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www.diploweb.com Géopolitique de l'élargissement de l'Union européenne

Vers une intégration de Chypre ? par Eric Güntz,

doctorant en relations internationales et diplomatie

 

L'adhésion de Chypre semble bien engagée, mais on ne balaie pas 27 ans d’occupation d’un simple revers de la manche. C'est pourquoi l'auteur rappelle les conditions de la division de l'île et les difficultés qui restent à surmonter.

Biographie de l'auteur en bas de page

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  Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 dirigés contre les Etats-Unis ont détourné quelque peu l’attention des européens de leur continent. Pourtant, le dernier trimestre 2001 y voit un changement de taille : l’élargissement de l’Union européenne semble enfin prendre forme.

Un processus "irréversible"

C’est en tout cas la conclusion à laquelle les dirigeants européens réunis en Belgique à Laeken les 14 et 15 décembre 2001 sont apparemment parvenus. Ainsi le processus d’élargissement a-t-il été qualifié " d’irréversible ". En effet, les responsables politiques européens ont affirmé leur détermination à ce que " les négociations d’adhésion entreprises avec les pays candidats aboutissent d’ici la fin de l’année 2002 ". Message encore renforcé par la citation des pays concernés : " Le Conseil européen approuve le rapport de la Commission selon laquelle (…) Chypre, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la Slovaquie, la République Tchèque et la Slovénie pourraient être prêts ". Voilà qui semble donner raison au commissaire européen Günter Verheugen, chargé du dossier de l’élargissement, qui prédisait déjà en 2001 que " certains pays candidats pourraient participer aux élections (du Parlement européen) en 2004 ". (Voir une carte de l'élargissement de l'Europe - 362 ko)

Chypre

Concernant Chypre, le Conseil européen de Laeken a salué et encouragé les récents sommets des leaders des communautés chypriotes grecques et turques. Cela ajouté au fait que Chypre a déjà satisfait aux exigences de 23 des 30 chapitres du dossier d’adhésion, on n'est pas loin de penser que la partie est gagnée d’avance pour ‘l’île d’Aphrodite’. Une issue d’ailleurs apparemment assez logique à l’engagement de l’Union européenne en novembre 2000 d'approfondir ses relations avec les pays méditerranéens. En décembre 1999, le Conseil européen énonçait d'ailleurs qu’ "un accord politique (entre les dirigeants chypriotes ainsi qu’entre la Grèce et la Turquie) facilitera l’adhésion de Chypre à l’Union européenne. Si aucun accord n’est conclu d’ici la fin des négociations d’adhésion, la décision du Conseil concernant l’adhésion (de Chypre à l’Union européenne) ne sera pas influencée par cet échec " … Pour autant, l’acceptation de la candidature de Chypre – comme celle de la Turquie – ne signifie-t-elle pas l’abandon du projet initial, à savoir l’intégration européenne, puisque l’île est située en Asie ?

Un peu d'histoire

Par ailleurs, on ne balaie pas 27 ans d’occupation d’un simple revers de la manche …

Quand Chypre accède à l’indépendance en 1960, les communautés turques et grecques forment une mosaïque. Quatorze ans plus tard - le 20 juillet 1974 - , répondant à un coup d’Etat fomenté à Nicosie (la capitale chypriote) par la junte militaire alors au pouvoir à Athènes, les troupes turques débarquent sur l'île. Elles annexent les 37% du territoire où sont concentrées 70% des ressources naturelles de Chypre. Ainsi prennent fin 4000 ans d’histoire commune.

L’Europe de l’Ouest dénonce alors l’invasion, les Etats-Unis décident un embargo sur les livraisons d’armes à destination de la Turquie entre 1975 et 1978 et l’ONU tente de rapprocher les points de vue des différents protagonistes. Peine perdue… Dès lors, la situation est bloquée et un mur – qui n’est pas sans rappeler celui de Berlin jusqu’à sa chute en novembre 1989 – divise Nicosie.

La situation début 2002

En 2002, deux Etats cohabitent : le gouvernement de la République de Chypre, présidé par Glafcos Cléridès - officiellement reconnu par la communauté internationale - et celui de la " République turque du nord de Chypre ", présidé par Rauf Dentkas, seulement reconnu par Ankara, la capitale turque. Après bientôt 28 ans d’occupation turque au nord de l’île et le transfert forcé des populations, une ligne de démarcation sépare les deux communautés turque au nord et grecque au sud.

Chypre. Crédits: Commission européenne

En ce début de 21ème siècle, Chypre a plusieurs problèmes à gérer simultanément. Au contexte particulièrement tendu d’instrumentalisation de l’île dans le conflit héléno-turc viennent s’ajouter des difficultés liées à l’environnement et à la nécessité de préserver l’écosystème soumis à des agressions de plus en plus brutales. Sans oublier bien sûr que Chypre - comme la Suisse, le Liechtenstein, Monaco et le Luxembourg en Europe - est une zone de recyclage de l’argent des trafics.

Perspectives

On ne peut donc que se réjouir du fait que les deux dirigeants chypriotes se soient finalement rencontrés mardi 4 décembre 2001 sur la Ligne verte, la ligne de démarcation entre la partie grecque et la partie turque de l’île. C’était la première fois depuis 1997 que les deux leaders se parlaient de vive voix. Ils se sont accordés sur une échéance : régler l’affaire avant juin 2002. Autre signe positif : à l’occasion des traditionnels vœux qu’il a adressés lundi 7 janvier 2002 à ses proches collaborateurs, Georges Papandreou, le ministre grec des Affaires Etrangères, a exprimé sa ferme conviction que " la question chypriote (…) doit être traitée sereinement et envisagée avec optimisme ". C’est d’ailleurs lui qui avait qualifié la précédente rencontre du 4 décembre 2001 d’ " occasion historique " de mettre fin à une vieille dispute. Le leader chypriote (turc) Rauf Denktash et le président chypriote (grec) Glafcos Cléridès se sont à nouveau rencontrés le 11 janvier 2002 et des pourparlers ont débuté le 16 janvier 2002 dans la zone tampon contrôlée par l’ONU.

Incertitudes

Cependant, les chances d’une éventuelle ‘normalisation’ de la situation restent incertaines : des manifestations dans la partie turque de l’île laissent penser que la population chypriote turque, dont le revenu par habitant atteint à peine le tiers de celui de ses voisins grecs au sud, est de plus en plus désenchantée par le statut quo. Dans une déclaration commune à la presse le 15 janvier 2002, des organisations rassemblant des jeunes des deux communautés ont par ailleurs souligné " le besoin urgent de parvenir à une solution juste, démocratique et efficace au problème de Chypre ". Cette même déclaration note que le statut quo en vigueur sur l’île est " dangereux et inacceptable pour l’avenir des jeunes chypriotes et que la partition de l’île viole les droits humains fondamentaux des habitants des deux communautés ". Les étudiants de la partie nord de l’île ne considèrent pas les Grecs comme des ennemis et ne veulent plus être sous la coupe d’Ankara.

Une réalité dure à entendre pour beaucoup de Turcs, alors qu'un sondage publié dans le " Turkish Daily News " fait apparaître qu’ils sont 62% à préférer garder Chypre plutôt que de voir la Turquie adhérer à l’Union européenne. Un avis que partage le président turc Ahmet Necdet Sezer qui, s’il propose un divorce à l’amiable (" à la tchécoslovaque "), n’en multiplie pas moins les mises en garde contre une adhésion à l’Union européenne de la République de Chypre.

Quelle que soit la solution adoptée pour l’île, couper le cordon ombilical avec la Turquie sera très douloureux…

Eric Güntz Joindre l'auteur ericguntz@aol

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  Date de la mise en ligne : mars 2002
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Bibliographie conseillée par Eric Güntz

   
    Ouvrages :

. Louis Le Pensec, "La candidature de Chypre à l’Union européenne", ’éd. Sénat, rapport n° 342, 2001.

. Jean-François Drevet, "Chypre en Europe", éd. L’Harmattan, coll. Histoire et perspectives méditerranénnes, 2000.

. Alain Blondy, "Chypre", éd. PUF, coll. Que sais-je ?, 1998.

Support audiovisuel :

. "Chypre : un avenir européen ?" , émission "Le Dessous des Cartes", magazine produit par Arte et diffusé sur Arte et La Cinquième. Etudes de géopolitiques proposées par jean-Christophe Victor, éd. Arte Video. www.arte-tv.com (boutique)

   
     

Biographie d'Eric Güntz, doctorant en relations internationales et diplomatie

   
    Né à Paris en 1965, Eric Guntz a d’abord étudié l’anglais et la linguistique à l’Université Paris III – La Sorbonne Nouvelle avant de poursuivre sa formation en Grande-Bretagne où il passe le Cambridge Examination in English for Language Teachers (CEELT).

Professeur d’anglais en classes secondaires et Préparatoires (HEC et Sciences-Po) pendant 10 ans, il décide ensuite d’entreprendre des études de relations internationales et obtient un diplôme de 3ème cycle du Centre d’Etudes Diplomatiques et Stratégiques (Paris).

Doctorant en relations internationales et diplomatie au CEDS, il participe maintenant aux activités de recherche de l’Institut CEDIMES (Paris II) et enseigne à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne et Paris XII Val-de-Marne.

Il intervient aussi régulièrement dans plusieurs Ecoles Supérieures de Commerce en France et coordonne les enseignements du programme euro-MBA de l’International Business School of Paris. Ses domaines de spécialité (en anglais) sont les suivants:

  • Geopolitics and International Relations
  • The History, Institutions and Enlargement of the European Union
  • Globalization and Regional Economic Integration

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