rompu leurs relations diplomatiques, le 6 juin 2017, avec le micro-Etat. Le cheikh Tamim bin Hamad Al Thani, à la tête du Qatar, a fermement condamné ces diverses mesures et dénoncé une volonté collégiale d’étouffer économiquement le pays.
L’Arabie saoudite reproche aussi au Qatar d’entretenir des liens économiques avec l’Iran. Le Qatar partage en effet, avec la puissance perse, la gestion et exploitation du South Pars / North Dome, gigantesque gisement gazier off-shore situé dans le Golfe persique [19].
L’Arabie saoudite et l’Iran avaient déjà rompu leurs relations diplomatiques le 3 janvier 2016, suite à l’exécution du cheikh chiite saoudien, Al-Nimr, la veille. L’exécution a engendré des troubles à Téhéran, qui ont conduit à la destruction partielle de l’ambassade saoudienne. Dans le sillage de l’Arabie saoudite, plusieurs pays arabes du golfe ont rompu, eux aussi, leurs relations diplomatiques avec l’Iran : les EAU, le Soudan, Bahreïn et le Koweït.
Depuis son installation à la Maison Blanche le 20 janvier 2017, la démarche âpre, vis-à-vis de l’Iran, du nouveau président américain, Donald Trump, satisfait Riyad qui déplorait le rapprochement amorcé par Barack Obama avec l’Iran. Les efforts et négociations de l’Administration Obama avec le régime des Mollahs ont permis la signature, le 14 juillet 2015, de l’Accord sur le nucléaire iranien, et, par voie de conséquence, le retour de l’Iran dans le jeu de la diplomatie et de l’économie mondiales, avec la levée progressive des sanctions internationales. Or, l’Arabie saoudite comme Israël estiment cet accord de mauvais aloi et entretiennent une forte suspicion à l’égard du régime iranien. D’où leur satisfaction quant au scepticisme – c’est peu dire – partagé avec le président Trump à l’égard de Téhéran.
L’Arabie saoudite et ses alliés du CCG, outre les Etats-Unis, n’apprécient guère non plus que le Qatar se soit rapproché de la Russie, pour des raisons économiques, et ait renoncé à son projet des années 2000, visant à établir un gazoduc à destination de l’Europe transitant par la Syrie, en collaboration avec l’Arabie saoudite et la Jordanie, Etats que le gazoduc projeté aurait traversé. Et surtout, depuis la Syrie, et la ville de Homs en particulier, étaient prévus trois axes d’approvisionnement, respectivement à destination du Liban, en débouchant à Tripoli, de la Turquie et de Lattaquié ; projet qui aurait essuyé le refus du régime syrien.
La Russie et le Qatar ont renforcé leurs relations, motivées par les questions énergétiques, industrielles et de coopération militaire.
Pour le Qatar, il ne s’agit pas, en effet, de tourner le dos à Moscou, au-delà des positionnements contraires dans la crise syrienne. Le potentiel russe et ses capacités d’investissement régionaux, n’est pas boudé, d’autant que la région du Golfe est l’objet de nombreux programmes d’investissements, à l’instar de ceux de la Chine, notamment en Iran [20].
Ainsi, la Russie et le Qatar ont-ils renforcé leurs relations, motivées par les questions énergétiques, industrielles et de coopération militaire [21]. Cela s’est notamment traduit par un accord signé à cet effet, le 6 septembre 2016, au terme d’échanges qui se sont étalés sur plusieurs mois, d’abord entre le vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov et l’émir Tamim ben Hamad al-Thanin, puis le ministre qatari de la Défense, Khalid bin Mohammad Al Attiyah, et son homologue russe, Sergueï Choïgou.
Le Qatar a en effet besoin de produits agricoles et du savoir-faire russe pour la mise en valeur industrielle de son potentiel pétrochimique. Ce rapprochement bilatéral montre des intérêts respectifs puisque les Qataris investissent aussi dans les entreprises russes. L’entreprise de production gazière Novatek a ainsi bénéficié d’un investissement de 2 milliards de dollars, en vertu du rôle dynamique, depuis 2014, de la commission intergouvernementale pour le commerce, l’économie, la science et la coopération technique mise en place entre les deux pays. Le Qatar a aussi acquis une partie du capital de la multinationale Rosneft, en décembre 2016, à la fois directement, et indirectement en tant que membre du Comité des actionnaires du fonds d’investissement Glencore qui a obtenu 19,5% du capital.
Le monde des affaires : marchés prometteurs et nouvelles sources d’énergie
De manière générale, les pays du Golfe, conscients de disposer d’une manne financière considérable – via les fonds souverains notamment – s’estiment en position de force pour imposer leurs desiderata aux pays occidentaux, dont les besoins en matière de capitalisation, de financement par l’actionnariat dans les grands groupes multinationaux, et de ressources énergétiques sont conséquents. Le royaume de Bahreïn, même quasi inféodé à l’Arabie saoudite voisine, s’inscrit comme une place financière majeure. Les quelque 400 banques et institutions financières installées sur son territoire font de cet émirat une place financière stratégique, outre le rayonnement d’entreprises de télécommunication et de services de transport.
En même temps, les pays du Golfe, conscients des réalités environnementales, misent sur les nouvelles technologies et les énergies renouvelables.
Les pays du CCG, quoique disposant de près de 29% des réserves prouvées de pétrole et de 22% des gisements gaziers de la planète, se tournent vers l’avenir avec détermination, conscients de l’épuisement, in fine, de ces ressources naturelles en leur possession. D’autant que les prix du pétrole ont connu des baisses sensibles ces dernières années, au point d’engendrer, en 2015, une baisse des recettes de près de 287 milliards de dollars pour les pays du Golfe arabique, soit plus de 20% de leurs PIB [22].
Pour l’instant, leurs ventes et exportations assurent plus de 80% de leurs ressources financières. Mais, ils ont saisi l’importance à la fois salutaire – sur les plan environnemental et climatique – et stratégique des énergies renouvelables : énergie solaire, grâce à la captation photovoltaïque (le prix des panneaux a chuté de près de 80% depuis 2009), permet la production d’électricité via notamment les centrales thermodynamiques à l’instar du site de Shams aux Emirats arabes Unis ; énergie éolienne notamment au Koweït, à Oman et en Arabie saoudite… Ce à quoi, il faut ajouter le secteur croissant de l’industrie de dessalement d’eau de mer puisque, d’ici 30 ans, les besoins des pays du Golfe en eau douce pourraient quintupler. Par le dessalement, le Qatar, par exemple, répond déjà à 87% de ses besoins en eau douce.
En Arabie saoudite, en avril 2016, le fils du roi, Mohammed ben Salmane, lançait officiellement un plan de réforme de la politique économique de la monarchie. Cela se traduit notamment par la constitution d’un fonds souverain d’investissements hors hydrocarbures de 2 000 milliards de dollars, par la création également de 16 réacteurs nucléaires destinés à satisfaire 25% des besoins du pays en électricité d’ici 2032. Ce qui représenterait un investissement de 100 milliards de dollars.
Autant de perspectives qui permettent aux multinationales comme EDF- AREVA, ENGIE, de se positionner pour conclure des partenariats avec l’Arabie saoudite mais aussi les autres pays du Golfe.
Cela n’empêche pas ces mêmes multinationales de se tourner vers l’Iran (80 millions d’habitants) qui affiche un taux de croissance économique annuel d’environ 5% et un PIB de 412 milliards de dollars, soit le deuxième du Moyen-Orient après celui du l’Arabie saoudite. Le potentiel iranien, sur le champ économique, est considérable et perçu comme un vecteur de concurrence directe par la plupart des Etats sunnites [23].
De manière pragmatique, à la fois pour des raisons économiques et sécuritaires, les partenariats des pays du Golfe avec les pays occidentaux se sont accentués depuis le début des années 2000.
L’Iran a des besoins importants dans de nombreux domaines : diversification du secteur tertiaire, développement des infrastructures, productions énergétiques, outre la chimie, les matériaux de base, les transports, les télécommunications, le secteur pharmaceutique, l’informatique, le secteur minier et l’industrie dont l’automobile. Autant d’investissements rendus possibles dans le sillage de la levée des sanctions internationales suite à l’accord sur le nucléaire. Les entreprises françaises, Renault, qui espère contrôler 20% du marché automobile iranien en 2020. PSA et Total, sont bien implantées. Airbus mise aussi sur le marché iranien, tout comme Bouygues et Vinci pour les secteurs des transports et des infrastructures. Le secteur bancaire reste néanmoins frileux pour assurer les financements, d’autant que les Etats-Unis – nous l’avons dit – se montrent suspicieux vis-à-vis de l’Iran en l’accusant d’opérations de blanchiment d’argent et cherchant même des preuves attestant que Téhéran ne respecte pas l’accord du 14 juillet 2015. D’ailleurs, diverses analyses laissent à penser que les Etats-Unis et Israël miseraient sur une nouvelle glaciation des relations avec l’Iran.
De manière pragmatique, à la fois pour des raisons économiques et sécuritaires, les partenariats des pays du Golfe avec les pays occidentaux se sont accentués depuis le début des années 2000. Ces derniers étant déterminés à préserver leurs intérêts géopolitiques, comme en témoigne l’ouverture et la montée en puissances des bases militaires, américaines, britanniques et françaises, dans le Golfe persique. Et la décennie 2010 n’a fait que témoigner de cette constance dans le jeu des échanges avec les pays du Golfe. Cela s’observe notamment sur le champ du secteur de l’armement [24], le Moyen-Orient constituant le principal secteur géographique en tant que premier client mondial.
Selon l’Institut international de recherche pour la paix de Stockholm (Sipri) [25], les importations d’armes au Moyen-Orient ont augmenté de 86 % entre 2012 et 2016, par rapport à la période 2007-2012. Pour la seule Arabie saoudite, la hausse des achats entre les deux périodes précitées est de 212%, contre un bond 245 % pour le Qatar. Les Etats-Unis dominent 53 % du marché mondial, contre 23% pour la Russie, 8% pour la France (qui effectue près de 40% de ses ventes au Moyen-Orient). Après les Etats-Unis et la Russie, la Chine se positionne au troisième rang mondial en matière de vente d’armements.
Finalement, le concept dit de Guerre froide est loin d’être moribond, tant nous semblons toujours dépendants du rapport de force entre Etats-Unis et Russie, via les pays du Golfe interposés. Et nous semblons, en Occident, nous satisfaire d’ânonner sur un état des faits et des lieux sans que rien ne soit clairement mis en œuvre, à court terme, pour s’engager sur une nouvelle voie des relations interétatiques et humaines. À l’inverse, les crispations semblent à nouveau se renforcer.
La plupart des pays de la région sont minés par leurs propres contradictions, entre aspirations à se moderniser culturellement et économiquement, et pression du conservatisme, sous le poids des traditions et des certitudes dogmatiques. Si au cœur des pouvoirs exécutifs, certains dirigeants et membres de leurs équipes aspirent à pouvoir amorcer des réformes constructives, synonymes d’apaisement, les lobbies rigoristes et tribaux, jouant de la manipulation des foules, bloquent souvent leurs démarches. Aussi, les monarchies des pays du Golfe semblent-elles prises à leur propre jeu.
Il y a pourtant de formidables potentiels et capacités pour s’écarter du champ sclérosant des dogmes et de la culture des peurs entretenues de manière cynique. Les évolutions des pays du Golfe ne sont pas inexistantes. Certes, elles sont lentes et prudentes, tant les garants auto-proclamés d’une orthodoxie jugée immuable, nourrissent les crispations religieuses. Sur le plan de la représentation politique, la féminisation de la vie publique ne progresse que très légèrement. On peut le déplorer mais se rassurer dans le même temps en considérant qu’elle n’est pas au point mort.
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[1] La dynamique des Printemps arabes débute en décembre 2010 en Tunisie.
[2] L’OPEP est créée le 14 septembre 1960, lors de la conférence de Bagdad. Elle réunit à l’époque 5 Etats : l’Arabie Saoudite, l’Irak, l’Iran, le Koweït et le Venezuela. En 1973, s’ajoute, à ce premier cercle, le Qatar, Abou Dhabi, la Libye l’Algérie, le Nigeria, l’Indonésie, et l’Equateur.
[3] Constituée le 9 janvier 1968, l’OPAEP réunit d’abord l’Arabie Saoudite, le Koweït et le Libye. En 1970, elle intègre l’Algérie, Bahreïn, les Emirats Arabes Unis et le Qatar. En 1972, l’Irak et la Syrie les rejoignent, tout comme l’Egypte l’année suivante.
[4] La dynastie d’Al Saoud commença à régner sur la péninsule arabique à partir de 1744,
[5] Voici des chiffres qu’il faut prendre avec réserve. Selon l’Institut kurde de Paris, les Kurdes seraient 15 millions en Turquie (soit 20 % de la population du pays), 6 à 7 millions en Iran (de 8 % à 10 % de la population), 2 millions en Syrie (9 % de la population) et 5 millions en Irak (22 % de la population).
[6] On retient, globalement, que les Juifs constituent 75% de la population israélienne. Pour plus de précisions, se reporter à : www.populationdata.net, Atlas des populations et des pays du monde. Vous pouvez également consulter le Bureau central des statistiques d’Israël.
[7] Communément, on estime que le président Franklin Roosevelt, de retour de Yalta, rencontre le premier roi d’Arabie saoudite, Abdel Aziz Al-Saoud et signe à cette occasion un accord de Défense au profit du régime saoudien, avec, en retour, un positionnement préférentiel et avantageux sur le marché des hydrocarbures. Etabli pour 60 ans, l’accord aurait été renouvelé en 2005, via la rencontre entre le président George W. Bush et le prince héritier Abdallah, le 25 avril 2005 à Crowford (Texas). Henry Laurens rappelle qu’aucun de ces aspects ne fut, en réalité, abordé lors de la rencontre sur le croiseur américain. Il fut surtout question de la présence juive en Palestine, Roosevelt promettant de ne pas soutenir l’effort inhérent au concept de Foyer national juif avancé plusieurs décennies auparavant, et du positionnement américain face à l’influence britannique, les Etats-Unis ayant déjà consolidé les relations diplomatiques et économiques avec l’Arabie saoudite durant la Seconde Guerre mondiale. Laurens souligne que la question pétrolière ne fut même pas abordée car le sujet était déjà scellé e depuis 1933, lorsque des concessions pétrolières sont octroyées à la Standard Oil of California (Socal) qui établit la California Arabian Standard Oil Company (Casoc). Cf Henry Laurens, « De quoi parlaient le président américain et le roi saoudien en février 1945 ? La Légende du Pacte du Quincy » in Orient XXI, 23 février 2016.
[8] Le pays comptait en 2016, un peu plus de 1,4 millions d’habitants. Souvent considérée comme « l’arrière-boutique » de l’Arabie saoudite, Bahreïn est physiquement lié à l’Arabie saoudite via la Chaussée du roi Fahd, vaste édifice de près de 25 kilomètres de long inauguré en 1986, qui relie le continent à l’île de Bahreïn, destination appréciée des Saoudiens pour y contourner les strictes lois de leur propre pays en matière de consommation et de mode de vie.
[9] Créé en 1981, le Conseil de coopération du Golfe (CCG) ou Conseil de coopération des États arabes du Golfe Arabique – CCEAG), dont le rôle est considérable, réunit, l’Arabie saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes Unis et le Koweït et Oman et le Qatar. Le but est alors de favoriser la coopération économique entre ses pays membres. La tendance s’orientant vers la création d’une zone de libre-échange.
[10] Lors des évènements de février 2011, les manifestants sont surtout désireux de sortir de cette dualité entretenue entre chiisme et sunnisme. Ils demandent des élections libres et la fin des discriminations entretenues à l’encontre des chiites. Selon les sources, on dénombre entre 35 et 55 morts et des centaines d’arrestations. Par la suite, le régime bahreïni a soigneusement étouffé puis empêché les rassemblements anniversaires commémorant la manifestation initiale de 2011. La moindre manifestation anniversaire est rapidement dispersée et les personnes interpelées et poursuivies en justice.
[11] À en croire l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), dont la neutralité est loin d’être assurée, tout comme la fiabilité des chiffres qu’il avance, selon les données publiées en juillet 2017, le conflit aurait fait entre le 15 mars 2011 et le 15 juillet 2017, plus de 331 765 morts, dont près de 100 000 civils.
[12] Le wahhabisme, doctrine en faveur d’un sunnisme rigoriste ou puritain, est mis en avant par Muhammad Ibn `Abd Al Wahhab (1703-1792) au XVIIIème siècle, dans la péninsule arabique. L’attachement à la charia n’y est pas incompatible avec l’existence d’un Etat monarchique à l’instar du royaume saoudien.
[13] Le salafisme fait référence à un islam puriste, antérieur à la fitna, rupture qui conduit à l’apparition du chiisme, qui se veut le plus fidèle à l’islam des premiers disciples du Prophète. Il se décline selon trois orientations : le salafisme quiétiste, misant sur l’éducation et le prosélytisme pour islamiser les sociétés ; le salafisme politique, qui s’applique à intégrer une forme d’activisme politique ; et, enfin, le salafisme djihadiste qui estime que seul le Califat – transcontinental, loin des fondements nationaux – est la seule structure politique possible et légitime pour diriger les musulmans.
[14] C’est à partir de 2006 que l’Etat islamique – dans son appellation actuelle – se constitue peu à peu en Irak, en marge d’Al Qaeda dont il contestait la politique qu’il juge trop peu incisive et ambitieuse. L’organisation, dénommée initialement Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) recrutent parmi d’anciens cadres de l’armée de Saddam Hussein, anciens membres parfois du parti Baas, amers de ne pas avoir été réintégrés dans la nouvelle armée irakienne, en raison des orientations pro-chiites du gouvernement chiite de Nouri al-Maliki, Premier ministre de 2006 à 2014 sous la conduite du président kurde irakien, Jalal Talabani (président République irakienne de 2005 à 2014).
[15] Le 21 juin 2017, un décret royal a désigné M. Ben Salman comme l’héritier du trône. Une décision royale qui est venue bouleversée l’ordre de succession et suscite bien des remous et tensions au sein de l’immense famille Al Saoud.
[16] Suite à son arrestation, et dès le 5 novembre 2017, le prince Al-Wald a vu les actions de la société internationale d’investissements Kingdom Holding Company qu’il possède à 95%, perdre de leur valeur, à la Bourse de Ryad.
[17] Les EAU sont, avec l’Egypte, les seuls pays arabes à être intervenus en Libye, en procédant à des bombardements stratégiques et tactiques pour soutenir les opérations de reconquête de l’Est du territoire, par les forces du général Khalifa Aftar, face aux groupes jihadistes. Les EAU avaient initialement participé à la coalition visant à mettre à terre le régime de Mouammar Kadhafi. Depuis, l’effort des EAU s’est poursuivi à l’encontre des mouvements islamiques et jihadistes, au profit du général Aftar, qui apparait, des années durant et même encore, comme le seul en mesure de stopper le basculement du pays – déjà exsangue - sous la coupe des jihadistes qui ont largement contribué à l’insécurité notoire du Nord-ouest mais aussi du sud-ouest et de l’Ouest du pays. Les EAU ont procédé à des livraisons d’armes, d’hélicoptères de combat et de véhicules blindés, de 2014 à 2016, à ces mêmes troupes, en violation de l’embargo sur les armes mis en place par le Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Lesdits hélicoptères, de fabrication biélorusse, ont été transportés sur la base aérienne d’al-Khadim, dans l’Est libyen. Leur action se traduit aussi par une assistance technique, des missions d’entraînement et de soutien direct, notamment en matière d’appui aérien.
[18] En soi, cette rivalité entre Qatar et l’Arabie est historique quoique feutrée depuis 1965. À la fondation du royaume wahhabite, le Roi Abdel Aziz avait décidé le rattachement du Qatar à la province saoudienne d’Al Hassa. Il fallut attendre 1965, sous la pression de la Grande-Bretagne, pour que les frontières soient à nouveau clairement établis entre le Qatar, alors intégré dans une fédération d’Etats du Golfe, et l’Arabie saoudite. Le Qatar quitte la fédération en 1971, acquérant de facto sa pleine indépendance. Ladite fédération donne alors naissance aux Emirats arabes Unis.
[19] Découvert en 1971, situé à partiellement dans les eaux qataries et iraniennes, ce gisement est considéré comme l’un des plus importants gisements au monde (17 à 20 % du gaz naturel mondial), soit 50 900 milliards de mètres cubes selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE) ; soit la troisième réserve mondiale de gaz naturel (14 %) à quelque soixante-cinq mètres de profondeur et sous trois mille mètres de sable sous le fond marin. Le Qatar dispose à lui seul de 24 300 milliards de m3 de réserves de gaz dont l’exploitation peut s’étendre sur près d’un siècle et demi.
[20] Pékin a clairement fait savoir qu’en Iran, il était question d’un partenariat stratégique devant reposer sur un programme d’échanges économiques estimé à quelques 600 milliards de dollars pour les 20 années à venir.
[21] Le partenariat entre le Qatar et la Russie semble aussi passer outre le soutien de Doha, au début des années 2000, à la rébellion islamique de Tchétchénie, affiliée à Al Qaeda.
[22] Selon l’Irena (Agence Internationale des Energies Renouvelables), en développant les énergies renouvelables, les pays du Golfe arabique pourraient réduire leur consommation de quelque 2,5 milliards de barils de pétrole d’ici 2030, soit une économie estimée entre 55 et 87 milliards de dollars, selon les prix du brut à venir.
[23] L’Iran qui, régulièrement, essuie les plus vives critiques de la part de réseaux politiques qui se nourrissent de la culture de la haine et de la peur, témoigne d’une formidable puissance économique. Avec un Produit intérieur brut, en 2016, de 412,2 milliards de dollars, le pays s’affiche comme la deuxième puissance économique, derrière l’Arabie saoudite, du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. La puissance perse dispose d’atouts gaziers et pétroliers (2ème rang mondial des pays producteurs de gaz naturel et 4ème rang au regard de ses réserves pétrolières attestées) et témoigne d’un dynamisme conséquent que l’allégement de l’embargo international favorise depuis peu. Ainsi, Téhéran, en vertu du VI Plan quinquennal pour la période 2016-2021 compte bien mettre tous ses efforts financiers et stratégiques dans divers secteurs-clés : la recherche scientifique et technique pour favoriser une économie désireuse à la fois de développement et de renouveau. Il s’agit à l’avenir de développer les secteurs bancaires, sur fond de réforme des entreprises publiques, la production d’électricité, les capacités de production d’eau douce (dessalement), de distribution (défaillante) pour répondre à la consommation d’une eau dont les réserves sont insuffisantes. S’ajoute à cela, les programmes de développement des secteurs de pointe (l’Iran est le 5ème pays en matière de nanotechnologies).
[24] Au regard des ventes d’armes réalisées en 2010, la France occupe la quatrième place d’exportateur à l’échelle mondiale ; soit 5,12 milliards d’euros de vente. Telle est l’une des informations communiquées par le rapport annuel au Parlement sur les exportations françaises d’armement. Toutefois, le volume des ventes effectuées connaît une baisse de 37% par rapport à l’année 2009, mais comparables à celles enregistrées au cours de la période 2006-2007. Le montant global des exportations d’armes françaises atteignait 8,12 milliards d’euros en 2009, contre 6,5 milliards en 2008. Officiellement, l’Etat français souhaite que la part des ventes de systèmes d’armes français atteigne les 6% du marché mondial. Comparativement, les Etats-Unis conservent 53,7% de part du marché, contre 12,5% pour la Grande-Bretagne et 8,2% pour la Russie.
[25] Stockholm international Peace Research Institute (SIPRI), Rapport sur les transferts d’armements dans le monde, février 2017.
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