Amandine Médard, Eléna Roney et Jeanne Fourquier ont été étudiantes en hypokhâgne et khâgne à l’ENC Blomet (Paris) en 2019-2020 et 2020-2021.
En matière d’espérance de vie « tout n’est pas égal » dans l’UE élargie du début du XXI e s. Il existe des différenciations liées notamment à des parcours différents. Cette carte commentée l’explique en distinguant trois groupes et des cheminements historiques variés.
La carte disponible ici présente la situation en 2018, soit avant la pandémie de COVID-19 (2020-2021- ). Elle permettra de faire des comparaisons éclairantes lorsque seront connues les données consolidées de ses impacts différenciés sur les espérances de vie. En l’attente, elle démontre qu’en matière d’espérance de vie « tout n’est pas égal » dans l’UE élargie du début du XXI e s. Il existe des différenciations liées à des parcours différents.
La carte disponible en pied de page en grand format est construite à partir de données consolidées d’Eurostat. Elle permet d’observer l’espérance de vie (des deux sexes confondus) des États membres de l’Union européenne (UE) en 2018. L’espérance de vie à la naissance est définie par Eurostat comme le « Nombre moyen d’années qu’un nouveau-né peut espérer vivre s’il se trouve tout au long de sa vie dans les conditions de mortalité du moment (quotients de mortalité par âge). »
Avant la pandémie de COVID-19, l’espérance de vie moyenne dans l’UE s’élève en 2018 à 81 ans. Cependant, un écart de 8,5 ans persiste alors entre la Bulgarie, dont l’espérance de vie de 75 ans est la plus faible de l’UE, et l’Espagne culminant avec une espérance de vie de 83,5 ans.
Trois groupes peuvent être distingués, par ordre croissant :
Le groupe 1, entre 75 et 79,1 ans compris, compte neuf pays : Bulgarie (75,0), Lettonie (75,1), Roumanie (75,3), Lituanie (76,0), Hongrie (76,2), Slovaquie (77,4), Pologne (77,7), Croatie (78,2) et Estonie (78,5). Entrés dans l’UE en 2004, 2007 et 2013, ils présentent une espérance de vie nettement en-dessous de la moyenne.
Le groupe 2, entre 79,1 et 81,9 ans compris, compte onze pays : Tchéquie (79,1), Danemark (81), Allemagne (81), Royaume-Uni (81,3), Portugal (81,5), Slovénie (81,5), Belgique (81,7), Autriche (81,8), Finlande (81,8), Grèce (81,9) et Pays-Bas (81,9). Ils se concentrent autour de la moyenne européenne.
Le groupe 3, au-dessus de 81,9 ans exclu, comprend huit pays : Irlande (82,3), Luxembourg (82,3), Malte (82,5), Suède (82,6), France (82,9), Chypre (82,9), Italie (83,4) et Espagne (83,5). Ces pays présentent une espérance de vie supérieure à la moyenne européenne.
Les disparités entre pays de l’Ouest et pays de l’Est demeurent prégnantes, en dépit des élargissements successifs de 2004, 2007 et 2013 de l’Union européenne. Ainsi, pour l’ensemble des anciens pays communistes de l’Europe de l’Est membres de l’UE, la moyenne de l’espérance de vie est de 5,3 ans inférieure à celle des pays de l’Europe de l’Ouest en 2018. Cette différence peut s’expliquer par l’ancienne appartenance de la plupart de ces pays au bloc de l’Est, par une dégradation des conditions de vie et du système sanitaire à la suite du démantèlement du CAEM et de l’URSS, liée à une transition chaotique d’une économie planifiée à une économie de marché plus ou moins approximative. De plus, ces pays présentent souvent un taux d’alcoolisme plus élevé que dans le reste de l’Union européenne.
Ces disparités d’espérance de vie se retrouvent aussi au sein des pays de l’Europe de l’Est, les femmes ayant une espérance de vie plus élevée que les hommes, jusqu’à 9 ans en Lituanie par exemple. Néanmoins, l’espérance de vie des femmes d’Europe de l’Est reste inférieure à celle des femmes d’Europe de l’Ouest. L’écart entre l’espérance de vie de ces dernières et celle des hommes s’est considérablement réduit, même si elle demeure supérieure pour les femmes. Cette réduction s’explique par une diminution des comportements nocifs chez les hommes d’Europe de l’Ouest, et l’émancipation des femmes depuis les années 1950, qui adoptent ainsi des comportements addictifs et toxiques qui étaient auparavant majoritairement pratiqués par les hommes : tabagisme, alcool... Les évolutions des pratiques alimentaires mériteraient aussi d’être étudiées.
La carte présente une « photographie » de 2018. Comment comprendre cette photographie par les dynamiques antérieures ?
Cette carte est le résultat d’une augmentation générale lors des cinquante dernières années de l’espérance de vie au sein de l’ « espace Union européenne [1] ». Celle-ci a connu une hausse d’environ 10 ans, pour les hommes comme pour les femmes. Les Européens vivent aussi une grande partie de leur vie en bonne santé malgré des disparités entre les hommes et les femmes et entre les pays. En 2018, les femmes peuvent espérer vivre en bonne santé 64,2 ans, et les hommes 63,7 ans.
Cette augmentation masque néanmoins des divergences entre les différentes grandes régions européennes. Tandis que le Nord de l’Europe dispose d’une espérance de vie supérieure au reste du sous-continent dans les années 1960, son amélioration ralentit cependant par la suite. La “révolution cardiovasculaire” des années 1970, ainsi que de meilleurs comportements en termes d’hygiène de vie et d’alimentation, ont permis une nouvelle hausse de l’espérance de vie dans le Nord, l’Ouest et le Sud de l’Europe, si bien que dès les années 1980 il n’existe presque plus de différences entre ces zones. En revanche, les pays communistes prennent du retard dans les années 1970, et ne profitent pas d’une “révolution cardiovasculaire” dans les années 1980. Dans les années 1990, des pays d’Europe de l’Est, tels que la Roumanie, la Bulgarie, ou encore l’Estonie, ont vu leur espérance stagner voire décliner. Malgré une nouvelle hausse par la suite, l’écart entre l’Europe de l’Est et le reste du sous-continent demeure, bien que l’augmentation de l’espérance de vie dans le Nord devienne moins forte.
L’espérance de vie en Europe de l’Ouest n’est néanmoins pas entièrement homogène, et il existe des disparités en son sein. Le Royaume-Uni présente en 2018 (deux ans avant le Brexit effectif) une espérance de vie à peine supérieure à la moyenne de l’UE, et une différence de plus de deux ans par rapport à l’Espagne. Ce retard peut s’expliquer d’une part par les différentes politiques d’austérité prises par le Royaume-Uni qui puisent dans les aides sociales aux personnes âgées. D’autre part, du fait des fortes disparités régionales, certaines régions, notamment industrielles, tirent la moyenne de l’espérance de vie du pays vers le bas.
L’espérance de vie de l’Allemagne équivalente à la moyenne de l’espérance de vie de l’UE pose aussi question. La partition de l’Allemagne en 1949 (RFA – RDA) entame un mouvement de divergence et sa réunification en 1990 marque le début de la convergence de l’espérance de vie en Allemagne. Ces deux phénomènes tendent à expliquer ce « retard » relatif. De 1949 à 1990, l’écart se creuse entre Allemagne de l’Est et de l’Ouest et atteint son maximum à la réunification, soit une différence de 3,4 ans pour les hommes et de 2,8 ans pour les femmes. Les différentes politiques de santé menées à l’Est et à l’Ouest creusent l’écart entre leurs espérances de vie respectives. Après la réunification, l’espérance de vie converge et tend à s’harmoniser au sein du pays. L’étude des causes de décès de 1980 à 2010 permet de mettre en lumière une réduction plus lente des décès dus à des maladies cardiovasculaires plus présentes dans l’Allemagne de l’Est. De plus, le changement de régime, à la suite de la réunification, s’est accompagné d’une recrudescence des morts violentes et des maladies digestives.
Ainsi, jusqu’à la pandémie de COVID-19 (2020- ) les États membres de l’Union européenne connaissent tous une hausse de leur espérance de vie malgré une persistance des disparités entre les pays, les régions et les sexes. Cette augmentation induit un vieillissement de la population. Les deux bouleversements démographiques, que constituent le vieillissement de la population et la baisse de la fécondité, posent la question de la place des migrations au sein de l’Union européenne.
Cette photographie de la situation en 2018, soit avant que la pandémie de COVID-19 développe ses effets en 2020-2021. Outre son intérêt propre, elle permettra de faire des comparaisons éclairantes lorsque les données consolidées des impacts différenciés de la pandémie sur les espérances de vie seront connues.
Manuscrit clos en septembre 2020.
Copyright août 2021-Fourquier-Médard-Roney/Diploweb.com
Sources
Données Eurostat
https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/tps00205/default/table?lang=fr
Alexandre Avdeev, Tatiana Eremenko, Patrick Festy, Joëlle Gaymu, Nathalie Le Bouteillec, Sabine Springer, « Populations et tendances démographiques des pays européens (1980-2010) », Population 2011/1 (Vol. 66), pages 9 à 133, Cairn
https://www.cairn.info/revue-population-2011-1-page-9.htm%29
Rapport de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au comité des régions sur les conséquences de l’évolution démographique, Bruxelles 17/06/2020.
https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/commission-report-impact-demographic-change-17june2020_fr.pdf
Elzbieta Grzelak-Kostulska, Beata Holowiecka, Hanna Michniewicz-Ankiersztajn, « Europe : de grands écarts dans l’espérance de vie », Population & Avenir 2012/1 (n° 706), pages 14 à 17, Cairn https://www.cairn.info/revue-population-et-avenir-2012-1-page-14.htm
Markéta Pechholdová, Pavel Grigoriev, France Meslé, Jacques Vallin
« Espérance de vie, les deux Allemagnes ont-elles convergé depuis la réunification ? », Populations et société n°544, mai 2017, Ined https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/26534/544.population.societes.2017.mai.fr.pdf
Eric Albert, “Pour la première fois depuis un siècle, l’espérance de vie stagne au Royaume-Uni”, Le Monde, 26 septembre 2018
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/09/26/pour-la-premiere-* fois-depuis-un-siecle-l-esperance-de-vie-stagne-au-royaume-uni_5360441_3234.html
Titre du document : Carte. Espérance de vie à la naissance dans les pays de l’Union européenne en 2018 Cliquer sur la vignette pour agrandir la carte. Source des données et réalisation de la carte : Eurostat Document ajouté le 21 août 2021 Document JPEG ; 323895 ko Taille : 1356 x 1204 px Visualiser le document |
En matière d’espérance de vie « tout n’est pas égal » dans l’UE élargie du début du XXI e s. Il existe des différenciations liées notamment à des parcours différents. Cette carte commentée l’explique.
[1] L’expression « espace Union européenne » veut désigner sans déterminisme le périmètre de l’Union européenne à une date antérieure aux données présentées, autrement dit avant que certains pays ne soient devenus membres effectifs.
SAS Expertise géopolitique - Diploweb, au capital de 3000 euros. Mentions légales.
Directeur des publications, P. Verluise - 1 avenue Lamartine, 94300 Vincennes, France - Présenter le site© Diploweb (sauf mentions contraires) | ISSN 2111-4307 | Déclaration CNIL N°854004 | Droits de reproduction et de diffusion réservés
| Dernière mise à jour le mercredi 18 décembre 2024 |