Ancien auditeur de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) et consultant pour des organismes publics dans le domaine de la défense, Matthieu Chillaud est docteur en science politique (université de Bordeaux) et docteur en histoire militaire et étude de défense (université de Montpellier). Après avoir été attaché temporaire d’enseignement et de recherche (ATER) à l’université de Bordeaux, il a travaillé au Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) et a enseigné les questions stratégiques et les problématiques de désarmement dans les universités de Tartu (Estonie), de Toulouse et de Lyon. Matthieu Chillaud vient de publier « Les études stratégiques en France sous la Ve République. Approche historiographique et analyse prosographique », Collection Logiques sociales, Paris, éd. L’Harmattan, 2020, 245 pages. Propos recueillis par Pierre Verluise, docteur en géopolitique, fondateur du Diploweb.com.
Matthieu Chillaud est un des experts qui connait le mieux la cartographie intellectuelle des études stratégiques françaises contemporaines. Après de longues années dans les archives, notamment celles entreposées à l’Ecole militaire (Paris, 7e arr. ) et une grande enquête orale auprès plus d’une centaine de chercheurs, universitaires, think tankistes, diplomates et militaires qui gravitent autour du champ des études stratégiques, il en a dressé un tableau et un diagnostic solidement argumentés. M. Chillaud vient de publier « Les études stratégiques en France sous la Ve République », éd. L’Harmattan. Il répond avec beaucoup de franchise aux questions de Pierre Verluise pour Diploweb.com. Une ouverture du débat rugueuse mais nécessaire.
Pierre Verluise (P. V. ) : Quelles sont les principales idées fausses sur les études stratégiques en France sous la Ve République que votre recherche a permis de déconstruire ?
Matthieu Chillaud (M. C. ) : Permettez-moi de répondre à votre question sous un angle différent. Je dirais tout simplement qu’il y a un malentendu de départ. D’aucuns ont cru pouvoir parler de « misère des études stratégiques ». Or, quantitativement – et même qualitativement –, les études stratégiques en France sont réellement dynamiques. Mais leur problème est leur manque de visibilité en raison, d’une part, de leur éclatement au sein de plusieurs disciplines dans le monde universitaire et, d’autre part, de leur articulation délicate entre le monde civil et le monde militaire. A cela s’ajoute, et c’est même certainement la raison principale, un incompréhensible tâtonnement de l’État : d’un côté, il estime nécessaire de dynamiser les études stratégiques dans l’alma mater et va même déposer sur la table des dizaines de milliers d’euros pour les universitaires souhaitant travailler sur la guerre, mais, d’un autre, il entend bien, et cela même s’il s’en défend, concomitamment domestiquer le contenu des travaux menés dans le champ des études stratégiques, soit en imposant en amont des règles, même implicites, auxquelles le producteur d’études stratégiques devra se conformer, soit en se révélant incapables d’exploiter le contenu de ces études alors même que, dans certains cas, l’État les aura financées. C’est ubuesque. Faire un pas en avant et deux pas en arrière ne fait que participer à l’impression générale de misérabilisme qui se dégage de ce champ disciplinaire. Or, étonnement, les études stratégiques en France sont, comme je le disais, dynamiques. Il faut aller, pour s’en apercevoir, au Centre de documentation de l’École militaire (CDEM) [1] : la somme inouïe d’ouvrages et de documents dans le champ des études stratégiques en témoigne. Et, je ne parle même pas des très nombreuses Études prospective et stratégiques (EPS) que le Ministère des Armées finance. Mais le problème, encore une fois, est leur exploitation. Il est désolant de voir cette somme d’études soutenues et financées par l’État rejoindre, pour la majorité d’entre elles, les limbes des documents superflus, au mieux à peine lus et, au pire, qui rejoignent, de suite après leur remise par le chercheur, des armoires métalliques qui ne seront réouvertes que le jour quand, lorsque l’on aura besoin de place, on enverra au pilon tous ces documents. Cela avait été, au moins partiellement, constaté dans la kyrielle de rapports demandés depuis une vingtaine d’années par les pouvoirs publics à des « experts » (François Heisbourg, Mission d’Analyse et de proposition relative à l’enseignement et à la recherche en « relations internationales » et « affaires stratégiques et de défense » rapport de mission, 2000 ; Gilles Andréani et Frédéric Bozo, Préfiguration d’une Institution universitaire d’enseignement et de recherche en relations internationales. Rapport au ministre de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et au ministre des Affaires étrangères – Rapport « Andréani-Bozo » remis en décembre 2004 ; Alain Bauer, Déceler – Étudier – Former : une voie nouvelle pour la recherche stratégique. Rapprocher et mobiliser les institutions publiques chargées de penser la sécurité globale, Rapport remis le 20 mars 2008 ; Christophe Carle, Rapport sur la Pensée stratégique, les think tanks et le ministère de la Défense, Rapport remis le 31 janvier 2009 ; Yves Saint-Geours, Ambassadeur de France en Espagne, Rapport sur les think tanks français : mission d’information et de recommandations, 2016). Mais ce qui est fait pour y remédier est si marginal. C’est désolant.
Un autre aspect m’a particulièrement frappé dans mes recherches. Celui du masochisme chez les Français de croire toujours l’herbe plus verte chez leurs voisins. Je pense particulièrement à l’Allemagne. Il se trouve que j’ai récemment participé à une EPS sur le sujet : la situation des études stratégiques là-bas est implacablement inexistante. On étudie la politique étrangère, on étudie la paix mais on n’étudie certainement pas la guerre. C’est certainement en raison du dynamisme des fondations politiques allemandes qui financent les recherches qu’en France on a l’impression d’une vitalité des études stratégiques. Or, ce sont les études dans le champ des « area studies » et les problématiques liées à l’irénologie et à la politique étrangères qui sont massivement financées et certainement pas celles dans le champ des études stratégiques.
P. V. : Quels sont les apports les plus saillants de votre recherche ?
M. C. : Mon idée était de montrer qu’il fallait aller au-delà d’un misérabilisme si commun car je pressentais, au moins intuitivement, que la réalité était beaucoup plus complexe et moins manichéenne que celle communément admise. Sans remettre profondément en cause les thèses défendues jusqu’ici, je voulais voir, de façon la plus exhaustive possible, comment l’environnement politique, militaire, administratif et universitaire de la France sécrète des idiosyncrasies qui affectent directement les études stratégiques, en tant que champ disciplinaire. Je pense y être arrivé en démontrant que les ambivalences de l’État, en la matière, s’expliquent essentiellement par la nature même de la Ve République et de la pratique de son premier président, un chef d’État « civil » certes, mais un militaire, et dont l’ambition était de doter la France de l’arme nucléaire. Ne pas pouvoir remettre en cause le modèle gaullien a eu pour conséquence un verrouillage de la pensée stratégique et pas uniquement sur les questions liées à la dissuasion. Pour éviter toute tentative chafouine de contourner les questions « bannies » en parlant de sujets annexes ou connexes, en effet, les questions de défense touchant la France, autant dans leur plénitude que dans leur globalité, ont été, plus ou moins, exclues du débat stratégique. Ce dernier restait le quasi apanage d’une poignée de militaires travaillant dans des structures de recherche internes au ministère de la Défense. Certes, la situation avait commencé à évoluer après que le modèle gaullien de défense eut été inscrit dans le marbre de jure suite à la publication du premier « Livre blanc ». Une Fondation pour les études de défense nationale (FEDN) fut créée. Une Mission pour les évaluation des études de défense (MEED) – organisme interministériel chargé de promouvoir les études stratégiques au sein de l’alma mater – fut établie. Une myriade de diplômes de troisième cycle et d’enseignements sur les questions de défense, avec l’appui des autorités officielles, fut proposée dans le monde universitaire. Des think tanks [2] furent implantés dans le paysage stratégique. Des diplomates, des militaires et des universitaires ont commencé à profiter de cette opportunité pour travailler, réfléchir et publier, sur des questions incontestablement toujours aussi sensibles mais avec moins de conséquences hypothétiquement « nuisibles » sur le modèle politico-stratégique porté sur les fonts baptismaux par la Ve République. S’il y a eu certes une nette évolution, pour autant, elle ne déboucha pas sur une stabilité institutionnelle que l’on aurait pu, à juste titre, imaginer. Si le Centre d’analyse de prévision et de stratégie (CAPS), au sein du Quai d’Orsay, n’a que peu changé depuis sa création, au ministère des Armées, cinq centres (Centre de prospective et d’évaluations, Groupement de planification et d’études stratégiques, Délégation aux études générales, Délégation aux affaires stratégiques et Direction générale des relations internationales et stratégiques) se sont succédé en plus d’une cinquantaine d’années si l’on veut bien confronter ce qui apparaît a priori incomparable : entre un Centre de prospective et d’évaluations composé d’une petite quinzaine de personnes et surtout chargé de penser le nucléaire à l’aune de la prospective et de la stratégie et une Délégation générale aux relations internationales et à la stratégie dont la vocation est plus de faire des relations internationales lato sensu que de la stratégie stricto sensu, le lien de filiation pourrait surtout apparaître putatif. La logique de la création de la Délégation aux affaires stratégiques dans le contexte des débuts de la période post-Guerre froide, en effet, prit le contrepied de la vocation qu’était celle du Centre de prospective et d’évaluations, du Groupement de planification et d’études stratégiques et de la Délégation aux études générales. Il ne s’agissait plus de disposer d’un instrument, dirigé par un ingénieur général de l’armement, chargé de faire, d’abord, de la réflexion et de la prospective stratégiques autonomes mais d’un appareillage intellectuel, fortement noyauté par des diplomates, qui avait vocation d’adapter au cas français les grandes forces politico-stratégiques internationales du moment. Cette dynamique s’est incontestablement accélérée avec la création de la Délégation générale aux relations internationales et à la stratégie qui, comme d’ailleurs son acronyme le révèle, a de jure la vocation de faire autant des relations internationales que de la stratégie même si de facto elle fait davantage de relations internationales qu’elle n’élabore de stratégie.
Or, la recherche stratégique ne peut se faire que sur le long terme. La durabilité qu’implique la constitution d’équipes et de réseaux mais aussi la pédagogie et la transmission du savoir, exige forcément un coût – qui n’est pas forcément uniquement financier – que l’État cherche à rationaliser par un réflexe de recomposer inlassablement le paysage stratégique français.
Le manque de continuité institutionnelle est encore plus avéré au sein de l’École militaire et des centres de recherche dans les écoles des trois armées. Seul l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) n’a que peu changé mais c’est certainement sa qualité de ne pas être stricto sensu un centre de recherche stratégique – même si théoriquement il aurait pu l’être – qui lui a permis d’échapper à cette loi d’airain. De son côté, l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ), pourtant beaucoup plus jeune que l’Institut des hautes études de défense nationale, a changé trois fois de configuration. Sa survie se pose d’ailleurs à l’heure actuelle [3]. Cette régularité à l’inconstance concerne aussi, et même surtout, les centres de recherche à l’interface du monde académique civil et militaire. Ainsi, parmi tous les centres qui ont fusionné pour donner naissance en 2009 à l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire (IRSEM), certains avaient eu une existence soit très éphémère soit plus durable mais pas forcément assez pour s’inscrire dans la production d’une recherche stratégique pérenne. Le Centre d’études de recherche de l’École militaire qui avait pris la succession, en 2008, du Centre d’études et de recherche de l’enseignement militaire supérieur établi en 2002, n’aura duré qu’une année puisqu’il fusionna, pour donner naissance à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire, avec d’autres structures. Parmi ces dernières, le Centre de sociologie de la défense nationale créé au sein de Sciences po, puis intégré dans le giron du ministère de la Défense, avait été transformé en un Centre d’études en sciences sociales de la défense, au même moment de la création du Centre d’études histoire de la défense qui lui-même avait été créé au milieu des années 1990. A posteriori, la cohérence de son absorption par l’IRSEM pourrait même se poser dans la mesure où trois ans plus tard, l’histoire militaire sera détachée de ce dernier pour revenir à Vincennes, non plus dans un centre indépendant, mais au Service historique de la défense.
Matthieu Chillaud met en exergue de son ouvrage cette citation d’Hervé Coutau-Bégarie (1956-2012)
« Les « chercheurs » ont un ego souvent développé, qui les porte à se mettre en avant et à se combattre mutuellement, par la plume bien sûr (la disputatio fait partie de la vocation des intellectuels) mais aussi par l’intrigue. Celle-ci est devenue de plus en plus fréquente depuis que les enjeux n’en sont plus seulement intellectuels mais terriblement concrets avec la lutte pour les places et pour les crédits. La recherche est au service de la stratégie, mais elle est aussi une fin en soi, pour laquelle tous les moyens sont bons. » Hervé Couteau-Bégarie, « La recherche stratégique en France », 2000.
Or, la recherche stratégique ne peut se faire que sur le long terme. La durabilité qu’implique la constitution d’équipes et de réseaux mais aussi la pédagogie et la transmission du savoir, exige forcément un coût – qui n’est pas forcément uniquement financier – que l’État cherche à rationaliser par un réflexe de recomposer inlassablement le paysage stratégique français. Par le fait du prince, on compose et on recompose, au gré des conjonctures, un paysage stratégique sans qu’il y ait forcément une cohérence et ceci en dépit d’un discours laissant penser l’inverse. Pour sa justification, l’État prétextera une nécessaire adaptation de ses moyens intellectuels au contexte stratégique international et pourrait même invoquer l’influence de la France, son rayonnement stratégique et même le prestige du gotha de ses penseurs stratégiques. Soit il pourra faire appel à un « chargé de mission », le plus souvent intellectuellement proche du pouvoir en place, pour conduire une étude qui débouchera sur un rapport lequel ne sera appliqué que partiellement, à supposer qu’il ne rejoigne pas la kyrielle de rapports administratifs qui, comme Machiavel et Montesquieu dans le roman de Maurice Joly, « dialoguent aux enfers ». Soit il imposera, par le haut, des transformations institutionnelles en tranchant le nœud gordien sans concertation aucune. Entre ces deux extrêmes, il pourra aussi choisir dans une gamme d’options mais sans forcément qu’il y ait une cohérence stratégique à long terme et lorsqu’il peut y en avoir une, il ne l’accompagnera pas nécessairement des moyens, ni intellectuels, ni financiers, en se justifiant par son impécuniosité. Créations ex nihilo , transformations, disparitions, renaissances, absorptions, fusions constituent les caractéristiques typiques du paysage stratégique français durant la Ve République qui touchent, à des degrés certes, les cellules de réflexion internes aux ministères, les think tanks, qu’ils soient « externes » ou à l’interface entre le monde militaire et le monde académique, et les centres universitaires.
P. V. : Entre les contradictions d’un État qui entend garder le contrôle sur les études stratégiques, les égos mal cicatrisés de nombre d’acteurs du domaine qui se drapent volontiers dans les plis du drapeau mais pensent surtout à leur carrière, sans oublier la faiblesse des moyens consacrés, quelles perspectives à dix ans pour les études stratégiques en France ?
M. C. : Soyons pragmatiques. Il n’y aucune raison de ne pas être fataliste. En dépit des bonnes volontés de certains ici et là, il faudrait une révolution structurelle de très grande ampleur pour que les études stratégiques s’amarrent de façon pérenne dans le monde académique. Il y a eu beaucoup d’arguties par l’équipe actuelle de l’IRSEM pour légitimer l’existence et la vocation de l’institut (« des war studies à la française » [sic]). Mais la réalité est là : la logique de la Ve République, en la matière, est implacablement celle de la discontinuité des institutions et surtout du primat du contrôle de la production de la réflexion stratégique en amont par des think tanks internes et quasiment déconnectée de celle entreprise par les think tanks externes et a fortiori de celle des universitaires dans l’alma mater.
Jusque dans les années 1980 la réflexion stratégique française était d’une intensité inouïe et qu’elle avait une réelle influence sur le décideur politico-stratégique.
La production de la réflexion stratégique se fait immanquablement dans l’ombre de l’État d’autant que, dans le processus décisionnel, l’impact, et même l’influence, des universitaires est marginal d’autant que ces derniers sont souvent concurrencés par les « intellectuels », davantage idéologues que scientifiques. Qu’on pense au rôle de Bernard Henri Lévy dans la dynamique de l’intervention française en Lybie en 2011, avec les médiocres résultats que chacun connait. Mais l’idéologisation des études stratégiques n’est pas le seul écueil. La recherche en sciences sociales et humaines apporte du savoir, sans forcément se réduire à une expertise. Elle comporte toujours une dimension critique ; en envisageant des problèmes, elle provoque des débats, des doutes et des interrogations à l’opposé de celle qui existe dans le milieu militaire davantage marquée par le syncrétisme et la conviction que la hiérarchie ne peut qu’avoir raison. Même si ce manichéisme tend à s’estomper, la dichotomie entre, d’une part, la fonction de la recherche en sciences sociales et humaines pour l’universitaire et, d’autre part, la vertu de la pensée stratégique pour le responsable politique et militaire continue à problématiser une contradiction. Exigeons donc du donneur d’ordre de répondre à la question simple de l’utilité sociale du chercheur en études stratégiques. S’il veut quelqu’un qui puisse le conseiller en lui fournissant des notes d’une page qu’il prenne un technocrate formaté à Sciences po et à l’ENA, excellemment bien formé pour cela. En revanche, s’il veut quelqu’un qui sache penser, théoriser, argumenter et construire un raisonnement, à l’abri (certes, dans une certaine mesure) des querelles idéologiques, qu’il sollicite un chercheur en études stratégiques. On a l’impression de vivre dans une logique aussi ubuesque que schizophrénique. L’État, d’un côté, finance des études en stratégie (même si parfois elles concernent surtout la conflictologie ou les relations internationales). Mais, d’un autre côté, soit il demandera au chercheur de faire l’inverse de la nature même de sa vocation, soit il mettra au placard le travail de ce dernier qui aura pourtant vraiment fait son travail mais, dans ce cas-là, il pourra toujours objecter qu’il finance la recherche stratégique.
Je travaille actuellement sur les archives du général Lucien Poirier et celles du Centre de prospective et d’évaluations. On peut dire que jusque dans les années 1980 la réflexion stratégique française était d’une intensité inouïe et qu’elle avait une réelle influence sur le décideur politico-stratégique.
Bonus vidéo. François Géré présente comment le général Lucien Poirier a contribué au lendemain de la Seconde Guerre mondiale à la mise au point d’un modèle logique d’une dissuasion nucléaire pour la France puissance moyenne.
Certes, à l’époque, les études stratégiques étaient la quasi apanage des militaires même si certains universitaires commençaient à vouloir les intégrer dans l’alma mater. En tout cas, on était capable de construire des modèles théoriques qui ont servi de base aux fondements de la dissuasion. On savait penser sur le long terme. Or, à l’heure actuelle, le responsable politique, diplomatique et militaire, noyé sous l’information, veut des notes aussi concises, pas plus d’une page, que concrètes, sans référence théorique. Son action s’inscrit dans le très court terme. Ce qui est résolument antinomique avec les études stratégiques.
Copyright 2020 Chillaud-Verluise/Diploweb.com
Débat
Dans le cadre du débat amorcé par cet entretien avec M. Chillaud, le Diploweb.com a publié le 1er novembre 2020 un article de N. Bronard "Les études stratégiques en France : pour une nouvelle ambition collective"
Plus
. Matthieu Chillaud, « Les études stratégiques en France sous la Ve République. Approche historiographique et analyse prosographique », préface de Jacques Aben, Paris, Collection Logiques sociales, éd. L’Harmattan, 2020, 248 pages. Voir sur Amazon
4e de couverture
En France, l’État semble régulièrement soucieux de développer les études stratégiques. Mais il hésite très souvent à leur accorder la liberté nécessaire pour qu’elles puissent se déployer dans les structures académiques civiles et militaires. Le pouvoir politique questionne leur utilité tandis que l’université interroge la légitimité des think tanks. De surcroît, la difficulté de dialogue entre universitaires et militaires, d’une part, et la particularité de l’objet de recherche d’autre part, ajoutent encore plus de complexité à cette problématique. Cet ouvrage passe en revue les nombreux organismes, instituts et périodiques qui travaillent et publient, de près ou de loin, dans le domaine des études stratégiques. Il explique les raisons pour lesquelles elles peinent à trouver leurs marques.
[2] Pensons ici d’abord à l’Institut français de relations internationales (Ifri) créé en 1979 par une greffe du vénérable Centre d’études de politique étrangère (CEPE) qui, lui, avait été établi en 1936. L’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) fut créé une dizaine d’années après l’Ifri mais sur une initiative privée. La Fondation pour la recherche stratégique (FRS), enfin, fut établie, à la fin des années 1990, par un jeu de fusion/absorption du Centre de recherches et d’études sur les stratégies et les technologies (CREST) et de la Fondation pour les études de défense (FED) qui, pour cette dernière, avait vécu à peine trois ans après avoir été créée dans des conditions laborieuses suite à la dissolution, dans des conditions rocambolesques, de la Fondation pour les études de défense nationale (FEDN). Gravitaient au sein de cette dernière, par ailleurs, plusieurs centres dont l’Institut français de polémologie créé et dirigé à bout de bras par Gaston Bouthoul puis absorbé par la FEDN après le décès de ce dernier.
[3] Sa dissolution a été annoncée en 2019.
SAS Expertise géopolitique - Diploweb, au capital de 3000 euros. Mentions légales.
Directeur des publications, P. Verluise - 1 avenue Lamartine, 94300 Vincennes, France - Présenter le site© Diploweb (sauf mentions contraires) | ISSN 2111-4307 | Déclaration CNIL N°854004 | Droits de reproduction et de diffusion réservés
| Dernière mise à jour le vendredi 1er novembre 2024 |