Anne de Tinguy, Professeur émérite des universités, à l’INALCO (Institut National des Langues et Civilisations orientales) à partir de 2005, après avoir été chercheure au CNRS. Anne de Tinguy était et demeure rattachée au CERI-Sciences Po (Paris). Elle a obtenu son doctorat et son habilitation à diriger des recherches en science politique à Sciences Po, après des études à la Sorbonne (Paris 4), à l’INALCO et à Sciences Po. Anne de Tinguy vient de publier « Le géant empêtré. La Russie et le monde de la fin de l’URSS à l’invasion de l’Ukraine », éd. Perrin, 2022.
Pierre Verluise Docteur en géopolitique de l’Université Paris IV – Sorbonne. Fondateur associé de Diploweb. Professeur en CPGE à Blomet (Paris). Enseigne la géopolitique en Master. Chercheur associé à la FRS. Auteur, co-auteur ou directeur d’une trentaine de livres. Producteur de trois Masterclass sur Udemy : "Les fondamentaux de la puissance" ; "Pourquoi les données numériques sont-elles géopolitiques ?" par Kévin Limonier ; "C’était quoi l’URSS ?" par Jean-Robert Raviot.
Dans ce passionnant entretien, A. de Tinguy donne à la fois de la profondeur et des clés pour saisir les causes de l’impasse dans laquelle la Russie de V. Poutine s’est mise. Alors que l’armée ukrainienne vient de reprendre Kherson, ce propos résonne encore plus fort. Anne de Tinguy répond aux questions de Pierre Verluise pour Diploweb.
Anne de Tinguy vient de publier un livre recommandé par le Diploweb : « Le géant empêtré. La Russie et le monde de la fin de l’URSS à l’invasion de l’Ukraine », éd. Perrin
Pierre Verluise (P. V.) : Pourquoi ce qu’on appelait la « superpuissance soviétique » est-elle devenue progressivement à partir des années 1970 un système à bout de souffle, dans une impasse, incarnation d’une forme d’illusion de la puissance ?
Anne de Tinguy (A. de T. ) : Le rapport de l’URSS à la puissance, qui est au centre de mon ouvrage, est une question d’autant plus importante qu’elle se pose à nouveau aujourd’hui dans des termes qui sont à certains égards comparables à ceux qui prévalaient à la fin du régime soviétique.
La politique de puissance menée par l’Union soviétique a fini par donner le résultat inverse de celui qui était recherché (...)
Pendant des décennies, dans un monde qui était bipolaire, l’URSS a été communément désignée comme l’un des deux Grands. Sa capacité à se hisser au rang de grande puissance et à être considérée comme telle, à exercer une attraction à l’étranger et à peser sur les événements un peu partout dans le monde a été un temps très réelle. Elle a découlé des formidables atouts que détenait l’URSS : son idéologie et les nombreux réseaux qu’elle avait mis en place dans le monde, un immense territoire, de formidables richesses en matières premières, une population nombreuse et bien formée, etc. Elle découlait aussi de la stratégie qui avait été définie par le Kremlin : la construction d’un statut de 2ème Grand – l’URSS apparaissait comme le leader d’un des deux grands systèmes socio-politiques du monde - et d’un outil militaire qui a été l’instrument privilégié qu’elle a utilisé pour projeter sa puissance vers l’extérieur.
Mais la politique de puissance menée par l’Union soviétique a fini par donner le résultat inverse de celui qui était recherché : au fil du temps, son statut s’est étiolé et dans de multiples domaines les difficultés se sont accumulées. L’URSS s’est auto-détruite. Elle s’est effondrée parce que le projet fondateur qui sous-tendait le système socio-politique qu’elle avait construit s’est révélé n’être qu’un leurre. Cet événement est intervenu le jour où des réformes qui ont touché aux fondements du système ont été entreprises et où la société s’est détournée de ce régime auquel elle n’accordait plus aucun crédit. L’URSS prétendait aller dans le sens de l’Histoire et annonçait un monde meilleur. La réalité fut tout autre. Progressivement, l’élan idéologique s’est affaibli et le fossé s’est creusé entre les promesses et la réalité, les premières étant sans cesse contredites par la seconde. A l’extérieur, le bilan n’était guère plus convaincant. Le bilan apparemment positif était là aussi entamé par de sérieux revers et par des difficultés structurelles. L’URSS était une puissance militaire et c’est en tant que telle qu’elle s’est imposée sur la scène internationale. C’est grâce à ses progrès dans le domaine stratégique qu’elle a réussi à se faire reconnaître comme l’égale des Etats-Unis. Et la plupart des amitiés qu’elle a nouées dans le tiers monde, cimentées par un commun « anti-impérialisme », l’ont été à la faveur de conflits locaux. Contrairement aux Etats-Unis, elle n’a jamais cherché à se doter d’une capacité d’action globale.
La puissance que l’URSS a construite a été chèrement payée : l’économie étant prioritairement tournée vers la satisfaction des besoins du complexe militaro-industriel, elle l’a été au détriment du développement interne et de la modernisation du pays. Elle n’a jamais été basée sur une économie solide et innovante capable de se projeter à l’extérieur et sur un dynamisme interne. Puissance « pauvre », selon l’expression de Georges Sokoloff, déséquilibrée et incomplète, l’URSS a affiché une grandeur qui a précipité sa chute parce qu’elle n’en avait pas les moyens.
La Russie poutinienne est elle aussi confrontée aux répercussions de l’obsession de la puissance (...)
Trente ans après l’effondrement de l’URSS, du fait des choix qu’elle a faits, la Russie poutinienne est elle aussi confrontée aux répercussions de l’obsession de la puissance, de la priorité à nouveau accordée au facteur militaire et au hard power, de la négligence à l’égard du développement interne du pays. A l’heure de sa décision insensée d’envahir l’Ukraine, un État souverain qui ne la menaçait pas, la question de l’illusion de sa puissance se pose une fois de plus.
P. V. : Depuis le début des années 2000, V. Poutine est obsédé par la puissance et par la grandeur, deux concepts que vous distinguez. En quoi sont-ils différents ? Comment Vladimir Poutine met-il progressivement en œuvre une politique de puissance ? Avec quels résultats ?
A. de T. : Depuis des siècles, la Russie se pense comme une grande puissance. La conviction que, du fait de son histoire, de sa culture, de ses richesses en territoire et en matières premières, de ses ressources humaines, elle est vouée à être un grand pays, est très ancrée en Russie. Elle forme « la carte mentale » dont les élites dirigeants sont porteuses, une « carte mentale » qui imprègne leur vision du monde et de la place de leur pays sur la scène internationale.
Pour Vladimir Poutine, vous le soulignez à juste titre, la puissance est une obsession qui rejoint une double conviction, celle que le monde est en pleine transformation du fait de sa désoccidentalisation au profit des pays émergents et celle d’un antagonisme durable avec l’Occident. A ses yeux, la Russie n’est pas un État comme les autres, elle a dans la vie internationale une place spécifique liée au rôle essentiel qu’elle y joue, au fait qu’elle est le centre d’un « monde russe » sans frontière et qu’elle a des positions « particulières » dans son ancien empire. Elle doit donc obtenir une reconnaissance internationale du statut qui est, estime-t-il, le sien, être respectée et traitée « d’égal à égal » par les pays les plus industrialisés, le respect et l’égalité signifiant non seulement qu’elle soit écoutée, que ses intérêts soient pleinement pris en compte, en particulier dans son ancien empire, et que son droit à gérer ses affaires intérieures comme elle l’entend soit reconnu, mais aussi que les Grands de la planète acceptent de partager le pouvoir avec elle. Dans un système international dont, selon Moscou, les principaux acteurs sont les États les plus puissants, la place que la Russie entend tenir est celle d’un co-décideur, une place qui s’apparente à celle qu’elle occupe au Conseil de sécurité des Nations unies (membre permanent doté d’un droit de veto). Pour atteindre cet objectif, le président Poutine s’emploie depuis les années 2000 à conforter son statut international, y compris dans l’espace post-soviétique – ce qui le conduit aujourd’hui à adopter à l’égard de l’Ukraine une position extrême -, à s’affirmer face à un monde occidental que le Kremlin décrit comme décadent et hostile à la Russie dans un climat de tensions de plus en plus fortes au fil du temps, à repositionner la Russie sur une scène internationale dépeinte comme multipolaire, à la réorienter vers l’Asie-Pacifique et à redéployer sa présence dans des régions négligées depuis la fin de l’URSS.
Pour la Russie de Vladimir Poutine, la grandeur apparaît comme le moyen de compenser ses faiblesses et de masquer le fait qu’elle est en réalité une « puissance pauvre ».
Son ambition aurait dû conduire Vladimir Poutine à se préoccuper en priorité du développement interne et de la modernisation du pays et à chercher à construire une puissance globale multidimensionnelle (du type de celle des Etats-Unis). Il ressort clairement des recherches faites pour cet ouvrage que ce n’est pas ce qu’il a fait. Il a continûment donné la priorité à la puissance à l’international en s’appuyant à nouveau sur ce qui était la principale source de puissance de l’Union soviétique : l’outil militaire, la coercition et la conflictualité. L’analyse des différents outils qu’il met au service de son action extérieure montre qu’il se préoccupe peu du développement interne de son pays et de l’attraction que celui-ci pourrait exercer par ce biais. Il mène une politique de grandeur qui consiste à accorder une place centrale aux apparences, à l’affichage et à la posture : pour être reconnue comme un acteur majeur, en toutes circonstances la Russie fait comme si elle l’était. Attachant une importance considérable aux gains symboliques, elle privilégie tout ce qui lui donne l’apparence d’un Grand, tout ce qui la « fait compter au-dessus de son poids », notamment économique, parmi les Grands. Pour la Russie de Vladimir Poutine, la grandeur apparaît comme le moyen de compenser ses faiblesses et de masquer le fait qu’elle est en réalité une « puissance pauvre ».
P. V. : La démographie, l’économie et les institutions sont-elles des bases solides de la puissance russe ?
A. de T. : La Russie a des ressources démographiques et économiques qui pourraient lui permettre de construire une capacité d’action globale multidimensionnelle. Elle est richement dotée en ressources naturelles (elle fait partie des trois premiers producteurs mondiaux de pétrole, de gaz naturel, d’aluminium, de platine, etc.) et a d’immenses réserves de beaucoup d’entre elles. Elle a une population de 145 millions d’habitants globalement bien formée (leurs performances sont comparables à celles des pays de l’OCDE) et dont le niveau de vie a sensiblement augmenté depuis 1991. Dans certains secteurs de l’économie (comme le nucléaire civil ou l’agriculture), elle a su faire preuve de dynamisme. L’économie est en outre très présente dans sa politique étrangère. L’énergie en particulier est un levier majeur de son action extérieure.
Mais l’économie a été un outil de projection de son influence à l’étranger, non pas tant du fait de son attractivité, que de ses richesses en matières premières et de sa capacité à les instrumentaliser. La Russie a eu maintes fois recours, en particulier dans l’espace post-soviétique, au pouvoir de nuisance que lui donnent les moyens dont elle dispose. Elle n’a pas cherché à devenir une puissance économique qui serait une force d’attraction et qui pourrait rivaliser avec celles des grands pays industrialisés. Du temps de l’URSS, les immenses richesses que celle-ci détenait avaient débouché sur de formidables gaspillages et sur des déséquilibres macro-économiques. Trente ans plus tard, les matières premières restent à la fois le pilier de l’édifice et sa première source de faiblesse. La Russie a toujours une économie de rente, vulnérable et peu productive qui ne favorise ni la compétitivité ni l’industrialisation. Vladimir Poutine a redonné la priorité au hard power en adoptant une stratégie hybride. Il ne s’est que très peu soucié de diversifier l’économie, de développer les infrastructures, d’investir dans l’innovation. Les dépenses de recherche et développement de la Russie par rapport au PIB sont plus de deux fois inférieures à celles des Etats-Unis, de la Chine ou de la France. Vladimir Poutine s’accommode de cette situation pour des raisons largement politiques : les élites puisent leurs richesses et leur pouvoir dans cette économie ; elles ne veulent pas engager des réformes qui risqueraient de mettre leurs privilèges en péril.
Les tensions démographiques constituent une autre vulnérabilité. Depuis 1991, en dépit d’un solde migratoire continûment positif jusqu’à une date récente, la population russe diminue. Et si une vigoureuse politique migratoire n’est pas mise en place, pour des raisons structurelles, la poursuite de la décroissance apparaît inévitable. Celle-ci a entre autres des répercussions sur le marché du travail et sur la cohérence du peuplement du pays. A l’est de l’Oural, d’immenses territoires sont inhabités. Moscou et sa région ont presque autant d’habitants que toute la Sibérie. Dans ce contexte, l’émigration qui s’est fortement développée depuis le début des années 2010 a des conséquences d’autant plus préoccupantes que nombre de ceux qui quittent la Russie sont qualifiés. Un phénomène auquel la guerre en Ukraine a donné une nouvelle forte impulsion : près d’un million de personnes seraient partis à l’étranger depuis le 24 février 2022. A ces tensions s’ajoutent de sérieux problèmes environnementaux. La Russie est l’un des pays les plus touchés par le réchauffement climatique et certaines régions, en particulier l’Arctique, sont confrontées à des phénomènes météorologiques extrêmes (incendies, sécheresses, inondations, fonte du permafrost) qui s’aggravent rapidement.
La Russie est confrontée, on le voit, à de gigantesques défis que l’invasion de l’Ukraine ne peut qu’aggraver. Du fait de la guerre et des sanctions, le fossé technologique avec l’Occident va entre autres continuer à se creuser. L’économie a toutes les chances d’être demain encore davantage qu’hier le maillon faible des positions russes dans le monde.
P. V. : Mis à part l’Ukraine, comment la Russie organise-t-elle ses relations avec les 13 autres ex-républiques soviétiques ? La Russie a-t-elle su se remettre au centre des institutions de l’espace post-soviétique ?
A. de T. : Après l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, considérant que l’espace post-soviétique continuait à être la sphère naturelle d’influence de la Russie et que ses « intérêts vitaux » se situaient dans cette zone, les dirigeants russes ont pris de nombreuses initiatives institutionnelles (auxquelles le livre accorde une grande importance) pour limiter, voire empêcher la désintégration de cet espace fort, après le départ vers l’ouest de l’Europe des trois pays baltes, de douze États, et pour en faire un nouveau pôle de puissance.
La Communauté des États indépendants (CEI), qui se veut à l’origine une Union volontaire d’États souverains et égaux, est conçue en décembre 1991 comme l’instrument d’une intégration de cette région sur de nouvelles bases. Dans la décennie qui suit, les réalisations sont nombreuses : on assiste à une multiplication de Conseils et de comités, à la conclusion en 1992 d’un Pacte de sécurité collective et en 1993 d’un accord « sur la formation d’une union économique », à la mise en place en 1994 par la Russie et le Bélarus d’une union douanière rejointe par la suite par le Kazakhstan, le Kirghizstan et le Tadjikistan, à la création en 1996-97 d’une union russo-bélarusse, etc.
Dans les années 2000, une nouvelle impulsion est donnée à ce processus d’intégration dans les domaines économique et sécuritaire, dans des cadres eux aussi à géométrie variable. L’Organisation du Traité de Sécurité collective (OTSC), qui remplace en 2002 le Pacte de 1992, et l’Union économique eurasienne (UEE) qui voit le jour en janvier 2015, sont les deux institutions les plus remarquables. L’OTSC est la seule organisation de la région à avoir une réelle dimension militaire. Quant à l’Union eurasienne, l’ambition de Vladimir Poutine, lorsqu’il en a lancé l’idée en 2011, était de créer « une association supranationale puissante susceptible de devenir un des pôles du monde contemporain ».
Les résultats n’ont pas été à la hauteur des espoirs de la Russie qui n’a réussi à fédérer autour d’elle qu’un nombre limité d’États. Dès le début des années 1990, l’expérience communautaire s’est révélée décevante. La CEI a sans aucun doute été un forum utile en cette période de grands bouleversements, mais elle est restée une coquille vide. L’objectif d’intégration explicitement poursuivi par la Russie a été soutenu par le Kazakhstan, l’Arménie, le Bélarus, le Kirghizstan et le Tadjikistan. Mais l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie ont, elles, considéré la CEI comme l’instrument d’un divorce civilisé. Et la communauté ne s’étant dotée ni de mécanisme communautaire contraignant ni de mécanisme d’arbitrage, la plupart des textes signés ont eu un caractère avant tout déclaratoire. Les initiatives prises dans les années 2000 n’ont guère été plus concluantes. L’UEE ne regroupe que cinq membres (la Russie, le Bélarus, le Kazakhstan, l’Arménie et le Kirghizstan), l’OTSC six (à ces cinq États s’ajoute le Tadjikistan).
L’Ukraine, la Géorgie, la Moldavie, l’Azerbaïdjan et le Turkménistan se tiennent à l’écart de l’une comme de l’autre. L’Ouzbékistan a rejoint l’OTSC en 2006 mais l’a quittée en 2012. Et leur action demeure limitée. L’OTSC n’a pas été l’instrument du règlement des conflits qui ont éclaté en Eurasie. L’une de ses rares interventions a eu lieu en janvier 2022 au Kazakhstan alors en proie à des émeutes. D’emblée fragilisée par l’annexion de la Crimée et l’intervention russe dans le Donbass, l’Union eurasienne n’a vu le jour que dans sa dimension économique (l’UEE).
L’invasion de l’Ukraine marque un point de non-retour. Dès 2014, l’annexion de la Crimée et l’intervention russe dans le Donbass avaient déchiré cette région. La guerre de 2022 est un choc terrible pour les Ukrainiens, mais aussi pour les autres États de l’espace post-soviétique. Alors que l’attraction qu’y exercent plusieurs acteurs extérieurs à la zone (l’UE, la Chine, la Turquie, etc.) est confortée par ces événements, la déchirure russo-ukrainienne apparaît dès lors irréversible. Trente ans après l’éclatement de l’Union soviétique, elle signe la désintégration de l’ancien empire russe. Dans ce contexte, l’avenir des institutions mises en place à l’initiative de la Russie apparaît d’autant plus incertain qu’au fil du temps les positions russes dans la région ont fortement reculé dans les domaines culturels, économiques et commerciaux.
P. V. : Quelle est la place de l’Ukraine et de la guerre russe en Ukraine à compter de 2014 et de sa relance depuis le 24 février 2022 dans la course de V. Poutine à la puissance ? Pourquoi est-ce une décision lourde de conséquences ?
A. de T. : La question ukrainienne est très présente dans mon ouvrage car elle tient depuis 1991 une place déterminante dans le rapport de la Russie au monde extérieur. Pour toutes sortes de raisons, aux yeux de très nombreux Russes, elle est à la fois singulière et essentielle. L’histoire et l’historiographie jouent tout d’abord un rôle central dans la perception qu’ils ont de leur voisin. L’Ukraine n’a pas seulement été le plus beau fleuron de l’empire russe dans lequel une partie de son territoire actuel a été intégrée en 1667. L’historiographie russe, qui affirme depuis des siècles que Kiev est le berceau de la Russie, débouche sur l’idée que l’Ukraine n’est que la « Petite Russie » (nom officiel sous les tsars), qu’elle n’est, selon l’expression de l’historien Andreas Kappeler, qu’une « variante régionale de la nation russe ». Après l’effondrement de l’URSS, la proximité des deux peuples demeure forte dans tous les domaines (culturel, humain, politique, économique, etc.) et la Russie continue à attacher à ce pays une importance d’autant plus forte que, du fait de son territoire (grosso modo grand comme la France), son agriculture (le fameux tchernoziom), ses matières premières, son industrie de défense (qui était avant la guerre très importante pour la Russie), etc., l’Ukraine est un pays qui compte dans l’espace post-soviétique.
Aux yeux des Russes, la question ukrainienne est donc centrale, et ce depuis longtemps. En 1991, la vision qu’ils en ont amène nombre d’entre eux à considérer que le nouvel État ukrainien n’est qu’une création artificielle et temporaire, son indépendance, un contre-sens historique. Beaucoup sont convaincus que l’Ukraine n’est pas vraiment l’étranger et qu’elle reviendra inévitablement dans le giron russe. Dans les années 1990, les relations entre les deux États sont tumultueuses, mais Boris Eltsine se montre prudent. Sur la question de la Crimée, il ne jette pas d’huile sur le feu.
L’objectif premier de cette guerre tragique est de permettre à la Russie de reprendre le contrôle de ce pays et de bloquer son intégration dans la communauté euro-atlantique. Il est aussi d’empêcher l’émergence dans l’espace post-soviétique d’un modèle socio-politique différent de celui de la Russie (...)
Vladimir Poutine se démarque de son prédécesseur. Sa politique à l’égard de l’Ukraine découle d’une vision néo-impériale - qui n’est pas récente : en 2008 dans une conversation avec le président G. W. Bush, il nie la légitimité de l’existence de l’État ukrainien, un propos que le Kremlin n’a jamais démenti -, très marquée par son incapacité à comprendre à la fois l’identité ukrainienne, la réalité de la volonté d’indépendance des Ukrainiens et la force de la société civile. A ses yeux, en Ukraine comme en Russie, le peuple peut être « guidé », les révolutions orange (2004-2005) et de la dignité (Maïdan, 2013-2014) ne sont que le fruit de manipulations américaines dont le but est de marginaliser, voire de détruire, la Russie. Ses décisions en 2014 d’annexer la Crimée et d’intervenir dans le Donbass, puis en février 2022 d’envahir l’Ukraine s’inscrivent dans une politique dominée par la conviction que la souveraineté de l’Ukraine « n’est possible que dans un partenariat avec la Russie » (Vladimir Poutine, juillet 2021) et que la puissance aujourd’hui découle encore largement du hard power. L’objectif premier de cette guerre tragique est de permettre à la Russie de reprendre le contrôle de ce pays et de bloquer son intégration dans la communauté euro-atlantique. Il est aussi d’empêcher l’émergence dans l’espace post-soviétique d’un modèle socio-politique différent de celui de la Russie, autrement dit d’un pôle d’attraction concurrent.
Si l’issue de cette guerre est encore incertaine, il apparaît déjà clairement que le résultat n’est pas du tout celui qu’attendait le Kremlin. Au lieu de permettre à la Russie de récupérer l’Ukraine, la guerre signe une fracture qui apparaît pour longtemps irréversible. Et elle a des répercussions dans tout l’espace post-soviétique. Parmi les multiples autres conséquences, figure en bonne place la rupture entre la Russie et les pays occidentaux, une rupture qui va peser sur l’avenir de la Russie : la violence russe a achevé de faire voler en éclats l’idée de valeurs communes, elle a bouleversé la notion d’intérêts communs et elle confirme que la confrontation a repris le dessus, que l’Europe géographique n’est plus ni entière ni complètement libre et qu’une frontière civilisationnelle a à nouveau émergé à l’est du Vieux continent. Celui-ci est à nouveau divisé. L’invasion de l’Ukraine confirmant sa sortie de la sphère d’influence russe et son ancrage au monde euro-atlantique, il l’est sur des lignes beaucoup moins favorables à la Russie que pendant la Guerre froide.
P. V. : Que nous a appris la guerre russe en Ukraine au sujet de l’armée russe ? Durant les derniers mois, quels ont été les surprises stratégiques ? A ce jour, quel premier bilan faites-vous de la prétendue « opération spéciale » ?
A. de T. : L’issue de la guerre en Ukraine est encore imprévisible. Mais huit mois après le début de ce conflit, un premier bilan peut en être tiré. Les autorités russes avaient misé sur un effondrement rapide de l’armée et du pouvoir ukrainiens. Non seulement le blitzkrieg espéré n’a pas eu lieu et les forces russes se sont heurtées à une résistance ukrainienne aussi farouche qu’efficace, mais les forces russes ont subi à plusieurs reprises de graves revers qui les ont contraintes à reculer. Un mois après le début de l’invasion, elles ont dû évacuer la région de Kiev et le nord de l’Ukraine et se replier sur la « libération » du Donbass. Début septembre 2022, elles n’ont pas résisté à la contre-offensive surprise lancée par les forces ukrainiennes dans la région de Kharkiv. Quelques jours plus tard, elles ont perdu le contrôle de la ville de Lyman située dans une des quatre régions que Moscou venait d’annexer en grande pompe. Au sud, dans la région de Kherson, leurs positions sont depuis plusieurs mois progressivement grignotées par les forces ukrainiennes. D’autres coups durs pour Moscou ont une forte valeur symbolique : c’est le cas du naufrage le 14 avril 2022 en mer Noire du croiseur russe Moskva, un des fleurons de la marine russe, et de l’explosion qui se produit le 8 octobre 2022 sur le pont de Kertch. (NDLR. Il serait possible d’ajouter, le 11 novembre 2022 la reprise de Kherson par l’armée ukrainienne).
Ces événements amènent à s’interroger sur l’état de l’armée russe. En Ukraine, le Kremlin a fait de nombreuses erreurs : il a fait le choix absurde et inacceptable du recours à la force contre un État souverain qui ne menaçait pas la Russie et d’un conflit de haute intensité. Il n’a pas anticipé une guerre de longue durée : persuadé que l’effondrement ukrainien serait inévitable et rapide, il ne semble pas avoir défini de stratégie pour une guerre autre qu’éclair. Il a sous-estimé la résistance ukrainienne et surestimé les capacités de l’armée russe, etc. Ces erreurs expliquent-elles à elles seules l’ampleur des revers subis ?
Pourquoi de tels revers alors que Moscou a mené à partir de 2008 une vaste opération de modernisation de ses forces armées ? La puissance militaire russe était-elle surestimée ? Moscou a su construire et véhiculer une image très positive de ses capacités, notamment en menant régulièrement des exercices militaires dont certains sont d’une ampleur impressionnante, et en intervenant militairement en Syrie à partir de 2015. Cette intervention, qui a montré que ses forces armées avaient, dans la durée, une réelle capacité opérationnelle, a eu un impact d’autant plus fort sur son image qu’elle a permis à Bachar el Assad de rester au pouvoir et de récupérer le contrôle d’une grande partie du territoire syrien. Les résultats de l’invasion de l’Ukraine montre que l’image ainsi créée était exagérément positive.
En Ukraine, les forces russes sont engagées dans des combats d’une nature très différente de ceux en Syrie : elles mènent une guerre largement basée sur l’artillerie, qui nécessite d’importants effectifs au sol, et elles sont confrontées à une résistance ukrainienne extrêmement forte et très organisée qui, huit mois après le début du conflit, ne faiblit pas. Les forces russes n’étaient manifestement pas préparées à un conflit de ce type, elles l’étaient d’autant moins qu’elles sont très peu, voire pas du tout motivées alors que les Ukrainiens se battent sur leur territoire pour la survie de leur nation. Le conflit révèle par ailleurs de sérieux problèmes structurels. La réforme de 2008 a donné des résultats, mais la Russie partait de très bas : après l’effondrement de l’URSS, l’état de ses forces armées était très dégradé. Avant même la guerre en Ukraine, les experts que j’avais interrogés soulignaient déjà qu’elle avait encore un long chemin à parcourir avant de devenir la puissance militaire qu’elle ambitionnait d’être. En outre la portée de la réforme a probablement été affaiblie par la corruption, qui est, rappelle Isabelle Facon, auteur d’un livre sur l’armée russe, « systémique dans le système militaire et l’industrie d’armement » (budgets détournés, vols de matériels, évaluations faussées de l’état des unités, faux rapports sur les opérations menées, etc.). A cela s’ajoute un problème d’effectifs qui a très vite pris une ampleur préoccupante pour la Russie. Le Kremlin ne peut mobiliser puisqu’officiellement il ne mène qu’une « opération militaire spéciale ». N’ayant pas assez d’hommes à mettre au service de ce qui est bel et bien une guerre, il a mené une campagne de recrutement qui a été hétéroclite et incohérente, recrutant des hommes qui n’avaient pas de compétences professionnelles, puis en septembre 2022 il a tenté d’inverser la tendance en décidant une mobilisation « partielle » qui suscite au sein de la société des réactions d’autant plus négatives qu’elle est conduite dans un grand désordre.
P. V. : Que nous apprend la guerre russe en Ukraine sur la société ukrainienne présente ? A moyen terme, quels sont les défis de la société ukrainienne, notamment dans une perspective d’adhésion à l’UE voire à l’OTAN ?
A. de T. : La guerre a bouleversé le regard extérieur porté sur la société ukrainienne : la résistance héroïque du peuple ukrainien qui ne faiblit pas huit mois après le début de l’invasion ainsi que sa capacité à se mobiliser et à utiliser tous les moyens dont il dispose, ont forcé l’admiration. C’est une nation en armes déterminée à défendre son territoire et son indépendance que les forces armées russes ont trouvé en face d’elles. Cette remarquable résilience s’explique d’abord par les forces morales, la cohésion et l’ingéniosité de la société. Elle est aussi liée au fait que pour les Ukrainiens la guerre n’a pas commencé le 24 février 2022, mais en mars 2014 lorsque la Russie a annexé la Crimée puis est intervenue dans le Donbass : à partir de là, ils se sont préparés à une aggravation du conflit. Elle est, en outre, liée à la vitalité de la société civile : depuis les années 1990 et encore davantage depuis 2014, les Ukrainiens ont appris à se mobiliser pour pallier les carences d’un État qui était faible et pauvre. Les réseaux et le savoir-faire mis en place depuis 2014 expliquent la mobilisation immédiate de toute la population en 2022.
Les Russes se sont enfermés dans cette vision d’une relation asymétrique, ce qui a entre autres obéré leur capacité à comprendre les évolutions ukrainiennes.
Nous touchons là à une autre donnée qui met en lumière ce que tous ceux qui connaissent l’Ukraine savent depuis longtemps : en dépit de leur proximité historique et culturelle, Russes et Ukrainiens ont des identités et ils ont eu des trajectoires fondamentalement différentes. Les deux peuples n’ont jamais été des égaux. Pendant des siècles la Russie a été la puissance tutélaire, l’Ukraine, « la Petite Russie », le plus beau fleuron de l’empire russe. Les Russes se sont enfermés dans cette vision d’une relation asymétrique, ce qui a entre autres obéré leur capacité à comprendre les évolutions ukrainiennes. Depuis 1991 et surtout depuis 2000, date de l’arrivée au Kremlin de Vladimir Poutine, les deux pays ont fait par ailleurs des choix internes et internationaux complètement différents. Face à une Russie qui se dotait d’un régime politique toujours plus autoritaire et répressif, l’Ukraine adoptait progressivement un système politique qui est certes corrompu et désordonné, mais qui est depuis longtemps pluraliste et compétitif. L’alternance politique s’est imposée dès les années 1990 et la société civile s’est confortée au fil du temps, se manifestant notamment par des actions de protestation de grande ampleur (révolution orange en 2004, révolution de la Dignité en 2013-2014) qui ont entre autres comme caractéristiques d’être victorieuses. Comme le souligne Anna Colin Lebedev dans son nouveau livre, en Ukraine « la société demande en permanence des comptes à ses gouvernants » : « le sentiment de pouvoir renverser le pouvoir en place, dans les urnes ou dans la rue, » fait partie de la culture politique.
Être différent ne débouche pas nécessairement sur une confrontation : pendant longtemps les relations entre les États russe et ukrainien sont tumultueuses, mais le regard porté par les Ukrainiens sur leurs voisins russes reste positif et les liens familiaux, amicaux et professionnels, denses. L’annexion de la Crimée en 2014, puis l’invasion en 2022 bouleversent leurs relations. Pour les Ukrainiens, le choc est d’autant plus fort que la première est massivement et ouvertement soutenue par la population russe et que la seconde, en dépit de certaines actions anti-guerre, semble bien l’être aussi. La rupture avec la Russie est désormais totale.
Ces évolutions politiques et internationales ont conforté l’orientation pro-occidentale de l’Ukraine. Son ancrage à l’UE était déjà bien entamé avant le 24 février 2022 : rappelons qu’elle a signé en 2014 un accord d’association avec l’UE, qu’elle bénéficie depuis 2017 d’un régime sans visa pour de courts séjours dans les pays membres de l’Union, que ses ressortissants sont depuis des années très nombreux à travailler ou à faire des études dans l’UE, notamment en Pologne, etc. La guerre lui a donné une nouvelle impulsion : Européens et Américains ont en effet immédiatement et massivement apporté à l’Ukraine un soutien politique, militaire et économique. Le 24 juin 2022, Bruxelles a franchi un pas supplémentaire en lui accordant le statut de pays candidat à l’Union.
L’Ukraine est, on le voit, engagée, avec le soutien de ses partenaires occidentaux, dans une trajectoire politique qui semble claire et cohérente. Son avenir n’est pas pour autant écrit d’avance : les défis qu’elle doit relever sont immenses. Elle doit retrouver la paix, mais ignore encore les conditions dans lesquelles celle-ci reviendra, quelles seront ses frontières (celles de 1991, de 2014, d’octobre 2022 ou d’autres ? ), quel système de sécurité lui garantira une paix durable, quelles seront après le conflit les bases de sa relation avec l’agresseur russe, etc. L’Ukraine, qui faisait partie avant la guerre des États les plus pauvres d’Europe, doit aussi redresser son économie et reconstruire des infrastructures ravagées par les combats et les bombardements russes. Fin octobre 2022, le gouvernement ukrainien a évoqué une chute du PIB de 37 % en 2022 et une hausse de l’inflation de 30 %. Et la Banque mondiale a estimé le coût des dommages à 350 milliards $. Chantier gigantesque, la reconstruction doit accompagner un processus de réformes qui promet d’être difficile et complexe. Avant la guerre, l’Ukraine avait progressé sur la voie des réformes, mais ce processus était lent, fragilisé par de sérieux problèmes comme celui de la corruption. La « Communauté politique européenne », « nouvel espace de coopération politique, de sécurité, de coopération en matière énergétique, etc. », proposée par Bruxelles le 6 octobre 2022 pour structurer le continent européen en attendant l’adhésion, sera-t-elle un cadre suffisant pour l’aider à mener à bien les réformes qu’elle doit faire ?
P. V. : Quels sont les atouts dont dispose encore V. Poutine pour retourner la situation à son avantage ?
A. de T. : Vladimir Poutine a entre les mains un atout majeur : le pouvoir d’arrêter lorsqu’il le décidera cette guerre insensée. Il lui suffit de donner l’ordre à ses troupes de se retirer du territoire ukrainien pour que celle-ci cesse. Mais rien n’indique début novembre 2022 qu’il soit prêt (ou contraint) à agir en ce sens.
Sauf à prendre des décisions extrêmes - qui ne seraient pas dans son intérêt -, il apparaît par ailleurs, à court terme, peu probable que la Russie parvienne à retourner la situation militaire à son avantage. Il lui faudrait réorganiser ses forces militaires, envoyer sur le terrain, en nombre suffisant, des forces bien formées, bien équipées et motivées, leur redonner une cohésion, reconstituer ses stocks d’armes, etc. Comment parviendrait-elle en un court laps de temps à mener à bien ce qu’elle n’est pas parvenue à faire au cours des huit premiers mois de guerre ? L’aide de ses partenaires bélarusse, iranien et nord-coréen, si utile soit-elle, ne semble pas suffisante pour pouvoir inverser le cours des opérations.
Affaiblie sur le plan militaire, la Russie a déplacé le conflit sur des terrains non militaires, notamment sur ceux de l’économie, de l’information et des opinions publiques.
L’issue du conflit reste pourtant largement imprévisible : la Russie dispose en effet d’un pouvoir de nuisance qui peut encore lui permettre de peser sur le cours du conflit, un pouvoir qu’elle a déjà commencé à mobiliser. Affaiblie sur le plan militaire, elle a déplacé le conflit sur des terrains non militaires, notamment sur ceux de l’économie, de l’information et des opinions publiques. Dès le début de l’invasion, elle a pris des initiatives destinées à asphyxier l’économie ukrainienne : elle a bloqué les ports ukrainiens et organisé un blocus maritime du pays, elle a occupé ses riches terres agricoles et bombardé des infrastructures civiles. A l’automne 2022, impuissante à faire plier l’Ukraine par la voie militaire, elle privilégie cette stratégie. Depuis le 10 octobre 2022, elle s’attaque massivement, sur tout le territoire ukrainien, y compris à Kiev, aux infrastructures énergétiques : à la veille de l’hiver, priver les populations d’électricité, d’eau et de chauffage est vu comme un moyen de les mettre à genoux. Elle utilise par ailleurs le gaz et le pétrole pour peser sur les opinions publiques occidentales. Elle espère ce faisant diviser les États européens et nord-américains, obtenir la levée des sanctions qui pèsent sur son économie et l’arrêt de l’aide militaire à l’Ukraine. Les explosions en septembre 2022 sur les gazoducs Nord Stream I et II, dont elle est soupçonnée d’être responsable, pourraient être un avertissement : Moscou a les moyens de déstabiliser l’économie mondiale en s’attaquant à des infrastructures stratégiques. Dans le contexte de confrontation croissante avec l’Occident, la manipulation de l’information joue ici un rôle majeur : c’est depuis longtemps un outil privilégié de l’action extérieure de la Russie.
Manuscrit clos le 4 novembre 2022. Copyright 12 Novembre 2022-De Tinguy-Verluise/Diploweb.com
Plus
. Anne de Tinguy, « Le géant empêtré. La Russie et le monde de la fin de l’URSS à l’invasion de l’Ukraine », éd. Perrin, 2022
La Russie d’aujourd’hui peut-elle redevenir la grande puissance qu’elle a été au temps de l’URSS ? La fin de la guerre froide (1989) et l’effondrement de l’URSS (1991) annonçaient une métamorphose de la relation extérieure de la Russie. Trente ans plus tard, l’invasion de l’Ukraine referme la page de l’histoire qui s’était alors ouverte. Vladimir Poutine a engagé son pays dans un conflit néo-impérial d’un autre âge – une tragédie pour l’Ukraine, un séisme pour l’Europe, un point de bascule pour son pays. Cette guerre dévastatrice, qui illustre l’obsession de puissance du géant russe, aggrave le paradoxe dans lequel celui-ci s’est enfermé. Acteur international de premier plan doté de multiples atouts, il se contente d’être un colosse aux pieds d’argile qui privilégie son pouvoir de nuisance.
L’analyse de son rapport au monde confirme que la Russie se trouve à la croisée des chemins. Que sera-t-elle demain : un État dynamique qui donne la priorité au développement interne ? Ou une puissance en déclin empêtrée dans ses vulnérabilités économiques, démographiques et politiques, aveuglée par la conviction qu’elle est vouée à être un Grand, mais incapable de se donner les moyens de l’être ?
Le présent ouvrage, qui passe en revue l’ensemble de ces problématiques, apparaît comme un puissant instantané des forces et des faiblesses de la Russie gorbatchévienne, eltsinienne et poutinienne, nourri aux meilleures et plus récentes sources internationales. Un livre passionnant et sans équivalent sur un sujet brûlant.
Voir le livre d’Anne de Tinguy, « Le géant empêtré. La Russie et le monde de la fin de l’URSS à l’invasion de l’Ukraine », éd. Perrin, 2022
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