Recherche par sujet

www.diploweb.com Histoire de la Pologne et de l'Union soviétique

« A marche forcée. A pied, du cercle polaire à l'Himalaya 1941-1942»,

par Slavomir Rawicz, aidé de Ronald Downing

 

Durant la Seconde Guerre mondiale, cet officier polonais est arrêté par les Soviétiques, jugé arbitrairement puis déporté en Sibérie. Emprisonné au Goulag, il en décrit remarquablement l'univers. Un livre à mettre entre toutes les mains.
Mots clés - key words : à marche forcée, à pied, du cercle polaire à l'himalaya, 1941, 1942, slavomir rawicz, ronald downing, éric chédaille, éditions phébus, the long walk, histoire, troisième, première, années staliniennes, seconde guerre mondiale, pacte germano-soviétique, attaque allemande de la pologne le 1er mai 1939, attaque soviétique de la pologne le 17 septembre 1939, union soviétique, nkvd, police secrète soviétique, tortures, violations des droits de l’homme, travaux forcés, officier polonais, katyn, déportation, irkoust, sibérie septentrionale, yakoutsk.  

Traduit de l'anglais par Eric Chédaille, éd. Phébus, mai 2002, 299 p.

Voici un ouvrage dont la lecture peut être conseillée aussi bien aux élèves de Troisième qu'aux élèves de Première. Il brosse, en effet, un tableau à la fois accessible et saisissant des années staliniennes. Il met également à jour des passifs qui peuvent aujourd’hui encore opposer des Polonais aux Russes.

Remarquablement traduit de l'anglais par Eric Chédaille, c'est la réédition d'un ouvrage publié en 1956 sous le titre "The Long Walk". Il s'agit du récit d'un officier polonais, né en 1915. Durant la Seconde Guerre mondiale, Slavomir Rawicz est arrêté par les Soviétiques, jugé arbitrairement puis déporté en Sibérie. Emprisonné au Goulag, il en décrit l'univers. Enfin, il raconte son évasion vers le sud, avec quelques compagnons d'infortune.

Les méthodes de la police secrète soviétique

Après la signature le 23 août 1939 du pacte germano-soviétique, l'Allemagne attaque la Pologne par l'Ouest le 1er septembre 1939. L'Union soviétique attend le 17 septembre 1939 pour envahir la Pologne par l'Est. L'auteur, officier polonais, est arrêté par les Soviétiques le 19 novembre 1939. Il se retrouve bientôt en Union soviétique, emprisonné à Kharkov puis à la tristement célèbre Lubyanka.

Le premier chapitre raconte ses interrogatoires par la police secrète soviétique, le NKVD. Tout est bon pour arracher la "signature" de pseudo-aveux : épuisement physique par la malnutrition, tortures morales et physiques. "Un jour, on me dégagea au rasoir, sur le sommet de la tête, un espace grand comme une demi-couronne. Je subis un interrogatoire de quarante-huit heures, les fesses à peine posées sur le rebord d'une chaise, tandis que les soldats se relayaient pour frapper à intervalles précis, une fois toutes les deux secondes, l'endroit dénudé de mon crâne. Pendant ce temps, le Taureau me mugissait ses questions, me lorgnait d'un air haineux, puis énonçant d'épaisses amabilités, cherchait à me persuader de signer son satané document." (p. 20). Brûlures à la cigarette et au goudron sur la main, entailles au couteau sur la poitrine… précèdent sa comparution devant le Tribunal suprême des soviets, en novembre 1940. 

Un homme affaibli face à la machine d’Etat

Le deuxième chapitre raconte la parodie de justice des années staliniennes. "Ce fut un procès insensé, orchestré par des fous. Il finit par prendre la forme d'une épreuve d'endurance opposant un homme affaibli, affamé, maltraité, à une machine d'Etat toute-puissante pour laquelle le temps ne comptait pas. J'étais à jeun et je ne reçus rien au cours de cette longue séance qui s'acheva à minuit. Je restai debout seize heures durant. Ni café ni cigarettes. Mischa parfois s'approchait, me donnait un coup de poing ou une gifle, surtout quand j'avais l'air de m'effondrer ou que je piquais du nez." (p. 33) Résultat : Slavomir Rawicz est condamné à vingt-cinq ans de travaux forcés. Son seul crime : être un officier polonais. On sait qu'au printemps 1940, plus de 15 000 officiers polonais ont été assassinés par les Soviétiques en Pologne à Katyn, Miednoyé et Dergatché. (Lire encadré ci-dessous : Katyn, rappel historique)

Le train des condamnés

Certes, Slavomir Rawicz n'est pas condamné à mort, mais ce qu'il endure ensuite en a tué plus d'un. Le troisième chapitre brosse sa déportation en train, durant plusieurs semaines. Après des mois d'isolement, il retrouvent d'autres détenus. Dans leur wagon plombé, ils commencent à échanger leurs expériences. A faible allure, le train des condamnés traverse l'Union soviétique sur près de   5 000 kilomètres, en évitant les villes, pour que les cris des affamés n'alarment pas la population. Une fois, ils croisent un autre train, chargé de femmes polonaises également condamnées. Souvent les déportés meurent, notamment à cause du froid. "Pour eux, point de sépulture : le sol était trop dur, impossible d'y creuser. On les transportait à quelque distance pour les ensevelir sous un peu de neige. Des noms biffés sur une liste. De notre wagon, on en sortit au moins huit, tout raidis par le froid." (p. 49)

Enchaînés

Le quatrième chapitre conte l'arrivée à au terme du voyage en train, à Irkoutsk, non loin de l'extrémité méridionale du lac Baïkal. En ce mois de décembre, le froid sibérien avoisine - 30 ° . Vêtus de hardes en toile ou coton, les prisonniers sont exposés à la bourrasque. Après plusieurs jours, ils reçoivent - enfin - des vêtements matelassés. Arrivent alors soixante camions.

A l'arrière de chaque camion, les Soviétiques déroulent une lourde chaîne. Le cinquième chapitre explique sa fonction. "Ordre nous fut donné de l'empoigner. Je me trouvais à peu près au milieu de la rangée, sur le côté droit. Je me souviens de m'être dit que j'avais de la chance de ne pas devoir utiliser ma main droite, encore à vif et douloureuse. La chaîne était toute neuve, encore enduite d'un revêtement anti-rouille, noir et poisseux, et si froide qu'on en éprouvait une sensation de brûlure. On nous y menotta le poignet. Trois gardes se répartirent de chaque côté, le chef de section grimpa dans la cabine avec le chauffeur et le reste de la troupe s'entassa en hâte sur le plateau. Nous étions prêts à partir. Aucun de nous ne pipait. Tel un immense reptile, le long cortège s'ébranla. Le camion de tête réglait le train, nous imposant l'allure - non négligeable - d'environ six kilomètres par heure."(p.63)

1 500 kilomètres de marche dans la neige, le froid et le vent

Dans la neige, le froid, le vent … les condamnés marchent ainsi plus de dix heures par jour, vers le Nord. Apprenant la date - le 24 décembre - les détenus se mettent à chanter. "Un chœur en marche de près de cinq mille hommes qui oubliaient leur désespoir en célébrant la naissance de l'enfant Jésus." (p. 70) En février 1941, après plus de 1500 kilomètres de marche,  les survivants arrivent au camp de travail n° 303. Celui-ci se trouve en Sibérie septentrionale, sur la rive nord de la Lena, 500 kilomètres au sud du cercle polaire, environ 400 kilomètres au sud-ouest de la ville de Yakoutsk.

Un livre pour tous

Jusque là, le grand mérite de l'ouvrage de Slavomir Rawicz est de faire partager ce qui fut l'expérience inhumaine de plusieurs dizaines de milliers de condamnés du système soviétique. La fin de l'ouvrage raconte l'issue heureuse d'une aventure rare : son évasion du goulag, avec quelques solides compagnons. Il serait dommage de ne pas laisser à chacun la découverte de ces pages surprenantes. A n'en pas douter, les collégiens, les lycéens et les adultes apprécieront.

Pierre Verluise

Copyright 20 octobre 2003-Verluise/www.diploweb.com

L'adresse url de cette page est http://www.diploweb.com/russie/rawicz.htm

  Date de la mise en ligne: novembre 2003
     

Katyn, rappel historique

   
   

Il s'agit du meurtre de sang froid, au printemps 1940, de plus de 15 000 officiers polonais dont les corps ont été trouvés enterrés dans le bois de Katyn et dans les charniers de Miednoyé et de Dergatché.

Longtemps nié par le Kremlin, ce crime a été - enfin - reconnu par Moscou en 1990. Au vu du travail des quatre commissions - internationale, polonaise, allemande et plus tard américaine - Alexandra Viatteau reconstitue ainsi le drame : "les victimes avaient les mains liées dans le dos avec de la cordelette (ou du fil de fer) et avaient reçu une balle (quelque fois deux et même une fois trois), ce qui prouve qu'elles avaient résisté ou que les bourreaux s'attendaient à ce qu'elles résistent. La manière de placer régulièrement les cadavres en rangs (quelques dizaines ) et en couches superposées, dont la première avait la face contre terre, les mains généralement dans le dos, la seconde le visage dans les pieds de la première, etc. , permet de supposer que les victimes étaient déposées vivantes dans la fosse, jetées contre terre ou contre la dépouille des morts, puis abattues dans cette position couchée.

Cracovie. Croix à la mémoire des victimes de Katyn. Crédits : Pierre Verluise

D'autres étaient fusillées au bord des fosses, poussées de façon désordonnée. A la lumière des découvertes d'aujourd'hui, on peut supposer que les premiers cadavres étaient plus méthodiquement jetés et "rangés" dans la fosse que les suivants, quand il y en avait déjà beaucoup et que l'effort devenait pénible pour les fossoyeurs".

(Extrait de A. Viatteau, "Staline assassine la Pologne", éd. Seuil, 1999, p. 75. Lire une présentation complète de cet ouvrage : http://www.diploweb.com/p4viat01.htm )

 
   
    Découvrez le Forum diplomatique    

 

  Recherche par sujet   Ecrire :P. Verluise ISIT 12 rue Cassette 75006 Paris France
       

Copyright 20 octobre 2003-Verluise /www.diploweb.com

La reproduction des documents mis en ligne sur le site www.diploweb.com est suspendue à deux conditions:

- un accord préalable écrit de l'auteur;

- la citation impérative de la date de la mise en ligne initiale, du nom de famille de l'auteur et du site www.diploweb.com .

Pour tous renseignements, écrire : P. Verluise ISIT 12 rue Cassette 75006 Paris France