www.diploweb.com Histoire des Etats-Unis "Nixon, le président maudit", par Catherine Durandin, historienne
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Avec cette biographie de R. Nixon, l'auteur démontre qu'un homme - même politique - demeure un être irréductible à un quelconque schéma, absolument
unique et original. C. Durandin nous propose ici une belle leçon d’Amérique, d’histoire et d’humanité. |
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autodestruction, scandale du watergate, démission de r. nixon en 1974 |
Paris, éd. Grancher, 2001
Voici une biographie américaine
qui n’est pas une biographie « à l’américaine ». Au rebours de la mode
d’outre-Atlantique, de plus en plus suivie en France, Catherine Durandin n’a
pas cherché à bâtir une ziggourat ou un skyscraper
biographique, en quarante étages, huit cent pages et dix milles notes. Elle ne
prétend ni révéler des monceaux d’archives inexplorées, ni raconter
« Richard Nixon et son temps », ni disséquer la politique des
États-Unis sous Nixon.
Ce Nixon
répond à un projet à la fois plus classique et plus original : c’est d’un
homme qu’il s’agit d’abord et surtout ici. Projet classique, car Catherine
Durandin s’inscrit dans la lignée de la biographie traditionnelle,
chronologique et psychologique, en partant de l’abondante bibliographie
américaine, des souvenirs des principaux témoins et d’abord de ceux du héros.
Projet original, parce que l’auteur choisit de regarder d’un œil sympathique un
personnage évidemment antipathique et avoué pour tel.
La résistible ascension de Richard
Nixon
Il est vrai que Richard Nixon n’a rien
pour plaire. Son portrait, sur la couverture de l’ouvrage, nous le montre tel
qu’il est resté dans les mémoires : crispé, contraint, grimaçant, mal à
l’aise. Né en 1913, mort en 1994, Nixon demeure un homme des années trente au
milieu des Sixties et des Seventies, indifférent ou hostile à
l’évolution des mœurs et des idées. Le parallèle avec son rival heureux, John
F. Kennedy, dont le souvenir a obsédé son successeur, est édifiant : quand
le premier incarne l’aisance, la séduction, la jeunesse, le renouveau, le
second, lui, ne réussit qu’à force d’acharnement. Il se veut le représentant de la « majorité
silencieuse », prône un anti-communisme virulent et les valeurs les plus
traditionnelles.
Catherine Durandin
retrace
l’ascension
besogneuse
d’un
fils
de
quaker,
entré
en
politique
après
la
guerre
et
qui
sort
de
l’anonymat
en
se
joignant
à
la
croisade
maccarthyste.
Il
semble
que
c’est
la
médiocrité
même
du
personnage,
son
manque
d’attrait,
qui
poussent
Eisenhower
à
le
choisir
comme
vice-président
sur
le
ticket
de
1956.
On
s’étonnerait
presque
en
lisant
que
l’élection
de
1960,
où
Kennedy
l’emporte
sur
Nixon,
a
été
la
présidentielle
la
plus
disputée
depuis
1888.
A la Maison Blanche
Et pourtant Nixon le Loser remonte toujours la pente. Dès
1965, il est à nouveau dans la course, et songe déjà à la présidentielle de
1968. Élu en 1968, réélu en 1972, Nixon triomphe aisément de ses compétiteurs.
Il se veut un président de grand style, qui éclipsera Kennedy. Le paradoxe est
qu’élu de
l’Amérique profonde, il s’intéresse en fait bien davantage à la
politique étrangère qu’aux réformes intérieures. La sortie du bourbier
vietnamien est le grand chantier de sa présidence. La détente avec
l’URSS,
le
rapprochement avec la Chine
sont ses deux grandes réussites. Étonnamment,
l’anticommuniste s’est fait spécialiste passionné de
relations internationales
et du monde soviétique.
Coups tordus
Mais Nixon est une forteresse
assiégée. Il se voit des ennemis partout, les communistes, infiltrés de toutes
parts, l’Establishment, auquel il n’appartient pas et qui, croit-il, le
rejette, les jeunes et les intellectuels, pacifistes et décadents, traîtres de
l’intérieur, la presse, acquise aux démocrates, le Congrès, que sait-on encore.
Sa paranoïa nourrit les
coups tordus, les mensonges et bientôt
l’autodestruction : ce sera le scandale du Watergate et la démission, en
1974.
Catherine Durandin suit son héros avec
une apparente froideur, sans rien dissimuler de ses petitesses, mais sans
jamais l’accabler. Ainsi, sans aucune lourdeur démonstrative, nous fait-elle
découvrir comme de l’intérieur cette alliance de sincérité et de calcul,
d’anticommunisme viscéral et de pragmatisme politique, de sentimentalisme et de
cynisme, de piété et d’athéisme qui fait le caractère de Nixon. On pressent que
l’anti-héros, loin d’être un atypique, est puissamment représentatif d’une
mentalité américaine de prime abord étrangère aux
conceptions européennes.
Nixon ou l’incapacité au bonheur
L’originalité de Nixon n’est pas dans
ce mélange que nous taxerions peut-être trop facilement d’hypocrisie, mais dans
l’inquiétude fondamentale qui le ronge, dans son incapacité au bonheur. Nixon
le besogneux n’est lui-même que dans l’effort et dans l’attente ; il
ignore le repos et la sérénité. Cet acharnement même est mis en scène par le
personnage : Nixon incarne la part accessible du rêve américain, la
revanche sociale, une ascension lente, due au travail et au mérite. Tandis que
Kennedy en est la part inaccessible, fantasmée.
Loin d’être un provincial, un
« Américain oublié », ce « self-made-man » est aussi un
homme de culture. Lecteur de
Tolstoï
et auditeur de Rachmaninoff, il s’efforce
de réfléchir sur le pouvoir et sur la philosophie de l’histoire. « Tricky
Dick », Richard le retors, est l’homme du retour sur soi, de
l’auto-analyse, qui écrit Six Crises après
sa défaite de 1960 et ses Memoirs
après le Watergate.
Une belle leçon d’Amérique, d’histoire
et d’humanité
Avec ce Nixon empathique, Catherine Durandin démontre que, si un personnage
historique est toujours révélateur de la société qui l’engendre, en même temps,
comme homme, il demeure un être irréductible à un quelconque schéma, absolument
unique et original : belle leçon d’Amérique, d’histoire et d’humanité.
Thierry Sarmant,
Conservateur
en
chef
du
patrimoine Copyright août 2003-Sarmant/www.diploweb.com L'adresse url de cette page est : http://www.diploweb.com/nixon.htm |
Date de la mise en ligne: septembre 2003 | ||
Autres ouvrages de Catherine Durandin : essais historiques et fiction | ||||
Essais historiques . "Ceausescu, vérités et mensonges dun roi communiste", éd. Albin Michel, 1990. . "Histoire de la nation roumaine", éd. Complexe, 1994. . "Histoire des Roumains", éd. Fayard, 1995 (traduction en roumain et hongrois). . "Roumanie, le Piège ?", éd. J.Hesse, 2000. . "Bucarest, Promenades et Mémoires", éd. J.Hesse 2000 . "La France contre lAmérique", éd. PUF 1993. . "Nixon, le Président maudit", éd. Grancher 2001. . "La CIA en guerre", éd. Grancher 2002 Fiction . "Une mort roumaine", éd. Guy Epaud 1988, traduction roumaine . "La Trahison", éd. LAube 1996, traduction roumaine. . "Le Bel Eté des Camarades", éd. Michalon 1999. |
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